Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, sur les orientations budgétaires des politiques conduites par le ministère de l'équipement notamment la sécurité des déplacements, l'investissement en liaison avec les contrats de plan et la participation à la politique de l'emploi, à l'Assemblée nationale le 4 novembre 1999.

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
C'est la 3ème fois qu'a lieu ce rendez-vous de présentation et de discussion devant l'Assemblée nationale. Une fois de plus, je constate la qualité et la richesse des rapports présentés. Je veux en remercier sincèrement les auteurs, Messieurs Jean-Louis Idiart, Jean-Jacques Filleul, Gilbert Gantier, François Asensi, Guy Lengagne et André Capet.
Ce tour d'horizon me donne l'occasion avec la discussion budgétaire, de faire un bilan et de tracer des perspectives.
J'essaierai de répondre à l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés avant moi sur des problèmes d'ordre général. S'agissant des problème locaux, je n'y répondrai pas maintenant, mais dans la seconde partie de nos travaux.
L'ensemble des crédits disponibles pour mon département ministériel (toutes catégories et sources confondues) s'élève à plus de 147 Milliards de francs. Cela représente une augmentation de 2,5 % par rapport à 1999, soit près de trois fois le taux de progression moyen des dépenses de l'État (0,9 %).
Si l'on rattache à cet ensemble la dotation de 12 Milliards de francs à Réseau Ferré de France (RFF) et les crédits du FARIF budgétisés en 2000, on arrive alors à un volume de crédits disponibles de l'ordre de 162 Milliards de francs.
Enfin, si j'ajoute les crédits supplémentaires que le Gouvernement propose par amendement pour compenser
l'assujettissement à la TVA de la dotation à RFF, et tenir compte de la modification du régime de surcompensation de la CNRACL, c'est environ 165 milliards de francs qui deviennent disponibles. Je me demande, Monsieur Bouvard, comment vous faites pour considérer que ce budget est en baisse.
Je ne dirais rien des budgets du logement et du tourisme puisque les secrétaires d'État en charge de ces questions, Michelle Demessine et Louis Besson, vous en feront prochainement une présentation spécifique, ce dernier, dans le cadre de la procédure simplifiée mise en oeuvre cette année en commission des finances.
J'évoquais devant vous il y a un an la crise des grands ensembles urbains, marquée notamment par la ségrégation sociale et spatiale, et ma volonté de faire progresser dans la Ville la mixité, l'échange et, pourquoi pas, l'urbanité, partie intégrante de notre idéal républicain de fraternité. A cet effet, j'ai - avec Louis Besson - entrepris au printemps dernier un débat dans 6 villes différentes auprès des élus et de leurs habitants sur la façon dont ils vivent la ville, dont ils la perçoivent et sur les améliorations qu'ils voudraient voir se réaliser.
A la demande du Premier ministre, nous préparons un projet de loi concernant la rénovation et la solidarité urbaines. Ce projet, qu'a évoqué Monsieur Yves Cochet vous sera présenté prochainement. Il est au coeur des objectifs du Gouvernement pour cette seconde partie de la législature.
Nous devons retrouver une vision globale de l'urbanisme, de l'habitat et des déplacements, et mettre en place des outils et des procédures permettant des politiques globales, au lieu des politiques sectorielles, qui ont caractérisé les décennies d'après guerre. Nous aurons l'occasion d'en débattre prochainement.
Nous ne pouvons nous satisfaire d'une évolution qui a amené certains quartiers de périphérie à être marginalisés dans la Ville, alors qu'ils doivent être, comme les autres, vivifiés, aménagés, desservis, protégés.
Pour que la liberté de circuler soit compatible avec la qualité de l'environnement, il faudra aussi une approche plus intégrée des outils de déplacements (usage de la voirie, politiques de stationnement, transports collectifs), avec la montée en puissance d'autorités organisatrices de déplacements urbains.
C'est dans les grandes agglomérations, que le choix d'un développement accru des transports collectifs est particulièrement décisif pour maintenir l'échange et la solidarité dans la ville, en même temps qu'il constitue un choix rationnel sur le plan économique et environnemental. C'est pourquoi, Monsieur Yves Cochet, le budget 2000 marquera une nouvelle avancée en faveur de ce mode de transport.
Ainsi, sur l'Île-de-France, les autorisations de programme (AP) progressent de 36 % et s'élèvent à 470 millions. Ces crédits permettront de bien commencer la 1ère année du contrat de plan, avec des opérations de qualité de services et des opérations de développement comme la prolongation de Météor jusqu'à Saint-Lazare. Mais je pense aussi aux tangentielles, au prolongation du métro, au bus en sites propres, aux tramways...
Pour les agglomérations de province, les AP s'élèvent à près de 750 millions, ce qui représente, sur les 3 derniers budgets consécutifs, une progression de 37 %. Les opérations portent essentiellement sur 11 projets en cours de réalisation, soit 8 projets de tramways (Montpellier, Nantes, Orléans, Grenoble, Strasbourg, Lyon, Bordeaux, Valenciennes), et 3 projets de métro (Lille, Toulouse et Rennes). Au total, 175 km de voie de transport collectif sont à ce jour pris en considération.
On ne peut pas à la fois investir et encourager les transports en commun et les laisser à la merci de l'insécurité.
C'est pourquoi une attention particulière a été portée à la réhumanisation des réseaux de transport, soit par redéploiement d'effectifs, soit par de nouveaux recrutements, notamment des emplois-jeunes. Pour les réseaux d'Île-de-France, 4500 agents supplémentaires sont mis en contact avec le public entre 1998 et 2000.
En province, comme en Région parisienne, des équipements de veille et de protection sont installés. Enfin, les peines en cas d'atteintes aux agents des entreprises de transport public sont aggravées.
Messieurs Idiart et Biessy, avec d'autres, vous avez souhaité l'extension aux transports collectifs, de l'avantage fiscal sur le carburant accordé au transport routier de marchandise. Je suis bien entendu très ouvert à une telle proposition, qui est à l'étude.
J'en termine avec l'organisation des déplacements par la réforme en cours du Syndicat des Transports Parisiens. Elle prévoit l'entrée de la Région au conseil d'administration du STP avec 5 administrateurs, soit autant que la Ville de Paris. En outre, les rapports entre l'État, le STP, les collectivités territoriales et les entreprises de transport, RATP et SNCF, seront contractualisés. Il s'agit d'un enjeu très important, puisque l'État sur le PLF 2000, apporte une indemnité compensatrice de 5,4 Milliards de francs au fonctionnement des transports collectifs franciliens. C'est un objectif d'efficacité économique et sociale qui est au coeur de notre démarche. Bien entendu, le statut des entreprises de transport et de leurs agents sera maintenu.
Les priorités du budget 2000 sont en cohérence avec cette préoccupation de développer des modes de déplacement de qualité, sans pour autant sous estimer les besoins du monde rural.
