Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Il y a beaucoup de présidents, ici, je les salue tous - y compris celui de la région, collectivité très importante -, je vous salue donc chacune et chacun d'entre vous, ici, dans cette salle. Et puis je salue aussi ceux qui sont dans une autre salle et qui vont regarder cette intervention que je suis très heureux de faire, ici, à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris.
Le commerce unit les hommes. Comme tout ce qui unit, coalise, le commerce est donc essentiellement nuisible à l'autorité.
C'est ce qu'a écrit un jour Napoléon Bonaparte, et goûtons ensemble ce paradoxe que le décret du 6 ventôse an XI, qui donna naissance à la Chambre de commerce de Paris, porte la même signature du grand homme.
Rassurez-vous, je ne suis qu'a demi d'accord : je pense aussi que le commerce et l'industrie contribuent au lien social, évidemment, mais je ne crois pas que le commerce soit nuisible à l'autorité. A moins que celle-ci ne procède pas d'un choix collectif et démocratique. Et c'est sans doute ce que le futur empereur a mesuré en donnant naissance à votre institution !
A la fois, établissement public et collectivité élue, votre Chambre est une organisation moderne qui, au fond, ne fait pas son âge. Permettez-moi, au-delà de ce message de respect pour votre institution, de pouvoir vous exprimer un message de gratitude de la part d'un ancien élève de l'une des grandes écoles de la CCIP que j'ai décidé d'appeler aujourd'hui, l'Ecole nationale des affaires, pour être à l'unisson de mes prédécesseurs.
Je suis heureux très d'être parmi vous, pour vous dire, une fois de plus, l'importance que je porte à l'esprit d'entreprise, indissociable pour moi du sens des responsabilités qui doit animer notre vie économique et sociale.
Je salue les forces économiques que vous représentez, à la fois, l'économie des sièges sociaux qui est liée à l'attractivité de la France, dans la capitale et aussi dans la région. Mais aussi cette économie populaire des marchés et des rues commerçantes très liée à notre cohésion sociale.
Les entreprises, petites, moyennes ou grandes sont à la base de la création des richesses dans un pays. Cette vérité élémentaire, parfois perdue de vue par certains, doit être répétée sans crainte de lasser. Elle doit surtout devenir le fil rouge, une constante dans les politiques publiques si l'on veut que la France renoue avec une croissance, à la fois, forte et durable.
Comme l'a illustré le discours de son président, je tiens ici à saluer l'énergie déployée par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris dans tous les domaines essentiels de son action pour accompagner les entreprises dans leurs projets, leurs besoins - notamment ceux de formation mais pas seulement - et pour les aider à affronter l'avenir.
L'action de mon Gouvernement a consisté - après avoir écouté les acteurs du commerce, de l'industrie et des services - à rendre, le plus rapidement possible aux entreprises, un environnement économique, fiscal et réglementaire mieux adapté, apte à renforcer leur compétitivité et à libérer les initiatives.
Pour ne citer que le plus récent des projets de loi en ce domaine, porté par R. Dutreil, que je salue ici, la loi "Agir pour l'Initiative économique", actuellement soumise à l'examen du Parlement, a ainsi fait l'objet d'une élaboration largement concertée avec les acteurs économiques, comme vous avez bien voulu, effectivement, le souligner monsieur le Président. C'est au nom de ce dialogue, que je souhaite permanent et sincère, que je suis venu aujourd'hui parmi vous vous dire : bon anniversaire ! Et aussi, si vous me le permettez, profiter de notre rencontre d'aujourd'hui pour évoquer la situation économique générale à laquelle nous faisons face. Et vous dire comment le Gouvernement entend y répondre.
