Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les priorités du gouvernement en matière de sécurité notamment la présence de forces de sécurité dans les quartiers sensibles, le renforcement de l'efficacité des sanctions à la suite d'infractions et la volonté de préserver l'école de la violence et d'amplifier les actions en faveur de la jeunesse, Paris le 6 décembre 1999.

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Circonstance : Réunion du Conseil de sécurité intérieure, à Paris le 6 décembre 1999

Texte intégral

La sécurité est un droit ; l'insécurité est une inégalité sociale.
Pour un trop grand nombre de nos concitoyens, ce droit n'est pas suffisamment assuré dans leurs quartiers, dans les transports publics, ni même dans les établissements scolaires. C'est à cette inégalité sociale que s'est attaqué, depuis trente mois, le Gouvernement. Toute une série de décisions destinées à rechercher - comme je m'y étais engagé à l'issue du colloque de Villepinte - une sécurité égale pour tous, et sur l'ensemble du territoire de la République, ont été mises en uvre.
Aujourd'hui, le Conseil de sécurité intérieure s'est réuni pour dresser un bilan des actions réalisées en 1999, en application des décisions prises lors du Conseil de sécurité intérieure du 27 janvier dernier. Lors de celui-ci, trois priorités avaient été définies :
- assurer une présence effective des forces de sécurité dans les quartiers et les lieux sensibles ;
- améliorer l'efficacité de la réponse aux actes de délinquance, de la constatation de l'infraction à l'exécution de la sanction ;
- préserver l'école de la violence et de la délinquance, amplifier les actions de prévention en faveur de la jeunesse.
Je voudrais donc revenir sur ces trois priorités.
Première priorité : assurer une présence effective dans les quartiers et les lieux sensibles.
1. La présence des forces de sécurité dans les quartiers et dans les lieux sensibles a été renforcée au cours de l'année 1999.
Les effectifs de police et de gendarmerie affectés dans les circonscriptions les plus difficiles des 26 départements où la délinquance est la plus forte ont été renforcés à hauteur de 1900 policiers et gendarmes.
La fidélisation de forces mobiles a permis d'affecter dans ces circonscriptions 870 CRS et 738 gendarmes.
Au total, ce sont ainsi plus de 3500 policiers et gendarmes supplémentaires qui ont été affectés depuis le 27 janvier dernier dans les 26 départements prioritaires.
Par ailleurs, pour faire face à l'accélération des départs à la retraite de policiers, j'ai décidé, sur proposition du ministre de l'Intérieur, M. Jean-Pierre CHEVENEMENT, d'ouvrir un concours de recrutement exceptionnel de 1000 policiers supplémentaires, réservé aux policiers auxiliaires. Après une formation complémentaire, ces agents seront sur le terrain avant la fin de 2000.
2. La Justice et la police se réorganisent pour développer des actions de proximité.
Les maisons de justice permettent de donner des réponses rapides aux infractions de faible gravité. Leur nombre est passé de 29 à 38 en 1999.
La police de proximité, qui assure une présence de la police nationale au plus près du citoyen, concerne actuellement 67 sites expérimentaux. Elle sera généralisée avant juin 2002.
3. La sécurité dans les transports a fait l'objet de mesures spécifiques.
Les effectifs de la brigade des chemins de fer de la police nationale ont été portés à 500 fonctionnaires qui bénéficient du renfort d'adjoints de sécurité.
La RATP et la SNCF ont renforcé, à hauteur de 1400 en 1999, les effectifs en contact avec le public, auxquels s'ajoutent 1200 emplois-jeunes. Des personnels seront ainsi présents dans 125 gares jusqu'au dernier train.
Les entreprises de transport participent de plus en plus aux contrats locaux de sécurité. 297 contrats signés au 15 octobre comportent un volet transport (85 % en région parisienne, dans le cadre d'une convention État-Région).
Deuxième priorité : améliorer l'efficacité de la réponse aux actes de délinquance, de l'infraction à l'exécution de la sanction.
