Texte intégral
F. Laborde - Vous mettez en place ce matin, le Conseil national d'accès aux origines personnelles, qui concerne les enfants nés sous X. Il y en a 500 à peu près en France chaque année ?
- "Il y en avait 700, il y a cinq ou six ans, le chiffre diminue régulièrement, probablement d'ailleurs, parce que ce problème est devenu un vrai fait de société. Les enfants nés sans origine annoncée, cherchent à savoir d'où ils viennent. Et donc on essaie de répondre à leur demande."
Ce Conseil va permettre à ces enfants nés sous X, qui sont à peu près 400.000 au total...
- "Si on fait la somme de tous les enfants, pas nécessairement nés sous X selon cette procédure, et qui sont en quête d'identité, cela fait à peu près ce chiffre-là. Mais il faut bien reconnaître que le phénomène est ancien. De tout temps, les femmes ont accouché et ont abandonné leurs enfants, soit clandestinement, soit un peu plus tard. Ce qui est odieux pour ces enfants qui n'arrivent pas à construire leur personnalité, c'est de se heurter à un refus de l'administration ou à des dossiers vides. Donc, ce Conseil que nous mettons en place, est un progrès. Cela va être une sorte de médiation permettant de faire rencontrer éventuellement une femme qui n'avait pas voulu dire qui elle était, un enfant qui cherche. Cette femme peut changer d'avis et alors, les choses vont pouvoir se faire. On essaiera progressivement de faire diminuer cette accouchement sous X, car il n'est pas naturel qu'un enfant ne connaisse pas sa maman."
L'idée, c'est qu'une mère qui va accoucher sous X puisse laisser dans un dossier des indications, ce qu'elle veut, jusqu'à son identité éventuellement, et que plus tard, l'enfant devenu adulte, s'il le souhaite, puisse consulter son dossier. C'est cela le principe ?
- "C'est exactement cela. Et puis, surtout, ne pas faire fuir ces femmes. Donc, ne pas dire qu'il est interdit d'accoucher sous X, afin de leur permettre de venir. Et là, on peut leur expliquer les enjeux."
Mais beaucoup disent que c'est se mettre aussi à "accepter" l'accouchement sous X ?
- "Oui. Il y a une très grande hypocrisie derrière cela, parce que l'accouchement dans la clandestinité, secret, de fait, existe dans de très nombreux pays. Alors, nous nous avons pris le problème en le reconnaissant. En tout cas, le but est de faire qu'il y en ait le moins possible et qu'il y ait le moins possible d'enfants en difficulté."
Une question justement là-dessus : S. Royal, qui a porté cette loi en 2002, avait mis à la tête de ce Conseil, P. Verdier, dont on sait qu'il n'était pas très favorable à l'accouchement sous X. Et vous, vous avez annulé cette nomination, vous avez choisi à sa place, le professeur R. Henrion. Pourquoi ce changement ?
- "Parce que, d'abord, c'est vrai, il y avait une illégalité dans les nominations et qu'on a été saisis d'un recours par les associations familiales. Et puis, je trouve que monsieur Verdier fait un travail remarquable et vraiment j'ai de l'estime pour lui. Mais..."
Cela ne vous a pas empêché de lui demander de partir !
- "Parce qu'il est à la tête d'une association qui milite véritablement pour une option et que quand vous voulez une structure de médiation, vous recherchez l'équilibre. Il n'y avait pas d'accoucheur dans ce Conseil. Or, c'est quand même l'accouchement sous X. Je connais monsieur Henrion, c'est un homme d'expérience, c'est un "sage"."
L'autre grand chantier que vous a désigné le président de la République le 14 Juillet, c'est le cancer. Mais peut-on décréter, comme ça, au plan politique, que la recherche sur le cancer doit avancer, même si on décide que c'est un grand chantier national ?
- "Il y a des choses qu'on ne peut pas décréter. On ne peut pas décréter que le cancer sera guéri dans un an. Ce n'est pas possible. En revanche, vous pouvez réaliser que 150.000 personnes meurent du cancer chaque année, que des gens fument et fument de plus en plus, notamment les femmes, et que c'est responsable de cancers du poumon dans des proportions invraisemblables, qu'il y a des conduites à risques, que l'on ne fait pas assez d'éducation à la santé, qu'on ne prévient pas et qu'on ne dépiste pas. Au point où nous en sommes, en 2003, bientôt, deux femmes sur trois en France n'ont pas de dépistage du cancer du sein. Alors, c'est une déclaration de guerre en réalité. Nous allons associer tous nos efforts, dans tous les domaines. Nous allons nous concerter, car nous avons d'excellents chercheurs, d'excellents spécialistes. Les familles elles-mêmes se sont impliquées dans la lutte contre le cancer. Je suis sûr qu'en mariant nos efforts, nous allons obtenir des résultats bien meilleurs."
