Déclaration de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur les mesures gouvernementales prises en 2002 : baisse des impôts, réaménagement des lois sur les 35 heures et sur la modernisation sociale, redéfinition du rôle de l'Etat, et sur les réformes à engager en 2003, pour favoriser notamment, la création d'entreprise, le développement des nouvelles technologies, les nouvelles règles de gouvernance des entreprises, Paris, 16 janvier 2003.

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  • Francis Mer - Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Circonstance : Présentation des voeux à la presse à Paris le 16 janvier 2003

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Avec Nicole FONTAINE, je suis heureux de vous accueillir ce matin à Bercy. J'associe évidemment à ce mot de bienvenue Alain LAMBERT, qui ne peut pas être avec nous aujourd'hui, puisqu'il est actuellement en déplacement en Chine, François LOOS, qui accueille en ce moment même le Premier Ministre d'Algérie et Renaud DUTREIL, également retenu par ses obligations.
Bienvenue donc dans ce ministère qui est aussi un peu le vôtre. Tout du moins, je souhaite qu'il soit toujours plus familier et sympathique pour vous qui comptez parmi nos interlocuteurs et nos visiteurs les plus assidus.
Vous êtes en effet les grands témoins, mais aussi, de par votre rôle essentiel dans notre société de l'information, les acteurs d'une France qui bouge et cherche les moyens de concilier les impératifs du progrès avec le développement durable de notre humanité.
Je voudrais donc que le dialogue que nous avons entamé au cours des premiers mois de gouvernement se développe cette année, avec mes collègues et moi-même, dans un esprit empreint de confiance et d'ouverture.
Mais, permettez-moi d'abord, au nom de tous mes collègues, d'adresser à chacune et à chacun d'entre vous et à vos familles, tous nos voeux pour cette nouvelle année 2003. Que chacun trouve auprès des siens, mais aussi dans son travail, dans ses projets, les raisons de son épanouissement personnel et de sa joie de vivre. C'est ce que nous vous souhaitons à tous.

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Porter le regard sur l'année qui s'ouvre, en évaluer les potentialités et la dynamique, apprécier aussi les marges de manoeuvre du gouvernement et de notre pays dans leur environnement, n'a de sens que si l'on tire honnêtement les conclusions de l'exercice passé.
En ce sens, 2002 aura été une année décevante pour l'économie mondiale et plus particulièrement pour l'Europe. Alors que les enquêtes de conjoncture laissaient attendre jusqu'à l'été une reprise soutenue de l'activité, les scandales financiers, les interrogations sur la reprise américaine, les incertitudes géopolitiques liées à la crise irakienne et le manque de ressort de l'économie allemande ont fini par entamer le moral des chefs d'entreprises. Il s'en est suivi un brusque renversement du cycle industriel, dont la rapidité inattendue et l'intensité ont réussi à différer la reprise européenne.
En mai dernier, la situation budgétaire était plus dégradée que nous l'escomptions et nous n'avons pas tardé à découvrir que la conjoncture n'était pas celle espérée.
Sans renoncer à nos objectifs majeurs, nous devions tenir compte de la fragilité de la situation conjoncturelle dans le dosage de notre politique budgétaire et fiscale et nous n'avons pas voulu nous engager dès 2003 sur la voie de la réduction d'un déficit budgétaire déjà trop lourd.
Nous avons fait le choix de baisser les impôts, conformément aux engagements pris. Cette option était la seule envisageable politiquement, mais ce choix a aussi permis de soutenir la confiance des consommateurs, qui est à ce jour notre principal ressort de croissance.
La portée des mesures de politique économique prises dépasse bien sûr leur effet positif à court terme ! Faire le choix de baisser les charges, notamment sur les bas salaires et sur les jeunes, alléger les impôts basés sur le travail, réduire tous les taux du barème et le plafonner à 50 %, c'est donner le signal qu'une politique nouvelle est à l'oeuvre : il faut redonner aux français une plus large part des fruits de leur travail ; il faut en finir avec l'idée que c'est l'Etat qui crée des emplois.
