Déclaration de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur la mise en oeuvre de l'agriculture raisonnée visant à concilier trois objectifs : assurer le revenu des agriculteurs, garantir la qualité des produits et agir positivement sur l'environnement, Paris le 4 mars 2003.

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Circonstance : Installation de la Commission Nationale de l'Agriculture raisonnée et de la qualification des exploitations à Paris le 4 mars 2003

Texte intégral


Monsieur le Député, cher Antoine HERTH,
Monsieur l'Ingénieur général, cher Daniel PERRIN,
Mesdames, Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je viens aujourd'hui m'exprimer devant vous qui avez accepté de siéger au sein de la Commission Nationale de l'Agriculture Raisonnée et de la Qualification des Exploitations (CNARQE), ce dont je veux vous remercier très sincèrement.
A un titre ou à un autre, la plupart d'entre vous ont participé aux travaux du Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire qui, durant deux ans, s'est efforcé de définir un référentiel pour l'agriculture raisonnée. Je n'oublie pas non plus que ce travail faisait suite aux propositions formulées par Guy PAILLOTIN, que je veux saluer plus particulièrement.
Permettez-moi, tout d'abord, de vous dire quelques mots des choix qui ont présidé à la composition de votre Commission. J'ai souhaité en confier la présidence à Antoine HERTH, Député du Bas-Rhin, car il me semblait important que son président soit à la fois un membre de la représentation nationale et un bon connaisseur du monde agricole.
Votre Commission comporte deux sections : la section Examen du référentiel est présidée par Jean SALMON, Vice-président de l'Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture (APCA). Depuis l'origine, les Chambres d'Agriculture et leur Assemblée permanente se sont fortement mobilisées en faveur de la démarche d'agriculture raisonnée, et chacun ici connaît la capacité de Jean SALMON à dialoguer sans relâche, afin de rapprocher les points de vues et de nouer des compromis.
La section Agrément des organismes certificateurs est présidée par Daniel PERRIN, Ingénieur Général du Génie Rural, des Eaux et des Forêts (IGREF), dont la compétence est largement reconnue, et qui préside, par ailleurs, la section Agrément des organismes certificateurs de la Commission Nationale des Certifications et Labels de produits agricoles et alimentaires (CNCL).
Outre son président, chaque section comporte 34 membres répartis dans 6 collèges, respectivement consacrés aux organismes certificateurs agréés, aux producteurs agricoles, aux filières agricoles et alimentaires, aux organisations de consommateurs, aux associations de protection de la nature et syndicats de salariés agricoles, aux personnalités qualifiées et aux représentants de l'administration.
Les membres des quatre premiers collèges ont été nommés conformément aux propositions des différentes organisations représentatives. Les personnalités qualifiées ont été choisies en fonction de leurs compétences. Pour ma part, j'ai tenu à ce que des techniciens des Instituts techniques agricoles rejoignent la section Examen du référentiel, afin que le travail accompli dans les filières vienne enrichir celui que vous avez engagé et que celles-ci soient tenues informées de leur avancement. J'ai également souhaité que UFC-Que choisir, dont le rôle lors des travaux du CSO a été essentiel, participe aux travaux de votre Commission. Enfin, Jean-Marc MEYNARD de l'INRA a été choisi comme expert permanent auprès de la Section Examen du référentiel, et je sais combien son éclairage pourra être utile à ses membres.
Le 8 janvier, lors du Forum de l'association FARRE - dont je veux saluer ici la Présidente, Christiane LAMBERT -, j'ai eu l'occasion, de faire connaître mon opinion sur l'agriculture raisonnée. J'apprécie par ailleurs que les organisateurs du Salon International du Machinisme Agricole (SIMA), qui vient de se tenir à Villepinte, aient choisi d'y consacrer leurs travaux.
L'évolution des attentes de la société, les crises qui ont frappé nos filières et la confiance que les Français placent dans leur alimentation nous obligent désormais à renouveler nos références et nos pratiques.
En moins de cinquante ans, l'agriculture française a su relever le défi que la société française lui avait lancé au lendemain de la guerre. Grâce à l'appui de la recherche, et notamment de l'INRA, à l'implication des organisations professionnelles et au soutien de politiques publiques dynamiques, les agriculteurs ont fait de notre pays, le deuxième exportateur mondial de produits agricoles et le premier exportateur de produits agroalimentaires transformés. Son secteur aval offre désormais des produits abondants, diversifiés et à moindre coût. Ainsi, le poste consacré à l'alimentation ne représente-t-il plus qu'environ 15 % des dépenses des ménages, contre encore plus de 30 % en 1960.
Tout en préservant sa compétitivité, l'agriculture européenne, doit désormais répondre à des exigences accrues en termes de sécurité, de qualité et de protection de l'environnement. Elle doit également assurer la pérennité des exploitations et la progression du revenu des agriculteurs. Elle doit enfin offrir, dans toute la mesure du possible, la même qualité de vie à ceux qui l'ont choisie qu'au reste de la société. Améliorer la qualité de nos produits, garantir leur composition, préserver un environnement rural dynamique et " écologiquement responsable " doit nous permettre de conserver des parts de marché et d'en conquérir de nouvelles. J'observe, d'ailleurs, que celles et ceux qui ont intégré les premiers ces préoccupations de préservation de l'environnement et de sécurisation des processes ont toujours gagné les batailles qui les opposaient à leurs concurrents.
Cette meilleure prise en compte du développement durable passe par des objectifs précis et des actions pragmatiques.