Il y a aussi une sorte d'inégalité devant le cancer entre les hommes et les femmes. Cela montre que paradoxalement, les hommes sont plus touchés que les femmes.
- "Pour l'instant - et c'est d'ailleurs une source d'espoir -, on guérit à peu près 70 % des cancers de l'enfant, 60 % des cancers des femmes, seulement 30 % des cancers des hommes. Il faut donc naturellement comprendre ces inégalités..."
Pourquoi ces inégalités ?
- "Notamment, parce que le cancer du poumon se soigne moins bien, qu'il est dû au tabagisme, que le tabagisme est plus spécifiquement masculin. Et c'est d'ailleurs pour cela que nous sommes très inquiets de voir que les femmes, les jeunes femmes, les adolescentes fument de plus en plus et de plus en plus tôt. Je crois qu'on ne peut pas rester l'arme au pied, ce n'est pas possible. Il faut agir."
L'allongement de l'espérance de vie va coûter de plus en plus cher en termes de santé. Là, on parle de cancer, mais on sait aussi qu'il y a des cancers qui se déclarent de plus en plus tard, et des traitements qui sont, par définition, de plus en plus longs...
- "Ce qui est intéressant, c'est que le mot "cancer" vous fait parler de la longévité, car plus de la moitié des cancers surviennent à partir de 65 ou 70 ans. Donc, il faut bien comprendre aussi qu'en termes de dépenses de santé, l'espérance de vie a allongée va accroître les dépenses, qu'il y aura plus de cancéreux. Et comme on les soigne mieux, ils seront en rémission, on évitera la rechute, il y aura des traitements prolongés, de plus en plus chers. Il est vrai que nous allons nécessairement assister à une augmentation des dépenses de santé, c'est un grand souci parce que l'on dépense déjà beaucoup et qu'on ne peut pas tout de même ne pas maîtriser ces choses-là."
Le budget de la Sécurité sociale est de 234 milliards d'euros au total. Et l'Assurance-maladie ?
- "116 à peu près, on faire les comptes cette année, mais c'est de cet ordre-là. Ce sont des sommes considérables. La France est le pays qui dépense le plus de sa richesse pour la santé - 10 % de sa richesse est consacré à la santé. Je crois qu'il faut accepter de dépenser un peu plus, mais il faut surtout que nous nous réorganisions pour dépenser mieux."
Par exemple, les 35 heures, qui ne sont pas un problème de santé mais de gestion dans les hôpitaux, vous allez avoir les moyens d'en financer la mise en place cette année, dans la loi de financement de Sécu ?
- "De toute façon, il faut tenir les engagements. Les, 35 heures ont été votées, c'est une loi de la République, je me suis engagé à les appliquer. Naturellement, il faudra des assouplissements provisoires, transitoires car nous manquons de médecins, d'infirmières et que les solutions ne peuvent pas tomber du jour au lendemain."
C'est uniquement par manque de personnels ou des problèmes financiers ?
- "Non, non, c'est un problème de personnels. Les problèmes de finance, quand c'est justifié, on trouve des solutions. Je pense que là, c'est justifié. Malgré ces pénuries, malgré ces difficultés, et récemment encore avec les inondations, les personnels de ces régions qui ont été admirables - ils sont restés, ils se sont relayés -, je peux dire que je suis fier du personnel de nos hôpitaux, publics ou privés d'ailleurs. Et je ferai tout pour qu'on respecte également leurs souhaits de qualité de vie."
Quand vous voyez, hier, la loi de programmation militaire, l'augmentation des crédits de la Défense, vous vous dites : "quelle chance a ma collègue, en aurais-je autant ?" ?
- "Je pense qu'effectivement, elle a de la chance, mais c'est un Gouvernement, il y a des priorités. Je rappelle qu'en voyant de qu'on a vu hier à la télévision, on se rend compte que bien se défendre, c'est aussi prévenir le bioterrorisme, les attaques, prévenir des morts. En quelque sorte, je serais tenté de dire que le budget de la Défense est un excellent budget de médecine préventive."
