Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur l'entrée de la France dans la société de l'information et sur la nécessité d'adapter le droit à l'internet, Paris le 24 novembre 1999.

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Circonstance : 82ème Congrès de l'Association des Maires de France à Paris du 23 au 25 novembre 1999

Texte intégral

Messieurs les sénateurs,
Messieurs les députés,
Messieurs les maires,
mesdames et messieurs
Je suis particulièrement heureux de pouvoir m'exprimer devant vous sur un sujet de société majeur : les technologies de l'information et de la communication (TIC). Un sujet majeur auquel j'attache personnellement une grande importance et pour lequel le gouvernement s'est fortement mobilisé, le Premier ministre le rappellera tout à l'heure.
Le rattrapage en cours en France en matière de TIC (1), l'importance pour le développement local de ce rattrapage (2), la loi sur la société de l'information en 2000 (3), tels sont les 3 points que je souhaite évoquer aujourd'hui.
1 - Les technologies de l'information en France : un retard rattrapé à un rythme rapide
En 1997, la situation de la France vis-à-vis des nouvelles technologies était assez inquiétante : malgré nos atouts en matière de télécommunications, l'équipement des foyers en micro-informatique restait marginal. Les services d'information et de commerce offerts par le Minitel affaiblissaient probablement l'attrait potentiel de l'internet. L'utilisation de l'internet entre les services publics et les usagers restait confidentielle. La situation des entreprises n'était pas meilleure.
Certes, des initiatives avaient été prises, notamment par différentes collectivités soutenues d'ailleurs souvent par le ministère chargé de l'industrie. Mais au-delà de ces expérimentations, une politique volontariste était nécessaire. C'est le choix qu'a fait le Premier ministre, Lionel Jospin, avec le PAGSI.
Il s'agit là d'un choix de société : une société de l'information pour tous, tel est le titre du document d'orientation que nous venons d'élaborer, avec le Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la Garde des sceaux et la Ministre de la culture et de la communication. Car il est essentiel que tous, sur l'ensemble du territoire, puissent bénéficier des nouvelles sources de savoir, de culture et de richesse que représente l'internet.
La prise de conscience de l'ensemble des acteurs, citoyens, entreprises, Etat et collectivités locales, a bien eu lieu. Le nombre d'internautes français a plus que doublé en un an. Les offres d'accès à l'internet se sont fortement enrichies et la France s'est placée au meilleur niveau des pays européens pour les coûts d'accès à l'internet. La moitié des PME de plus de 6 salariés disposent d'une connexion à l'internet fin 1998, contre seulement le quart d'entre elles un an plus tôt. Encore embryonnaire en 1997, le chiffre d'affaires du commerce électronique a été multiplié par plus de 10.
L'accélération de la diffusion des TIC en 1998 et 1999 devrait permettre à la France de combler son retard dans les prochaines années. Au total, les technologies de l'information et de la communication représentent aujourd'hui plus de 5 % du PIB et 12 % de l'industrie française, situant notre industrie au quatrième rang mondial pour son chiffre d'affaires. L'émergence d'une " nouvelle économie ", c'est-à-dire d'une croissance " high tech ", durablement élevée, fortement créatrice d'emplois et qui ne laisse aucun secteur au bord du chemin, c'est notre grand dessein.
2 - Le gouvernement est particulièrement attentif à une diffusion rapide des technologies de l'information sur tout le territoire.
Le Secrétariat d'Etat à l'Industrie mène une politique volontariste pour le développement industriel de ce secteur dans toutes les régions.
Je consacre maintenant environ 1,5 MdsF par an à soutenir des projets innovants dans ce domaine au travers notamment du "programme société de l'information". Je pense à UCIPE, ouvert depuis 1999 à l'ensemble des actions collectives des PME pour utiliser Internet. Au RNRT qui a engendré en 1998 1 MdF de recherche dans le secteur. A PRIAMM, qui permet depuis cette année d'inciter les industries culturelles à s'approprier la révolution numérique.
Ces programmes ont déjà permis de soutenir des projets variés auxquels participent des collectivités locales, comme l'extranet de la fédération des villes moyennes. Car ma conviction est que tous les secteurs peuvent bénéficier de la révolution numérique, en particulier les secteurs industriels traditionnels.
Le développement des réseaux doit permettre de mieux irriguer notre territoire, afin que tous puissent bénéficier des nouvelles technologies.
