Interview de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, à LCI le 14 février 2003, sur l'application de l'article 49-3 pour l'adoption de la réforme des modes de scrutin régional et européen.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser.- On est à la veille du débat sur la motion de censure consécutive à l'application de l'article 49-3. Est-ce que, aujourd'hui, vous êtes en mesure d'apporter des modifications au projet de loi ? Comment va se passer ce débat ? Voit-on vraiment "le Gouvernement à la hache", comme le disait J. Lang, hier ?
- "Pour ce qui concerne les modifications, le Premier ministre a étudié un certain nombre des propositions qui ont été formulées pour améliorer ce texte. Et sur ce point, il y aura..."
On n'a pas toujours tout compris...
- "On n'a pas toujours tout compris ? Il ne faut pas dire ça. Ce texte, en réalité, est en parfaite cohérence avec tout ce que nous avons engagé jusqu'à présent. Il s'agissait de rapprocher les citoyens de l'élu, ce qui est une demande très forte et récurrente. Nous le faisons au niveau européen, au niveau des élections européennes. Et pour ce qui concerne les régions, on a tiré tous les enseignements de régions qui, pendant cinq années, ont été ingouvernables faute de majorité claire. Il nous semble que dans ce pays, ce qu'on attend ce sont des majorités claires et contrairement...."
La modification apportée en 1999 suffisait.
- "Elle ne suffisait en rien, puisque les seuils de possibilité de se maintenir au second tour étaient un extraordinaire risque pour un certain nombre de listes de petite taille en score de bloquer les majorité, comme en 1998. On a donc fait une modification mineure en relevant légèrement le seuil : 10 % des exprimés, on est passé à 10 % des inscrits."
C'est l'origine du tollé !
- "Ce qui à l'origine du tollé, me semble-t-il, c'est plus que ça. Il y a eu dans cette affaire, on le voit bien avec un peu de recul, un enjeu majeur pour le Gouvernement : c'était de rappeler que nous sommes dans une République dans laquelle il faut qu'un gouvernement responsable travaille avec un Parlement respectable. Et que de ce point de vue, la démarche engagée -
12 000 amendements, une tentative de démarche d'obstruction, qui a fait beaucoup de mal - paralysait complètement l'activité."
On l'a compris. Mais est-ce que c'est en étouffant le débat, comme disent certains, que le Parlement devient respectable ?
- "Nous n'avions aucun autre choix que celui-là, hélas. Car je peux vous dire que ce n'est vraiment pas de gaieté de coeur. Simplement, il y a des règles dans le fonctionnement de nos institutions, il y avait la programmation de 170 jours de débat pour examiner ces 12 000 amendements..."
On aurait pu en faire deux ou trois quand même !
- "Non, ce n'est pas le sujet, on ne joue pas sur les mots ; le problème n'est pas de faire deux ou trois amendements ! Quand on a des amendements..."
Deux ou trois jours de débats, voulais-je dire.
- "Le problème ne se pose pas en ces termes. Ou bien on a un débat jusqu'au bout des choses ou bien on ne l'a pas. A partir du moment où le PS déposait 12 000 amendements, il savait sciemment qu'il empêchait toute possibilité de débat. Et c'est en cela qu'il y a un peu d'hypocrisie dans le comportement de certains. Et c'est pour ça que, pour ce qui nous concerne, nous avons assumé nos responsabilités parce que les affaires que nous avons à assumer en ce moment sont trop graves pour se payer le luxe, si j'ose m'exprimer ainsi, de situation comme celle que nous venons de vivre. Ce texte relève du bon sens, il s'agit d'améliorer le fonctionnement de la collectivité régionale, là où nous décentralisons et donnons plus de pouvoir aux régions. C'est ça qui est important. Et je crois qu'il faut insister sur le fait que ce qui compte aujourd'hui, c'est que dans des institutions républicaines responsables, chacun soit à sa juste place et qu'il n'y ait pas ce parfum de IVème République, qui n'a plus rien à voir avec ce que les Français attendent de leurs gouvernants."
Et quand certains, dont J.-M. Le Pen, vous font valoir que ce texte est peut-être inconstitutionnel ?
- "C'est un autre sujet. Nous ne pensons pas qu'il est inconstitutionnel. Nous avons travaillé..."
Vous n'avez pas examiné la question ?
- "...Nous avons travaillé activement avec, bien entendu, qu'il s'agisse du ministre de l'Intérieur, du Premier ministre, avec l'ensemble de nos collaborateurs. Nous avons travaillé sur ce texte et nous avons, bien entendu, travaillé dans l'esprit de faire un texte qui soit conforme à l'esprit et à la lettre de la Constitution, naturellement."
Etes-vous en mesure de dire s'il y aura des modifications qui seront apportées par le Gouvernement pour calmer un peu les esprits ou pas ?