Accompagnée du réaménagement des lois sur les 35 h et sur la modernisation sociale, cette politique est en train de créer un environnement plus favorable à l'initiative, à l'entreprise, au travail et donc à l'emploi.
Son corollaire, c'est la redéfinition du rôle de l'Etat qui ne doit plus être, par entreprises interposées, producteur de services marchands. La cession de la part de l'Etat dans le Crédit Lyonnais, l'annonce de notre disponibilité à réduire sa participation dans France Telecom en dessous de 50 %, le lancement du processus de privatisation d'Air France, tout ceci marque notre volonté de gérer autrement la relation de l'Etat avec les entreprises publiques.
Mais l'Etat doit aussi jouer son rôle d'actionnaire responsable, comme il l'a fait pour France Telecom. Il doit également être régulateur avec la libéralisation des marchés énergétiques, conduite par Nicole Fontaine, qui permettra à nos entreprises de se battre à armes égales avec leurs concurrents sur les marchés internationaux. C'est pourquoi le gouvernement a entamé le processus d'ouverture du capital d'EDF et de GDF.
C'est encore la raison pour laquelle il a confié aux partenaires sociaux la charge de faire évoluer le système de retraite de ces entreprises, sachant que celles-ci ne pouvaient demeurer plus longtemps leurs propres caisses de retraite. Je rappelle au passage que cet accord a été signé par les entreprises et trois syndicats représentatifs, ce qui démontre la volonté et la capacité des partenaires sociaux à trouver des solutions et à faire avancer les choses. Pour autant, ce gouvernement n'est évidemment pas insensible aux inquiétudes exprimées par les salariés lors de la consultation que vous connaissez et qui porte sur le futur des entreprises et les conséquences de l'ouverture du marché à la concurrence. Son résultat démontre la nécessité de renforcer encore le dialogue social au sein de ces entreprises.
Enfin, l'Etat doit être un producteur efficace de services non marchands, tourné vers la satisfaction des besoins des usagers. C'est le sens de la mise en mouvement de Bercy, qui s'inscrit dans le cadre plus général de la réforme de l'Etat. " Bercy en Mouvement " commencera à déployer ses effets dès 2003. Je sais que c'est une oeuvre de longue haleine. Elle ne se prête ni aux effets d'annonce, ni aux déclarations martiales.
Elle suppose au contraire le dialogue, le respect des agents comme des usagers. Dès 2002, nous avons établi ce cadre de concertation et pris les premières mesures de restructuration, telles que le transfert intégral de l'impôt sur les sociétés à la DGI. Nous poursuivrons avec détermination dans cette voie dans les années à venir.

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Après avoir enclenché dans de nombreux domaines une dynamique dans le contexte difficile de 2002, 2003 nous permettra d'engager les réformes essentielles pour préparer l'avenir.
Mes premiers voeux vont naturellement au retour d'une croissance robuste qui facilitera toutes les évolutions.
Certes, le contexte international demeurera incertain tant que nous ne serons pas parvenus à un traitement, que j'espère pacifique, de la crise irakienne. Pour autant, les marchés boursiers se sont quelque peu stabilisés depuis l'automne dernier et les dernières enquêtes de conjoncture font apparaître une stabilisation, voire un certain redressement des perspectives d'activité en Europe.
Quant à l'action gouvernementale, elle a créé un cadre favorable à la croissance : les baisses d'impôts, la prime pour l'emploi, la revalorisation des SMIC soutiennent la demande des consommateurs, les baisses des charges facilitent l'investissement et l'embauche par les entreprises.
Globalement, je vous redis donc ma confiance dans la capacité de notre économie, qui est fondamentalement saine et compétitive, à retrouver un rythme de croissance soutenu dès lors que seront levées les incertitudes internationales.
