Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Je vais vous présenter, au nom du gouvernement, les perspectives des prochaines négociations commerciales multilatérales et les objectifs de notre pays et de ses partenaires européens.
Je suis très heureux de venir devant vous aujourd'hui, car ce débat nous permettra d'établir une analyse plus précise de la situation, moins d'une semaine avant la Conférence de Seattle.
Je le suis d'autant plus que vous avez déjà effectué un travail important sur les prochaines négociations à l'occasion du rapport de M. Michel Souplet sur trois propositions de résolution qui furent présentées, réunies et adoptées par la Commission des affaires économiques et du Plan.
Le souhait du Sénat d'être associé à cette négociation, souhait qui se concrétisera d'ailleurs par la présence de membres de la Haute Assemblée au sein de la délégation française, rejoint le désir du gouvernement, manifesté depuis plusieurs mois, d'aborder ces négociations dans la transparence, à l'égard des élus comme de la société civile.
Nous croyons en effet qu'à l'ampleur des enjeux de la mondialisation, qui concerne chacun de nos concitoyens, doivent correspondre, de la part des gouvernements, des méthodes nouvelles de consultation et d'information, pour que les positions prises par notre pays ne reflètent pas seulement les convictions de quelques-uns mais expriment les intérêts de tous.
Avant d'aborder la négociation proprement dite, permettez-moi d'éclairer deux aspects généraux du fonctionnement et du rôle de l'Organisation mondiale du commerce sur les plans institutionnel et économique.
Le premier volet est le rôle institutionnel de l'OMC.
Sur le plan institutionnel, il faut bien comprendre que l'OMC n'est pas une organisation supranationale, elle est une organisation interétatique, respectueuse de la souveraineté et fonctionnant sur le modèle du contrat social, un contrat social international.
Les règles issues de l'OMC sont le fruit de la volonté des Etats : ce qu'ils n'acceptent pas n'a pas force de droit. L'OMC n'impose aucun engagement, sinon celui de respecter ses engagements librement consentis.
Même lorsqu'il s'agit de fixer les règles d'ouverture commerciale, grâce à l'OMC, nous pouvons nous accorder sur des concessions équilibrées. Dans tous les domaines, nous pouvons donc considérer que l'existence de l'OMC nous permet, selon le mot célèbre, de substituer 'à la liberté qui opprime, la règle qui libère'.
Le fonctionnement contractuel de l'OMC appelle naturellement une fonction juridictionnelle pour régler les différends dans l'application des clauses du contrat.
Des critiques se sont exprimées sur le caractère interne 'endogène', de l'ORD, l'Organe de règlement des différends, qui, étant dans l'OMC, serait à la fois juge et partie.
Certains évoquent, par souci de cohérence des institutions internationales, un recours des décisions de l'Organe de règlement des différends auprès de la Cour internationale de justice.
Permettez-moi de remarquer que seulement un tiers des membres de l'Organisation des Nations unies a accepté que leurs différends soient normalement soumis à la Cour internationale de justice, alors que les 134 membres de l'OMC reconnaissent la juridiction de l'ORD.
En termes d'efficacité et de légitimité, l'avantage, est clairement en faveur de l'OMC.
Je me suis déjà exprimé sur les évolutions que doit connaître l'ORD en termes de transparence, d'accès au droit pour les pays pauvres, d'évolution du système des sanctions, qui doit concilier efficacité et justice. Il n'est en effet pas normal que des secteurs, des entreprises et, en définitive, des hommes et des femmes subissent les conséquences de litiges auxquels ils n'étaient nullement parties. Le recours à des compensations, voire à des astreintes, me semble devoir être étudié.
D'une manière plus générale, je voudrais souligner que l'existence de l'ORD ne doit pas nous conduire à un gouvernement économique des juges sur le plan international.
C'est pourquoi les Etats, certes instruits par la jurisprudence de l'ORD, doivent réexaminer périodiquement le cadre normatif sur lequel les juges s'appuient. C'est d'ailleurs une des activités fondamentales de l'OMC que de revisiter ses propres règles.
En bref, la critique externe de l'OMC est stimulante, mais c'est de l'intérieur de l'OMC que l'on pourra vraiment faire progresser la régulation économique dont nous avons besoin.
J'en arrive au second volet, le rôle économique de l'OMC. Là s'opposent une thèse et une antithèse.
La thèse est celle de la théorie économique, confirmée par beaucoup d'observations concrètes.
En s'engageant dans l'échange international, qui permet d'accroître la taille du marché, un pays produira plus, avec une meilleure productivité et avec des coûts plus faibles. Dans le même temps, les consommateurs bénéficient d'une gamme plus large de biens, à des prix moins élevés.
Des études récentes réalisées dans un grand nombre de pays ont montré que les économies ouvertes bénéficiaient d'un taux de croissance supérieur à celui des économies fermées.
L'antithèse considère que la logique du marché ne doit pas être la logique de la vie : c'est la différence entre l'économie de marché et la société de marché.
L'homme ne peut en effet être réduit à une pure dimension d'agent économique, voulant toujours plus de production ou de consommation.