Nous faisons face à une situation économique difficile. Pour plusieurs raisons :
- d'abord, à cause d'une situation internationale brouillée : l'économie mondiale tourne au ralenti depuis plusieurs mois, les tensions internationales provoquent notamment un renchérissement du pétrole. Il y a aujourd'hui un immense attentisme de tous les acteurs économiques dans le monde, en Europe, en Allemagne, chez notre principal client et fournisseur et aussi en France. Cette situation paralyse les projets, bloque les investissements ; elle génère incertitudes et inquiétudes,
- notre pays paye aussi, et au prix fort, le retard pris dans les réformes. L'embellie conjoncturelle de croissance que nous avons connue à la fin des années 90 n'a pas été utilisée pour engager les réformes nécessaires qui auraient amélioré notre capacité de résistance aux aléas de la conjoncture. Le chômage a d'ailleurs commencé à croître dès mars 2001,
- pire, des décisions ont, ces dernières années, pénalisé le travail et l'investissement. Les 35 heures laissent une cicatrice douloureuse dans notre économie : elles ont compliqué l'organisation des entreprises, comprimé le pouvoir d'achat, démultiplié les SMIC. France Télécom, SNCF, EDF, La Poste, les hôpitaux le secteur public doit faire face à de graves difficultés financières, il ne faut pas se le cacher. Les charges supplémentaires et la loi dite de "modernisation sociale", décidée sans même l'accord des partenaires sociaux, ont poussé de nombreuses entreprises dans des stratégies de repli voire, pour certaines, dans des décisions de délocalisation. Au final, c'est l'emploi qui souffre,
- la situation internationale incertaine que nous connaissons risque de durer quelques mois. Nous devons nous y préparer.
Cette période aura des incidences sur nos finances publiques, qui sont détériorées. J'avais déjà eu l'occasion de dire que les 2,5 % de croissance annuelle étaient autant un signal de mobilisation qu'un indice de prévision. Compte tenu de l'attentisme actuel, il est difficile aujourd'hui d'avancer un chiffre de croissance totalement sûr pour 2003. Si 2,5 % en moyenne pour l'année tout entière apparaît désormais hors d'atteinte à ce stade, ma conviction est que notre économie peut retrouver un rythme de croissance de 2,5 % dès que nous aurons retrouvé de la visibilité à l'international. Je dois à la vérité de dire que l'attentisme nous pénalise fortement aujourd'hui. Il réduit nos recettes fiscales et sociales. Et dans ce contexte, il est probable que nos déficits dépassent les 3 % dès l'année 2002.
Dans ces périodes difficiles, il faut tenir la barre avec fermeté et humanité.
Note cap c'est d'agir pour une nouvelle croissance durable .
Il nous faut durablement gagner un point de croissance : passer de 2 % - ce qui est la croissance moyenne des 20 dernières années - à 3 %. Parce que nous avons besoin de plus de croissance pour faire reculer de manière décisive le chômage et améliorer le pouvoir d'achat, notamment celui des plus démunis. Pour gagner ce challenge, il nous faut des réformes de fond.
Ce point de croissance, nous voulons le gagner dans la durée. Au-delà des fluctuations de l'environnement international, c'est dans la durée que nous voulons installer l'économie française sur un sentier de croissance plus élevé. Nous voulons dynamiser la croissance aujourd'hui et celle de demain, celle de nos enfants.
Pour mener à bien cette politique de croissance durable, le Gouvernement a déjà pris des mesures fortes pour mobiliser ces réserves de croissance. Ces mesures ont déjà commencé de porter leurs fruits.
- Notre première réserve de croissance, ce sont nos ressources humaines. C'est pourquoi il faut redonner toute sa place au travail, à la formation et à l'insertion véritable en entreprise. La mobilisation des territoires, notamment pour la décentralisation de la formation, contribuera à cette dynamique d'une économie plus humaniste que matérialiste.
- Notre deuxième réserve de croissance, c'est notre potentiel de recherche, d'innovation, de valeur ajoutée et de création d'entreprises. Nous le redynamisons, avec la loi d'initiative économique, les mesures fiscales que nous avons prises, la priorité à l'innovation et la baisse des charges. Nous gardons l'objectif d'un million d'entreprises nouvelles d'ici à la fin de notre mandat législatif.