Les possibilités offertes par ce budget me permettent de décliner les trois grandes orientations autour desquelles s'ordonnent et se comprennent les politiques conduites par mon ministère :
I - la sécurité, et en premier lieu la sécurité des déplacements,
II - l'investissement : je puis dire qu'en 2000, nous avons commencé à reconstituer les moyens d'investissement, en liaison avec la dynamique des contrats de plan,
III - la solidarité et l'emploi, au sein de ce ministère d'une part, et comme résultante des politiques conduites sur l'emploi dans le BTP d'autre part.
Mais, auparavant, quelques éléments de cadrage, qui influent sur les politiques de transport que mène le gouvernement. Ils tiennent, à ce stade de mon intervention, en 3 mots : la géographie, l'Europe et le partenariat :
* la géographie est contraignante. La France est un pays de transit : cette réalité façonne les flux touristiques et de marchandises qui traversent notre pays. Elle joue aussi sur les propositions que j'ai fait à Bruxelles ;
* les questions communautaires et européennes prennent une importance croissante dans tous les domaines de notre responsabilité, que ce soit par le contentieux, la préparation de directives communautaires ou la recherche de financements européens. La question européenne a surtout progressé sur ses aspects, "marché intérieur", concurrence, liberté de circulations. Il faut aller plus loin et faire progresser au même rythme, au nom même de l'efficacité de nos entreprises publiques ou privées, l'harmonisation sociale par le haut et fiscale dans l'espace européen ;
* l'ensemble des décisions d'infrastructure s'inscrit désormais dans une politique de partenariat avec les collectivités territoriales que ce soit dans le cadre des contrats de plan ou dans un partenariat de projet, hors contrat de plan. Les contraintes budgétaires et surtout de nouvelles règles de financement, destinées à éviter le surendettement des entreprises publiques expliquent cette évolution. Je pense essentiellement à RFF - auparavant, le développement du réseau ferroviaire n'était financé que par le surendettement de la SNCF - ainsi qu'aux sociétés concessionnaires d'autoroutes. Avec les décisions sur le TGV-Est européen, les règles du jeu sont désormais claires.
A propos de financement, je tiens à répondre à ceux d'entre vous qui ont souhaité des évolutions dans les modes de financement : en juillet dernier, lors de la baisse du taux du livret A, le gouvernement a décidé d'élargir l'utilisation des fonds d'épargne au financement de certaines dépenses d'intérêts général. Ainsi, pour des investissements de très longue durée d'amortissement, les maîtres d'ouvrage pourront avoir recours à des prêts de 30 à 40 ans, à faible coût. J'espère que ce dispositif pourra être en place en accompagnement des futurs contrats de plan.
I - Je voudrais maintenant aborder le thème de la sécurité, de la sécurité routière en premier lieu.

La sécurité routière, vous êtes nombreux à l'avoir souligné -notamment Monsieur Jean-Pierre Baeumler et Monsieur Gilbert Biessy- est enfin réhabilitée dans les efforts budgétaires avec un accroissement de ses moyens de 17 % (530 millions de francs).
Ce budget permet de renforcer les actions de communication menées aux niveau national et local, avec une hausse de 50 %. Cet effet sera amplifié en 2000 puisque la sécurité routière sera prônée en "Grande Cause d'intérêt Nationale".
Il me semble en effet important de responsabiliser tous les usagers de la route sur la réalité de ce que sont les accidents, et sur les drames humains que dissimulent les statistiques. L'engagement plus fort de l'État doit accompagner une motivation plus importante de tout le corps social pour lutter contre l'insécurité routière.
Les crédits consacrés à la formation des conducteurs, seront en augmentation de 17 millions de francs pour atteindre 55 millions de francs. Ils permettront notamment d'assurer un meilleur contrôle de la formation et du fonctionnement des auto-écoles et de recruter 30 inspecteurs du permis de conduire supplémentaires.
Ma réflexion en matière de sécurité a été marquée - vous vous en doutez - par les différents drames qui sont survenus ces dernières années : naufrage d'un chalutier au large de Camaret, passage à niveau de Port-Sainte-Foy, tunnel du Mont-Blanc, etc..., mais aussi les catastrophes à l'étranger comme celle des chemins de fer en Angleterre. De tels événements mobilisent les opinions publiques et obligent à infléchir l'action publique.
Pour éviter que de tels événements ne se produisent, nous devons mettre en place de nouveaux moyens d'intervention :
* Ainsi, un effort particulier sera engagé en 2000 dans le domaine des ouvrages d'art -tunnels et ponts- avec des programmes spéciaux de mise en sécurité des tunnels routiers et ferroviaires financés sur le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN). J'aurai d'ailleurs prochainement l'occasion de faire une communication à ce sujet au conseil des Ministres.
* Enfin, les aménagements de sécurité sur la voirie nationale seront dotés de 200 millions de francs d'autorisation de programme, en progrès de 5 % par rapport à 1999.
La sécurité dans les transports, ce n'est pas seulement sur la route.
En mer et dans les ports, la priorité est aussi donnée à la sécurité. Celle-ci est de la responsabilité éminente de l'État. Les moyens de paiements en matière de sécurité en mer sont augmentés de 14 % passant à 137 millions de francs.
Les centres de surveillance et de sauvetage (les CROSS) pourront ainsi assurer les nouvelles obligations de service en matière de veille de la fréquence radio au large, de diffusion des avis urgents aux navigateurs, d'aide médicale en mer. Le plan de professionnalisation de ces centres, qui va dans le sens d'une plus grande sécurité et prévoit le remplacement des appelés par des engagés, sera poursuivi.
La modernisation des phares et balises engagé en 1998, se poursuit au bénéfice, en 2000, du Havre, de Dunkerque et de Brest. Il permettra de financer la construction de deux bateaux de travaux (Dunkerque et Ouistreham).
On m'a signalé la baisse d'1 million de francs de la subvention à la société nationale de sauvetage en mer (SNSM) qui figure dans le PLF 2000. Messieurs Guy Lengagne et André Capet l'ont regretté. Cela ne doit pas masquer l'effort considérable opéré pour la sécurité en mer.
Cependant, je puis vous annoncer, qu'en accord avec Monsieur Christian Sautter, ministre de l'Économie, des Finances et du Budget, je viens d'obtenir le rétablissement du million de francs manquant dans le cadre du collectif 99. Ainsi, la subvention d'équipement de la SNSM pourra donc être maintenue à 9,7 millions de francs.
Dans le domaine aérien, la croissance du trafic pose de redoutables problèmes, d'adaptation et de croissance des moyens pour maintenir le haut niveau de sécurité qui caractérise l'aviation civile française et européenne. J'y reviendrai.
II - Quelques mots maintenant sur la capacité retrouvée de ce ministère en matière d'investissement.
Il est de notre responsabilité de préparer l'avenir et d'engager dès maintenant les opérations qui verront le jour au cours du XIIème plan, en concertation et en partenariat avec les collectivités territoriales.
Notre ministère, vous le savez, est le premier ministère civil par la taille de ses investissements directs, ce qui donne la mesure de ses responsabilités dans l'aménagement de la France et de son économie.
