Déclaration de Mme Michèle Barzach, ministre chargé de la santé et de la famille, sur les problèmes et les mesures prises en faveur de la garde des enfants, Paris le 19 mars 1987.

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Circonstance : Colloque à l'occasion du 10ème anniversaire de l'UGTE (Union garde temporaire d'enfants) à Paris le 19 mars 1987

Texte intégral

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse de vous accueillir dans les locaux de mon ministère et de me retrouver aujourd'hui parmi vous à l'occasion de votre colloque qui marque votre 10ème anniversaire.
Je n'aurai malheureusement pas l'occasion de participer à la cérémonie que vous organisez tout à l'heure, et de couper votre gâteau, mais vous n'ignorez pas que l'emploi du temps d'un ministre est particulièrement chargé.
Je tiens à cette occasion à saluer les efforts et la persévérance de Madame LEGENDRE qui uvre depuis 10 ans au service des familles. Vous avez su faire preuve d'initiatives en développant des modes de garde nouveaux. L'U.G.T.E. fait figure de pionnière en répondant aux nouveaux types de besoins exprimés par les familles. Encore fallait-il les déceler. Vous l'avez fait.
En particulier, vous avez mis en place le service dépanne-familles pour répondre aux besoins les plus aigus de garde d'enfants que les parents ou la garde habituelle ne sont pas en mesure d'assurer temporairement pour une raison majeure.
Les modes d'accueil institutionnels sont ouverts aux enfants dont les parents travaillent et qui ont besoin d'une garde régulière tous les jours et toute la journée. Ils répondent ainsi aux besoins prioritaires et essentiels des familles.
En fait, les demandes sont beaucoup plus variées et méritent toutes d'être prises en considération. Les collectivités pour lesquelles les crèches constituent une très lourde charge, ne sont pas en mesure d'y faire face.
Vous intervenez donc dans un secteur où le besoin est tel que toutes les initiatives d'où qu'elles viennent sont les bienvenues et sont à encourager, sauf à l'Etat de s'assurer du professionnalisme des personnes mises ainsi à la disposition des familles.
Les associations sont le complément indispensable des actions que peuvent mener les collectivités locales pour satisfaire les besoins exprimés de garde des enfants. L'Etat ne peut quant à lui mener qu'une action d'incitation et d'encouragement.
Il le fait par l'intermédiaire de la Caisse nationale d'allocations familiales dans le cadre des contrats crèches. Le gouvernement a d'ailleurs inscrit dans le budget du fonds national d'action sociale de 1987 une dotation pour les contrats crèches de 105 millions de francs. La dotation 1986 était de 64 millions de francs, ce qui traduit une progression de 64,5 %
Cette décision marque ma volonté de mener une politique active en matière de modes de garde qui est l'une de mes préoccupations.
La politique de la famille ne se limite pas au service de prestations familiales, aussi importantes soient-elles. Une telle politique n'existe que si elle se fonde sur la volonté d'apporter des réponses aux multiples problèmes que peuvent rencontrer les familles pour se constituer et s'épanouir.
J'en distinguerai trois :
- introduire plus de souplesse dans l'organisation du temps de travail,
- donner aux familles la possibilité d'accéder à un logement de taille satisfaisante en fonction du nombre d'enfants,
- répondre aux multiples problèmes que pose la garde des enfants et qui est sans aucun doute l'une des préoccupations essentielles des familles, en particulier lorsque les deux parents travaillent.
J'observerai d'ailleurs que contrairement à la réflexion qui a prévalu jusqu'à maintenant, la question de la garde des jeunes enfants ne se limite pas à la classe d'âge des 0-3 ans. Pour celle-ci, des solutions existent, en particulier grâce aux crèches et aux assistantes maternelles. J'en ai ouvert l'éventail dans la loi famille du 29 décembre 1986 en créant l'allocation de garde d'enfants à domicile. Elle permet aux familles qui le désirent et avec toute la souplesse voulue, de faire garder leurs enfants à leur domicile, les cotisations sociales étant prises en charge par la caisse d'allocations familiales à concurrence de 2 000 F par mois.
Je n'ai pas voulu inciter les femmes à s'arrêter de travailler pour élever leurs enfants. Ce serait pour beaucoup d'entre elles, en effet, les mettre en face d'un dilemme particulièrement frustrant. Actuellement, 70 % des mères de familles travaillent soit parce que leur salaire est nécessaire à la vie du ménage, soit parce qu'une activité professionnelle leur permet d'affirmer leur indépendance ou leur statut social.