Quand on compare notre démographie entrepreneuriale avec celle du Royaume-Uni, il nous manque 1 million d'entreprises aujourd'hui en France. Nous gardons ce cap pour cette réserve de croissance, sur ce potentiel de création.
Cette nouvelle politique de croissance durable est bonne car c'est une politique favorable, à la fois, à la demande et à la préparation de l'avenir.
Quant à l'évolution de nos finances publiques, je souhaite être clair : je ne ferai pas une politique de rigueur. Ce n'est pas lorsque la croissance est incertaine qu'il faut serrer plus que nécessaire les dépenses. Cela conduirait à déprimer davantage la conjoncture. C'est pourquoi les pertes de recettes qui seraient liées à la mauvaise conjoncture ne seront pas compensées par des économies supplémentaires qui remettraient en cause les priorités politiques de l'action du Gouvernement,
Quant à la fiscalité, je resterai fidèle à notre stratégie même en conjoncture difficile. Nous n'irons pas, à rebours de nos engagements de baisse et celles-ci seront mises en oeuvre sur l'ensemble de la législature. Nous les tiendrons, nous n'y reviendrons pas.
Mais il est vrai que cette situation doit nous conduire à une politique budgétaire toujours plus responsable. C'est notre intérêt bien compris. C'est aussi le respect de nos engagements européens.
C'est-à-dire respecter le niveau de dépenses publiques voté par le Parlement. Dans cet esprit, nous avons constitué une réserve de précaution de 4 milliards d'euros. Nous la mobiliserons autant que de besoin dès que les hypothèques internationales seront levées. Un pays dont la stratégie est la paix doit veiller aussi à ne pas renforcer l'hypothèse de la guerre.
Cela ne veut pas dire que toute dépense nouvelle est interdite. Bien au contraire, nous devons garder une capacité d'initiative. Mais je veux être clair : les dépenses nouvelles devront être financées par des économies.
L'Etat, enfin, dispose de marges d'économies importantes qu'il doit davantage mobiliser. Je souhaite qu'il fasse preuve de plus de créativité dans sa gestion, en l'allégeant chaque fois que c'est possible. En réfléchissant aussi à de nouvelles formules pour valoriser son patrimoine immobilier et mobilier, pour optimiser ses gigantesques dépenses de logistique. Je l'ai demandé à chaque ministre. Des schémas ministériels de réforme me seront prochainement présentés, qui inscriront l'effort d'efficacité en profondeur et sur l'ensemble de la durée de la législature. L'Etat doit donner l'exemple des économies.
Nous ne baisserons pas la garde sur le front des réformes qui préparent notre avenir.
En matière de retraites, c'est l'absence de réforme qui a alimenté l'inquiétude des Français et les a incités à se constituer une épargne de précaution. En rétablissant l'équilibre financier des régimes par répartition et en donnant aux Français plus de visibilité sur leur avenir, nous comptons bien mettre fin à ce climat d'inquiétude et d'attentisme. C'est pourquoi la réforme des retraites sera effectuée dans le calendrier prévu. Parce qu'elle sera juste, cette réforme sera acceptée par les Français.
Je continuerai à mener à bien les réformes dont le pays a besoin pour parvenir à une croissance durable. La réforme de l'Etat et celle de la décentralisation participent pleinement de cette stratégie.
Dans une économie mondialisée, notre pays a besoin de territoires dynamiques et attractifs, dans lesquels viennent s'enraciner les entreprises, notamment les entreprises petites et moyennes. Il a besoin, notre Etat, de politiques publiques efficaces, d'une administration plus réactive et plus proche des citoyens. Je sais que les chambres de commerce et d'industrie veulent jouer toute leur place dans cette mobilisation territoriale. Elles auront leur place. Elles, qui sont, à la fois, donc acteurs de développement économique, mais aussi établissements publics aux côtés des élus locaux et territoriaux.