A l'individualisme du marché, on oppose à juste titre l'existence de communautés de vie et de traditions, propres à chaque pays, qui ne doivent pas se dissoudre dans la globalisation et l'uniformisation.
Comment résoudre cette contradiction ? Comment trouver une synthèse entre ces points de vue ?
Il faut se souvenir que les théories du libre-échange sont nées avec la révolution industrielle et correspondent bien à la nature des objets techniques : un bien industriel, une machine sophistiquée par exemple, n'exprime pas une tradition, n'est pas issu d'une culture spécifique à un pays.
Pour ce type de biens, la libéralisation, la spécialisation, les économies d'échelle sont globalement positifs. Et l'on peut en dire de même pour certains services, comme les services financiers.
Mais, pour d'autres biens, les biens culturels, les services publics, l'agriculture également, le raisonnement froidement économique ne peut s'appliquer sans restrictions.
Je ne dis pas qu'il doit être totalement rejeté : personne ne peut être sérieusement partisan d'une autarcie totale en matière culturelle ou agricole. Mais, dans ces domaines, il faut trouver un équilibre entre le respect des identités et l'ouverture raisonnable aux échanges.
C'est ce qui inspire, la position du gouvernement dans les négociations de l'OMC : libéraliser de manière équitable ce qui peut l'être et protéger en même temps nos valeurs, notre organisation sociale, l'équilibre de notre territoire, dans la perspective d'un monde de diversité, d'un monde multipolaire.
Le reste est question de moyens, qui peuvent être divers. A l'OMC, nous parlons d'agriculture, mais nous n'y négocions pas sur la culture : chaque domaine a sa spécificité.
Je tenais à rappeler ces considérations générales qui me semblent importantes pour comprendre la logique du fonctionnement de l'OMC.
J'en viens maintenant à la préparation de Seattle. A quelques jours de la conférence, la situation se caractérise par une forte incertitude. Le processus qui s'est engagé : au début du mois de septembre ne permet pas de déterminer avec précision le contenu d'une plate-forme commune. Plus précisément, nous attendons aujourd'hui encore le premier texte opérationnel qui devra servir de base à nos travaux à Seattle.
Beaucoup d'entre vous pourraient considérer cette situation - assez inédite à la veille d'une grande conférence internationale - comme un signe de faiblesse de l'OMC. Je crois qu'il s'agit de l'effet conjoint de causes diverses.
L'OMC a changé cette année de directeur général à l'issue d'un processus de décision qui a été difficile, comme vous le savez.
L'administration américaine se trouve en année préélectorale, dépourvue du Fast-track, même si cette dernière n'est pas nécessaire au lancement de négociations, et soumise à un jeu complexe à l'égard du Congrès : tous ces facteurs n'ont pas contribué à permettre aux Etats-Unis d'assurer aussi efficacement que l'on aurait pu le souhaiter les responsabilités de pays d'accueil et de président de la Conférence ministérielle.
Enfin, l'OMC est réellement devenue, comme je l'ai dit, une Organisation démocratique au sein de laquelle quelques-uns ne peuvent décider pour tous. Cela ne renforce pas l'efficacité immédiate de l'organisation, mais établit, au, contraire, sa légitimité, que je crois tout aussi indispensable pour une organisation internationale.
Il s'ensuit que la réunion de Seattle aura à répondre, avec succès, je l'espère, à un défi inédit : non pas seulement boucler les derniers détails d'une négociation, mais en établir l'équilibre lui-même. Il est donc probable que les Etats et les ministres aient à travailler sur place sur les grands chapitres du cycle, parallèlement à la conférence. générale proprement dite.
Quels sont les points de vue en présence ?
Les pays en développement ont fait de la question de la mise en oeuvre des accords de l'Uruguay un préalable au lancement du prochain cycle. Ils considèrent qu'ils n'ont pas retiré du cycle de l'Uruguay les avantages qu'ils étaient en droit d'attendre. Ils estiment avoir été contraints de signer des accords à la négociation desquels ils n'avaient pas été suffisamment associés.
En réalité, ces reproches ne sont pas tous fondés. Certains pays, on peut le comprendre, font porter à l'OMC, comme vecteur de la libéralisation, une responsabilité dans l'émergence de la crise asiatique ou, plus généralement, dans la persistance du mal-développement. C'est un peu le sens des conclusions des travaux du G 77 qui s'est réuni l'automne dernier à Marrakech.
Je crois que ces difficultés ont bien d'autres causes, des causes financières et monétaires, à l'égard desquelles l'OMC n'a que peu de contrôle, ainsi que des causes internes liées au rythme sans doute trop lent des réformes politiques et juridiques qui doivent accompagner la modernisation de l'économie. Là aussi, l'OMC n'a que peu de prise. C'est sans doute dans une meilleure coordination de toutes les institutions internationales que nous devrons, dans l'avenir, chercher des remèdes.
Même si nous ne devons pas avoir mauvaise conscience, car l'Europe en particulier a respecté ses engagements de Marrakech ; nous devons être attentifs aux demandes des pays en développement. Nous sommes ouverts à certaines de leurs revendications et nous sommes prêts à des, décisions immédiates à Seattle, en particulier en faveurs des pays les moins avancés.
