Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur l'organisation, le fonctionnement et la gestion des parcs naturels régionaux dans le cadre d'une politique concertée et décentralisée pour la protection du patrimoine naturel national, Millau (Aveyron) le 4 octobre 2002.

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Circonstance : Journées nationales des parcs naturels régionaux de France (PNR) à Millau (Aveyron) du 2 au 4 octobre 2002

Texte intégral

Monsieur le Maire, Monsieur le préfet, Monsieur le président de la Fédération des parcs naturels régionaux de France, Monsieur le Président du conseil régional, Monsieur le président du parc naturel régional des Grands Causses, Mesdames et messieurs les élus et techniciens des parcs naturels régionaux,
Mesdames et messieurs, chers amis
Permettez moi d'évoquer le plaisir d'être en contact aujourd'hui avec tout le réseau des PNR. Je n'en connaissais jusqu'à présent que ceux pour lesquels la région Pays de Loire a une responsabilité particulière, la Brière et le Val de Loire, Anjou-Tourraine et celui que j'ai visité récemment en Auvergne : le Livradois-Forez.
Mes remerciements pour l'accueil à ces journées nationales des parcs naturels régionaux vont tout d'abord au Parc naturel régional des Grands Causses, aux élus du territoire et à toute l'équipe technique, car c'est un travail et une organisation considérables que de recevoir 40 parcs et leurs partenaires, soit plus de 600 personnes, pendant trois jours.
J'en profite pour adresser un salut particulier au quarantième d'entre vous - le PNR des Monts d'Ardèche - qui m'a invitée à participer à son inauguration ce dimanche, mais à laquelle je ne pourrai malheureusement pas me rendre.
J'apprécie de me trouver pour la première fois à vos journées nationales ; c'est un moment essentiel pour la vie du réseau des parcs. Cette année, la Fédération change de président. Je tiens à remercier pour tout le travail accompli, l'ancien président Monsieur Jean-Paul FUCHS et le remercie d'avoir participé encore récemment au sommet de Johannesburg. Je me félicite de l'élection du nouveau président Monsieur Jean-Louis JOSEPH. La Fédération est entre de bonnes mains, pour un avenir prometteur.
Ce parc naturel régional des Grands Causses, où nous nous trouvons, illustre parfaitement l'image emblématique des parcs naturels régionaux : une richesse et une qualité patrimoniale exceptionnelles et la préservation de celles-ci par un développement harmonieux. Les illustrations de cette richesse et de cette qualité ne manquent pas. J'en ai découvert quelques uns et vous aussi.
Le thème retenu cette année pour les journées nationales : ces forces vives qui font les parcs ", thème ô combien d'actualité, me plaît beaucoup car vous savez l'intérêt que je porte à la participation et à l'implication de nos concitoyens pour l'environnement et le développement durable
En premier lieu, je reviendrai sur cette participation, en second lieu, j'évoquerai quelques chantiers que nous aurons à mener ensemble.
A- La participation
1- Dès le début de la construction du projet de territoire, la démocratie participative doit trouver toute sa place. Un parc naturel régional naît du terrain et l'histoire d'un parc, c'est la population qui l'écrit. Les Régions et l'Etat ne viennent qu'ensuite pour conforter cette démarche de réflexion et d'élaboration de projet commun. La libre négociation du projet confère à la charte sa solidité et sa légitimité. La transparence et le débat public sont des facteurs de progrès. Vous le vérifiez tous les jours sur le terrain.
La nouveauté de l'enquête publique pour les chartes des parcs vient aujourd'hui confirmer la démocratie participative que les parcs pratiquent depuis toujours. Elle renforcera la crédibilité de vos politiques et celle de vos chartes. Je souhaite pour ma part faire aboutir rapidement le décret qui mettra en uvre cette nouveauté.
2- Pour faire vivre le projet, transparence et participation sont des conditions incontournables.
Le parc, pour mobiliser les différents partenaires, s'appuie sur sa charte. Mais, même si elle sert de référence, la charte ne se suffit pas à elle-même ; elle réclame l'engagement des acteurs.
Les élus - démocratie représentative - sont au cur du dispositif et ont la responsabilité de faire vivre le débat public ; ils sont, d'une part, le lien entre le parc et les assemblées délibérantes des collectivités locales et, d'autre part, entre ces assemblées et les citoyens.
Les entreprises des parcs estiment qu'au-delà de leurs responsabilités économiques et financières, elles doivent respecter une éthique et des valeurs partagées par tous. Elles peuvent bénéficier de la marque nationale pour valoriser leurs productions. Je sais l'intérêt que porte votre Fédération à cette marque. Elle continuera pour nous à représenter le symbole d'un partenariat actif et moderne entre l'Etat et les collectivités.