Ces chantiers majeurs avancent vite et bien. J'annoncerai, dès vendredi à Rouen, les responsabilités qui seront transférées aux collectivités territoriales. Elles seront ambitieuses et marquées par la volonté de proximité des décisions.
Vous l'avez compris, toute notre politique économique est pour la croissance et l'emploi. Pour l'emploi, nous avons besoin de la mobilisation de tous. Les aléas de la conjoncture ne doivent pas masquer les réformes de structure. Le Gouvernement s'est attaché, dès sa prise de fonction, à remettre nos politiques de l'emploi dans le bon sens : en privilégiant la négociation, l'emploi en entreprise sur l'emploi public, en réunifiant les SMIC. Les baisses de prélèvements que nous avons décidées auront un impact important sur l'emploi.
Les baisses d'impôts déjà décidées (baisse de 6 % de l'IR et baisse de la taxe professionnelle) devraient permettre, selon les estimations qui nous viennent des plus grands économistes, la création à terme de plus de 70 000 emplois.
Les contrats jeunes en entreprises marchent bien, dans une conjoncture pourtant difficile. 45 000 contrats ont été signés fin janvier. Sur la lancée de ces premiers résultats très encourageants, nous tablons sur 250 000 contrats en régime de croisière.
Enfin, la mise en oeuvre du CIVIS permettra la création de 25 000 emplois d'utilité sociale dans les associations.
L'Etat débloque, par ailleurs, des moyens exceptionnels pour faire face aux plans sociaux, afin que personne ne soit laissé sur le carreau.
C'est pourquoi le Gouvernement a proposé une Conférence pour l'emploi. Celle-ci n'est pas là pour dicter aux partenaires sociaux ce qu'ils doivent faire. Elle est là pour que nous nous mobilisions tous. Pour que nous trouvions des réponses de court terme et des réponses de moyen terme. Vous savez notamment l'importance que le Gouvernement attache à la formation et notamment à l'assurance emploi qu'a proposée le chef de l'Etat. Cette perspective professionnelle qui pourrait être faite d'alternance d'emploi et de formation, et non pas d'alternance d'emploi et de chômage. L'accélération de la crise internationale exige une accélération de nos initiatives.
Dans cette période où nous avons moins d'argent disponible, la solidarité doit d'abord s'exercer au profit des plus vulnérables. Tout en poursuivant notre bataille pour la sécurité intérieure et extérieure des Français, continuons tous ensemble de faire de l'emploi notre grande cause nationale en 2003.
Tel est, Mesdames et Messieurs, le cap économique que j'entends suivre pour nous permettre de livrer ensemble la bataille de l'emploi.
Je sais que dans la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, comme dans les autres assemblées consulaires, vous aurez à cur de relayer ces initiatives sur le terrain, et je vous en remercie. Vous êtes engagés dans la vie économique et sociale, au plus près des acteurs dans la capitale. Nous avons besoin de vos relais, de vos initiatives, de l'ensemble des membres consulaires pour, avec nous, au-delà de tout clivage idéologique, se mobiliser avec courage et pragmatisme pour l'emploi.
J'ai besoin de tous pour que la France traverse cette mauvaise passe. Je n'ai pas la prétention de détenir toutes les solutions mais j'ai la détermination à mobiliser toutes les énergies pour l'emploi. Pour cette mission, j'ai confiance.
L'ensemble des membres du Gouvernement, tous mes ministres sont aujourd'hui, sur ce sujet, en action. Je leur demande, comme je le demande à chacun d'entre vous, de rester, dans cette période difficile, à l'écoute des Français, de leurs inquiétudes et de leurs espoirs. Dans les périodes de difficultés il ne faut pas oublier ce credo, qui était celui de Lamartine, dans l'histoire des Girondins à laquelle je suis profondément attaché - ce n'est un secret pour personne -, un très beau credo : "Dans les difficultés, les grandes pensées viennent du Peuple ".
Je vous remercie."
