Interview de M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale et membre du comité politique de l'UMP, à France 2 le 2 octobre 2002, sur la rentrée parlementaire, l'organisation des débats et la préparation du congrès constitutif de l'UMP.

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Circonstance : Rentrée parlementaire, session d'automne, première scéance des Questions d'actualités, à l'Assemblée nationale le 1er octobre 2002

Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

F. Laborde.-Nous allons parler de la rentrée parlementaire qui a eu lieu hier, la "vraie" rentrée de la session d'automne. Finalement, cela s'est bien passé. On attendait une gauche très pugnace, très offensive et, au fond, elle l'aura été moins qu'on ne l'imaginait ?
- "Cela s'est bien passé, il a fallu expliquer aux uns et aux autres qu'il ne fallait pas trop parler, pour rester dans l'heure. Mais finalement, le spectacle donné dans l'hémicycle était passionné mais digne. C'est ce que je veux."
Comment s'organise votre travail ? Vous avez évidemment présidé la séance, on vous a vu parfois demander à certains d'aller droit à la réponse, car il y avait des questions qui étaient un peu trop longues. Lorsque l'on est président, faut-il couper la parole, insister sur le point final ?
- "Non, je ne souhaite pas "couper la parole", mais il y a un temps global et vous savez que les débats sont retransmis à la télévision. Il faut donc que chaque député qui pose une question puisse s'exprimer et que sa question soit retransmise à la télévision. Cela suppose que chacun se discipline un peu et que dans le temps imparti, il ne le dépasse pas."
Il y a 365 députés dans le groupe UMP, cela fait beaucoup de monde. J. Barrot, qui est à la tête de ce groupe, a un gros travail aussi de discipline. Vous travaillez ensemble ?
- "C'est un travail difficile pour J. Barrot, parce qu'il faut que chacun, dans ce groupe qui est important, puisse s'exprimer, dire ce qu'il a à dire, mais aussi qu'une certaine discipline soit respectée. Je suis très admiratif de son travail."
En tant que président de l'Assemblée nationale, vous devez faire en sorte que chaque groupe parlementaire s'exprime en fonction de sa représentation nationale ?
- "Deux choses : je crois qu'effectivement, il faut qu'à l'Assemblée soit respecté le verdict des électeurs et des électrices, à savoir qu'il y a une majorité et qu'il y a une opposition. Mais l'Assemblée nationale, c'est aussi le lieu où l'opposition peut s'exprimer librement. Il faut veiller à ces deux équilibres. D'une part, le respect entre droite et gauche et de ce qu'ont voulu les Français. Et d'autre part, que l'opposition puisse dire et faire valoir ses arguments."
L'opposition avait, à la fin de cette session, un regard relativement indulgent sur la prestation gouvernementale, et le seul qui ait émis une critique, c'est F. Hollande, justement à votre égard : il a trouvé que vous étiez "un mauvais président de séance"...
- "Oui, il est constant à mon égard, puisqu'il m'a toujours critiqué. Mais cela n'a aucune importance. Ce qui m'importe, c'est que le débat se passe dans de bonnes conditions et que chacun puisse s'exprimer. Je retiens des propos qui ont été exprimés, ceux qu'a exprimé le président du groupe parlementaire socialiste, M. Ayrault, il y a quelques semaines, qui a reconnu que je faisais en sorte que chacun puisse s'exprimer. Alors, qu'il y ait en politique des roquets... Tout cela n'a strictement aucune importance."
F. Hollande est un "roquet" ?!
- "Non, mais je veux dire qu'il se départisse un peu de la politique politicienne et qu'il essaye de prendre un peu de hauteur !"
Vous pensez que c'est parce qu'il a quelques soucis au sein du PS ?
- "C'est son problème. Ce qui m'importe, c'est de défendre l'institution parlementaire. Ce qui m'importe, c'est que chacun puisse s'exprimer. Ce qui m'importe, c'est que le débat soit empreint certes d'une certaine vivacité, certes de passion, mais qu'il reste serein."
Vous qui étiez aux premières loges, lequel avez-vous trouvé le meilleur hier, parmi tous les intervenants ? Vous allez me dire le Premier ministre ?
- "J'ai trouvé que le Premier ministre était dans son rôle. J'ai trouvé que le ministre de l'Intérieur, N. Sarkozy, qui connaît bien l'hémicycle, a bien répondu..."
Il avait appris, il connaissait tous ses chiffres par coeur, il n'avait pas de fiche...