Les associations, en particulier les amis des parcs et leur confédération, sont autant de forces de propositions et de relais d'animation indispensables à la bonne marche du projet ainsi que des lieux de débat nécessaire. Fortement mobilisées pour la création des parcs, elles doivent garder leur tonicité et leur efficacité tout au long de la vie de la charte, notamment à l'occasion des bilans.
Enfin nous devons ensemble être attentifs aux aspirations des usagers, qui ont un rôle essentiel à jouer pour faire des suggestions et apporter des améliorations au projet.
Territoires à la fois d'expériences et d'expérimentation, les parcs doivent être créatifs et innovants pour transférer leur savoir-faire et le diffuser. La transparence et la participation sont là aussi des conditions incontournables.
Pour Natura 2000, les PNR sont des opérateurs privilégiés, habitués que vous êtes à proposer et évaluer des engagements contractuels. Votre intervention facilite la négociation et la mise en uvre de la gestion sur les sites. Je me réjouis d'ailleurs que les PNR apportent également leur concours pour la mise en uvre de Natura 2000 dans les pays candidats à l'élargissement de l'Union Européenne, notamment en Pologne, dans le cadre des programmes PHARE. Je félicite et remercie la Fédération d'avoir permis cette coopération.
Je sais combien les PNR ont joué un rôle positif dans la mise en uvre des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) à partir de démarches territorialisées. Aujourd'hui, cette politique est suspendue notamment pour des raisons budgétaires et de complexité de procédures. Mon collègue ministre de l'agriculture engage une concertation afin de faire des propositions de réorientation et de définir un nouveau cadre pour la contractualisation agro-environnementale. Je souhaite que les parcs naturels régionaux y soient associés.
3- Pour savoir évaluer les résultats d'une charte et faire partager cette évaluation, il faut bien choisir les outils.
La mise en place de comités de pilotage représentant l'ensemble des forces vives du territoire est non seulement souhaitable mais indispensable. J'encourage fortement la démarche, conduite depuis deux ans déjà par la fédération et l'atelier technique des espaces naturels. Celle-ci, qui a fait l'objet de quatre séminaires, a pour objectif de mettre au point des méthodes d'évaluation pour les chartes de parcs, mais aussi de suivi de l'évolution de leurs territoires au cours des 10 ans de la vie de leur charte.
Nous sommes tous responsables et solidaires de notre patrimoine. Nous devons en assurer la pérennité pour le transmettre à nos enfants. En évaluant leurs chartes et l'évolution de leurs territoires, les parcs s'inscrivent pleinement dans la démarche du développement durable.
B- Venons-en à présent à nos chantiers communs
1- La révision des lois et le mouvement de décentralisation
Ce bref aperçu sur quelques aspects seulement de votre travail montrent à quel point vos expériences constituent autant d'exemples réussis de maintien d'une cohérence nationale dans une politique décentralisée. Votre proximité de terrain et le caractère précurseur de votre cadre d'actions vous préparent naturellement à participer au vaste chantier qui s'ouvre sur la décentralisation.
Dans son discours de politique générale, le Premier Ministre a fait part de la volonté du Gouvernement d'engager une nouvelle étape de décentralisation, dans un objectif de rapprochement des décisions au niveau des citoyens, de responsabilisation, de bonne gouvernance. Il a en particulier insisté sur sa volonté de mettre en uvre une gestion décentralisée et contractualisée de notre patrimoine naturel.
Dans le respect des responsabilités de l'Etat (dont nos engagements et obligations communautaires et internationales), deux champs de décentralisation se présentent et méritent approfondissement :
La décentralisation institutionnelle classique, par blocs de compétence où le niveau régional a certainement un rôle important à jouer ;
La décentralisation de gestion ou de projet au profit de maîtres d'ouvrages : conseils généraux, communes, groupements de communes,
La réflexion est donc lancée. Mais pour ce qui concerne spécifiquement le patrimoine naturel, il m'apparaît que cela mérite une vaste réflexion, un débat approfondi et des expérimentations pour innover dans la méthode.
L'année 2003 doit permettre ce travail de concertation et d'approfondissement en vue de proposer les bases d'une nouvelle politique publique en faveur de la nature, de la biodiversité et des paysages, qui pourrait se traduire à partir de 2004 par des avancées réglementaires, voire législatives, par exemple une loi pour le " Patrimoine naturel national".
En effet, la protection et la gestion de la nature est assurément une politique complexe, par l'étendue géographique couverte et la multiplicité des enjeux. Elle intéresse nécessairement tous les niveaux d'administration territoriale, et soulève la difficulté de définition du bon niveau de cohérence locale parce que, en matière de biodiversité - comme d'ailleurs en matière d'eau -, la réalité biogéographique l'emporte sur l'organisation administrative.