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 27 février 2003)
Mesdames et Messieurs,
Il y a beaucoup de présidents, ici, je les salue tous - y compris celui de la région, collectivité très importante -, je vous salue donc chacune et chacun d'entre vous, ici, dans cette salle. Et puis je salue aussi ceux qui sont dans une autre salle et qui vont regarder cette intervention que je suis très heureux de faire, ici, à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris.
Le commerce unit les hommes. Comme tout ce qui unit, coalise, le commerce est donc essentiellement nuisible à l'autorité.
C'est ce qu'a écrit un jour Napoléon Bonaparte, et goûtons ensemble ce paradoxe que le décret du 6 ventôse an XI, qui donna naissance à la Chambre de commerce de Paris, porte la même signature du grand homme.
Rassurez-vous, je ne suis qu'a demi d'accord : je pense aussi que le commerce et l'industrie contribuent au lien social, évidemment, mais je ne crois pas que le commerce soit nuisible à l'autorité. A moins que celle-ci ne procède pas d'un choix collectif et démocratique. Et c'est sans doute ce que le futur empereur a mesuré en donnant naissance à votre institution !
A la fois, établissement public et collectivité élue, votre Chambre est une organisation moderne qui, au fond, ne fait pas son âge. Permettez-moi, au-delà de ce message de respect pour votre institution, de pouvoir vous exprimer un message de gratitude de la part d'un ancien élève de l'une des grandes écoles de la CCIP que j'ai décidé d'appeler aujourd'hui, l'Ecole nationale des affaires, pour être à l'unisson de mes prédécesseurs.
Je suis heureux très d'être parmi vous, pour vous dire, une fois de plus, l'importance que je porte à l'esprit d'entreprise, indissociable pour moi du sens des responsabilités qui doit animer notre vie économique et sociale.
Je salue les forces économiques que vous représentez, à la fois, l'économie des sièges sociaux qui est liée à l'attractivité de la France, dans la capitale et aussi dans la région. Mais aussi cette économie populaire des marchés et des rues commerçantes très liée à notre cohésion sociale.
Les entreprises, petites, moyennes ou grandes sont à la base de la création des richesses dans un pays. Cette vérité élémentaire, parfois perdue de vue par certains, doit être répétée sans crainte de lasser. Elle doit surtout devenir le fil rouge, une constante dans les politiques publiques si l'on veut que la France renoue avec une croissance, à la fois, forte et durable.
Comme l'a illustré le discours de son président, je tiens ici à saluer l'énergie déployée par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris dans tous les domaines essentiels de son action pour accompagner les entreprises dans leurs projets, leurs besoins - notamment ceux de formation mais pas seulement - et pour les aider à affronter l'avenir.
L'action de mon Gouvernement a consisté - après avoir écouté les acteurs du commerce, de l'industrie et des services - à rendre, le plus rapidement possible aux entreprises, un environnement économique, fiscal et réglementaire mieux adapté, apte à renforcer leur compétitivité et à libérer les initiatives.
Pour ne citer que le plus récent des projets de loi en ce domaine, porté par R. Dutreil, que je salue ici, la loi "Agir pour l'Initiative économique", actuellement soumise à l'examen du Parlement, a ainsi fait l'objet d'une élaboration largement concertée avec les acteurs économiques, comme vous avez bien voulu, effectivement, le souligner monsieur le Président. C'est au nom de ce dialogue, que je souhaite permanent et sincère, que je suis venu aujourd'hui parmi vous vous dire : bon anniversaire ! Et aussi, si vous me le permettez, profiter de notre rencontre d'aujourd'hui pour évoquer la situation économique générale à laquelle nous faisons face. Et vous dire comment le Gouvernement entend y répondre.