La mise en oeuvre de l'agriculture raisonnée devrait donner un nouvel élan à cette politique. Elle ne sera pas la réponse unique - j'en conviens -, mais elle a vocation à s'adresser au plus grand nombre. Le temps nécessaire pour atteindre cet objectif dépendra de vous et des choix que vous arrêterez.
Il vous appartient maintenant de franchir les prochaines étapes, notamment l'agrément des premiers organismes certificateurs habilités à qualifier des exploitations, puis la qualification des premières exploitations agricoles. A chacune d'entre elles, mes services continueront de vous apporter leur expertise et leur soutien.
Le projet de décret sur l'utilisation du qualificatif d'agriculture raisonnée a, par ailleurs, été transmis à la Commission européenne, en janvier. Il est actuellement soumis aux autres Etats membres. Dès que la Commission européenne nous aura fait parvenir son avis, probablement courant mai, le Conseil d'Etat sera consulté. Comme je l'ai indiqué devant le réseau FARRE le 8 janvier, je signerai alors rapidement ce décret, de façon à ce que sa parution puisse coïncider avec les premières qualifications d'exploitations.
Pour le reste, il est de la responsabilité de chacun d'entre vous de faire connaître l'agriculture raisonnée auprès des organisations qu'il représente ou des réseaux avec lesquels il travaille.
Je vous invite, pour ma part, à faire oeuvre de pédagogie. Un langage simple, des raisonnements démonstratifs et une démarche réellement participative me semblent les meilleurs gages de son succès. N'oubliez jamais dans vos choix et vos décisions que tout agriculteur doit être mis en mesure de comprendre pourquoi l'obtention de la qualification exige de lui de modifier ses pratiques et d'accomplir des efforts spécifiques.
S'adresser au plus grand nombre - comme c'est la vocation de l'agriculture raisonnée -, cela signifie aussi de ne laisser personne au bord du chemin. La composition de votre Commission reflète parfaitement la diversité du monde agricole. Je compte sur Daniel PERRIN et André VALADIER - que je remercie d'avoir accepté de nous rejoindre - pour trouver la bonne articulation entre la démarche globale et celle propre à chaque produit.
Votre Commission est diverse, ai-je dit. Sa composition est le fruit d'arbitrages. Aujourd'hui encore, beaucoup - et c'est encourageant - frappent à sa porte et veulent en rejoindre les rangs, je pense en particulier aux professionnels de l'assurance ou aux producteurs d'intrants. Rien, dans ce domaine, n'est définitivement figé. Il vous appartiendra, Mesdames, Messieurs, de déterminer dans votre règlement intérieur les modalités selon lesquelles vous pourrez associer à vos travaux certains experts dont vous estimerez l'éclairage utile. Par la suite, votre président pourra librement m'adresser toute proposition de modification ou d'élargissement.
Je vous invite à entamer vos travaux désormais sans délai, mais selon le rythme que vous choisirez. Outre le règlement intérieur, il vous reviendra d'établir un guide d'interprétation du référentiel, d'organiser l'agrément des organismes certificateurs, de préparer le travail des commissions régionales et de porter ce dossier dans les enceintes communautaires.
Le volet territorial de l'agriculture, réclamé par le CSO, doit répondre aux attentes sociales d'une meilleure protection de l'environnement. Sa démarche, qui présente de fortes similitudes avec les Contrats d'Agriculture Durable (CAD), notamment le recentrage environnemental et une association plus étroite des partenaires de terrain, recueille mon intérêt et mon soutien.
Je vous invite, Mesdames, Messieurs, à m'adresser toutes les propositions que vous jugerez utile, afin que ces deux démarches conservent leur cohérence et leur complémentarité.
Le CAD est, avant tout, un instrument de soutien public qui veut prendre en compte les contributions des agriculteurs à la préservation de notre environnement. Quoique encadrée et soutenue par les pouvoirs publics, l'agriculture raisonnée est une démarche qui fut conçue à l'origine par les filières de production, de transformation et de distribution agricoles et agroalimentaires, et dont le succès dépendra avant tout de l'intérêt manifesté par ces acteurs et par les consommateurs.
Par ailleurs, l'agriculture raisonnée a vocation à être adoptée par le plus grand nombre d'agriculteurs, alors que le CAD, dont le budget est nécessairement contraint, ne pourra bénéficier qu'à une partie d'entre eux.
Enfin, le volet territorial de l'agriculture raisonnée doit s'attacher à la résolution des problèmes environnementaux posés par l'agriculture, alors que le CAD peut également reconnaître des prestations environnementales.
A ce stade, il ne me paraît ni opportun, ni raisonnable de nous fixer un objectif quantitatif. Disposer de 1 000 ou de 50 000 exploitations qualifiées le 31 décembre 2004, m'importe peu. Assurer le dynamisme de la démarche, sa transparence, sa lisibilité et, au final, sa reconnaissance par le consommateur m'importe davantage. Un consommateur rassuré, un transformateur sécurisé, un agriculteur reconnu et donc mieux rémunéré sont, en fait, ce pour quoi nous nous battons.
Selon la belle formule de Christiane LAMBERT, l'agriculture raisonnée doit à la fois " être raisonnée par rapport à l'environnement d'aujourd'hui et par rapport aux générations futures ". Car l'agriculture raisonnée est une idée qui tout à la fois nous suppose et nous dépasse. Or comme l'écrivait André MALRAUX, pour qui, vous le savez, j'éprouve une admiration particulière, " l'homme ne se construit qu'en poursuivant ce qui le dépasse ". L'agriculture raisonnée trouve là sa justification, car elle touche à l'avenir de l'agriculture en France et en Europe et aux équilibres fondamentaux de notre planète.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 5 mars 2003)