(source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 12 septembre 2002)
- "Il y en avait 700, il y a cinq ou six ans, le chiffre diminue régulièrement, probablement d'ailleurs, parce que ce problème est devenu un vrai fait de société. Les enfants nés sans origine annoncée, cherchent à savoir d'où ils viennent. Et donc on essaie de répondre à leur demande."
Ce Conseil va permettre à ces enfants nés sous X, qui sont à peu près 400.000 au total...
- "Si on fait la somme de tous les enfants, pas nécessairement nés sous X selon cette procédure, et qui sont en quête d'identité, cela fait à peu près ce chiffre-là. Mais il faut bien reconnaître que le phénomène est ancien. De tout temps, les femmes ont accouché et ont abandonné leurs enfants, soit clandestinement, soit un peu plus tard. Ce qui est odieux pour ces enfants qui n'arrivent pas à construire leur personnalité, c'est de se heurter à un refus de l'administration ou à des dossiers vides. Donc, ce Conseil que nous mettons en place, est un progrès. Cela va être une sorte de médiation permettant de faire rencontrer éventuellement une femme qui n'avait pas voulu dire qui elle était, un enfant qui cherche. Cette femme peut changer d'avis et alors, les choses vont pouvoir se faire. On essaiera progressivement de faire diminuer cette accouchement sous X, car il n'est pas naturel qu'un enfant ne connaisse pas sa maman."
L'idée, c'est qu'une mère qui va accoucher sous X puisse laisser dans un dossier des indications, ce qu'elle veut, jusqu'à son identité éventuellement, et que plus tard, l'enfant devenu adulte, s'il le souhaite, puisse consulter son dossier. C'est cela le principe ?
- "C'est exactement cela. Et puis, surtout, ne pas faire fuir ces femmes. Donc, ne pas dire qu'il est interdit d'accoucher sous X, afin de leur permettre de venir. Et là, on peut leur expliquer les enjeux."
Mais beaucoup disent que c'est se mettre aussi à "accepter" l'accouchement sous X ?
- "Oui. Il y a une très grande hypocrisie derrière cela, parce que l'accouchement dans la clandestinité, secret, de fait, existe dans de très nombreux pays. Alors, nous nous avons pris le problème en le reconnaissant. En tout cas, le but est de faire qu'il y en ait le moins possible et qu'il y ait le moins possible d'enfants en difficulté."
Une question justement là-dessus : S. Royal, qui a porté cette loi en 2002, avait mis à la tête de ce Conseil, P. Verdier, dont on sait qu'il n'était pas très favorable à l'accouchement sous X. Et vous, vous avez annulé cette nomination, vous avez choisi à sa place, le professeur R. Henrion. Pourquoi ce changement ?
- "Parce que, d'abord, c'est vrai, il y avait une illégalité dans les nominations et qu'on a été saisis d'un recours par les associations familiales. Et puis, je trouve que monsieur Verdier fait un travail remarquable et vraiment j'ai de l'estime pour lui. Mais..."
Cela ne vous a pas empêché de lui demander de partir !
- "Parce qu'il est à la tête d'une association qui milite véritablement pour une option et que quand vous voulez une structure de médiation, vous recherchez l'équilibre. Il n'y avait pas d'accoucheur dans ce Conseil. Or, c'est quand même l'accouchement sous X. Je connais monsieur Henrion, c'est un homme d'expérience, c'est un "sage"."
L'autre grand chantier que vous a désigné le président de la République le 14 Juillet, c'est le cancer. Mais peut-on décréter, comme ça, au plan politique, que la recherche sur le cancer doit avancer, même si on décide que c'est un grand chantier national ?
- "Il y a des choses qu'on ne peut pas décréter. On ne peut pas décréter que le cancer sera guéri dans un an. Ce n'est pas possible. En revanche, vous pouvez réaliser que 150.000 personnes meurent du cancer chaque année, que des gens fument et fument de plus en plus, notamment les femmes, et que c'est responsable de cancers du poumon dans des proportions invraisemblables, qu'il y a des conduites à risques, que l'on ne fait pas assez d'éducation à la santé, qu'on ne prévient pas et qu'on ne dépiste pas. Au point où nous en sommes, en 2003, bientôt, deux femmes sur trois en France n'ont pas de dépistage du cancer du sein. Alors, c'est une déclaration de guerre en réalité. Nous allons associer tous nos efforts, dans tous les domaines. Nous allons nous concerter, car nous avons d'excellents chercheurs, d'excellents spécialistes. Les familles elles-mêmes se sont impliquées dans la lutte contre le cancer. Je suis sûr qu'en mariant nos efforts, nous allons obtenir des résultats bien meilleurs."