- "Mais l'objectif n'est pas de calmer les esprits, il est de faire en sorte que nous ayons un texte qui soit..."
Il y a bien un petit désaccord quand même, au sein même de votre équipe sur le fameux seuil des 10 %, inscrits ou exprimés ?
- "Ce point a été décidé, et en l'occurrence il a été décidé dans le sens de dire qu'il faut des majorités qui soient claires et stables. [Il y a] la possibilité, grâce aux 5 %, atteindre le seuil de 5 % pour pouvoir fusionner, donc cela veut dire une très grande ouverture, y compris pour les petites listes, et puis ensuite, au deuxième tour, on se retrouve de manière claire, sur des majorités claires. Et de plus, on respecte la parité et on la renforce même. Donc, ce texte est beaucoup plus équilibré que certains n'ont voulu le dire. Je crois que ce qui compte aujourd'hui, c'est de revenir maintenant à d'autres sujets tout à fait essentiels, je pense en particulier à la situation internationale sur laquelle les Français attendent que leurs gouvernants prennent, bien entendu, des décisions qui s'imposent."
Peut-on envisager aujourd'hui un veto français ?
- "Je crois que les choses ne se passent pas tout à fait en ces termes au jour où nous parlons."
Pas aujourd'hui mais la semaine prochaine peut-être ?
- "Comme vous le savez, la France a toujours rappelé qu'elle entendait conserver la totalité de sa liberté de décision dans cette affaire extrêmement complexe. Mais parce que cette affaire est complexe, la position qui a été la nôtre, était une position absolument constante. Premièrement, l'objectif est le même pour l'ensemble des nations. Cet objectif, c'est le désarmement de l'Irak. Il faut toujours revenir à ces principes pour bien comprendre les choses. Oui, nous sommes tous dans cette logique d'obtenir le désarmement de l'Irak. Deuxièmement, la méthode. La méthode, c'est une feuille de route qui a été décidée par la résolution de l'ONU, c'est par la voie des inspections. Et enfin, le troisième point : c'est l'ensemble des nations qui doit décider ensemble, c'est le respect du droit qui est essentiel dans cette affaire."
Les nations peuvent se diviser.
- "Nous verrons bien."
La semaine prochaine, le Premier ministre reçoit les présidents des groupes parlementaires à l'Assemblée. Les choses devraient se passer un peu plus calmement qu'à l'Assemblée... Ce genre de réunion est appelé à se répéter ?
- "Vous le savez, le Gouvernement s'est engagé à ce qu'un débat soit organisé à l'Assemblée nationale et au Sénat..."
Il aura lieu quand ?
- "Il aura lieu dans les tout prochains jours. La semaine prochaine est une semaine d'interruption des travaux. C'est la raison pour laquelle, le Premier ministre a souhaité recevoir d'ores et déjà les présidents de l'ensemble des groupes, et puis des deux commissions, de telle manière qu'il puisse évoquer avec eux la situation de l'Irak. Le débat, bien sûr, avec l'ensemble des parlementaires, Assemblée nationale et Sénat aura lieu, si je puis dire, dans les prochains jours."
Dès la reprise des travaux ?
- "Très rapidement. La date n'est pas encore arrêtée mais très rapidement en tout cas."
Il va y avoir un congrès pour concrétiser la décentralisation. Le président de la République a dit qu'il aurait lieu en mars.
- "Tout à fait."
Attendez-vous la fin de la guerre, la fin des débats sur les modes de scrutin ?
- "Il n'y a pas de lien entre tout cela. Le congrès, vous le savez, vise à réviser la Constitution sur deux sujets : premièrement, le mandat d'arrêt européen, et puis deuxièmement, cette très grande et ambitieuse réforme de la décentralisation. C'est donc bien au mois de mars que les choses vont se faire. La date n'est pas tout à fait arrêtée, mais elle va l'être très rapidement pour des questions tout à fait techniques, puisque vous savez que cela se tient au château de Versailles, et qu'il y a besoin d'organiser les choses dans les meilleures conditions. En tout cas, oui, effectivement, les choses se dérouleront comme prévu, dans le courant du mois de mars."
La journée de demain, ce sera une journée de réconciliation ?
- "Ce sera, je l'espère, surtout une journée de débats, de débats apaisés, de débats sérieux, où chacun aura, bien sûr, l'occasion parmi les groupes parlementaires, d'exprimer sa position. Et puis, pour le Premier ministre de répondre et de rappeler à chacun qu'une démocratie respectueuse est une démocratie apaisée, où l'on se parle, où l'on débat, où on se respecte et où aussi, s'il peut y avoir, ici ou là, des polémiques, il ne peut pas y avoir de désordre."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 février 2003)