L'OMC met en oeuvre un traitement spécial et différencié au bénéfice des pays en développement. La plupart des accords prévoient la possibilité de périodes de transition. Nous devons en parallèle faire un effort particulier d'assistance technique pour permettre aux pays en développement de remplir leurs engagements et de tirer tous les bénéfices de leur participation au système multilatéral.
Nous devons dans le même temps être attentifs à ne pas rouvrir les accords de Marrakech et les équilibres atteints à cette occasion. Les pays émergents ont bénéficié des accords de Marrakech. La part des pays en développement dans les échanges mondiaux est passée de 12 % à 20 % entre 1970 et 1998. Mais les disparités restent fortes. La libéralisation des échanges doit bénéficier à tous. Tel est l'objectif que défend l'Union européenne à l'OMC.
La question de la différenciation entre les pays en développement méritera d'être traitée dans le cadre du prochain cycle. Il importe que les pays les moins avancés aient un traitement plus favorable - c'est une des propositions de l'Union européenne pour Seattle - et que les pays émergents avancés contribuent davantage au système multilatéral. Beaucoup d'entre eux conservent des barrières douanières élevées qui pénalisent les pays moins intégrés dans l'échange international.
Le groupe de Cairns, de son côté, non sans le soutien implicite des Etats-Unis, a tenté d'imposer un préalable agricole à toute discussion générale avec l'Union européenne. L'Australie et la Nouvelle-Zélande, en particulier, ont à la fois exigé de fixer dès Seattle les points d'arrivée de la négociation agricole et refusé de progresser sur les autres sujets de la négociation.
L'Union européenne, appuyée par différents partenaires, dont le Japon et la Corée, s'est refusée à cette négociation agricole et à cette prise en otage de l'ensemble du cycle.
L'Europe rappelle que l'objectif doit rester, à Seattle, de s'entendre sur une programme de négociation et non de traiter au fond des différents sujets.
Les Etats membres de l'Union européenne sont solidaires sur cette ligne. Les résultats du Conseil de Berlin d'avril dernier et les conclusions du Conseil Affaires générales du 26 octobre, rappelées lors du Conseil du 15 novembre, sont la base de la position communautaire.
L'Union européenne est prête à reprendre les négociations sur l'agriculture, conformément aux engagements pris à Marrakech. Nos préoccupations relatives aux sujets agricoles non commerciaux - le développement rural, l'environnement, la sécurité alimentaire, par exemple - devront être prises en compte dans la négociation.
L'idée de la multifonctionnalité de l'agriculture synthétise bien nos objectifs. Nous considérons, en effet, que l'agriculture ne peut, comme certains le souhaitent, être banalisée car son rôle social et environnemental est spécifique.
Nous ne pouvons admettre que, dans le domaine agricole, une libéralisation sans limites aboutisse à ce que, emportés dans la course à la productivité, des agriculteurs de moins en moins nombreux s'épuisent dans une guerre des prix qui ne profitera qu'à quelques multinationales de l'agro-industrie.
Cette position de la France et de l'Europe en faveur de la multifonctionnalité de l'agriculture, de son rôle productif mais aussi de son caractère structurant pour l'ensemble de la société, n'est pas issue de la seule définition de nos intérêts. Ce que nous défendons ici, c'est un modèle équilibré, c'est la protection des spécificités nationales, qui correspondent aux intérêts des agriculteurs du monde entier, y compris de ceux des pays les moins développés.
Par rapport aux Etats-Unis, dont les ambitions sont limitées à un cycle étroit, l'Union européenne continue à militer en faveur d'une approche globale de la négociation et d'un engagement unique.
Le débat actuel sur le projet de déclaration de Seattle confirme que la globalité est seule de nature à équilibrer les intérêts de tous les membres de l'OMC.
L'approche américaine, centrée sur la libéralisation de l'agriculture, des services et de certains secteurs industriels prédéterminés dans l'enceinte de l'APEC, n'est évidemment pas à même de satisfaire les demandes des pays en développement, ni, bien sûr, celles de l'Union européenne.
Elle n'est pas davantage susceptible de répondre. aux ambitions de l'Union européenne dans la recherche d'un équilibre entre la dynamique de l'ouverture, d'une part et l'exigence de régulation du système commercial international, d'autre part.
La France et l'Union européenne ont aussi mis l'accent sur la nécessité de renforcer le système commercial.
Le lancement de négociations sur des principes de base relatifs à l'investissement direct étranger, à la concurrence et à la transparence dans les marchés publics peut constituer une première étape de cet approfondissement des règles multilatérales.
Beaucoup de pays considèrent que ces sujets servent de prétexte à l'Europe pour "charger la barque" et retarder la conclusion du cycle. Nous devons leur montrer que ces thèmes sont, au contraire, dans l'intérêt de tous.
Avec des règles meilleures sur les marchés publics, les pays peuvent lutter contre la corruption et faire jouer, pour une bonne gestion des finances publiques, les offres nationales et étrangères. Avec des règles sur l'investissement, les Etats pourront attirer des capitaux en leur offrant un cadre juridique stable et équitable. Avec des règles sur la concurrence, ils pourront mieux lutter contre l'emprise des grandes firmes multinationales.