Des cadrages nationaux continueront probablement d'être nécessaires, notamment pour préciser les obligations communautaires et internationales, garantir une cohérence dans les inventaires, la réalisation d'observations, définir la stratégie nationale de la diversité biologique
Par ailleurs, si la pertinence de la région comme collectivité " chef de file " pour le patrimoine naturel semble réelle, on ne pourra pas faire l'économie de la réflexion sur le rôle et la place des autres partenaires que l'Etat et les collectivités, c'est à dire les socio-professionnels, les usagers, les propriétaires, les associations impliqués dans cette nouvelle politique concertée, en application des principes du développement durable.
2- La place des parcs naturels régionaux dans ce contexte
Les parcs sont, je le redis, un exemple réussi de décentralisation de la gestion du patrimoine naturel avant l'heure. En effet, la démarche qui part de la volonté des communes, puis qui est relayée par la région, jusqu'au classement par l'Etat démontre l'intervention nécessaire de chaque échelon.
Je sais que vous, représentants des parcs naturels régionaux, avez des idées, portez des ambitions dans ce projet, forts de votre solide expérience dans les démarches multipartenariales et de votre proximité avec les élus locaux.
Le débat est ouvert et je vous invite à y participer activement et dès maintenant dans le cadre des assises des libertés locales (18 octobre 2002 - 18 janvier 2003) qui vont prochainement se mettre en place dans les 26 régions avec pour objectif de préparer la réforme sur la décentralisation.
Une harmonisation des récentes lois en matière d'aménagement du territoire, d'urbanisme et de coopération intercommunale sera effectuée afin de rendre le dispositif d'ensemble plus cohérent et plus opérationnel localement. Il conviendra notamment de prévoir un cadre précis, pour permettre une répartition claire des missions de chaque structure gestionnaire d'un projet de territoire.
Aujourd'hui, la politique des pays et des agglomérations se superpose sur celle des parcs, alors qu'à l'origine seuls les parcs existaient. L'étude " parc-pays ", conduite par la DATAR et la DNP, confirme que la plupart des parcs existants est concernée par un ou plusieurs chevauchements de pays. Nos concitoyens, comme ceux qui portent les projets, ont de la peine à comprendre cette organisation. Notre objectif est de permettre la meilleure complémentarité possible de ces politiques pour une plus grande efficacité.
Une réflexion est en cours pour aider à clarifier les missions des parcs et des pays en cas de superposition de territoire. Je sais que c'est là une préoccupation forte que vous exprimez, et vous en avez d'ailleurs largement débattu mercredi. Je suis à votre écoute. J'ai besoin de vos témoignages de terrain pour faire progresser le dispositif.
C- Le Budget
Encore un mot, si vous le permettez, sur le budget. Je sais que vous avez des inquiétudes.
Le dynamisme des parcs appelle un soutien financier. Cet engagement de l'Etat sera maintenu en 2003 à hauteur de 2002. Les contraintes budgétaires que vous ressentez en fin d'exercice 2002 sont malheureusement communes à tous les programmes de ce ministère. J'ai veillé à ce que les gestionnaires des espaces naturels, et notamment les parcs naturels régionaux, contribuent de façon modeste à l'effort de solidarité demandé. J'espère vous avoir convaincus que ces restrictions ne doivent surtout pas être interprétées comme une perte de confiance.
Voilà !
Depuis plus de 30 ans, vous avez fait vos preuves comme pionniers du développement durable. Votre bilan, votre originalité sont reconnus, et bien au-delà de nos frontières. Comme territoires pilotes, vous vous attachez à faire bénéficier l'ensemble du milieu rural français de vos expériences et vous vous attachez à la transmission de votre savoir faire à l'étranger, que ce soit dans les pays candidats d'Europe de l'Est, en Méditerranée, ou en Amérique latine. Je pense notamment au Parc du Pantanal au Brésil. Je vous en félicite et vous encourage à poursuivre.
Très heureuse d'avoir participé à cette journée dans le cadre de vos rencontres annuelles, vous avoir écoutés et un peu mieux connus, j'espère retrouver souvent votre réseau sur les dossiers prioritaires dont j'ai la charge. Je pense en particulier au développement durable et à la gestion concertée et décentralisée de notre patrimoine naturel.
Je ne doute pas que vous continuerez, avec foi et dynamisme, à uvrer quotidiennement et efficacement, dans le cadre de partenariats privilégiés, au bénéfice de la protection et la valorisation des beaux espaces naturels de notre pays.
Je vous remercie de votre attention."

(source http://www.environnement.gouv.fr, le 7 octobre 2002)