Interview de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président délégué de l'UMP, à BFM le 9 octobre 2002, sur le débat à l'Assemblée nationale au sujet d'une éventuelle intervention militaire en Irak, la politique budgétaire, le projet de relance de la décentralisation et la sécurité personnelle des élus locaux.

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Texte intégral

B. Botella.- Après l'Assemblée nationale, hier, le Sénat débat, cette après-midi, d'une éventuelle intervention en Irak. Est-ce que vous êtes surpris finalement par la relative sérénité des débats ? Il y a une espèce de consensus ?
- "Tant mieux s'il y a un consensus. Je crois surtout que c'est l'influence personnelle du président de la République qui, en matière de diplomatie, a pu exercer ses responsabilités lorsque le Premier ministre était monsieur Jospin. Je pense que le président de la République a réussi à impressionner un peu G. Bush et, dans les dernières déclarations, il y a 48 heures, de G. Bush, devant le Congrès, on a senti que G. Bush n'était plus autant "va t'en guerre" que ce qu'il a été depuis quelques mois. Alors, certes, quand on regarde ce qui s'est passé le 11 septembre de l'année dernière, on comprend l'attitude des Américains, mais nous ne pouvons pas, nous la France, être entraînés dans une guerre contre l'Irak sans respecter les règles. Je trouve que la position de la France, qui entraîne celle de l'Allemagne maintenant, est très bien. Quant au Premier ministre anglais, entre nous, heureusement qu'il n'a pas des élections, parce que je ne suis pas sûr que son alignement complet sur l'attitude américaine soit autant ressentie que cela en Grande-Bretagne, par les "Britishs" [sic]."
Ce débat, on en parle, mais c'est un peu prématuré, car les lignes bougent encore. Est-ce qu'il faudra en faire un autre, lorsqu'on aura une nouvelle résolution ?
- "Je trouve que le Gouvernement fait bien d'informer la représentation nationale. La représentation nationale est quelque chose d'important. L'Assemblée nationale vient à peine d'être élue et il me semble naturel et normal qu'il y ait de la considération à l'égard des députés et également à l'égard des sénateurs. Ce sera le Premier ministre qui, cette après-midi, viendra avec M. de Villepin nous exposer la position de la France dans cette affaire, face à une éventuelle guerre et une intervention des Américains en Irak. Je trouve que c'est très bien que le Gouvernement considère le Parlement. C'est une bonne chose."
D. de Villepin a raison lorsqu'il dit qu'on ne doit pas "brandir notre droit de veto" ?
- "Je crois que D. de Villepin, qui a suivi justement toute la diplomatie aux côtés du Président Chirac depuis plusieurs années, est l'homme de la situation. C'est quelqu'un qui parle avec un ton modéré, mais avec une fermeté que ceux qui l'ont approché connaissent. Par conséquent, je crois que notre diplomatie est entre de bonnes mains et D. de Villepin fait bien les choses."
La France est montré du doigt en Europe à cause de son budget, que les partenaires de la France trouvent un peu trop laxiste. Certains accusent même la France de jouer perso, d'affaiblir l'euro. Franchement, est-ce que ce n'est pas décevant de la part d'un gouvernement pro-européen de dire que le budget c'est son affaire et que cela ne regarde pas les autres mais, en même temps, profiter de la protection qu'offre l'euro ?
- "Sauf qu'avant tout aussi, il y a la situation économique de la France. Le gouvernement socialiste a eu tous les pouvoirs ; le gouvernement socialiste a eu la durée ; le gouvernement socialiste a eu la croissance et il n'a pas été capable d'en profiter et de diminuer les prélèvements obligatoires et de réduire aussi les déficits publics. Alors, ce n'est pas parce qu'à chaque fois que la droite arrive au pouvoir, il y a une crise économique qui est grave, que nous devons toujours, nous, serrer la ceinture des Français. Nous l'avons déjà fait sous le gouvernement Juppé pour arriver aux critères de Maastricht, pour arriver à l'euro ; et quand on est arrivé à l'euro, les socialistes disaient que c'étaient eux qui avaient fait le chemin pour arriver à l'euro ! C'était surtout au temps de Juppé - j'étais ministre à l'époque et je me souviens - qu'on nous disait de faire attention au budget et aux dépenses. Là, l'Europe prend une décision sage de retarder un peu ces exigences, mais la France ne peut pas toujours passer sous la coupe des autres."