Ces progrès du droit économique international sont nécessaires, mais ne pourront être que graduels. C'est sur le long terme que l'OMC pourra contribuer à établir des disciplines librement consenties, complètes et efficaces dans ces domaines.
Nous souhaitons que la conférence de Seattle, sous une forme que la négociation devra déterminer, constitue une étape importante pour faire progresser ces sujets.
L'OMC doit aussi répondre aux préoccupations des opinions publiques sur les thèmes de la sécurité des aliments, des questions sanitaires, de l'environnement. La question du boeuf aux hormones ou le commerce transfrontalier des organismes génétiquement modifiés appellent incontestablement des clarifications.
Dans ces questions d'environnement, nous devons chercher un juste milieu entre deux extrêmes: légiférer sur l'environnement à l'OMC, dont ce n'est pas le rôle et, à l'opposé, se désintéresser du sujet. Ce que nous proposons, c'est que le comité de l'environnement de l'OMC fasse beaucoup plus rapidement qu'aujourd'hui des propositions aux ministres pour clarifier l'articulation entre les règles commerciales et les accords multilatéraux sur l'environnement et entre le travail de l'OMC et celui d'autres institutions comme l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, ou l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS.
Cette meilleure cohérence du système international doit permettre d'améliorer les réponses que nous pouvons apporter aux problèmes transversaux: le développement durable, la lutte contre les inégalités et le besoin d'équité les problèmes de santé publique ou le respect des normes sociales fondamentales. Certains de ces sujets ne peuvent être abordés que conjointement par des organisations internationales comme le Fonds monétaire international le FMI, et la Banque mondiale.
C'est aussi le cas pour les normes sociales: nous plaidons pour l'établissement d'un forum conjoint et permanent entre l'OMC et l'Organisation internationale du travail, l'OIT. Nous sommes convaincus que des progrès ne pourront être réalisés que sur la base d'une collaboration effective entre les deux organisations, la définition des normes devant, bien entendu, continuer à incomber à l'OIT.
Sur les politiques économiques et la gouvernance dans les pays en développement, nous avons engagé l'OMC dans un programme de coopération avec les institutions de Bretton Woods dans le cadre de la politique plus générale menée par Christian Sautter en faveur du renforcement de leur rôle régulateur.
Sur la santé, l'OMC et l'OMS doivent procéder à une identification des questions de santé publique liées au commerce. Les deux organisations tiendront une session de travail conjointe le 1er décembre à Seattle sur ces questions et auront l'occasion de présenter publiquement leur programme de coopération.
S'agissant de la diversité culturelle, enfin, l'impulsion de la France a permis l'adoption à l'UNESCO, par cinquante-huit ministres, d'une déclaration sur la spécificité de la culture.
La globalité à laquelle nous sommes attachés pour le prochain cycle de Seattle n'est donc pas seulement la clé d'une négociation purement commerciale. Elle doit répondre aux questions qui préoccupent les pays en développement et les opinions publiques. Elle vise à renforcer la capacité des Etats à maîtriser les conséquences de la mondialisation. Elle est l'occasion d'amorcer une réflexion qui s'impose sur l'avenir du système international.
L'OMC, tout le monde le reconnaît, n'est pas responsable d'une mondialisation qui, si nous savions la maîtriser, est un atout pour la croissance économique et le développement.
Mais cette organisation, dont la France et l'Union européenne ont souhaité la création, est perfectible. Elle doit servir davantage à la régulation. En l'absence de règles, et comme l'a déclaré le Premier ministre, la loi de la jungle l'emporterait.
L'OMC doit s'ouvrir davantage aux préoccupations des citoyens et à la demande de transparence de la société civile. Elle doit faire la preuve qu'elle est capable de répondre aux attentes de tous ses membres.
L'accord entre les Etats-Unis et la Chine adresse un signal positif pour l'OMC, à la veille de Seattle. L'Union européenne, qui soutient cette adhésion, devra s'assurer que les bases en sont conformes à ses intérêts.
Au total, ce développement récent témoigne de l'attractivité de l'OMC en renforçant son universalité. Plus de trente pays sont engagés actuellement dans des processus d'adhésion, parmi lesquels la Russie et l'Arabie Saoudite.
En attendant Seattle, l'Union européenne devra donc continuer à travailler pour un accord sur un agenda large. Pendant la conférence, elle recherchera un ensemble de décisions équilibrées.
Le gouvernement sera, à Seattle, en contact permanent avec les parlementaires présents, bien entendu.
Nous abordons cette conférence avec calme et détermination. Notre ligne doit être d'obtenir une déclaration opérationnelle qui ouvre, ou laisse ouvertes, les options auxquelles nous tenons. L'exercice ne sera pas aisé, car l'OMC décide sur la base d'un consensus entre 135 membres souverains.
Nous avons beaucoup à gagner à une reprise des négociations. Si nous avons à répondre à des questions difficiles; nous disposons de la durée: la conférence de Seattle doit marquer le démarrage d'un prochain cycle. Seattle sera donc le point de départ d'un travail de négociation qui se poursuivra pendant plusieurs années et que nous mènerons avec la même résolution et le même souci de transparence qui nous ont guidés jusqu'ici.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 décembre 1999)
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Je vais vous présenter, au nom du gouvernement, les perspectives des prochaines négociations commerciales multilatérales et les objectifs de notre pays et de ses partenaires européens.
