Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur le bilan de l'action des pouvoirs publics et des grands acteurs économiques pour préparer la France au passage de l'an 2000, Paris le 4 novembre 1999.

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Circonstance : 15ème et dernière rencontre de "Global 2000", association internationale pour la préparation de la profession financière au bogue de l'an 2000, à Paris le 4 novembre 1999

Texte intégral

Madame, Monsieur,
C'est avec une certaine émotion que j'honore aujourd'hui l'invitation que vous aviez lancée à mon collègue et ami Dominique STRAUSS-KAHN. Vous savez quelle part il a prise dans la préparation de la France au bogue de l'an 2000. Je tenais, en préambule, à lui rendre cet hommage, mais vous le comprendrez, à ce titre, parmi bien d'autres.
La profession financière s'est unie au niveau international pour faire face au défi de l'an 2000. Toutes les nations sont confrontées au bogue de l'an 2000, tout simplement parce que notre monde est interdépendant : banques, transport aérien, maritime, télécommunications, internettissent leur réseau de manière mondiale entraînant une solidarité de fait entre toutes les nations.
Dans ce monde interdépendant, la France a tenu très tôt à faire sa part du travail mondial afin d'être prête. Nous l'avons fait avec sérieux, détermination, et dans notre pays, c'est dès 1995 que les grandes entreprises ont lancé leurs plans de mise en conformité. J'ai moi-même appelé l'attention des entreprises sur le problème dès l'été 1997 et nous avons ensuite - c'était le bon moment je crois - mis les moyens nécessaires en place : création d'une mission de coordination nationale (mission Théry) en février 1998, diffusion dès le printemps 1998 des dix recommandations dites les " dix commandements " à 800 000 responsables de PME suivie d'autres envois encore plus larges, campagnes télévisées et radio en plusieurs vagues (l'une d'elles se déroule en ce moment même, et vise les " retardataires ", les très petites entreprises, les commerçants et les artisans), ouverture d'un centre d'appel téléphonique national, caravanes sillonnant le pays l'été dernier (" roadshow " à la française), organisation spécifique pour la nuit du passage avec la mise en place d'une " tour de guet " que Gérard Théry vous décrira avec détail lors de votre prochaine table ronde.
Beaucoup de travail a été fait et avec beaucoup de sérieux, mais peut être avec trop de discrétion si l'on en juge à certaines déclarations... Je n'y reviendrai pas... Les Français sont des gens sérieux et les résultats sont là, puisque vous avez bien voulu classer la France parmi les pays les mieux préparés. C'est un hommage rendu au travail effectué.
Deux principes ont soutenu l'action du gouvernement : la transparence et la responsabilité.
- La transparence. Il ne fallait pas cacher ou chercher à cacher les éventuelles difficultés : cela n'aurait pu que conduire la population à développer des craintes, des fantasmes et des angoisses millénaristes, ajoutant des problèmes de comportement aux problèmes du bogue. La transparence est le meilleur remède devant les peurs. Pour ce faire, nous nous sommes notamment attachés à la publication d'un baromètre mesurant par sondage l'état de préparation des PME/PMI. Nous avons aussi souhaité que les grandes entreprises de service public informent et communiquent sur leur état de préparation (Electricité de France, France Telecom...).
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- Second principe qui a guidé l'action du Gouvernement : la responsabilité des acteurs et leur mobilisation. Deux décisions illustrent plus particulièrement ce principe
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LA CIRCULAIRE DU PREMIER MINISTRE DU 6 NOVEMBRE 1998
Le 6 novembre 1998, le Premier Ministre a rendu public une circulaire adressée à tous les ministères et préfets qui précisait le renforcement du dispositif de mobilisation des administrations de l'Etat et des services qui en dépendent.