Il y a aussi une sorte d'inégalité devant le cancer entre les hommes et les femmes. Cela montre que paradoxalement, les hommes sont plus touchés que les femmes.
- "Pour l'instant - et c'est d'ailleurs une source d'espoir -, on guérit à peu près 70 % des cancers de l'enfant, 60 % des cancers des femmes, seulement 30 % des cancers des hommes. Il faut donc naturellement comprendre ces inégalités..."
Pourquoi ces inégalités ?
- "Notamment, parce que le cancer du poumon se soigne moins bien, qu'il est dû au tabagisme, que le tabagisme est plus spécifiquement masculin. Et c'est d'ailleurs pour cela que nous sommes très inquiets de voir que les femmes, les jeunes femmes, les adolescentes fument de plus en plus et de plus en plus tôt. Je crois qu'on ne peut pas rester l'arme au pied, ce n'est pas possible. Il faut agir."
L'allongement de l'espérance de vie va coûter de plus en plus cher en termes de santé. Là, on parle de cancer, mais on sait aussi qu'il y a des cancers qui se déclarent de plus en plus tard, et des traitements qui sont, par définition, de plus en plus longs...
- "Ce qui est intéressant, c'est que le mot "cancer" vous fait parler de la longévité, car plus de la moitié des cancers surviennent à partir de 65 ou 70 ans. Donc, il faut bien comprendre aussi qu'en termes de dépenses de santé, l'espérance de vie a allongée va accroître les dépenses, qu'il y aura plus de cancéreux. Et comme on les soigne mieux, ils seront en rémission, on évitera la rechute, il y aura des traitements prolongés, de plus en plus chers. Il est vrai que nous allons nécessairement assister à une augmentation des dépenses de santé, c'est un grand souci parce que l'on dépense déjà beaucoup et qu'on ne peut pas tout de même ne pas maîtriser ces choses-là."
Le budget de la Sécurité sociale est de 234 milliards d'euros au total. Et l'Assurance-maladie ?
- "116 à peu près, on faire les comptes cette année, mais c'est de cet ordre-là. Ce sont des sommes considérables. La France est le pays qui dépense le plus de sa richesse pour la santé - 10 % de sa richesse est consacré à la santé. Je crois qu'il faut accepter de dépenser un peu plus, mais il faut surtout que nous nous réorganisions pour dépenser mieux."
Par exemple, les 35 heures, qui ne sont pas un problème de santé mais de gestion dans les hôpitaux, vous allez avoir les moyens d'en financer la mise en place cette année, dans la loi de financement de Sécu ?
- "De toute façon, il faut tenir les engagements. Les, 35 heures ont été votées, c'est une loi de la République, je me suis engagé à les appliquer. Naturellement, il faudra des assouplissements provisoires, transitoires car nous manquons de médecins, d'infirmières et que les solutions ne peuvent pas tomber du jour au lendemain."
C'est uniquement par manque de personnels ou des problèmes financiers ?
- "Non, non, c'est un problème de personnels. Les problèmes de finance, quand c'est justifié, on trouve des solutions. Je pense que là, c'est justifié. Malgré ces pénuries, malgré ces difficultés, et récemment encore avec les inondations, les personnels de ces régions qui ont été admirables - ils sont restés, ils se sont relayés -, je peux dire que je suis fier du personnel de nos hôpitaux, publics ou privés d'ailleurs. Et je ferai tout pour qu'on respecte également leurs souhaits de qualité de vie."
Quand vous voyez, hier, la loi de programmation militaire, l'augmentation des crédits de la Défense, vous vous dites : "quelle chance a ma collègue, en aurais-je autant ?" ?
- "Je pense qu'effectivement, elle a de la chance, mais c'est un Gouvernement, il y a des priorités. Je rappelle qu'en voyant de qu'on a vu hier à la télévision, on se rend compte que bien se défendre, c'est aussi prévenir le bioterrorisme, les attaques, prévenir des morts. En quelque sorte, je serais tenté de dire que le budget de la Défense est un excellent budget de médecine préventive."
(source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 12 septembre 2002)