Je suis très heureux de venir devant vous aujourd'hui, car ce débat nous permettra d'établir une analyse plus précise de la situation, moins d'une semaine avant la Conférence de Seattle.
Je le suis d'autant plus que vous avez déjà effectué un travail important sur les prochaines négociations à l'occasion du rapport de M. Michel Souplet sur trois propositions de résolution qui furent présentées, réunies et adoptées par la Commission des affaires économiques et du Plan.
Le souhait du Sénat d'être associé à cette négociation, souhait qui se concrétisera d'ailleurs par la présence de membres de la Haute Assemblée au sein de la délégation française, rejoint le désir du gouvernement, manifesté depuis plusieurs mois, d'aborder ces négociations dans la transparence, à l'égard des élus comme de la société civile.
Nous croyons en effet qu'à l'ampleur des enjeux de la mondialisation, qui concerne chacun de nos concitoyens, doivent correspondre, de la part des gouvernements, des méthodes nouvelles de consultation et d'information, pour que les positions prises par notre pays ne reflètent pas seulement les convictions de quelques-uns mais expriment les intérêts de tous.
Avant d'aborder la négociation proprement dite, permettez-moi d'éclairer deux aspects généraux du fonctionnement et du rôle de l'Organisation mondiale du commerce sur les plans institutionnel et économique.
Le premier volet est le rôle institutionnel de l'OMC.
Sur le plan institutionnel, il faut bien comprendre que l'OMC n'est pas une organisation supranationale, elle est une organisation interétatique, respectueuse de la souveraineté et fonctionnant sur le modèle du contrat social, un contrat social international.
Les règles issues de l'OMC sont le fruit de la volonté des Etats : ce qu'ils n'acceptent pas n'a pas force de droit. L'OMC n'impose aucun engagement, sinon celui de respecter ses engagements librement consentis.
Même lorsqu'il s'agit de fixer les règles d'ouverture commerciale, grâce à l'OMC, nous pouvons nous accorder sur des concessions équilibrées. Dans tous les domaines, nous pouvons donc considérer que l'existence de l'OMC nous permet, selon le mot célèbre, de substituer 'à la liberté qui opprime, la règle qui libère'.
Le fonctionnement contractuel de l'OMC appelle naturellement une fonction juridictionnelle pour régler les différends dans l'application des clauses du contrat.
Des critiques se sont exprimées sur le caractère interne 'endogène', de l'ORD, l'Organe de règlement des différends, qui, étant dans l'OMC, serait à la fois juge et partie.
Certains évoquent, par souci de cohérence des institutions internationales, un recours des décisions de l'Organe de règlement des différends auprès de la Cour internationale de justice.
Permettez-moi de remarquer que seulement un tiers des membres de l'Organisation des Nations unies a accepté que leurs différends soient normalement soumis à la Cour internationale de justice, alors que les 134 membres de l'OMC reconnaissent la juridiction de l'ORD.
En termes d'efficacité et de légitimité, l'avantage, est clairement en faveur de l'OMC.
Je me suis déjà exprimé sur les évolutions que doit connaître l'ORD en termes de transparence, d'accès au droit pour les pays pauvres, d'évolution du système des sanctions, qui doit concilier efficacité et justice. Il n'est en effet pas normal que des secteurs, des entreprises et, en définitive, des hommes et des femmes subissent les conséquences de litiges auxquels ils n'étaient nullement parties. Le recours à des compensations, voire à des astreintes, me semble devoir être étudié.
D'une manière plus générale, je voudrais souligner que l'existence de l'ORD ne doit pas nous conduire à un gouvernement économique des juges sur le plan international.
C'est pourquoi les Etats, certes instruits par la jurisprudence de l'ORD, doivent réexaminer périodiquement le cadre normatif sur lequel les juges s'appuient. C'est d'ailleurs une des activités fondamentales de l'OMC que de revisiter ses propres règles.
En bref, la critique externe de l'OMC est stimulante, mais c'est de l'intérieur de l'OMC que l'on pourra vraiment faire progresser la régulation économique dont nous avons besoin.
J'en arrive au second volet, le rôle économique de l'OMC. Là s'opposent une thèse et une antithèse.
La thèse est celle de la théorie économique, confirmée par beaucoup d'observations concrètes.
En s'engageant dans l'échange international, qui permet d'accroître la taille du marché, un pays produira plus, avec une meilleure productivité et avec des coûts plus faibles. Dans le même temps, les consommateurs bénéficient d'une gamme plus large de biens, à des prix moins élevés.
Des études récentes réalisées dans un grand nombre de pays ont montré que les économies ouvertes bénéficiaient d'un taux de croissance supérieur à celui des économies fermées.
L'antithèse considère que la logique du marché ne doit pas être la logique de la vie : c'est la différence entre l'économie de marché et la société de marché.
L'homme ne peut en effet être réduit à une pure dimension d'agent économique, voulant toujours plus de production ou de consommation.