Il demandait expressément à tous les ministres, après avoir désigné un haut fonctionnaire coordonnateur dans leur ministère, de prendre les mesures nécessaires afin d'assurer la continuité des services essentiels (énergie, télécommunications, eau, transports, santé, incendie, etc) et la sécurité des établissements à risques, en particulier ceux accueillant du public. Chaque ministre était, en outre, invité à veiller à ce que les entreprises placées sous sa tutelle ne voient pas leurs activités économiques perturbées lors du passage à l'an 2000. Enfin, sur le terrain, dans chaque département le Préfet doit veiller à l'appui des services de l'Etat, au bon passage de l'an 2000, ou, en cas d'incident ou d'accident, déclencher les ripostes appropriées.
Chaque ministère a élaboré un plan de préparation et un plan de sauvegarde avec pour priorité la sécurité des personnes ou le bon fonctionnement de services dont l'interruption aurait des conséquences graves pour la collectivité. Ces documents, qui ont été systématiquement transmis à la mission " Passage informatique à l'an 2000 ", sont tenus à la disposition du public.
LA CRÉATION DU COMITÉ NATIONAL POUR LE PASSAGE A L'AN 2000
Ce comité dont l'installation a été présidée par M. Lionel JOSPIN le 3 février dernier est une instance de dialogue et d'échange d'information sur l'état de préparation à l'an 2000 de chacun de ses membres. Présidé par le Ministre, il réunit tous les deux mois les représentants des organisations professionnelles, syndicales, consulaires, associations de consommateurs, collectivités territoriales et présidents de grandes entreprises gérant des services sensibles sur le plan de la sécurité des personnes ou de la pérennité des circuits économiques vitaux.
La prochaine et dernière réunion est prévue le 6 décembre prochain.
Au moment où tout cet effort se termine, je voudrais :
. d'une part, en rappeler l'ampleur - 50 000 informaticiens et techniciens travaillent sur ce sujet depuis plus de deux ans en France, et l'on peut estimer que les dépenses engagées depuis 1997 dans les travaux de préparation représentent près de 120 milliards de francs, c'est-à-dire 20 milliards de $ ou d'euros.
. d'autre part, souligner que la priorité a été donnée à la sécurité des personnes et des biens. Certes, le risque zéro n'existe pas, et l'on ne peut assurer, même si l'état de préparation de la France apparaît comme bon, qu'il n'y aura pas d'incidents, mais la préparation de l'an 2000 devait être faite en appliquant le principe de précaution.
A 58 jours de l'an 2000, quel est l'état de préparation de la France ?
Les grands acteurs économiques
Les grandes entreprises françaises, qui ont pour la plupart engagé leurs travaux dès 1995-1996, se sont bien préparées. Pour la quasi totalité d'entre elles, les tests sont terminés, et les plans de sauvegarde établis. Les vérifications ont été faites notamment avec les fournisseurs les plus importants, en France et à l'étranger.
Les grands services publics et les administrations
Les grands systèmes dont le fonctionnement affecte la sécurité des personnes et des biens (défense, gendarmerie, police, pompiers, SAMU), ont fait l'objet des mises à niveau nécessaires. Les opérations de tests sont terminées et les plans de sauvegarde achevés ou en voie de l'être. Les bâtiments et notamment les établissements recevant du public ont fait l'objet des vérifications et des mises à niveau nécessaires. Dans le domaine de la santé, les orientations du ministère de l'emploi et de la solidarité ont été prises en compte par les grands établissements hospitaliers, la situation risquant par contre d'être plus hétérogène dans les plus petites unités.
Les ministères et leurs services déconcentrés ont entrepris d'importants travaux de mise à niveau. Tous les systèmes pouvant affecter la sécurité des personnes ou pouvant avoir des conséquences économiques sérieuses ont été particulièrement évalués. Les opérations de tests sont le plus souvent terminées, et les plans de sauvegarde en voie d'achèvement.
Au niveau local, les préfets ont été chargés d'assurer la cohérence de toutes les mesures adoptées, et en particulier d'établir des plans de sauvegarde afin de pallier, si nécessaire, les dysfonctionnements qui pourraient survenir.
