Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur le développement des formations entrepreneuriales au sein de l'Union européenne, notamment dans les écoles d'ingénieurs, Lille le 16 novembre 1999.

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Circonstance : Lancement du club franco-britannique des formations supérieures à l'entrepreneuriat, à Lille (Nord) le 16 novembre 1999

Texte intégral

Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs les responsables d'établissements,
Mesdames, Messieurs,
Je tiens, tout d'abord, à vous remercier vivement, Madame la Ministre, de votre présence, aujourd'hui, à Lille, pour le lancement officiel du Club Franco-Britannique des formations supérieures à l'Entrepreneuriat. Elle montre tout l'intérêt que vous accordez à ce thème ainsi qu'à la coopération franco-britannique.
J'apprécie particulièrement que cette manifestation se tienne à Lille, grande métropole au coeur de l'Europe, et si proche de nos amis britanniques. Je vous remercie, M. Debourse, d'avoir bien voulu nous accueillir à l'Ecole Supérieure de Commerce.
Madame la Ministre, vous avez rappelé, au nom de nos deux gouvernements, que cette initiative novatrice est portée, d'abord, par une volonté politique commune de Tony Blair et Lionel Jospin, puisqu'ils ont pris la décision de créer la Taskforce Entrepreneuriat, en mars 1998. Au cours de ces derniers mois, j'ai eu le plaisir d'animer ce groupe de travail avec Lord Simon puis avec vous-même. Nous avons pu, ainsi, échanger nos expériences, partager nos points de vue sur ces enjeux majeurs que sont la création d'entreprises, le développement des PME et PMI, l'innovation, la formation, la création d'emplois.
Nous devons, ensemble, construire cette Europe, conquérante, offensive, porteuse de valeurs pour les nouvelles générations.
En d'autres termes, entreprendre, encore et toujours, développer cet esprit d'entreprise qui nous réunit aujourd'hui à Lille pour lancer ce club. Ces valeurs "entrepreneuriales", je n'en doute pas, l'ensemble des universités et grandes écoles de nos deux pays, présentes ici, les partagent.
1) Les enjeux, au niveau européen, sont importants.
Madame la Ministre, vous avez, dans votre intervention, fait état du récent rapport du Global Entrepreneurship Monitor qui place nos deux pays dans une position moyenne en matière de développement d'activités nouvelles, loin derrière les USA, le Canada et Israël. Les constats et recommandations formulés dans ce rapport sont très proches de ceux que nous avons pu faire nous-mêmes en France, ces deux dernières années.
Il nous faut réconcilier les Français, les Britanniques, les Européens, avec le risque.
Il nous faut replacer l'entrepreneur au cur du processus d'innovation et de croissance. Pour créer plus d'emplois, plus de richesses, il faut innover et détecter de nouveaux talents.
Des initiatives ont déjà été prises par nos gouvernements respectifs pour appuyer la création d'entreprises et l'innovation. Ainsi, nous avons souhaité favoriser l'émergence de nouveaux capitaux, de nouveaux entrepreneurs et de nouvelles technologies. Faire émerger de nouveaux capitaux en développant le capital-risque; faire émerger de nouveaux entrepreneurs en donnant aux jeunes entreprises innovantes, les moyens de récompenser la prise de risque ; faire émerger de nouvelles technologies en créant des fonds d'amorçage et des incubateurs d'entreprises.
Il nous reste cependant à accomplir une tâche ambitieuse :
- Changer les mentalités : par exemple, dans nos pays, le dépôt de bilan d'une entreprise est trop souvent synonyme d'échec définitif de son créateur ;
- Développer de nouvelles formations et des pédagogies propres à modifier les comportements en insufflant chez les jeunes, l'esprit d'entreprise. Le professeur Jacques-Louis LIONS, ancien Président de l'Académie des Sciences, remarquait que très souvent aux USA ou en Israël, lorsqu'il soumettait un problème à ses étudiants, la première question qu'ils lui posaient était : " Si je le résous, puis-je fonder une entreprise ? ". Force est de constater que ce genre de question est plutôt rare en France ;
- Enfin, transformer l'essai en succès d'entreprises par un meilleur accompagnement des projets sur le terrain.
J'ai confiance. L'Europe a le génie de la découverte, le goût de l'échange, la passion de bâtir, l'envie de créer. Elle est riche de ses diversités culturelles.
Nous devons, pour les générations futures, entreprendre ensemble. Construire non seulement une société apprenante, mais une société entreprenante, transformer le savoir en action, développer les savoir faire - les savoir être, faire émerger de nouveaux talents.
Nous devons, pour cela, nous appuyer sur nos diversités économiques, sociales, culturelles et donc éducatives. Trouver un nouveau chemin, une voie nouvelle , transcender cette diversité, la nourrir, oser imaginer. Voici le défi, le "challenge" qui nous est lancé à tous.
Si nos économies ont l'exigence de la compétitivité et de l'innovation, nos systèmes éducatifs doivent être porteurs des mêmes valeurs, anticiper et traduire ces évolutions, trouver les voies de l'excellence.
L'échange d'expériences au sein du club, le "benchmarking " pour reprendre un terme que nous utilisons beaucoup en France, fera sans nul doute émerger de nouvelles idées et des projets communs. L'objet des débats qui suivront au cours de cette matinée, les rendez-vous "one to one" qui ont été organisés ouvriront de nouvelles perspectives de partenariat dans une vision plus internationale. Je ne doute pas du succès de vos entreprises.