En écoutant tout à l'heure Monsieur Daubresse, il m'a semblé entendre le catalogue des infrastructures promises par les précédents gouvernements et non financées. Il est possible que cette difficulté à voir "les orientations à long terme" de ce gouvernement soit tout simplement due à l'effet de rémanence de la politique de mes prédécesseurs qui vous empêche de voir ce qui a changé depuis deux ans.
Depuis 1998, la progression des dépenses en capital (les crédits d'investissement) "Équipement et Transports" aura été en moyenne chaque année de 5,7 %. Pour 2000, les autorisations de programme progressent de 8,1 % en un an pour atteindre 15,3 milliards de francs.
A cela s'ajoute les réductions fiscales qui aident le secteur du logement, à hauteur de 28 milliards de francs. Vous connaissez ces mesures (TVA à 5,5 % sur les travaux, suppression en 2 ans du droit de bail, nouvelle baisse des droits de mutation). Elles contribueront non seulement à l'équité - je pense aux 9 millions de ménages locataires, secteur public et secteur privé, qui verront baisser leur quittance de loyer - mais aussi à l'investissement dans le logement social, et bien sûr à la réduction du chômage.
Après six années de recul de l'activité, 1998 a été l'année de la reprise de la construction (bâtiment et travaux publics). Au deuxième trimestre 1999, la croissance a été de 5,7 %. En 1999, l'effectif salarié du secteur pourrait progresser d'environ 40000 postes, ce qui oblige à une politique de recrutement et de formation exceptionnelle : "Tu sais, on te prend ; tu sais pas, on t'apprend !".
L'amélioration concerne à la fois le bâtiment, avec une forte hausse des constructions de logements et de bâtiments, et les travaux publics eux-mêmes dont la situation commence à s'améliorer. Si les travaux publics ont encore perdu des emplois en 1998, et plus encore dans les années qui ont précédé, la tendance est aujourd'hui au redressement, même si - il faut le reconnaître - il ne s'agit encore que de chiffres modestes.
J'en viens maintenant aux principaux modes de transports. Au fur et à mesure des progrès de notre économie, la demande de déplacements s'accroît dans notre pays. Nous devons répondre à cette demande par la création d'infrastructures nouvelles, bien-sûr, mais aussi une meilleure utilisation par des réseaux existants.
Il faut tirer parti des avantages de chacun des modes de transports, en assurant leur complémentarité et en opérant les rééquilibrages nécessaires au profit du transport ferroviaire et de la voie d'eau, contribuer à améliorer la sécurité et à minimiser les impacts environnementaux.
Comme pour le BTP, la conjoncture économique et sociale dans le secteur des transports est aussi favorable.
* Les transports terrestres de marchandises sont, par rapport à l'année dernière, en forte progression (plus de 5 %),
* l'activité des ports français progresse de 6,5 % en moyenne pour les marchandises en conteneurs,
* les transports de voyageurs voient des résultats en progression de 3 à 4 % dans les transports collectifs urbains d'Île-de-France. L'activité voyageurs de la SNCF se maintient à son bon niveau de 1998,
* dans le transport aérien, la croissance se poursuit et Air France progresse sensiblement (+ 15 % en transport international, + 9 % en transport intérieur).
Le côté positif de la croissance nous oblige en même temps à mener une politique active face aux conséquences sur la sécurité et sur l'environnement pour les riverains. Les pouvoirs publics se doivent d'anticiper sur les évolutions à venir. Des choix volontaires, notamment dans le transport de marchandises sont nécessaires pour préserver la part du trafic des transports ferroviaires, et fluviaux et pour éviter la saturation des axes routiers.
Le budget porte la marque de ce choix éminemment politique de rééquilibrage.
Dans le secteur ferroviaire, la volonté du gouvernement de renforcer la progression des capacités d'investissement de Réseau Ferré de France (RFF) est clairement confirmée.
La consolidation financière de RFF se poursuit, avec une dotation en capital de 12 milliards de francs en 2000, qui participe de l'engagement pris d'apporter à l'établissement public 37 milliards supplémentaires en 3 ans, pour stabiliser l'endettement.
Monsieur Bouvard, s'agissant des investissements de RFF sur les dix prochaines années, je ne suis pas certain que vous ayez bien suivi les déclarations que j'ai faites au cours de l'année : nous avons indiqué que RFF était en situation d'investir de l'ordre de 12 milliards de francs par an, tout en stabilisant son endettement.
Sur le FITTVN, les crédits consacrés aux transports ferroviaires et combinés augmentent fortement avec 2,3 milliards de francs, soit le double de la dotation de 1997. Cette dotation du FITTVN permettra de subventionner les investissements neufs sur les lignes à grande vitesse mais aussi la modernisation du réseau classique, le développement du fret ferroviaire et du transport combiné.
J'ai fixé un objectif ambitieux et pourtant nécessaire : doubler le volume des marchandises transportées par la voie ferrée au cours des dix prochaines années, et même le multiplier par 4 dans les zones sensibles comme les Alpes et les Pyrénées. J'ai eu l'occasion d'en parler avec Monsieur Michel Bouvard.
Cela implique un développement du fret ferroviaire beaucoup plus soutenu que dans le passé, et une mobilisation de tous les acteurs.
Monsieur Launay, en réponse à votre question, je vous informe que la subvention au transport combiné en 2000 sera de 500 millions de Francs, soit un quasi doublement.
Au Conseil des ministres européens des Transports du 6 octobre 1999, la France n'a pas ménagé sa peine pour que soient adoptées, au petit matin, des "conclusions du Conseil" plus conformes à ses positions. Au rebours d'une libéralisation forcenée prônée jusqu'ici par certains, et reprise ici par Messieurs Dominique Bussereau et Francis Delatre, ces conclusions préparent une ère nouvelle pour le développement du fret et du chemin de fer en Europe. Beaucoup de travail reste à faire d'ici le prochain Conseil des ministres des Transports le 10 décembre 1999. Je souhaite que les propositions de la France en matière de réseau européen de fret ferroviaire, d'interopérabilité et de décongestion de certaines lignes soient entendues, pour développer le fret ferroviaire de transit dans l'espace européen, par la voie qui convient le mieux à chacun des États, la coopération et la réciprocité pour les uns, la libéralisation pour les autres si ils y tiennent !
Lors de ce même Conseil européen, la France a déposé, suite à la catastrophe du Mont Blanc, auprès de la Commission un Mémorandum sur le transport dans les Alpes. Des pistes de réflexions sont proposées quant à la sécurité dans les tunnels, au développement de la politique intermodale, en particulier dans les zones sensibles, et à la régulation de la circulation des poids lourds dans les Alpes. Il a été accueilli favorablement par plusieurs États membres, et la Commission a déjà entrepris une réflexion sur la sécurité dans les tunnels.
Concernant les traversées alpines, Messieurs Bouvard et Daubresse, la détermination du gouvernement se traduit également par des actes : l'accent a été mis sur des expérimentations en matière de ferroutage.