La place financière
La place financière de Paris s'est préparée de façon coordonnée au passage à l'an 2000, sous la surveillance des autorités de contrôle, avec comme objectif prioritaire d'assurer la continuité des marchés financiers et des systèmes de paiements. Elle a largement bénéficiée de l'expérience acquise lors du passage à l'euro. Les établissements du secteur financier ont réalisé avec succès les séries de tests successifs et obligatoires, ainsi que les tests internationaux. Enfin des plans de sauvegarde ont été établis et le secteur financier a mis en place une cellule de veille qui sera fonctionnelle en permanence lors du passage à l'an 2000.
Les collectivités locales
La situation des collectivités locales quant à leur état de préparation est hétérogène. Les plus grandes sont dans la même situation que les grandes entreprises : elles sont bien préparées. Pour les collectivités locales, comme pour les entreprises, le degré de préparation semble lié à leur taille.
Les petites et moyennes entreprises
La dernière vague du baromètre sur l'état de préparation des petites et moyennes entreprises a révélé une évolution certes favorable, mais trop lente dans la prise en compte du problème de l'an 2000 : 5 à 7 % des entreprises de 10 à 199 salariés déclarent déjà qu'elles ne seront pas prêtes à temps, tandis que 21 % des entreprises de 1 à 9 salariés et 24 % des entreprises unipersonnelles veulent attendre le 1er janvier pour faire appel à un technicien. Mais l'inquiétude à l'égard des toutes dernières peut être tempérée car leur vulnérabilité est moins grande du fait qu'elles sont peu informatisées.
Une grande partie de la communication qui a été lancée ce dernier trimestre a été en conséquence spécialement dirigée vers les entreprises moyennes, petites et très petites.
Dans tout ce travail, nous avons essayé à chaque fois que c'était possible d'agir internationalement tant en bilatéral qu'en multilatéral. Chaque fois qu'un forum s'ouvrait, la France y a participé :
- les Nations-Unies ;
- la Banque Mondiale, la France ayant par ailleurs fait une contribution spéciale à INFODEV ;
- le G8 avec son groupe d'experts ;
- l'Union européenne avec son groupe de haut niveau, et la France a été moteur dans la décision prise d'impliquer la Commission de Bruxelles, dans la préparation de l'an 2000, car nous étions convaincus qu'une solidarité européenne, élargie d'ailleurs aux voisins de l'Union Européenne, ne pourrait qu'aider chacun des Etats membres ;
- toutes les organisations internationales qui se sont penchées sur le problème (Comité de Bâle, FMI, AIE, AIEA, OACI, IATA et pour le secteur financier le joint Y2K council).
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Nous avons aussi vu très tôt quel pouvait être l'intérêt pour le monde de l'action de Global 2000.
Vous avez, avec votre cotation des pays et de leurs infrastructures, aidé à la prise de conscience et à la mobilisation en interne.
Vous nous avez aussi conduit vis-à-vis de vous à la transparence. Vous avez eu en quelque sorte un rôle de conseil et d'audit de notre travail. De plus, chaque pays participant à votre organisation pouvait se comparer aux autres, et de cette comparaison est née une évaluation et une émulation. Nous sommes naturellement heureux de la notation obtenue par la France dans votre dernière évaluation.
Vous avez aussi travaillé en bonne harmonie avec le comité de Bâle, régulateur de l'industrie bancaire et financière.
Au delà de la préparation du secteur financier pour lequel vous êtes concernés au premier chef, il est clair que vous avez eu un rôle dans la préparation des économies mondiales, montrant par là même un haut degré de responsabilité dont, au nom d'un Etat - la France - je vous remercie.
Une des toutes premières réunions de global 2000 s'était tenue à Paris ; vous avez décidé que la dernière réunion de votre organisation se tiendrait également à Paris, avec comme beaucoup d'équipes qui se sont penchées sur le problème de l'an 2000, le sentiment du travail bien fait et du devoir accompli, et ce à l'échelle planétaire face au formidable défi que notre civilisation technicienne avait-elle même créé : Etats, entreprises, organismes tels que le vôtre, ont su apporter une réponse mondiale concertée. Cela préfigure les nouveaux modes de régulation de demain.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 23 novembre 1999)