Dans ce contexte, je suis confiant dans notre capacité à remplir nos engagements budgétaires en toute transparence et sincérité. Pour la première fois dans notre histoire budgétaire, nous avons revu à la baisse les recettes fiscales prévues pour l'année suivante au cours des discussions de la loi de finances, pour tenir compte de la dégradation de la conjoncture. Avec Alain LAMBERT, nous serons également attachés à un pilotage en temps réel de notre budget. C'est pourquoi, nous allons adopter en début d'exercice certaines mesures de précaution, permettant ainsi aux ministères de mieux organiser leurs dépenses sur l'année et de disposer aussi d'une souplesse de réaction accrue. Cette mesure, nous la prendrons en toute transparence vis-à-vis des représentants de la Nation. Nous la prendrons au nom de notre responsabilité de gérer au mieux le fonctionnement de l'Etat.
Mais au-delà, nous devons préparer la décrue progressive de notre déficit. Nous ne pouvons plus en effet laisser s'accumuler une montagne de dettes, dont le seul service représente désormais le deuxième poste budgétaire de l'Etat. Nous ne devons plus accepter de faire payer par les générations futures les inconséquences de notre refus de choisir aujourd'hui.
2003 doit donc être l'année où nous préparons et mettons en oeuvre les réformes de structure qui engagent l'avenir tout en le ménageant.
La décentralisation, la réforme des retraites, celle de la sécurité sociale seront des actes forts de ce gouvernement en 2003. Ce ministère y sera étroitement associé.
La préparation de l'avenir, c'est aussi le maître mot du chantier de la restauration de l'attractivité du site France. Notre pays doit continuer à être un lieu de production et un centre de décision dans tous les secteurs économiques de l'industrie, du service, de la finance. Je ne reviendrai pas sur l'étude du World Economic Forum qui, à travers une méthodologie dont la pertinence est discutable, dégrade fortement notre classement. Certes, nous souffrons de quelques faiblesses.
Mais, vous le savez mieux que quiconque, vous qui êtes les observateurs avertis de la vie de notre pays, nous avons aussi des atouts. Notre objectif est de prendre ce problème à bras le corps et de le résoudre aussi vite que nécessaire. Il en va de l'avenir de nos enfants.
Renaud DUTREIL a récemment présenté un projet de loi en faveur de " l'initiative économique " pour favoriser la création, la reprise et la transmission d'entreprise. C'est l'un des domaines où nous devons mieux faire. La France crée deux fois moins d'entreprises que l'Espagne et 1,5 fois moins que le Royaume Uni ! Nous allons y remédier. Ainsi, il sera bientôt possible de créer son entreprise en un jour avec un euro de capital et par Internet !
Dans le même souci, et parce que l'innovation conditionne tout processus de croissance, avec Nicole FONTAINE et en étroite collaboration avec Claudie HAIGNERE, nous allons créer un dispositif plus propice aux contacts et échanges entre chercheurs et entreprises. Grâce à des incitations, notamment fiscales, et à la création d'un statut spécifique d'entreprise innovante, nous voulons parvenir à augmenter rapidement les dépenses privées de recherche et développement.
Dans ce domaine, la France accuse un retard important qu'il faut combler dans les meilleurs délais si notre pays veut garder sa capacité d'influence dans les affaires du monde !
Nous sommes aussi déterminés à avancer dans le domaine stratégique des nouvelles technologies. Nicole FONTAINE a déjà pris des mesures en faveur d'un plus large accès à l'Internet haut débit. Elle a présenté hier en Conseil des ministres un texte en faveur de l'économie numérique pour accroître la sécurité des transactions électroniques en élargissant l'utilisation de la cryptologie, et donc favoriser le développement du commerce électronique.
Vous le voyez, l'Etat peut être incitateur. Il doit aussi être stratège en réfléchissant, dans le débat sur les énergies que le Premier Ministre a confié à Nicole FONTAINE, à la définition de nos grands choix énergétiques. Le débat très ouvert que nous susciterons sur cette question débouchera à l'automne prochain sur une loi d'orientation sur l'énergie. Il nous aidera également à faire évoluer le statut des entreprises publiques du secteur.