A l'individualisme du marché, on oppose à juste titre l'existence de communautés de vie et de traditions, propres à chaque pays, qui ne doivent pas se dissoudre dans la globalisation et l'uniformisation.
Comment résoudre cette contradiction ? Comment trouver une synthèse entre ces points de vue ?
Il faut se souvenir que les théories du libre-échange sont nées avec la révolution industrielle et correspondent bien à la nature des objets techniques : un bien industriel, une machine sophistiquée par exemple, n'exprime pas une tradition, n'est pas issu d'une culture spécifique à un pays.
Pour ce type de biens, la libéralisation, la spécialisation, les économies d'échelle sont globalement positifs. Et l'on peut en dire de même pour certains services, comme les services financiers.
Mais, pour d'autres biens, les biens culturels, les services publics, l'agriculture également, le raisonnement froidement économique ne peut s'appliquer sans restrictions.
Je ne dis pas qu'il doit être totalement rejeté : personne ne peut être sérieusement partisan d'une autarcie totale en matière culturelle ou agricole. Mais, dans ces domaines, il faut trouver un équilibre entre le respect des identités et l'ouverture raisonnable aux échanges.
C'est ce qui inspire, la position du gouvernement dans les négociations de l'OMC : libéraliser de manière équitable ce qui peut l'être et protéger en même temps nos valeurs, notre organisation sociale, l'équilibre de notre territoire, dans la perspective d'un monde de diversité, d'un monde multipolaire.
Le reste est question de moyens, qui peuvent être divers. A l'OMC, nous parlons d'agriculture, mais nous n'y négocions pas sur la culture : chaque domaine a sa spécificité.
Je tenais à rappeler ces considérations générales qui me semblent importantes pour comprendre la logique du fonctionnement de l'OMC.
J'en viens maintenant à la préparation de Seattle. A quelques jours de la conférence, la situation se caractérise par une forte incertitude. Le processus qui s'est engagé : au début du mois de septembre ne permet pas de déterminer avec précision le contenu d'une plate-forme commune. Plus précisément, nous attendons aujourd'hui encore le premier texte opérationnel qui devra servir de base à nos travaux à Seattle.
Beaucoup d'entre vous pourraient considérer cette situation - assez inédite à la veille d'une grande conférence internationale - comme un signe de faiblesse de l'OMC. Je crois qu'il s'agit de l'effet conjoint de causes diverses.
L'OMC a changé cette année de directeur général à l'issue d'un processus de décision qui a été difficile, comme vous le savez.
L'administration américaine se trouve en année préélectorale, dépourvue du Fast-track, même si cette dernière n'est pas nécessaire au lancement de négociations, et soumise à un jeu complexe à l'égard du Congrès : tous ces facteurs n'ont pas contribué à permettre aux Etats-Unis d'assurer aussi efficacement que l'on aurait pu le souhaiter les responsabilités de pays d'accueil et de président de la Conférence ministérielle.
Enfin, l'OMC est réellement devenue, comme je l'ai dit, une Organisation démocratique au sein de laquelle quelques-uns ne peuvent décider pour tous. Cela ne renforce pas l'efficacité immédiate de l'organisation, mais établit, au, contraire, sa légitimité, que je crois tout aussi indispensable pour une organisation internationale.
Il s'ensuit que la réunion de Seattle aura à répondre, avec succès, je l'espère, à un défi inédit : non pas seulement boucler les derniers détails d'une négociation, mais en établir l'équilibre lui-même. Il est donc probable que les Etats et les ministres aient à travailler sur place sur les grands chapitres du cycle, parallèlement à la conférence. générale proprement dite.
Quels sont les points de vue en présence ?
Les pays en développement ont fait de la question de la mise en oeuvre des accords de l'Uruguay un préalable au lancement du prochain cycle. Ils considèrent qu'ils n'ont pas retiré du cycle de l'Uruguay les avantages qu'ils étaient en droit d'attendre. Ils estiment avoir été contraints de signer des accords à la négociation desquels ils n'avaient pas été suffisamment associés.
En réalité, ces reproches ne sont pas tous fondés. Certains pays, on peut le comprendre, font porter à l'OMC, comme vecteur de la libéralisation, une responsabilité dans l'émergence de la crise asiatique ou, plus généralement, dans la persistance du mal-développement. C'est un peu le sens des conclusions des travaux du G 77 qui s'est réuni l'automne dernier à Marrakech.
Je crois que ces difficultés ont bien d'autres causes, des causes financières et monétaires, à l'égard desquelles l'OMC n'a que peu de contrôle, ainsi que des causes internes liées au rythme sans doute trop lent des réformes politiques et juridiques qui doivent accompagner la modernisation de l'économie. Là aussi, l'OMC n'a que peu de prise. C'est sans doute dans une meilleure coordination de toutes les institutions internationales que nous devrons, dans l'avenir, chercher des remèdes.
Même si nous ne devons pas avoir mauvaise conscience, car l'Europe en particulier a respecté ses engagements de Marrakech ; nous devons être attentifs aux demandes des pays en développement. Nous sommes ouverts à certaines de leurs revendications et nous sommes prêts à des, décisions immédiates à Seattle, en particulier en faveurs des pays les moins avancés.