2) Je pense que les conditions sont maintenant remplies pour que les formations entrepreneuriales se développent au niveau européen avec autant de succès et de reconnaissance qu'aux Etats-Unis.
De nombreuses initiatives ont été prises ces deux dernières années, tant au niveau de l'Union européenne que dans les Etats membres, en vue de renforcer le développement de l'entrepreneuriat à tous les niveaux du système éducatif. La Grande-Bretagne figure en ce domaine dans les toutes premières places. Pour ce qui est de l'Union européenne, Monsieur Mackenzie nous présentera tout à l'heure les actions en cours, notamment celles qui sont inscrites dans le programme BEST. Je n'oublie pas, bien entendu, les initiatives importantes prises par mon collègue en charge de l'éducation, de la recherche et de la technologie, Claude Allègre, pour renforcer l'esprit d'entreprise dans les universités, les lycées et collèges, mais aussi dans les organismes et laboratoires de recherche.
En tant que Ministre chargé de l'industrie, j'insisterai pour ma part sur plusieurs points :
Je suis convaincu que l'industrie doit disposer d'ingénieurs ayant une capacité accrue d'initiative, de créativité et d'autonomie. Au-delà de la culture scientifique, il faut donner aux futurs ingénieurs le goût d'entreprendre. C'est une condition indispensable pour développer la création d'entreprise. C'est pour cela que j'ai confié l'année dernière une mission de réflexion sur la formation entrepreneuriale des ingénieurs au Conseil Général des Mines et au Conseil Général des Technologies de l'Information. Sur la base du rapport qui m'a été remis, j'ai demandé à l'ensemble des écoles des Mines et des Télécommunications de faire de l'entrepreneuriat, dès cette année, un axe stratégique de leur projet pédagogique. Plusieurs établissements avaient déjà pris des initiatives en ce sens. Je veux simplement mentionner celle de l'Ecole des Mines d'Alès qui, en partenariat avec HEC entrepreneurs a repensé la totalité de son cursus pour devenir l'une des premières écoles européennes d'ingénieurs entrepreneurs. Par ailleurs, une Charte de qualité a été proposée à toutes les écoles d'ingénieurs dépendant du Ministère dans laquelle le développement de l'esprit d'entreprendre est une valeur forte, un capital commun partagé par tous les adhérents.
Il est donc nécessaire que l'enseignement soit encore plus orienté vers cet objectif. Il faut encourager l'aptitude à entreprendre relevant de qualités humaines et comportementales : curiosité d'esprit, sens du travail en équipe, habitude à porter un regard neuf voire non conformiste sur les choses, capacité d'adaptation, persévérance, aptitude à la communication, confiance en soi, sens des responsabilités...
Tout ceci ne s'enseigne pas comme des équations du second degré. Il s'agit bien plus de communiquer une tournure d'esprit.
C'est un enseignement fondé non sur l'imitation des modèles mais sur leur invention, non sur la passivité et la docilité mais sur l'initiative et la créativité.
Un enseignement adapté à la fois à la mouvance et à la complexité, les deux caractères majeurs de la modernité.
Un enseignement qui s'efforce de donner des repères, des grilles, des méthodes d'investigation et de hiérarchisation des informations plutôt que des analyses clés en main.
Au total, entreprendre c'est avoir l'envie de se réaliser. C'est avoir l'envie d'être son propre dirigeant. C'est être responsable de ses réussites, mais aussi de ses échecs et c'est être reconnu par les siens pour la valeur effective de son travail.
Je suis ainsi convaincu que grâce aux formations qui seront mises en uvre, les écoles d'ingénieurs, les écoles de management, compte tenu de la qualité de leur recrutement, de leur proximité avec le monde industriel, de leur ouverture internationale croissante et de la solidité des liens qui unissent les anciens diplômés avec les plus jeunes, peuvent constituer des viviers de créateurs d'entreprises, de développeurs d'activités innovantes, au sein des entreprises, qu'elles soient grandes ou petites.
Je pense aussi qu'un chantier important peut-être ouvert avec les grandes entreprises internationales, sur le développement de l'intrapreneuriat.
Enfin, qu'il s'agisse d'intrapreneuriat ou d'entrepreneuriat, de nouvelles opportunités apparaissent avec le développement des technologies de l'information et de la communication . En Grande-Bretagne comme en France, ce secteur contribue fortement à la création d'emplois et d'entreprises, et les jeunes sont les premiers à en bénéficier. Outil d'ouverture et de créativité, le réseau offre à notre jeunesse une formidable perspective. Il suffit de constater la moyenne d'âge des créateurs de "start-ups", des développeurs de jeux et de services en ligne.
Pour ma part, j'ai lancé, cette année, un appel à propositions sur l'utilisation collective d'Internet par les PMI. L'impact a été important : plus de 200 dossiers d'acteurs de secteurs très variés ont été reçus pour un budget global de 50 MF. L'expérience sera reconduite en 2000.
Il y a dans ce secteur un formidable enjeu pour notre Club.
Madame la Ministre, Mesdames, Messieurs, ce défi, c'est tous ensemble qu'il nous faut le relever.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 25 novembre 1999)