Nous faisons face à une situation économique difficile. Pour plusieurs raisons :
- d'abord, à cause d'une situation internationale brouillée : l'économie mondiale tourne au ralenti depuis plusieurs mois, les tensions internationales provoquent notamment un renchérissement du pétrole. Il y a aujourd'hui un immense attentisme de tous les acteurs économiques dans le monde, en Europe, en Allemagne, chez notre principal client et fournisseur et aussi en France. Cette situation paralyse les projets, bloque les investissements ; elle génère incertitudes et inquiétudes,
- notre pays paye aussi, et au prix fort, le retard pris dans les réformes. L'embellie conjoncturelle de croissance que nous avons connue à la fin des années 90 n'a pas été utilisée pour engager les réformes nécessaires qui auraient amélioré notre capacité de résistance aux aléas de la conjoncture. Le chômage a d'ailleurs commencé à croître dès mars 2001,
- pire, des décisions ont, ces dernières années, pénalisé le travail et l'investissement. Les 35 heures laissent une cicatrice douloureuse dans notre économie : elles ont compliqué l'organisation des entreprises, comprimé le pouvoir d'achat, démultiplié les SMIC. France Télécom, SNCF, EDF, La Poste, les hôpitaux le secteur public doit faire face à de graves difficultés financières, il ne faut pas se le cacher. Les charges supplémentaires et la loi dite de "modernisation sociale", décidée sans même l'accord des partenaires sociaux, ont poussé de nombreuses entreprises dans des stratégies de repli voire, pour certaines, dans des décisions de délocalisation. Au final, c'est l'emploi qui souffre,
- la situation internationale incertaine que nous connaissons risque de durer quelques mois. Nous devons nous y préparer.
Cette période aura des incidences sur nos finances publiques, qui sont détériorées. J'avais déjà eu l'occasion de dire que les 2,5 % de croissance annuelle étaient autant un signal de mobilisation qu'un indice de prévision. Compte tenu de l'attentisme actuel, il est difficile aujourd'hui d'avancer un chiffre de croissance totalement sûr pour 2003. Si 2,5 % en moyenne pour l'année tout entière apparaît désormais hors d'atteinte à ce stade, ma conviction est que notre économie peut retrouver un rythme de croissance de 2,5 % dès que nous aurons retrouvé de la visibilité à l'international. Je dois à la vérité de dire que l'attentisme nous pénalise fortement aujourd'hui. Il réduit nos recettes fiscales et sociales. Et dans ce contexte, il est probable que nos déficits dépassent les 3 % dès l'année 2002.
Dans ces périodes difficiles, il faut tenir la barre avec fermeté et humanité.
Note cap c'est d'agir pour une nouvelle croissance durable .
Il nous faut durablement gagner un point de croissance : passer de 2 % - ce qui est la croissance moyenne des 20 dernières années - à 3 %. Parce que nous avons besoin de plus de croissance pour faire reculer de manière décisive le chômage et améliorer le pouvoir d'achat, notamment celui des plus démunis. Pour gagner ce challenge, il nous faut des réformes de fond.
Ce point de croissance, nous voulons le gagner dans la durée. Au-delà des fluctuations de l'environnement international, c'est dans la durée que nous voulons installer l'économie française sur un sentier de croissance plus élevé. Nous voulons dynamiser la croissance aujourd'hui et celle de demain, celle de nos enfants.
Pour mener à bien cette politique de croissance durable, le Gouvernement a déjà pris des mesures fortes pour mobiliser ces réserves de croissance. Ces mesures ont déjà commencé de porter leurs fruits.
- Notre première réserve de croissance, ce sont nos ressources humaines. C'est pourquoi il faut redonner toute sa place au travail, à la formation et à l'insertion véritable en entreprise. La mobilisation des territoires, notamment pour la décentralisation de la formation, contribuera à cette dynamique d'une économie plus humaniste que matérialiste.
- Notre deuxième réserve de croissance, c'est notre potentiel de recherche, d'innovation, de valeur ajoutée et de création d'entreprises. Nous le redynamisons, avec la loi d'initiative économique, les mesures fiscales que nous avons prises, la priorité à l'innovation et la baisse des charges. Nous gardons l'objectif d'un million d'entreprises nouvelles d'ici à la fin de notre mandat législatif.