L'un des chantiers de J.-P. Raffarin, c'est la décentralisation. Comment jugez-vous ses premiers pas ? Est-ce que vous trouvez cela habile au niveau de la présentation ? C'est un peu confus quand même pour l'instant...
- "Le Premier ministre tient beaucoup à la décentralisation, à des expérimentations. Les expérimentations ont quelquefois déjà existé."
L'expérimentation est aussi un risque de surenchères de la part de régions à forte identité ?
- "Mais aussi une grande liberté d'action. Par exemple, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur que j'ai présidée pendant 12 ans - ensuite je ne me suis pas représenté à cause du cumul des mandats -, j'avais commencé à faire une expérimentation avec la SNCF. Nous avions voté des sommes faramineuses avec la SNCF - de l'ordre d'un milliard de francs à l'époque. Nous avions créer 72 lignes de train supplémentaires dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Des expérimentations sont faites sur des sujets comme les transports, l'éducation nationale ou encore diverses possibilités qui seront offertes, pour voir comment on peut donner plus de responsabilité aux régions. Mais attendez : les responsabilité, c'est une chose, mais il faut aussi les moyens. Je vous rappellerai qu'en 1982, quand on a donné les lycées aux régions, nous avions demandé, à l'époque, une évaluation du montant des travaux à réaliser dans les lycées de France. Cette commission avait été créée et elle avait rendu son rapport : l'Etat devait aux régions 6 milliards de francs à l'époque. Or, nous n'avions jamais obtenu que 1,2 milliard. C'est un amendement qui porte mon nom - moitié sous le gouvernement Chirac moitié sous le gouvernement de M. Rocard. Point final. Les expérimentations oui, mais il faut les financements de l'Etat aussi."
La décentralisation, pour beaucoup, cela veut dire plus d'impôts locaux et plus de bureaucratie locale ?
- "Toute l'astuce de tout cela c'est de ne pas nous obliger à augmenter par les collectivités territoriales, les impôts. Sinon, cela n'aurait pas d'effets. Mais je ne crois pas que ce soit l'idée de J.-P. Raffarin. Je crois que J.-P. Raffarin a une grande expérience des collectivités territoriales et qu'il nous donnera les moyens nécessaires."
Après l'agression dont a été victime dans la nuit de samedi à dimanche B. Delanoë, est-ce que, finalement, vous êtes inquiet, comme l'ensemble des élus, de cette recrudescence des menaces ?
- "Oui, dès dimanche matin, bien entendu, j'ai envoyé un télégramme à B. Delanoë et je me suis surtout réjoui de savoir que ses jours n'étaient pas en danger même si, à partir du moment où vous avez une intervention chirurgicale dans l'abdomen, cela veut dire dix jours d'hospitalisation, cela veut dire ensuite quelques semaines où il faut ralentir les activités. Nous n'aimons pas ralentir les activités !"
Mais faut-il renforcer la sécurité des élus, et notamment des maires qui sont les plus exposés ?
- "C'est probablement vrai, mais d'abord, il faudrait éviter de toujours caricaturer, de toujours noircir, de toujours pourrir ces élus qui portent une écharpe tricolore, de toujours laisser penser qu'il y a une suspicion sur eux, qu'à tout moment, il se serviraient de l'argent public. Nous payons un peu cela. Et cela exacerbe chez des gens frêles, des gens un peu instables, cette volonté de dire qu'eux vont tout nettoyer. C'est ce qu'a pensé le type à Nanterre. Nanterre, c'est autrement plus dramatique - même si c'est inqualifiable ce qui s'est passé pour B. Delanoë et si nous sommes tous solidaires bien entendu. Les élus, par principe, doivent défendre le bien commun. Nous devons défendre "l'intérêt général", pour ceux qui préfèrent cette formule-là. Nous ne défendons pas les intérêts particuliers. Or, des gens viennent nous agresser, parce que nous ne répondons pas à leur demande : qui une mutation, qui une promotion, qui un permis de construire qui ne respecte pas la légalité. Nous sommes là pour faire respecter les règles et les lois de la République. Je peux vous dire que dans la ville où je suis élu, où je suis né, et où je commence à être un élu ancien, souvent dans le passé, on n'a pas respecter les règles et les lois."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 octobre 2002)