Déclaration de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur la coopération décentralisée entre la France et le Mali et sur les moyens de rendre cette coopération plus fonctionnelle, Angers le 8 juin 1998.

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Circonstance : Rencontres "Coopération décentralisée France-Mali" à Angers le 8 juin 1998

Texte intégral

Monsieur le Maire, Cher Jean Monnier,
Monsieur le Ministre de l'Environnement du Mali,
Madame l'Ambassadeur du Mali,
Monsieur le Préfet Andrieu, Délégué à l'Action extérieure des collectivités territoriales françaises,
Madame et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les représentants de "Cités unies France", de l'Association des Présidents de Conseils généraux, de l'Association des Présidents des Conseils régionaux,
Mesdames, Messieurs les Elus,
Mesdames Messieurs,
Il y a un an, jour pour jour, je participais à l'investiture du président Konaré à Bamako. Ce fut l'occasion de rencontrer, quelques 48 heures après ma prise de fonction, d'autres chefs d'Etat africains, les présidents Diouf, Compaoré et Taya. C'est une heureuse coïncidence de l'histoire que nous nous réunissions aujourd'hui exactement un an après pour parler ensemble de Coopération décentralisée au Mali.
Cette journée du 8 juin est inscrite depuis très longtemps sur mon agenda, entre ma participation, dès demain à Ouagadougou au Sommet de l'OUA et la visite officielle que je viens d'effectuer au Mali, et dont j'aurai à vous entretenir dans quelques instants, j'ai tenu à ce que cette date soit protégée sur mon calendrier afin de passer le maximum de temps avec vous.
Il y avait plusieurs raisons à cela : d'abord le plaisir de me retrouver en terre angevine aux côtés de Jean Monnier, dont chacun sait ici tout ce qu'il a apporté à notre Coopération avec le Mali et à notre Coopération décentralisée d'une manière générale, et puis cette journée inaugure une série de rendez-vous avec les collectivités territoriales françaises et le Mali, au fond, va nous servir de creuset. Et c'est heureux, car nos échanges sont anciens, ils sont nombreux, ils sont imaginatifs. La France entretien avec votre pays, Monsieur le Ministre, Madame l'Ambassadeur, une relation de confiance, une relation d'amitié profonde et enracinée dans notre histoire commune mais à laquelle nous sommes fiers de donner une nouvelle force, une nouvelle jeunesse. Lors de la visite qu'il a effectué en décembre dernier à Bamako, Lionel Jospin, avec le président Konaré, a jeté les bases d'une coopération à la fois exigeante et responsable. Nous la voulons aussi, plus fraternelle, plus ancrée dans les préoccupations et les attentes de nos populations. Jean Monnier, Yves Tavernier, d'autres parmi vous dans cette salle, étaient de ce voyage et savent toute la dimension qu'il a prise.
Il y a quelques jours, j'ai donc conduit à Bamako une délégation interministérielle pour concrétiser les engagements de nos deux dirigeants : un accord franco-malien sur les questions migratoires a en effet été signé à cette occasion. Mais à chacune de nos étapes de ce voyage, la Coopération décentralisée, et plus précisément la présente rencontre, ont été au coeur de nos discussions avec le président Konaré, avec le Premier ministre Ibrahim Boubacar Keïta et avec le ministre Modibo Sidibé qui, jusqu'au dernier moment pensait être des nôtres aujourd'hui et dont je veux, à nouveau, souligner la contribution personnelle, discrète, mais si efficace à notre dialogue.
Aujourd'hui à Angers, c'est, en quelque sorte, une première. C'est le coup d'envoi d'une série de rencontres qui se prolongeront tout au long du prochain semestre et du premier semestre de 1999. J'attends beaucoup de ces différents rendez-vous. La semaine dernière j'ai reçu, successivement, le président de CUF, Bernard Stasi et le Bureau de l'APCG conduit par Jean Puech, pour les entretenir de ces mêmes sujets ; dans les prochains mois des rencontres qui sont prévues concerneront le Niger, le Burkina, le Vietnam, les pays des Caraïbes, la Tunisie, puis le Maroc, Madagascar, le Bénin, le Togo, le Cameroun autant de pays avec lesquels la Coopération décentralisée est active ou le devient. Ces rencontres seront organisées en étroite liaison avec les organismes fédérateurs des collectivités locales françaises. Ce n'est pas moi qui m'en plaindrais ; une partie de ma vie politique, vous le savez bien, a été consacrée à la décentralisation et à l'animation de la vie locale.