Quand on compare notre démographie entrepreneuriale avec celle du Royaume-Uni, il nous manque 1 million d'entreprises aujourd'hui en France. Nous gardons ce cap pour cette réserve de croissance, sur ce potentiel de création.
Cette nouvelle politique de croissance durable est bonne car c'est une politique favorable, à la fois, à la demande et à la préparation de l'avenir.
Quant à l'évolution de nos finances publiques, je souhaite être clair : je ne ferai pas une politique de rigueur. Ce n'est pas lorsque la croissance est incertaine qu'il faut serrer plus que nécessaire les dépenses. Cela conduirait à déprimer davantage la conjoncture. C'est pourquoi les pertes de recettes qui seraient liées à la mauvaise conjoncture ne seront pas compensées par des économies supplémentaires qui remettraient en cause les priorités politiques de l'action du Gouvernement,
Quant à la fiscalité, je resterai fidèle à notre stratégie même en conjoncture difficile. Nous n'irons pas, à rebours de nos engagements de baisse et celles-ci seront mises en oeuvre sur l'ensemble de la législature. Nous les tiendrons, nous n'y reviendrons pas.
Mais il est vrai que cette situation doit nous conduire à une politique budgétaire toujours plus responsable. C'est notre intérêt bien compris. C'est aussi le respect de nos engagements européens.
C'est-à-dire respecter le niveau de dépenses publiques voté par le Parlement. Dans cet esprit, nous avons constitué une réserve de précaution de 4 milliards d'euros. Nous la mobiliserons autant que de besoin dès que les hypothèques internationales seront levées. Un pays dont la stratégie est la paix doit veiller aussi à ne pas renforcer l'hypothèse de la guerre.
Cela ne veut pas dire que toute dépense nouvelle est interdite. Bien au contraire, nous devons garder une capacité d'initiative. Mais je veux être clair : les dépenses nouvelles devront être financées par des économies.
L'Etat, enfin, dispose de marges d'économies importantes qu'il doit davantage mobiliser. Je souhaite qu'il fasse preuve de plus de créativité dans sa gestion, en l'allégeant chaque fois que c'est possible. En réfléchissant aussi à de nouvelles formules pour valoriser son patrimoine immobilier et mobilier, pour optimiser ses gigantesques dépenses de logistique. Je l'ai demandé à chaque ministre. Des schémas ministériels de réforme me seront prochainement présentés, qui inscriront l'effort d'efficacité en profondeur et sur l'ensemble de la durée de la législature. L'Etat doit donner l'exemple des économies.
Nous ne baisserons pas la garde sur le front des réformes qui préparent notre avenir.
En matière de retraites, c'est l'absence de réforme qui a alimenté l'inquiétude des Français et les a incités à se constituer une épargne de précaution. En rétablissant l'équilibre financier des régimes par répartition et en donnant aux Français plus de visibilité sur leur avenir, nous comptons bien mettre fin à ce climat d'inquiétude et d'attentisme. C'est pourquoi la réforme des retraites sera effectuée dans le calendrier prévu. Parce qu'elle sera juste, cette réforme sera acceptée par les Français.
Je continuerai à mener à bien les réformes dont le pays a besoin pour parvenir à une croissance durable. La réforme de l'Etat et celle de la décentralisation participent pleinement de cette stratégie.
Dans une économie mondialisée, notre pays a besoin de territoires dynamiques et attractifs, dans lesquels viennent s'enraciner les entreprises, notamment les entreprises petites et moyennes. Il a besoin, notre Etat, de politiques publiques efficaces, d'une administration plus réactive et plus proche des citoyens. Je sais que les chambres de commerce et d'industrie veulent jouer toute leur place dans cette mobilisation territoriale. Elles auront leur place. Elles, qui sont, à la fois, donc acteurs de développement économique, mais aussi établissements publics aux côtés des élus locaux et territoriaux.