L'OMC met en oeuvre un traitement spécial et différencié au bénéfice des pays en développement. La plupart des accords prévoient la possibilité de périodes de transition. Nous devons en parallèle faire un effort particulier d'assistance technique pour permettre aux pays en développement de remplir leurs engagements et de tirer tous les bénéfices de leur participation au système multilatéral.
Nous devons dans le même temps être attentifs à ne pas rouvrir les accords de Marrakech et les équilibres atteints à cette occasion. Les pays émergents ont bénéficié des accords de Marrakech. La part des pays en développement dans les échanges mondiaux est passée de 12 % à 20 % entre 1970 et 1998. Mais les disparités restent fortes. La libéralisation des échanges doit bénéficier à tous. Tel est l'objectif que défend l'Union européenne à l'OMC.
La question de la différenciation entre les pays en développement méritera d'être traitée dans le cadre du prochain cycle. Il importe que les pays les moins avancés aient un traitement plus favorable - c'est une des propositions de l'Union européenne pour Seattle - et que les pays émergents avancés contribuent davantage au système multilatéral. Beaucoup d'entre eux conservent des barrières douanières élevées qui pénalisent les pays moins intégrés dans l'échange international.
Le groupe de Cairns, de son côté, non sans le soutien implicite des Etats-Unis, a tenté d'imposer un préalable agricole à toute discussion générale avec l'Union européenne. L'Australie et la Nouvelle-Zélande, en particulier, ont à la fois exigé de fixer dès Seattle les points d'arrivée de la négociation agricole et refusé de progresser sur les autres sujets de la négociation.
L'Union européenne, appuyée par différents partenaires, dont le Japon et la Corée, s'est refusée à cette négociation agricole et à cette prise en otage de l'ensemble du cycle.
L'Europe rappelle que l'objectif doit rester, à Seattle, de s'entendre sur une programme de négociation et non de traiter au fond des différents sujets.
Les Etats membres de l'Union européenne sont solidaires sur cette ligne. Les résultats du Conseil de Berlin d'avril dernier et les conclusions du Conseil Affaires générales du 26 octobre, rappelées lors du Conseil du 15 novembre, sont la base de la position communautaire.
L'Union européenne est prête à reprendre les négociations sur l'agriculture, conformément aux engagements pris à Marrakech. Nos préoccupations relatives aux sujets agricoles non commerciaux - le développement rural, l'environnement, la sécurité alimentaire, par exemple - devront être prises en compte dans la négociation.
L'idée de la multifonctionnalité de l'agriculture synthétise bien nos objectifs. Nous considérons, en effet, que l'agriculture ne peut, comme certains le souhaitent, être banalisée car son rôle social et environnemental est spécifique.
Nous ne pouvons admettre que, dans le domaine agricole, une libéralisation sans limites aboutisse à ce que, emportés dans la course à la productivité, des agriculteurs de moins en moins nombreux s'épuisent dans une guerre des prix qui ne profitera qu'à quelques multinationales de l'agro-industrie.
Cette position de la France et de l'Europe en faveur de la multifonctionnalité de l'agriculture, de son rôle productif mais aussi de son caractère structurant pour l'ensemble de la société, n'est pas issue de la seule définition de nos intérêts. Ce que nous défendons ici, c'est un modèle équilibré, c'est la protection des spécificités nationales, qui correspondent aux intérêts des agriculteurs du monde entier, y compris de ceux des pays les moins développés.
Par rapport aux Etats-Unis, dont les ambitions sont limitées à un cycle étroit, l'Union européenne continue à militer en faveur d'une approche globale de la négociation et d'un engagement unique.
Le débat actuel sur le projet de déclaration de Seattle confirme que la globalité est seule de nature à équilibrer les intérêts de tous les membres de l'OMC.
L'approche américaine, centrée sur la libéralisation de l'agriculture, des services et de certains secteurs industriels prédéterminés dans l'enceinte de l'APEC, n'est évidemment pas à même de satisfaire les demandes des pays en développement, ni, bien sûr, celles de l'Union européenne.
Elle n'est pas davantage susceptible de répondre. aux ambitions de l'Union européenne dans la recherche d'un équilibre entre la dynamique de l'ouverture, d'une part et l'exigence de régulation du système commercial international, d'autre part.
La France et l'Union européenne ont aussi mis l'accent sur la nécessité de renforcer le système commercial.
Le lancement de négociations sur des principes de base relatifs à l'investissement direct étranger, à la concurrence et à la transparence dans les marchés publics peut constituer une première étape de cet approfondissement des règles multilatérales.
Beaucoup de pays considèrent que ces sujets servent de prétexte à l'Europe pour "charger la barque" et retarder la conclusion du cycle. Nous devons leur montrer que ces thèmes sont, au contraire, dans l'intérêt de tous.
Avec des règles meilleures sur les marchés publics, les pays peuvent lutter contre la corruption et faire jouer, pour une bonne gestion des finances publiques, les offres nationales et étrangères. Avec des règles sur l'investissement, les Etats pourront attirer des capitaux en leur offrant un cadre juridique stable et équitable. Avec des règles sur la concurrence, ils pourront mieux lutter contre l'emprise des grandes firmes multinationales.