Avant de m'engager dans ce processus né, je le rappelle, à Bamako, en octobre dernier, au cours d'une discussion avec Jean Monnier, lors de la célébration des 20 ans de Coopération entre Angers et Bamako, j'ai pu, au travers de mes nombreux voyages, en Afrique bien sûr, mais aussi dans l'Océan indien, en Asie, dans les Caraïbes, dans le Pacifique, mesurer l'importance que cette forme de collaboration avait prise, constater que nos partenaires y sont de plus en plus attachés et en étaient demandeurs. Les "Journées de la Commune africaine" qui se sont déroulées à Abidjan, plus connues sous le nom d'"Africités", ont rassemblé un millier de maires venus d'Afrique, mais aussi de nombreuses autres régions du monde. Cette rencontre a joué pour beaucoup, le rôle de révélateur car on y a beaucoup parlé décentralisation, déconcentration des pouvoirs, gestion urbaine, collectivités territoriales. Derrière les mots, vous le savez aussi bien que moi, c'est toute l'organisation des collectivités locales qui se redéfinit.
Aux côtés de l'Etat, la richesse, la diversité que vous représentez au travers de vos communes, de vos communautés urbaines, de vos départements, de vos régions, apportent un savoir-faire considérable. Nos partenaires le savent bien, et ils veulent la mobiliser en sachant qu'au delà des ressources ainsi réunies, c'est aussi tout un réseau de confiance dont ils tireront le bénéfice.
La Coopération décentralisée c'est le complément de relations traditionnelles et institutionnelles, aux relations d'Etat à Etat. Celles-ci sont parfois un peu rigides, souvent lointaines, nécessairement soumises aus aléas politiques. Dans tous les cas, elles ne répondent pas, complétement, à l'aspiration des collectivités qui veulent vivre leurs initiatives dans l'autonomie que leur confère la loi.
Mais l'avantage de la la coopération décentralisée est aussi de favoriser le rapprochement des acteurs de la société civile parmi lesquels les associations jouent un rôle particulièrement actif et moteur; est-il besoin d'ailleurs de souligner à quel point un monde associatif vivant est aussi un gage de démocratie. L'expérience a montré que dans plusieurs domaines les collectivités locales se montrent plus compétentes, mieux adaptées que l'Etat pour initier et accompagner des projets de développement.
Aujourd'hui, en France, la quasi totalité des grandes villes, la moitié des départements, presque toutes nos régions, se sont engagées dans des "relations internationales", qui vont bien au-delà des jumelages classiques, dont elles sont, en réalité, les héritières.
Au fil des années la Coopération décentralisée a trouvé une place de plus en plus importante dans les échanges entre l'Afrique et la France, entre la France et d'autres régions du monde ; nous assistons, et c'est heureux, à une véritable explosion de projets présentés pour cofinancement à nos services. Elle correspond à une forme d'investissement de la société civile dans le développement qu'il convient, bien entendu d'encourager. Elle complète aussi utilement les projets des ministères. Ce constat est une donnée essentielle de notre nouvelle coopération. Après une longue période de quasi clandestinité elle peut maintenant être pleinement reconnue; elle fait partie intégrante du paysage de la politique extérieure de la France ; nous avons d'ailleurs été les premiers et les plus actifs dans ce domaine en Europe et dans le monde. Le Premier ministre, Lionel Jospin, n'a pas manqué de le souligner lors de sa tournée africaine à la fin de l'année dernière et particulièrement au Mali. Cette évolution est heureuse et je m'en réjouis.
La réforme en cours, de notre système de Coopération, que je conduis avec Hubert Védrine, à la demande de Lionel Jospin, va bien entendu, intégrer cette composante et définir, avec plus de lisibilité, nos relations. Dans cette nouvelle donne, on doit s'interroger sur le rôle de l'Etat. Vous êtes appelés à y réfléchir, à en débattre. Mais une chose paraît de plus en plus claire, de plus en plus évidente : l'Etat doit se doter des moyens de donner envie aux collectivités, aux ONG, au monde associatif, de mieux s'intéresser au reste du monde ; il doit avoir un rôle d'incitation. Il doit s'assurer que ces initiatives généreuses, multiformes, y compris celle de ses propres services, ne soient pas contradictoires ou redondantes. Il doit veiller à une certaine cohérence, en se gardant, bien sûr de toute ingérence, mais avec le souci de la meilleure efficacité dans l'intérêt bien compris de toutes les parties impliquées.