Par ailleurs, s'agissant du Lyon-Turin, en plus des prospections géologiques en cours, j'ai annoncé au sommet franco-italien de Nîmes avec mon collègue italien, Monsieur Treu, l'accélération des études préalables aux galeries de reconnaissance.
Le système ferroviaire français aura connu en 3 ans de grandes transformations. Pour éclairer ces évolutions, et garantir l'unicité du secteur public ferroviaire, j'ai souhaité la mise en place d'une structure nouvelle d'étude et de propositions, à laquelle est associé le Parlement : le Conseil supérieur du service public ferroviaire.
Celui-ci a commencé à travailler sous l'autorité de son président, Jean-Jacques Filleul, votre rapporteur. Son programme est déjà très chargé puisqu'il doit prochainement lancer les "États généraux du fret ferroviaire européen".
Ce conseil aura également à donner un avis sur la généralisation de l'expérimentation en matière de services régionaux de voyageurs.
Le dispositif permettant le transfert de compétence de ces services aux régions devrait être intégré dans le projet de loi évoqué il y a quelques instants.
* Au-delà de ce rééquilibrage modal, le premier poste d'investissement de ce ministère reste les infrastructures routières. Au cours des huit premiers mois de cette année, on enregistre une progression du trafic de 4,2 % sur les routes nationales et de 6 % sur les autoroutes.
De réels problèmes de sécurité et d'environnement sont posés. Pour y faire face, je propose d'agir dans plusieurs directions : une bonne maintenance des infrastructures, une action forte pour améliorer les comportements des usagers, une rationalisation de l'usage de la voirie en ville et une politique volontariste en faveur de l'intermodalité des transports.
En termes budgétaires, l'ensemble des moyens d'engagement pour les routes (dépenses ordinaires + autorisations de programme, y compris les comptes d'affectation spéciale), pour les travaux neufs ou l'entretien, s'établissent à 8,6 milliards de francs, en hausse de 5 %.
Les négociations des contrats de plan avec les régions ont révélé la permanence d'une forte exigence d'amélioration, de sécurisation et de poursuite de la modernisation du réseau routier. Nous pourrons faire face aux futurs engagements du XIIème plan, avec pour 2000, une enveloppe de 3,6 milliards de francs d'autorisations de programme.
Il s'agit là d'une croissance très importante (+ 17 %), qui permettra de lancer un plus grand nombre d'opérations et, dès lors que ce rythme est maintenu dans les PLF suivants, de tenir les engagements de l'État sur la durée du plan.
Par ailleurs, les grandes opérations de désenclavement du massif central que sont l'autoroute A 75 Clermont-Ferrand/Béziers et la RN 7 entre Nevers et Roanne ainsi que les travaux de mise en sécurité de la RN 10 dans les Landes seront poursuivis. Il en sera de même avec les travaux de la Route Centre Europe Atlantique (RCEA), entre la Saône-et-Loire et la Charente-Maritime.
En matière d'entretien et de maintenance de la voirie nationale, les inflexions amorcées depuis 1998 sont poursuivies. Ainsi la dotation du budget général consacrée à la réhabilitation des ouvrages d'art s'élèvera à 362 millions de francs, en hausse de 28 %. Elle sera, pour partie consacrée à la rénovation du Pont d'Aquitaine à Bordeaux.
Enfin, je puis vous annoncer que, dans le cadre des discussions sur le collectif pour 1999, je viens d'obtenir 300 millions de francs de crédits de paiement supplémentaires pour les routes. Je tiendrai les engagements que j'avais pris, avec mon collègue Dominique Strauss-Kahn, et les professionnels du BTP, en septembre dernier.
Ainsi, l'opération de "rattrapage" des crédits de paiements routiers, entreprise depuis 1997, touche à son terme. Il y avait, je vous le rappelle, plus de 2 milliards de francs de retard par rapport aux autorisations de programme ouvertes.
Monsieur Idiart, vous avez évoqué le nouvel objet routier. Je suis prudent car il faut tester cette nouveauté technologique avant de la généraliser. Et je voudrais être certain qu'il n'y a pas de problème de sécurité.
* Les moyens que le Gouvernement consacre aux investissements fluviaux progressent de plus de 40 % depuis 1997. Une dotation de 500 millions provenant du FITTVN est prévue, après les 450 de 1999, soit plus de 11 % d'augmentation.
Versés pour l'essentiel à l'établissement public Voies Navigables de France, ces crédits permettront, en partenariat avec les collectivités locales, notamment dans le cadre des contrats de plan, de poursuivre la restauration et la mise en valeur du réseau existant. Il faut à la fois intervenir sur les voies essentielles au transport de marchandises et sur celles où l'on peut accueillir le tourisme fluvial, qui peut apporter beaucoup en termes économiques, d'emploi et d'aménagement du territoire.
Nous souhaitons mettre le réseau existant à la hauteur des enjeux économiques. C'est le sens du projet Seine-Nord, qui doit s'entendre comme une liaison globale entre le Port du Havre, Paris, Dunkerque et le bassin de l'Escault. Dans ce projet global, les priorités portent d'abord sur les extrémités. Les aménagements sur le tronçon Dunkerque-Escault, comme le relèvement des ponts, doivent permettre d'accueillir un nouveau trafic européen de grand gabarit. Le tronçon Oise-aval et la Seine peuvent aussi être modernisés dans un souci d'amélioration de la gestion des crues, permettant ainsi une augmentation durable du trafic fluvial dans les régions concernées, notamment en Île-de-France. Concernant la partie centrale de Seine-Nord, je dois très prochainement m'en entretenir avec les élus concernés avant de prendre une décision sur le tracé.
Par ailleurs, Monsieur Daubresse, après l'abandon du canal Rhin-Rhône, des investissements ont été prévus pour rénover complètement la liaison Freycinet entre la Saône et le Rhin.
Pour améliorer durablement la compétitivité de nos ports et attirer les flux de marchandises vers les ports français, il faut réaliser les extensions portuaires justifiées par les évolutions du trafic.
De manière générale, pour ce qui est du budget de la mer, je remercie Monsieur Guy Lengagne d'avoir bien noté l'évolution très significative des crédits maritimes et portuaires -soit 1,8 milliard de francs (hors ENIM)- qui connaissent une très forte hausse (+ 15 %), notamment dans les investissements portuaires après la stabilité des deux années précédentes.
La plus importante des extensions portuaires concerne le Havre avec le projet "Port 2000".
Les travaux doivent débuter en 2000, en vue d'une mise en service des installations nouvelles fin 2002-début 2003. Le projet de budget prend donc en compte l'engagement d'une première tranche de travaux d'infrastructures avec un engagement de l'État de 220 millions de francs dès 2000.
D'autres investissements de capacité ou de modernisation, de dimension plus modeste, mais nécessaires pour accompagner les évolutions des trafics, devraient être engagés dans d'autres ports, également en l'an 2000, notamment dans le cadre des futurs contrats de plan Etat-Régions : la modernisation du terminal agro-alimentaire de Montoir à Nantes-Saint-Nazaire, des requalifications et aménagements de quai à Marseille-Fos, ainsi qu'à Dunkerque. Par ailleurs, l'année 2000 verra l'achèvement des travaux d'infrastructure du terminal à conteneurs de la Pointe-des-Grives, à la Martinique.