Plus généralement, concernant les entreprises du secteur public, je veux souligner la nécessité pour l'Etat de concentrer ses efforts sur celles qui ont vocation à demeurer dans le secteur public mais dont la stratégie doit être clarifiée. Le rapport que Francis Mayer me remettra bientôt sur l'évolution de la Caisse des Dépôts et Consignations, la discussion menant à l'élaboration d'un nouveau contrat de plan avec La Poste, les réflexions entamées avec la SNCF en sont des exemples.
Il est, de même, nécessaire de dessiner, grâce au rapport de M. de la Serre, de nouvelles règles de gouvernance pour ces entreprises.
La gouvernance des entreprises privées, la surveillance des marchés doivent également être renforcées. Nous ne restaurerons ensemble une pleine confiance des épargnants dans la Bourse et des Français dans l'économie de marché, que si nous démontrons ensemble que la sécurité financière peut être renforcée et que les entreprises obéissent à des règles du jeu claires et à une éthique stricte. C'est le sens de la loi de sécurité financière que je présenterai prochainement au Conseil des Ministres.
Ce projet est important, car il nous permettra d'être exemplaires au moment où, investis de la Présidence du G7, nous tenterons de promouvoir au niveau international l'idée d'une meilleure organisation des marchés financiers. La France exemplaire, c'est aussi celle qui agira dans ce même cadre en faveur de l'aide au développement, qui plaidera à Cancun, par l'intermédiaire de François LOOS, le dossier de l'accès aux médicaments des pays les plus pauvres et plus largement, pour la construction d'un ordre économique commercial plus équitable entre le Nord et le Sud.
Enfin, je voudrais aussi en ce début d'année, formuler un vu qui me tient particulièrement à coeur :
L'Europe - notre Europe - a un rendez-vous historique cette année. Vous le savez, les travaux de la Convention pour l'avenir de l'Europe doivent déboucher sur une constitution. Je souhaite que cette nouvelle organisation politique et institutionnelle nous permette, demain, de mieux travailler ensemble, à tous les niveaux de prise de décision, non plus à 15 mais à 25. C'est une condition essentielle pour que notre Europe continue à garantir la prospérité et la paix aux futurs 460 millions d'Européens.
J'ai été, comme vous tous, témoin de nombreuses étapes de la construction européenne. Et pour les avoir vécues, je sais combien l'étape de 2003 est importante. Elle prépare la réunification de l'Europe dans une seule et même famille et permet ainsi, avec l'adhésion des Pays d'Europe Centrale et Orientale, de voir s'effondrer définitivement le mur de Berlin qui a défiguré notre continent et fait oublier parfois que l'Histoire, la Culture et l'Unité européennes sont indivisibles.

Conclusion
Voilà donc, Mesdames et Messieurs, une première ébauche de la feuille de route que nous nous sommes tracée, mes collègues et moi-même, pour cette nouvelle année 2003.
Vous le voyez, les sujets ne manquent pas ! Mais ce qui donne du sens à ce programme de travail, c'est le souci de faire de la France un pays où il fait bon vivre, mais aussi où il fait bon entreprendre et travailler.
Alors, vous qui êtes les " historiens de l'instant ", selon la formule d'Albert Camus, vous serez une fois encore en 2003 au coeur des échanges et du dialogue dont se nourrit notre démocratie, afin d'éclairer, d'orienter et de diffuser la culture et l'actualité économiques auprès de tous nos concitoyens. Sachez que je m'en réjouis.
Pour conclure, je voudrais vous souhaiter encore une fois, à toutes et à tous, une excellente année 2003. Et je vous invite maintenant à nous retrouver autour de ce sympathique buffet qui nous attend.

(Source http://www.minefi.fr, le 17 janvier 2003)