Certains d'entre vous plaident en faveur d'une implication plus généralisée de la Coopération décentralisée dans les commissions mixtes, structures qui précisent le cadre de Coopération entre la France et les Etats partenaires ; nous nous y employons.
J'ai voulu rappeler, aujourd'hui, le besoin d'une meilleure coordination entre les collectivités locales et l'Etat. Cela suppose une meilleure articulation des moyens, mais d'abord une meilleure connaissance réciproque, des coopérations naissent, s'interrompent, toutes accumulent un savoir-faire qui doit être connu, valorisé, expliqué, une actualisation des banques de données s'impose. Il y va de la visibilité de notre politique, il y va de la cohérence de notre action. Nous ne serons jamais assez nombreux pour renforcer la chaîne de la solidarité, encore faut-il limiter les déperditions d'énergie ou les doublons. La coopération de ville à ville, de région à région, est un vaste chantier, auquel outre les acteurs de notre pays, il faut convier l'Europe.
J'ai bon espoir que les futurs Accords avec les ACP y fassent explicitement référence ; je m'y emploie ; vous pouvez compter sur mon engagement et ma détermination. Je me pose quelques questions pour rendre notre Coopération plus fonctionnelle ; je voudrais les partager avec vous.
- Comment dès à présent mieux ancrer vos actions dans le système européen, comment solliciter, avec plus d'efficacité, ses possibilités de financements ?
- Comment inviter d'autres régions d'Europe à s'associer à nos efforts ?
- Doit-on et comment favoriser les coordinations régionales ou départementales, faut-il le faire, par pays partenaire ?
- Quels sont les obstacles rencontrés dans notre relation avec les autorités maliennes ?
- Quelles procédures faut-il mettre en oeuvre pour assurer efficacement le suivi et l'évaluation des actions conduites ?
- Quel rôle spécifique donner à la société civile, aux associations, mais aussi aux entreprises et à leurs organisations professionnelles, syndicales ? Comment mieux les impliquer ?
- Comment mieux faire circuler l'information, entre vous, entre nous ? Comment mieux gérer, coordonner, actualiser les bases de données ?
- Doit-on imaginer une procédure d'examen de vos dossiers sur un modèle se rapprochant de celui du Fonds d'Aide et de Coopération avec dépôt à date fixe, mise en place d'un Comité de pilotage afin d'éviter dispersion et arrivée tardive de vos demandes et de favoriser ainsi, une meilleure coordination de nos actions dans les pays partenaires ?
- Quel peut être l'effort particulier des collectivités locales dans l'aide au retour des émigrés et sous quelle forme ?
Autant de questions dont je vous invite à débattre. Elles sont aussi posées à la Commission Coopération et Développement qui réunit et fédère l'action du monde associatif ; c'est également un lieu de propositions et de réflexion.
J'entends que la Coopération décentralisée ait sa place, toute sa place, dans le Haut-Conseil de la Coopération internationale qui va s'ouvrir à l'ensemble des acteurs de notre coopération. Vous disposerez, alors, d'un autre type de forum pour vous exprimer, relayé d'ailleurs par la Commission nationale de la Coopération décentralisée. Raison de plus pour déjà s'atteler à la préparation de ce débat.
Voilà Monsieur le Ministre, Madame l'Ambassadeur, Mesdames et Messieurs, les réflexions, les interrogations que je voulais partager avec vous. J'attends avec impatience vos analyses et vos propositions. Vous pouvez compter sur mon investissement personnel dans leur suivi car c'est pour moi un point capital du dispositif français de coopération que nous sommes en train de réformer.
Permettez-moi en terminant de saluer à nouveau les représentants du gouvernement malien, le ministre de l'Environnement, M. Ag Erlaf, venu pour l'occasion depuis Bamako, Mme Ly Tall, l'ambassadeur du Mali à Paris, qui fait tant pour renforcer les liens entre nos deux pays. Je vous sait gré, et avec moi tous les représentants de nos collectivités, d'être parmi nous aujourd'hui. Cette rencontre se situe à la veille d'élections locales. Je souhaite qu'elles soient une nouvelle et importante étape dans la longue marche des Maliens vers une démocratie vivante. Je souhaite que les citoyens maliens désignent à cette occasion ses interlocuteurs. Croyez que les élus français, ici présents, vont en suivre les résultats avec une vive attention. Ces élections ne vont-elle pas désigner leurs futurs partenaires ?
Je vous remercie et souhaite plein succès à vos travaux./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 septembre 2001)