Ces progrès du droit économique international sont nécessaires, mais ne pourront être que graduels. C'est sur le long terme que l'OMC pourra contribuer à établir des disciplines librement consenties, complètes et efficaces dans ces domaines.
Nous souhaitons que la conférence de Seattle, sous une forme que la négociation devra déterminer, constitue une étape importante pour faire progresser ces sujets.
L'OMC doit aussi répondre aux préoccupations des opinions publiques sur les thèmes de la sécurité des aliments, des questions sanitaires, de l'environnement. La question du boeuf aux hormones ou le commerce transfrontalier des organismes génétiquement modifiés appellent incontestablement des clarifications.
Dans ces questions d'environnement, nous devons chercher un juste milieu entre deux extrêmes: légiférer sur l'environnement à l'OMC, dont ce n'est pas le rôle et, à l'opposé, se désintéresser du sujet. Ce que nous proposons, c'est que le comité de l'environnement de l'OMC fasse beaucoup plus rapidement qu'aujourd'hui des propositions aux ministres pour clarifier l'articulation entre les règles commerciales et les accords multilatéraux sur l'environnement et entre le travail de l'OMC et celui d'autres institutions comme l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, ou l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS.
Cette meilleure cohérence du système international doit permettre d'améliorer les réponses que nous pouvons apporter aux problèmes transversaux: le développement durable, la lutte contre les inégalités et le besoin d'équité les problèmes de santé publique ou le respect des normes sociales fondamentales. Certains de ces sujets ne peuvent être abordés que conjointement par des organisations internationales comme le Fonds monétaire international le FMI, et la Banque mondiale.
C'est aussi le cas pour les normes sociales: nous plaidons pour l'établissement d'un forum conjoint et permanent entre l'OMC et l'Organisation internationale du travail, l'OIT. Nous sommes convaincus que des progrès ne pourront être réalisés que sur la base d'une collaboration effective entre les deux organisations, la définition des normes devant, bien entendu, continuer à incomber à l'OIT.
Sur les politiques économiques et la gouvernance dans les pays en développement, nous avons engagé l'OMC dans un programme de coopération avec les institutions de Bretton Woods dans le cadre de la politique plus générale menée par Christian Sautter en faveur du renforcement de leur rôle régulateur.
Sur la santé, l'OMC et l'OMS doivent procéder à une identification des questions de santé publique liées au commerce. Les deux organisations tiendront une session de travail conjointe le 1er décembre à Seattle sur ces questions et auront l'occasion de présenter publiquement leur programme de coopération.
S'agissant de la diversité culturelle, enfin, l'impulsion de la France a permis l'adoption à l'UNESCO, par cinquante-huit ministres, d'une déclaration sur la spécificité de la culture.
La globalité à laquelle nous sommes attachés pour le prochain cycle de Seattle n'est donc pas seulement la clé d'une négociation purement commerciale. Elle doit répondre aux questions qui préoccupent les pays en développement et les opinions publiques. Elle vise à renforcer la capacité des Etats à maîtriser les conséquences de la mondialisation. Elle est l'occasion d'amorcer une réflexion qui s'impose sur l'avenir du système international.
L'OMC, tout le monde le reconnaît, n'est pas responsable d'une mondialisation qui, si nous savions la maîtriser, est un atout pour la croissance économique et le développement.
Mais cette organisation, dont la France et l'Union européenne ont souhaité la création, est perfectible. Elle doit servir davantage à la régulation. En l'absence de règles, et comme l'a déclaré le Premier ministre, la loi de la jungle l'emporterait.
L'OMC doit s'ouvrir davantage aux préoccupations des citoyens et à la demande de transparence de la société civile. Elle doit faire la preuve qu'elle est capable de répondre aux attentes de tous ses membres.
L'accord entre les Etats-Unis et la Chine adresse un signal positif pour l'OMC, à la veille de Seattle. L'Union européenne, qui soutient cette adhésion, devra s'assurer que les bases en sont conformes à ses intérêts.
Au total, ce développement récent témoigne de l'attractivité de l'OMC en renforçant son universalité. Plus de trente pays sont engagés actuellement dans des processus d'adhésion, parmi lesquels la Russie et l'Arabie Saoudite.
En attendant Seattle, l'Union européenne devra donc continuer à travailler pour un accord sur un agenda large. Pendant la conférence, elle recherchera un ensemble de décisions équilibrées.
Le gouvernement sera, à Seattle, en contact permanent avec les parlementaires présents, bien entendu.
Nous abordons cette conférence avec calme et détermination. Notre ligne doit être d'obtenir une déclaration opérationnelle qui ouvre, ou laisse ouvertes, les options auxquelles nous tenons. L'exercice ne sera pas aisé, car l'OMC décide sur la base d'un consensus entre 135 membres souverains.
Nous avons beaucoup à gagner à une reprise des négociations. Si nous avons à répondre à des questions difficiles; nous disposons de la durée: la conférence de Seattle doit marquer le démarrage d'un prochain cycle. Seattle sera donc le point de départ d'un travail de négociation qui se poursuivra pendant plusieurs années et que nous mènerons avec la même résolution et le même souci de transparence qui nous ont guidés jusqu'ici.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 décembre 1999)