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire permet aux collectivités locales d'établir des infrastructures de fibres optiques qui peuvent être mises à disposition des opérateurs de télécommunication dans des conditions déterminées. Concrètement, dès lors que ceux-ci n'ont pas développé eux-mêmes de tels réseaux et que l'offre de services et de réseaux à haut débit reste insatisfaisante, les collectivités pourront participer à leur développement.
Le développement des réseaux à haut débit constitue une priorité pour le gouvernement. Il permettra de diffuser dans de nouveaux territoires des accès de haute qualité à Internet. Pour y parvenir, plusieurs technologies sont disponibles (câble, ADSL, satellite, boucle locale radio pour laquelle le gouvernement s'apprête à lancer un appel à candidature, UMTS d'ici quelques années). A terme, l'ensemble du territoire devrait ainsi pouvoir bénéficier de ces technologies.
L'administration électronique devient une réalité.
L'utilisation des TIC dans l'enseignement, première priorité du programme d'action gouvernemental pour préparer l'entrée de la France dans la société de l'information, a fortement progressé grâce aux efforts conjugués des collectivités locales et de l'Etat.
Mettre les NTIC au service de la modernisation des services publics est également une priorité du gouvernement. Cet objectif se traduit concrètement : diffusion gratuite des principaux rapports administratifs et parlementaires, ouverture du portail administratif Admifrance, mise en ligne de 300 formulaires couvrant 50 % du volume des procédures, services à distance comme le paiement des impôts ou l'accomplissement de certaines formalités.
Le doublement des moyens interministériels consacrés aux TIC dans l'administration décidé en 1999 a permis d'engager deux actions structurantes :
Au niveau central, un intranet inter-administrations (ADER) est en cours de déploiement. Ses premiers services devraient être opérationnels fin 1999.
Dans les services déconcentrés, les systèmes d'information territoriaux (SIT), qui facilitent les échanges d'informations et les pratiques de travail en commun entre services d'un même département ou d'une même région, ont donné lieu à des expériences concluantes ; il seront généralisés d'ici la fin de l'année 2000.
Différentes collectivités locales ont exprimé le souhait d'être raccordées à ces SIT. Cette proposition, je vous l'annonce, est accueillie favorablement par le gouvernement . Dès lors que le fonctionnement de ces systèmes d'information sera bien établi, les modalités de leur ouverture aux collectivités locales pourront être définies précisement avec les préfets concernés.
Enfin, je souhaite évoquer la préparation de la France à l'an 2000.
L'Etat s'est fortement mobilisé à cet égard, afin de sensibiliser tous les acteurs concernés. Il est essentiel que les collectivités locales le restent également. Les derniers éléments d'information dont nous disposons montrent que, si les maires s'estiment globalement prêts pour le fonctionnement interne de leur administration, les services concédés ou les établissements recevant du public n'ont pas toujours fait l'objet de la même attention.
3 - Un chantier juridique majeur pour 2000.
Je souhaite enfin évoquer l'adaptation de notre cadre juridique à la société de l'information. Une consultation publique est en cours, qui est coordonnée par le Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Ces questions concernent directement les collectivités et les élus locaux. Nous avons donc bien évidemment invité à cette consultation l'association des maires de France, ainsi que d'autres associations représentant les collectivités locales.
Je voudrais à ce titre vous donner mon sentiment sur la loi pour la société de l'information qui sera issue de cette consultation et qui sera soumise au Parlement en 2000. Je m'appuie en cela sur les nombreuses contributions reçues d'ores et déjà par mes services : un droit spécifique à l'internet, non, car nos principes juridiques doivent s'appliquer au monde en ligne ; des clarifications sur la manière dont ces grands principes de liberté s'appliquent au monde en ligne, oui. J'ajoute que je considère que l'auto-régulation, c'est-à-dire la responsabilisation volontaire des acteurs, doit jouer un rôle.
Avec ces principes, la France sera en mesure de proposer au niveau international, je pense en particulier à l'Europe, une vision de la société de l'information respectueuse des personnes et ouverte sur le monde.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 25 novembre 1999)