Comme vous l'avez souligné, l'amélioration de la desserte terrestre des ports est aussi une composante importante, décisive même de leur compétitivité. C'est une de mes priorités pour les prochains contrats de plan.
S'agissant du cabotage maritime, Monsieur André Capet, je souhaite voir aboutir l'harmonisation des règles au niveau européen afin de favoriser ce mode de transport écologique et sûr.
Mais, l'efficacité, vous l'avez dit, Monsieur Daniel Paul, tient également à la qualité des rapports sociaux, notamment au niveau local. C'est cette politique que j'ai été amené à réaffirmer récemment et que je continuerai à appliquer, notamment sur les dossiers importants que vous citez, préretraites et 35 heures.
Monsieur Fleury, vous avez, avec d'autres, évoqué la SNCM : l'assemblée territoriale Corse va bientôt se prononcer sur l'organisation de l'appel d'offre sur la continuité territoriale. L'État, actionnaire de la SNCM, fera son devoir pour placer la compagnie dans les meilleures conditions pour répondre à cet appel d'offre
Enfin, dernier mode de transport pour lequel le développement du trafic conduit à anticiper sur la capacité des infrastructures : le transport aérien.
La croissance attendue du trafic à l'horizon 2020, notamment au niveau intra-européen à partir des aéroports de province, conduit à examiner les conditions dans lesquelles, le moment venu, il conviendra de développer les capacités d'accueil des aéroports.
Les schémas de services de transports doivent être l'occasion d'afficher les besoins sur les moyens et longs termes, et donc les projets prioritaires en fonction des niveaux de services attendus. Je pense ici notamment à l'éventualité d'un troisième aéroport pour le Grand Bassin Parisien, à la perspective de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes pour le Grand Ouest, à la recherche d'un site pour un nouvel aéroport toulousain, à la démarche de précaution pour l'aéroport de Lyon-Satolas qui s'est traduite par l'approbation de l'Avant-Projet de Plan de Masse.
III - J'en viens maintenant au volet emploi et solidarité, et plus largement aux multiples activités et professions concernées par ce ministère.
Quand je parle d'emploi, je pense bien sûr aux emplois du ministère, à ceux des entreprises dont j'ai la tutelle, et également à ceux qui résultent des investissements effectués sous la responsabilité de mon ministère.
Ce ministère concourt aussi largement à la réalisation de l'objectif de plein emploi fixé par le Premier ministre.
* En tant qu'employeur direct, l'État a une lourde responsabilité pour préserver l'emploi. De ce point de vue, j'ai tenu à infléchir la tendance des réductions d'emplois qui affectaient le ministère de l'Équipement, des Transports et du Logement. Nous sommes sortis d'une logique qui voulait que, depuis 15 ans, ce ministère perde environ 1000 postes par an.
Dès mon arrivée au ministère, je me suis attaché à sortir de cette logique, qui en dépit des importants efforts de modernisation fait par le personnel, était de nature à compromettre le bon exercice des nombreuses et importantes missions assurées par les services et notamment par les DDE.
Ainsi dans le cadre de la politique gouvernementale du maintien de l'emploi public, j'ai pu obtenir un traitement plus équitable.
Les réductions des effectifs ont ainsi été ramenées à 490 emplois en 1999 et 365 au projet de budget 2000. Ceci est-il totalement satisfaisant ? Je dirais non, mais c'est incontestablement une rupture très nette avec les politiques passées.
En ce qui concerne les agents d'exploitation, secteur qui avait plus particulièrement souffert, la baisse est divisée par 4, la réduction d'emploi étant ramenée à 130.
Ceci me permettra de prendre en compte, comme vous le demandez, Monsieur Gilbert Biessy, la situation de la vingtaine de départements où les difficultés liées à la viabilité hivernale sont les plus grandes et de n'y supprimer aucun poste d'agents d'exploitation.
Par ailleurs, une création nette de 180 emplois est prévue dans la navigation aérienne, pour faire face aux futurs départs en retraite et à la croissance du trafic. Je puis vous dire qu'en plus, je viens d'obtenir 30 recrutements supplémentaires, dès 1999.
Au total, les effectifs du ministère seront affectés d'une baisse de - 0,18 %, soit 6 fois moins que lorsque nous sommes arrivés.
Comme vous l'avez tous souligné, l'action du ministère est d'abord l'oeuvre de ses agents, des 110000 hommes et femmes implantés sur l'ensemble du territoire et dont la compétence et le sens du service public sont très appréciés des élus, des citoyens et des partenaires professionnels. Je souhaitais leur rendre hommage ici.
Je voudrais également souligner le rôle des entreprises publiques du secteur des transports dans la bataille pour l'emploi, sous l'effet en particulier de la réduction du temps de travail, mais aussi du développement des servi es et de l'activité. Deux exemples :
* la SNCF a programmé 25000 embauches sur 3 ans. C'est la première fois, depuis 50 ans - me disait le président Gallois il y a quelques jours lors de notre déplacement sur
la ligne ferroviaire Beziers-Neussargues - que la SNCF est en situation de créer des emplois statutaires,
* Air France, c'est 10000 emplois supplémentaires, que l'entreprise doit créer entre 1997 et 2002, pendant notre législature.
Enfin, plus de 17000 emplois-jeunes ont été créés dans les entreprises et services des secteurs du logement, des transports et du tourisme.
* A ce stade de ma présentation, je n'évoquerai que pour mémoire certaines des professions et activités de ma sphère de compétence, alors même que les enjeux en terme de sécurité et de compétitivité y sont aussi très importants.
Je veux parler notamment des conducteurs routiers. Nous avons besoin d'eux. Ils sont au coeur du développement économique et de la croissance, dans l'espace européen. Ils méritent qu'on recherche, pour la sécurité et la qualité de vie de tous, des règles et des conditions de travail positives, c'est l'harmonisation sociale par le haut. Monsieur Fleury, s'agissant de l'aide à la formation professionnelle, celle-ci a été reconduite alors même que les engagements du contrat de progrès étaient terminés en 1999. J'en profite pour vous dire qu'il n'y a pas besoin de nouveau décret pour procéder à l'immobilisation des poids lourds.
Je veux aussi parler des bateliers qui seront confrontés, à compter de l'an prochain, à la suppression du "tour de rôle".
Je souhaite enfin souligner l'importance, pour la vie quotidienne de nos concitoyens comme pour les entreprises des établissements, que sont l'Institut Géographique National, l'IGN, et Météo-France. Je salue enfin la qualité des programmes de recherche conduits sous l'égide de mon ministère dans ses écoles ou à l'INRETS.
Je reviendrai un peu plus longuement sur les secteurs maritimes et aériens.
* S'agissant du transport maritime, le budget 2000 poursuit la politique de soutien à la flotte de commerce et à l'emploi maritime.