Le taux d'élucidation s'améliore. 90 % des parquets ont mis en uvre le traitement en temps réel.
Les réponses judiciaires sont plus effectives et plus diversifiées :
- rappel à la loi, classement sous condition, (avec l'aide des 435 délégués du procureur désignés - l'objectif de 400 fixé pour la fin 1999 a donc été dépassé) ;
- médiation ;
- mesures de réparation s'agissant d'auteurs mineurs (plus de 10000 en 1999) ; le taux de réponse pénale des procédures concernant les mineurs atteint maintenant 78 % (52 % de poursuites, 26 % de réponses alternatives aux poursuites).
S'agissant des mineurs, précisément, le traitement rapide et la continuité de leur prise en charge, décidés en Conseil de sécurité intérieure, entrent dans les faits :
- dans 47 départements, la Justice et les conseils généraux ont organisé les conditions d'accueil d'urgence des mineurs en difficulté, les brigades des mineurs ont été développées, la présence de l'Education nationale en milieu carcéral a été renforcée, 15 centres de placement immédiat strictement contrôlés ont été mis en place et le nombre des centres éducatifs renforcés, qui sont maintenant 29, a été doublé ;
- 680 emplois supplémentaires pour la protection judiciaire de la jeunesse ont été créés au budget du ministère de la Justice pour l'année 2000.
Troisième priorité : préserver l'école de la violence et de la délinquance et amplifier les actions en faveur de la jeunesse.
Les 10 sites de prévention contre la violence ont bénéficié de moyens importants. Le dispositif d'évaluation mis en place a permis d'observer pour certains d'entre eux une diminution sensible des actes graves et pour les autres une stabilisation des phénomènes de violence.
Le programme de partition des collèges - car la violence se développe davantage dans des établissements de grande taille - est engagé avec l'aide de l'État et le concours des collectivités locales, notamment en région Ile-de-France ; 12 opérations sont lancées, 4 autres le seront en 2000.
Plus de 100 classes-relais fonctionnent actuellement et 100 autres seront implantées au cours de la présente année scolaire, pour près de 5.000 jeunes. Des internats-relais permettront d'assurer la continuité de la prise en charge. Dix d'entre eux fonctionnent déjà et 15 autres seront créés d'ici juin 2000.
Les actions engagées en direction de la jeunesse, trop souvent concernée par la violence, comme victime ou comme auteur, se sont développées au cours de cette année :
- le dispositif emplois-jeunes a été mobilisé dans les quartiers difficiles ; un service personnalisé de l'Agence nationale pour l'emploi, intitulé " nouveaux départs ", centré sur les personnes les plus éloignées de l'emploi, a été mis en place ; les actions de prévention en direction des jeunes les plus défavorisés, notamment au titre du programme Trace, auront concerné 40000 jeunes avant la fin de l'année ;
- le réseau d'appui et d'écoute aux parents a été renforcé ;
- enfin, les actions de parrainage des jeunes en difficulté d'insertion professionnelle vers l'emploi, dans le cadre du programme de lutte contre les discriminations, touchent désormais 30000 jeunes.
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes conscients qu'il reste un long chemin à parcourir pour que chacun de nos concitoyens puisse bénéficier, au quotidien, du droit à la sécurité. C'est pourquoi le Gouvernement continuera à mettre résolument en uvre la politique globale de sécurité qu'il a définie, en mettant en place une police de proximité présente et attentive.
Les engagements pris pour 2000 et 2001 sont conséquents : redéploiement de 1200 policiers et 700 gendarmes chaque année, fidélisation de 3000 gendarmes mobiles et CRS avant la fin 2001, création de 60 centres éducatifs renforcés avant fin 2000 et 50 centres de placement immédiat avant 2001.
Ces engagements, comme ceux pris au mois de janvier dernier et que je viens de passer en revue devant vous, seront tenus.
(Source : http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 8 décembre 1999)