Ces chantiers majeurs avancent vite et bien. J'annoncerai, dès vendredi à Rouen, les responsabilités qui seront transférées aux collectivités territoriales. Elles seront ambitieuses et marquées par la volonté de proximité des décisions.
Vous l'avez compris, toute notre politique économique est pour la croissance et l'emploi. Pour l'emploi, nous avons besoin de la mobilisation de tous. Les aléas de la conjoncture ne doivent pas masquer les réformes de structure. Le Gouvernement s'est attaché, dès sa prise de fonction, à remettre nos politiques de l'emploi dans le bon sens : en privilégiant la négociation, l'emploi en entreprise sur l'emploi public, en réunifiant les SMIC. Les baisses de prélèvements que nous avons décidées auront un impact important sur l'emploi.
Les baisses d'impôts déjà décidées (baisse de 6 % de l'IR et baisse de la taxe professionnelle) devraient permettre, selon les estimations qui nous viennent des plus grands économistes, la création à terme de plus de 70 000 emplois.
Les contrats jeunes en entreprises marchent bien, dans une conjoncture pourtant difficile. 45 000 contrats ont été signés fin janvier. Sur la lancée de ces premiers résultats très encourageants, nous tablons sur 250 000 contrats en régime de croisière.
Enfin, la mise en oeuvre du CIVIS permettra la création de 25 000 emplois d'utilité sociale dans les associations.
L'Etat débloque, par ailleurs, des moyens exceptionnels pour faire face aux plans sociaux, afin que personne ne soit laissé sur le carreau.
C'est pourquoi le Gouvernement a proposé une Conférence pour l'emploi. Celle-ci n'est pas là pour dicter aux partenaires sociaux ce qu'ils doivent faire. Elle est là pour que nous nous mobilisions tous. Pour que nous trouvions des réponses de court terme et des réponses de moyen terme. Vous savez notamment l'importance que le Gouvernement attache à la formation et notamment à l'assurance emploi qu'a proposée le chef de l'Etat. Cette perspective professionnelle qui pourrait être faite d'alternance d'emploi et de formation, et non pas d'alternance d'emploi et de chômage. L'accélération de la crise internationale exige une accélération de nos initiatives.
Dans cette période où nous avons moins d'argent disponible, la solidarité doit d'abord s'exercer au profit des plus vulnérables. Tout en poursuivant notre bataille pour la sécurité intérieure et extérieure des Français, continuons tous ensemble de faire de l'emploi notre grande cause nationale en 2003.
Tel est, Mesdames et Messieurs, le cap économique que j'entends suivre pour nous permettre de livrer ensemble la bataille de l'emploi.
Je sais que dans la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, comme dans les autres assemblées consulaires, vous aurez à cur de relayer ces initiatives sur le terrain, et je vous en remercie. Vous êtes engagés dans la vie économique et sociale, au plus près des acteurs dans la capitale. Nous avons besoin de vos relais, de vos initiatives, de l'ensemble des membres consulaires pour, avec nous, au-delà de tout clivage idéologique, se mobiliser avec courage et pragmatisme pour l'emploi.
J'ai besoin de tous pour que la France traverse cette mauvaise passe. Je n'ai pas la prétention de détenir toutes les solutions mais j'ai la détermination à mobiliser toutes les énergies pour l'emploi. Pour cette mission, j'ai confiance.
L'ensemble des membres du Gouvernement, tous mes ministres sont aujourd'hui, sur ce sujet, en action. Je leur demande, comme je le demande à chacun d'entre vous, de rester, dans cette période difficile, à l'écoute des Français, de leurs inquiétudes et de leurs espoirs. Dans les périodes de difficultés il ne faut pas oublier ce credo, qui était celui de Lamartine, dans l'histoire des Girondins à laquelle je suis profondément attaché - ce n'est un secret pour personne -, un très beau credo : "Dans les difficultés, les grandes pensées viennent du Peuple ".
Je vous remercie."
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 27 février 2003)