La flotte de commerce française a connu une forte décroissance à partir des années 1970 pour se stabiliser dans les années récentes autour de 210 navires. Par les mesures arrêtées au Comité interministériel de la Mer d'avril 1998, le Gouvernement est déterminé à redresser la situation de notre flotte de commerce, dans le respect de la réglementation européenne.
Je rappelle que le soutien de l'État à l'investissement naval fait l'objet, depuis 1998, de mesures d'allégement fiscal pour les groupements d'intérêt économique, les GIE "fiscaux" qui acquièrent un navire. Cette mesure a permis de soutenir depuis 1998 l'investissement dans 7 navires de transport pour un montant dépassant le milliard de francs. Une vingtaine de dossiers sont à l'étude, représentant une trentaine de bateaux.
Par ailleurs, le projet de budget pour 2000 reconduit le dispositif d'aide à la flotte de commerce mis en place en 1999. Les entreprises directement confrontées à la concurrence internationale se voient rembourser les contributions sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accidents du travail des marins. La dépense pour 2000 est estimée à 133 millions de francs.
Enfin, je voudrais dire à Monsieur André Capet, que nous suivons avec attention les conséquences de la fin du commerce hors-taxe sur les armements français. Ces conséquences avaient largement été anticipées par les pouvoirs publics et avaient constitué l'enjeu de la réunion du 3 juin dernier, que j'avais tenue avec Dominique Strauss-Kahn, les élus et les personnels. A cette occasion, avait été élaboré un plan pour assurer et consolider l'avenir de Sea-France.
Il est en cours de mise en place : la décision de recapitaliser SEA-France a été prise et l'actionnaire SNCF a autorisé l'entreprise à lancer les études pour l'acquisition d'un nouveau bateau. Il faut également regarder l'ensemble des compagnies françaises, je pense en particulier à Britany-Ferries
La protection du littoral et sa mise en valeur constituent un enjeu important d'aménagement du territoire avec 5500 km de côtes. Ce budget enregistre un quasi doublement des crédits : 43 MF à comparer à 22 MF en 1999.
Je n'évoquerai qu'un seul dossier dont je suis assez fier d'avoir contribué à le faire aboutir : celui du Mont-Saint-Michel, menacé par l'ensablement. Ce grand projet s'engagera à partir de 2000.
L'année 2000 enfin, verra la création d'un service public de l'enseignement maritime avec passage sous statut public du personnel de l'association de gérance des écoles maritimes et aquacoles (AGEMA) : 315 postes budgétaires sont créés dans le projet de loi de finances à cet effet. Cette mesure montre tout l'intérêt que porte le Gouvernement à un enseignement professionnel bien adapté aux évolutions du marché de l'emploi dans ce secteur, et qui accroît ses effectifs.
* Le secteur aérien qui, avec l'accélération des échanges mondiaux, est un des atouts majeurs d'une puissance industrielle comme la France. La dimension internationale et concurrentielle est caractéristique du transport aérien. Mais j'aurais garde d'oublier ses autres dimensions, qui relèvent du développement durable : l'aménagement du territoire, le développement économique et l'environnement.
J'ai été très sensible à la qualité et la pertinence du rapport de Monsieur Asensi sur les enjeux du transport aérien, que, visiblement, Monsieur Gantier, pour sa part, n'a pas très bien compris tant il est persévérant dans sa défense du libéralisme.
Chacun connaît la place particulière, en France et en Europe de la construction aéronautique civile et son importance pour l'emploi, le développement technologique et l'équilibre du territoire. Je ne reviens pas sur les succès d'AIRBUS. J'évoquerai seulement l'A 318 dont la "bi-motorisation" permettra aux compagnies aériennes des économies de gestion.
Les chefs des gouvernements français et allemand annonçaient le 14 octobre dernier à Strasbourg, la fusion entre Aérospatiale-Matra et DASA. Cette opération - EADS - constitue une étape décisive dans le regroupement des capacités aérospatiales civiles et militaires, permettant de constituer un groupe européen capable de rivaliser avec les concurrents américains.
Cette opération, qui n'était pas gagnée d'avance, renforce l'axe franco-allemand et souligne que, loin d'être un handicap, la place d'un actionnaire public constitue un atout et un facteur de stabilité pour l'avenir.
J'ajoute que la participation de l'État dans EADS s'est accompagnée de garanties, notamment sur les décisions stratégiques et les cessions, ainsi que par la priorité de rachat accordée à la partie française.
Les crédits dont je disposerai en 2000 en matière d'appui à l'industrie aéronautique, permettront d'aider les entreprises à réaliser leurs actions de recherche et de développement.
Je pense à la poursuite des 2 grands programmes de l'hélicoptère EC 165 et aux nouvelles versions (500 et 600) de l'AIRBUS A340, mais aussi, tout particulièrement, au projet A3XX pour laquelle j'ai prévu, dès 2000, une dotation de 240 millions de francs.
Ce projet, qui vise à élargir, pour la première fois dans le domaine des très gros porteurs, la gamme du constructeur AIRBUS, à l'horizon 2005 me paraît incontournable. Avec la constitution de l'EADS, je considère qu'une des conditions essentielles de son lancement est maintenant satisfaite.
En ce qui concerne Air France, il est utile d'indiquer qu'en 1998/1999, et pour la 4ème année consécutive, la compagnie nationale présente un résultat d'exploitation positif. Le redressement est donc bien là. Et seul, Monsieur Gantier ne le voit pas. On peut cependant vous reconnaître, Monsieur le député, le mérite de la persévérance. Au moins vous, vous avez compris qu'Air France n'était pas privatisée. Le soutien de l'État a bien sûr été déterminant pour accompagner les efforts consentis par les personnels.
Air France a décidé de bâtir à son tour une "alliance globale". Une telle alliance va au-delà de simples accords de partage de code et permet d'offrir aux passagers, un réseau mondial constitué par l'ensemble des réseaux de chaque partenaire. Dans cette perspective, Air France et Delta Air Lines ont signé le 22 juin 1999, un accord exclusif afin de créer avec d'autres partenaires "une alliance globale" dans le transport aérien.
La forte croissance du trafic aérien - plus de 4 à 5 % en moyenne par an - est bénéfique bien entendu pour les compagnies aériennes et notamment Air France, mais générateur de risque de dysfonctionnements qu'ils nous appartient de surmonter.
L'extension de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulles avec deux nouvelles pistes, s'est accompagnée de la mise en place de mesures de lutte contre les nuisances sonores, aujourd'hui toutes mises en uvre. L'engagement que j'avais pris concernant le maintien de l'énergie sonore à son niveau de 1997, de jour comme de nuit, a été respecté en 1998 et le sera en 1999.
A cet égard, je tiens à préciser que l'autorité indépendante de Contrôle des Nuisances Sonores Aéroportuaires - l'ACNUSA - mise en place par la loi du 12 juillet dernier, sera opérationnelle début janvier, et compétente sur les 9 principaux aéroports. Le projet de décret va être transmis au Conseil d'État. La représentation parlementaire sera consultée. Je sais, Monsieur Blazy, que vous attendez ce moment, et je vous précise que le budget de 5 millions de francs qui est inscrit doit permettre de couvrir les dépenses de l'ACNUSA.