J'ai souhaité, au contraire, ouvrir un choix véritable : ou bien continuer à travailler et bénéficier de certaines aides, ou bien s'arrêter de travailler et percevoir une compensation financière.
C'est la raison pour laquelle la loi famille porte la durée de service de l'allocation parentale d'éducation de 2 ans jusqu'au 3ème anniversaire de l'enfant et en majore le montant qui passe de 1 500 F à 2 400 F par mois.
Parallèlement, le congé parental d'éducation est porté de 2 à 3 ans. Cette disposition va d'ailleurs être étendue aux personnels de la fonction publique.
Je souhaite que dans l'intérêt des familles et des enfants il y ait une cohérence entre ces divers avantages et l'âge d'entrée à l'école maternelle.
J'ajouterai qu'une disposition fiscale de la loi de finances 1987 a doublé le montant des frais de garde déductibles en le portant de 5000 à 10 000 F par enfant de moins de 5 ans le rapprochant ainsi du coût réel supporté par les familles pour les frais de garde.
Je n'éprouve pas pour autant la satisfaction du devoir accompli. Une politique familiale est en perpétuelle évolution et doit s'adapter aux mutations sociales. En ce qui concerne la garde des enfants, l'AGED constitue un apport important mais elle n'est pas en mesure, bien évidemment, de régler tous les problèmes qui peuvent se poser aux familles.
Je suis convaincue que les modes d'accueil doivent être diversifiées et assouplis pour répondre aux besoins des enfants de 0 à 6 ans, en particulier pendant les vacances scolaires, le mercredi mais aussi le matin et le soir, avant et après l'école.
Ces problèmes subsistent pendant quelques années lorsque l'enfant entre à l'école primaire mais leur solution ne relève pas des modes de garde traditionnels. D'ailleurs, mon collègue, M. BERGELIN, secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la jeunesse et des sports, vient de mettre en place des contrats bleus pour que les enfants de 6 à 11 ans trouvent en dehors des heures de classe une panoplie d'activités culturelles et sportives.
Le problème fondamental est de ne pas dissuader les familles d'avoir un enfant supplémentaire. Pour répondre aux questions angoissantes qu'elles sont amenées à se poser, il est indispensable de leur offrir un choix de modes d'accueil plus large et mieux adapté.
Je souhaite prolonger mon action dans 4 directions en liaison avec les collectivités locales et les organismes s'occupant de la garde des enfants.
Il faut décloisonner les équipements et les services afin d'assurer la souplesse et la continuité de l'accueil des enfants. Actuellement, la mère qui travaille à temps partiel n'a pas accès en général aux crèches et est souvent obligée de faire appel à des gardes de fortune.
Des formules doivent être recherchées pour valoriser les instruments mis en place que ce soit les prestations de service assistantes maternelles (PSAM) ou l'allocation de garde des enfants à domicile, pour faciliter l'accueil à domicile en compensant les cotisations sociales.
L'accueil périscolaire des enfants en maternelle et au début du primaire doit être amélioré. J'ai déjà évoqué ce problème avec M. MONORY, ministre de l'éducation nationale. En ce qui me concerne, je ne suis pas persuadée que la coupure actuelle à l'âge de 3 ans entre la garde et les activités d'éveil corresponde à l'évolution psychologique des jeunes enfants. Ceux-ci ressentent d'ailleurs souvent assez mal le passage brutal d'une structure à une autre.
Ne conviendrait-il pas de partager la petite enfance en 3 temps de 0 à 2 ans, de 2 à 3 ans et de 3 à 5 ans ? Chacune correspondant à une période différente de l'éveil à la vie.
J'attache enfin une grande importance à ce que se développent des initiatives nouvelles qui, par leur souplesse, sachent répondre aux besoins que ressentent les familles. C'est d'ailleurs le corollaire de l'assouplissement du temps de travail et de la multiplication du travail à temps partiel. Il s'agit de savoir répondre aux évolutions de notre société.
Dans ces conditions, vous comprendrez aisément, Madame la Présidente, que le type d'action que mène votre association me parait être particulièrement intéressant.
Je ne peux donc que vous encourager à poursuivre vos efforts, à entretenir votre réflexion, à générer de nouvelles initiatives.
Je vous remercie, à nouveau, d'avoir bien voulu inviter le Ministre de la Famille à votre colloque et je vous laisse poursuivre vos réflexions qui, je n'en doute pas, seront ambitieuses.