- "Non, il connaît bien l'esprit des Questions d'actualités. Il faut être court, incisif et répondre à la question. Il ne faut pas faire un discours. Et je pense qu'un certain nombre de ministres qui sont passés commencent honorablement, mais qu'ils peuvent faire encore quelques progrès."
Vous pensez à L. Ferry qui avait le trac ?
- "Je n'ai pas la mémoire des noms."
Surtout, vous ne voulez pas répondre ! On ne peut pas vous en vouloir, il ne faut pas se fâcher avec tout le monde ! Il y a eu des problèmes de sécurité à l'Assemblée nationale : un homme est rentré dans des conditions non expliquées. Peut-être allez-vous nous dire que vous avez élucidé le parcours qu'il a fait... Avez-vous pris des mesures supplémentaires ?
- "Oui. Naturellement, pour leur efficacité je ne vous dirais pas lesquelles. Simplement, nous avons fait en sorte de responsabiliser l'ensemble du personnel au problème de sécurité, après un audit fait par la préfecture de police. La difficulté est de trouver à la fois le maximum de sécurité et de ne pas enfermer l'Assemblée nationale comme un bunker, qui doit être ouverte sur l'extérieur. C'est un équilibre qui est difficile à trouver, on va le trouver. Cela suppose que, de la part du personnel, de la part des parlementaires, des ministres, que chacun ait conscience de sa responsabilité."
Il y a une réforme que vous vouliez engager à l'Assemblée nationale et qui concerne les Questions : vous aviez souhaité que ce soit le Premier ministre qui réponde exclusivement, un peu sur le modèle britannique, aviez-vous dit ?
- "Tout à fait. Je crois que l'essence des Questions d'actualité, c'est une essence politique, il faut poser des questions politiques, et qui engagent l'ensemble du Gouvernement. Avec le système anglais, ce sont des questions au Premier ministre. Je souhaitais que l'on fasse la même chose en France. Cela n'a pas été possible pour l'instant. Mais je continue à faire évoluer l'idée. Nous avons déjà modifié un certain nombre de petites dispositions, on va y arriver progressivement. Mais il faut que les esprits les plus conservateurs évoluent."
Quand vous parlez d'esprits conservateurs", à qui pensez-vous ? C'est la gauche qui n'est pas d'accord avec ce nouveau dispositif ?
- "Comme je souhaite faire évoluer les choses, je ne dirais pas qui est pour ou contre. L'important pour moi est d'arriver progressivement à cette réforme."
Donc à terme, effectivement, ce sera le Premier ministre qui répondra aux Questions orales ?
- "Je souhaite qu'on en arrive là, parce que je souhaite que l'on donne à ces Questions d'actualité une dimension politique et non pas technique."
Il y a la rentrée parlementaire et il va y avoir ensuite la rentrée de l'UMP, le nouveau parti. C'est un peu le paradoxe de la situation que d'avoir déjà le groupe avant d'avoir la formation politique. Il n'y aura pas de surprise au Congrès de l'UMP ? C'est effectivement A. Juppé qui va présider cette nouvelle formation ?
- "Ce sont les militants qui le décideront. Mais je ne vois pas pourquoi il y aurait une surprise."
Y aura-t-il des courants qui trouveront une expression à l'Assemblée nationale ?
- "Je ne le souhaite pas. Je souhaite que ce Congrès, qui va être notre premier congrès, soit un congrès d'union et non pas de désunion. C'est un mariage et non pas un divorce. Par conséquent, commençons par nous rapprocher les uns des autres, à formaliser l'union, avant de chercher à organiser des courants, des chapelles. C'est la première chose. Deuxièmement, je pense que la finalité de l'UMP est d'entendre le message que les Français nous ont lancés lors des élections législatives et présidentielles. Il n'est pas de préparer les prochaines échéances de 2007, pas pour l'instant."
C'est un message pour A. Juppé, pour N. Sarkozy ?
- "C'est un message pour tout le monde. Soyons modestes."
Ce n'est pas une écurie de course pour la présidence de la République ?
- "Non. Nous sommes là parce que les Français l'ont voulu ; nous sommes là parce qu'ils nous ont lancés un certain nombre de messages, parce qu'ils nous ont demandés de faire des réformes. Et il faut que l'UMP dans son ensemble soit la force qui permette au Gouvernement de s'appuyer pour faire passer des réformes. Après, dans quelques mois, dans quelques années, on pourra s'organiser différemment. Aujourd'hui, l'UMP est une force politique au service des réformes, au service d'une France qui change et qui bouge."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 oct 2002)