Beaucoup d'entre vous, Messieurs Blazy, Schwartzenberg, notamment, ont évoqué les suites du rapport Lachenaud : j'y reviendrai plus précisément dans la soirée.
Comme vous le savez, j'avais entamé un large débat sur l'avenir de l'aéroport d'Orly et de sa zone d'activité économique afin de lui redonner une dynamique de croissance. Désireux de lutter contre ce déclin, j'ai proposé vingt mesures, en cours de mise en oeuvre. Ainsi, pour améliorer la synergie entre les 2 aéroports, j'ai souhaité la création d'une gare TGV à Rungis-la-Fraternelle permettant une liaison rapide et directe entre Orly et Roissy.
Un mot rapide sur le FIATA, ce fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien mis en place l'an passé pour répondre aux décisions du Conseil d'État en matière de financement des dépenses de sûreté et de sécurité dans le transport aérien.
Avec la nouvelle taxe d'aéroport, les gestionnaires d'aéroport disposent désormais de ressources juridiquement sûres pour financer les tâches de sûreté et de sécurité, qui leur incombent dans ce domaine.
Par ailleurs, à compter de 2000, nous parachevons le dispositif, - comme je l'avais dit l'an passé - pour lui donner davantage de transparence : le FIATA reprendra les dépenses directes de l'État en matière de sûreté, précédemment inscrites sur le Budget annexe de l'aviation civile, et recevra une part plus grande de la taxe de l'aviation civile : 23 % contre 10 % en 1999, le reste de cette taxe allant au Budget annexe.
Le projet de budget du FIATA - qui comporte aussi, je vous le rappelle, les subventions à certaines lignes d'aménagement du territoire - s'établit ainsi à 361 millions de francs.
Monsieur Gantier, concernant le contentieux avec les compagnies aériennes sur les redevances, je vous annonce que les demandes des redevables pourront être satisfaites dès lors que celles-ci respectent les prescriptions relatives au droit de recours.
Il est vrai, Monsieur le rapporteur Gantier que globalement, le niveau des ressources du budget annexe de l'aviation civile (BAAC) est stabilisé, voire réduit pour certaines d'entre elles. Mais, vous ne semblez pas avoir compris que c'est volontairement que nous avons opté pour cette baisse des taux de redevance, de manière à ne pas peser excessivement sur le coût du transport aérien et à ne pas pénaliser l'usager :
le niveau de la Taxe de l'Aviation Civile, dont le produit sera en 2000 de 1,3 milliard, est inchangé,
* le taux de la redevance de route sera diminué de près de 9 % et le taux de la Redevance pour Services Terminaux de la Circulation Aérienne de 1,70 %. Ainsi, vous constatez que l'aviation civile maîtrise ses coûts, + 3,1 % globalement en 2000, tout en faisant face à une très vive croissance du trafic (+ 7 % en France pour 1999).
Pour autant, les moyens mis à la disposition de la navigation et du contrôle aérien sont revalorisés pour permettre un haut niveau de sécurité.
Ainsi les dépenses de personnel, qui s'élèvent à 4,36 milliards de francs progressent de 3,9 %, ce qui permettra de créer 180 emplois pour faire face au développement de l'activité et aux besoins de formation. Une centaine de contrôleurs aériens seront recrutés en 2000.
Enfin, nous bouclons ce budget par le maintien de la subvention du budget général (215 millions de francs, en comprenant le budget de l'ACNUSA) et un emprunt de 830 MF, égal à celui de 1999. Nous nous plaçons ainsi dans une perspective de stabilisation de l'endettement du Budget annexe.
Pour finir, je souhaite revenir sur l'augmentation très forte du trafic aérien, qui nécessite des efforts considérables pour maintenir le niveau de sécurité, la qualité du service et améliorer la capacité des infrastructures.
La France a pris la mesure du problème, pour que réellement la situation s'améliore ou au moins ne se dégrade pas. Des mesures sont envisagées au niveau international sous l'égide d'EUROCONTROL, mais aussi au niveau national avec l'amélioration des moyens de contrôle et de coordination. Ces mesures seront-elles suffisantes ? C'est un des points très importants pour l'avenir du transport aérien, sur lequel il convient de pousser davantage la réflexion et notre capacité d'anticipation.
En guise de conclusion, je voudrais maintenant développer quelques thèmes, qui dessinent le cadre des politiques de transport et ouvrent des perspectives d'avenir.
Je souhaite d'abord vous apporter quelques indications sur la réforme du financement des sociétés concessionnaires d'autoroutes, les SEMCA. Cette réforme est en cours. Je sais que vous l'attendez - vous m'interpellez souvent - Monsieur Jean-Louis Idiart l'a encore fait tout à l'heure, notamment après les travaux de la Cour des Compte et ceux de la mission d'évaluation et de contrôle (la MEC), que je veux remercier pour la qualité de ses propositions.
J'ai accéléré la réflexion après la condamnation, en février 1998, par le Conseil d'État, des procédures qui avaient abouti à l'attribution de la concession d'A86 Ouest.
Quels sont les objectifs de la réforme. Je vous les rappelle :
* améliorer la transparence et la rationalité des choix d'investissements entre une autoroute concédée et un aménagement à 2 x 2 voies d'une route nationale,
* accroître de manière sensible les moyens pour l'entretien, l'exploitation et la remise à niveau du réseau,
* poursuivre le programme autoroutier pour des raisons d'aménagement et de sécurité : la sécurité routière est mieux assurée sur les autoroutes que sur les routes nationales.
* consentir un effort particulier pour le milieu urbain dans lequel les coûts de construction sont plus élevés.
Pourquoi une réforme était-elle nécessaire ?
Il fallait se mettre en conformité avec le droit européen et notamment la directive 93/97 du 14 juin 1993 sur les marchés de travaux :
* Il s'agit désormais de publier les projets de concession de manière à faire jouer la concurrence et faire en sorte que les entreprises soient placées dans les conditions d'égale concurrence,
* La technique de l'adossement ne peut plus être utilisée. Cela signifie que chaque nouvelle concession doit être financièrement équilibrée, en jouant sur plusieurs paramètres : la durée de la concession, les tarifs des péages, et s'il y a lieu, des subventions publiques (État/Collectivités locales) en cas d'insuffisance de trafic,
* Cela signifie aussi que les SEMCA, si elles veulent présenter des offres en vue d'une nouvelle concession, doivent fonctionner sans distorsion de concurrence, avec des règles comptables et fiscales de droit commun.
Pour tenir ces objectifs, la réforme passe par un certain nombre d'évolutions :
* La modification du régime d'amortissement, qui sera plus proche de l'amortissement physique et comparable à l'amortissement pratiqué par la société privée COFIROUTE,
* La suppression des clauses de garantie de reprise de passif par l'État (contraire à la définition des concessions en droit communautaire),
* L'allongement des concessions d'environ 20 ans, nécessaire pour financer les autres éléments de réforme.
Cependant, comme cet allongement n'est pas conforme au droit européen et à la directive "travaux", dès juillet 1998, nous avons engagé une négociation avec la commission pour en trouver les modalités. Il était prévu de boucler en mars 1999. La démission des commissaires a perturbé ce calendrier et retardé la conclusion de la négociation.
La nouvelle commission a été saisie dès septembre de la demande d'allongement des concessions. Nous attendons pour fin novembre la conclusion de cette négociation.
Cette réforme se concrétisera par un projet de loi comportant notamment l'allongement de la durée des concessions et des dispositions modifiant le code de la voirie routière. Il devrait être déposé dès retour de l'avis de Bruxelles, avant la fin de l'année.
Des dispositions financières sur l'affectation des dividendes seront également prévues dans le collectif 99. Cette réforme prend du temps. Ce n'était pas si simple.
Nous n'avons pas attendu son aboutissement pour commencer à nous mettre en accord avec le droit communautaire.
Des avis de nouvelles concessions font désormais l'objet de publications. Ce fut le cas de l'A86 Ouest qui vient d'aboutir. Ce sera prochainement le cas pour la concession du Viaduc de Millau.
* Je souhaite, bien entendu, que les SEMCA, dès lors qu'elles disposent des fonds propres nécessaires et qu'elles se situent dans des conditions normales de concurrence, puissent présenter des offres.
Monsieur le Rapporteur Idiart, je ne partage pas le point de vue que vous exprimez dans votre rapport, au demeurant très complet et très précis : vous souhaitez que dans l'attente d'un projet de loi de programmation des infrastructures de transport, aucune nouvelle autoroute ne soit lancée. C'est un peu abrupt et ne tient pas compte de tous ceux de vos collègues qui me réclament une autoroute pour leur région.
Il me semble surtout que les objectifs que vous recherchez dans la loi de programmation seront satisfaits par les schémas de service, qui participent d'une vision plus intermodale de la prospective.
* Je voudrais maintenant aborder la question des comptes d'affectation spéciale (les CAS) qui font partie intégrante de mon budget. Je veux parler du FARIF et du FITTVN, qui selon les rapports de Messieurs Idiart, Capet et Filleul, devrait être supprimé.
Sur le fonds d'aménagement de la région Île-de-France (le FARIF), le PLF 2000 l'a supprimé. Cette solution, proposée par le ministère des finances, m'a semblé à moyen terme, de nature à préserver les financements et les priorités de l'État en Île-de-France.
En effet, vous vous en rappelez, depuis la loi "Pasqua" de 1995, les ressources du FARIF étaient amputées de 120 millions de francs supplémentaires chaque année.
Je ne reviens pas sur ce dossier. J'ai veillé à ce que des chapitres budgétaires spécifiques "Île-de-France soient créés dans mon budget de manière à assurer une totale transparence sur l'évolution des crédits destinés à ce territoire.
* J'en viens au FITTVN. Je voudrais tout d'abord vous rappeler que le Conseil Constitutionnel a eu à se prononcer à ce sujet en décembre 1997.
Celui-ci a rappelé que les comptes d'affectation spéciale étaient soumis à l'approbation du Parlement dans le cadre de la loi de finances. Cela signifie que ni la clarté des comptes publics, ni l'exercice par le Parlement de ses prérogatives budgétaires n'étaient affectés.
Le Conseil a également précisé que le financement éventuel, par le FITTVN, des investissements et du gros entretien du réseau routier national et de dépenses entrant dans le cadre des contrats de plan Etat-Régions, dans le domaine des transports, ne contrevenait pas aux missions assignées à ce fonds.
J'avoue que je ne comprends pas l'acharnement contre le FITTVN. Et l'argument comme quoi c'est sous un gouvernement précédent que ce fonds a été instauré, n'est pas suffisant pour justifier une condamnation sans appel.
Bien sûr, comme l'a souligné la Cour des Comptes, il y a peut-être trop de comptes d'affectation spéciale qui bénéficient de ressources affectées. Le ministère des Finances a commencé à en supprimer.
Mais pourquoi vouloir à tout prix remettre en cause un outil qui est en train de conquérir un caractère intermodal ?
Ainsi, en 2000, pour la 1ère fois, les crédits destinés au secteur ferroviaire et au transport combiné représenteront plus de 53 % des ressources du fonds ?
Monsieur Jean-Jacques Filleul l'a dit fort justement, même s'il a, comme je le pense souligné que l'utilisation du FITTVN devrait mieux financer de nouveaux programmes.
Pourtant, s'agissant du ferroviaire, je me dois de vous rappeler qu'avant 1997, aucun crédit d'État n'était affecté au financement des TGV, d'où le surendettement destructeur de la SNCF. C'est par le FITTVN qu'on a pu financer les opérations engagées par mon prédécesseur sur le TGV-Méditerranée.
Désormais, le FITTVN constitue l'instrument financier d'une politique intermodale des transports. Je considère et sans doute nombre d'élus avec moi - j'ai entendu notamment Messieurs Biessy, Delattre et Cochet et je les en remercie- qu'on doit conserver et développer un tel outil. Le respect des engagements de l'État dans les futurs contrats de plan est à ce prix.
Christian Sautter s'est engagé à ce qu'une solution soit trouvée dans les deux ans. Je ne doute pas que nous y parvenions ensemble.
Je voudrais terminer cette intervention sur deux mots, "développement" et "actionnariat public", qui témoignent du chemin accompli.
Que ce soit Air France, que ce soit EADS, la place de l'actionnaire public n'est plus aujourd'hui contestée. Après un débat difficile et rigoureux, avec les médias, avec nos partenaires allemands, la présence de l'État au sein d'une entreprise du secteur concurrentiel, est plutôt considérée comme un élément de stabilité, une référence, je dirais même - le mot est à la mode - un élément de régulation permettant de valoriser les acquis sociaux et l'intérêt général.
Cette réhabilitation du public et de l'intérêt général est facteur de dynamisation des entreprises, qui ont compris que, elles aussi, peuvent et n'ont d'autre choix que de jouer la carte du développement, pour se positionner durablement dans la concurrence européenne.
Pour conclure, je voudrais une fois encore souligner combien ce budget est positif - je suis heureux, Monsieur Jean-Pierre Blazy, que vous l'ayez aussi spontanément souligné - :
* Parce qu'il permet une progression des moyens, notamment en matière d'investissement et que cela constitue une bonne base pour les futurs contrats de plan ;
* Dans le cadre d'une politique globale des transports, du logement social et du tourisme qui prend mieux en compte les problèmes fondamentaux de la société - l'emploi, la sécurité, l'environnement, etc... - et permettant de faire émerger une alternative à une conception ultra-libérale de la construction européenne, dangereuse pour la cohésion sociale et territoriale. Notre conception de la construction européenne n'a rien d'une conception défensive et craintive. Je pense même qu'elle représente une solution plus efficace pour assurer un développement respectueux des intérêts de chacun.
(Source : http://www.equipement.gouv.fr, le 23 novembre 1999)