Texte intégral
R. Elkrief.- La discussion budgétaire a commencé dès hier. Vous étiez sceptique dès le début et pourtant, vous annoncez que vous le votez ; c'est J.-P. Raffarin qui vous a chapitré ?
- "Sûrement pas, parce nos relations ne sont pas de cet ordre ! Simplement, être dans la majorité, c'est voter le budget, c'est ne pas voter la censure et voter le budget. Donc, pour nous, il ne fait aucun doute que nous sommes dans la majorité, même si nous y sommes avec notre identité et libres."
Il y a 29 députés de l'UDF. Ils ont quand même demandé d'abord un budget sincère, vous avez demandé plusieurs hypothèses, car vous êtes très sceptiques sur les prévisions de croissance de 2,5 % et en plus, J. Chirac a répété qu'il poursuivrait la baisse d'impôts et la baisse des charges. Vous croyez que c'est la meilleure méthode ?
- "On verra. Mais la première étape de la réforme - si on croit que la réforme est nécessaire à la France, ce que je crois - , c'est la vérité. Par exemple, tout le monde parle de déficits et personne ne se rend compte que le déficit, c'est purement et simplement de la dette qu'on accumule - et pas pour des sommes minces : la dette de la France est de 1.000 milliards d'euros, 6.000 milliards de francs."
Justement, il faudrait la baisser !
- "C'est un chiffre tellement astronomique qu'on se dit qu'il n'a pas de réalité. Si on divise cette dette par le nombre des Français, ça fait 100.000 francs, 15.000 euros par tête. Si vous avez une famille de 5 personnes, elle va devoir rembourser 500.000 francs sur les années qui viennent. Et on augmente encore cette dette en faisant du déficit. Cette année par exemple, on l'augmente de 5.000 francs, près de 1.000 euros : ce n'est pas raisonnable ! Quand on dit qu'il faut baisser le déficit ou qu'il faut avoir une gestion équilibrée pour l'Europe, ce n'est par pour l'Europe - c'est aussi pour l'Europe, c'est aussi important, on le verra dans les mois qui viennent -, mais c'est pour nous-mêmes, c'est pour que ceux qui nous écoutent en ce moment se voient allégés de cette dette immense qu'ils vont avoir à rembourser dans les années qui viennent. Dire qu'il faut une réforme qui permette à la France, comme à tous les grands pays, d'avoir une gestion équilibrée, au moins quand ça va bien, c'est un choix de fond. Et ce choix de fond, il commence en disant la vérité. Si les Français n'exigent pas, ne mettent pas toute leur pression sur la réforme comme ils le feraient, c'est parce qu'on ne leur a pas mis sous les yeux la vérité de la situation de la France."
Vous êtes donc d'accord avec F. Mer, qui dit à chaque fois que c'est plus compliqué et qui, néanmoins, fait voter un budget un peu contradictoire ? On a l'impression qu'il y a des hésitations, des tergiversations. Je ne comprends pas très bien : vous dites "je voterai", et en même temps, vous êtes très sceptique ?
- "Je suis sceptique, parce que l'hypothèse de 2,5 % de croissance est une hypothèse "optimiste" - on va dire ça comme ça... J'avais suggéré une autre méthode, qui était de présenter plusieurs hypothèses et de regarder, face à face avec les Français, les yeux dans les yeux, ce qui se passe si nous avons de la chance et ce qui se passe si nous n'en avons pas."
Cela a été refusé, on est déjà passé à autre chose !
- "Je crois que cela aurait été meilleur. Pour le reste, j'ai tout à fait l'intention de porter cette idée de réforme dans la majorité et pas à l'extérieur."
On se demande franchement à quoi sert l'UDF et le groupe UDF...
- "Cela sert à ce que vous venez de rappeler qu'il y avait deux méthodes pour préparer le budget, qu'il y a deux visions..."
Oui, mais le résultat, c'est que ce n'est pas la méthode qui a été adoptée !
- "Nous ne sommes pas à la barre, nous ne sommes pas au volant, ce n'est pas nous qui avons, pour l'instant, la responsabilité de ces choses. Mais il demeure que la démocratie, c'est le débat, c'est la confrontation des idées. S'il n'y avait dans la majorité qu'un parti unique, il n'y aurait pas ce genre de confrontations - vous ne l'entendez pas à l'intérieur de l'UMP. Il est donc naturel et normal que nous portiez le débat et l'exigence de réformes à l'intérieur de la majorité."
Mais lorsque J.-P. Raffarin présente un projet de loi sur la décentralisation, qui est un des thèmes qui vous est cher, il vous coupe l'herbe sous le pied. Qu'est-ce qu'il vous reste ?
- "On n'est pas propriétaires des idées. Je me réjouirais que le Gouvernement avance vers une idée européenne, pour que le monde soit en équilibre entre les Etats-Unis et d'autres puissances. Pour l'instant, ce n'est pas le cas. Prenons la décentralisation : heureusement qu'on va faire un pas dans cette direction. Je voudrais insister sur deux sujets qui, pour l'instant, ne sont pas traités. Le premier de ces sujets, c'est la première étape de la décentralisation, c'est la simplification. On a un nombre de collectivités locales imbriquées les unes dans les autres, de toute nature, et personne ne peut y comprendre quelque chose."
Il faudrait privilégier une instance administrative sur l'autre ? Choisir la région contre le département, par exemple ?
- "Simplifier en ayant toutes les compétences de la vie de tous les jours pour les villes et les intercommunalités, qui géreraient ces compétences. Deuxièmement, rapprocher les départements et les régions pour que, ensemble, ils gèrent tout ce qui est de l'aménagement du territoire. Voila ce que je crois. Autrement dit, qu'on ait devant les yeux un paysage où on puisse y comprendre quelque chose, parce que ceux qui vous écoutent ne peuvent rien y comprendre ! Il y a sept ou huit types de collectivités locales dans lesquelles on ne peut rien voir. Deuxième exigence, à mes yeux très importante : la question des moyens. Parce qu'on vit devant une hypocrisie qui va devenir très lourde : l'Etat dit - même s'il ne fait pas assez à mes yeux - "je vais baisser les impôts", mais les impôts explosent dans les collectivités locales !"
C'est ce que demandait J.-P. Huchon qui est un président de région socialiste, c'est-à-dire, donnez-nous les moyens, ne baissez pas les impôts au niveau national pour les augmenter au niveau local.
- "Voilà. Les impôts explosent ; je vais vous donner des chiffres : cette année, de très nombreuses collectivités locales vont augmenter leurs impôts entre 15 et 50 %. Qu'est-ce que ça veut dire de baisser les impôts nationaux si on augmente les impôts locaux ?! Si on fait des "transferts", comme on dit, de compétences, sans donner les moyens de ces compétences, cela veut dire qu'on vous prend d'une main ce qu'on fait semblant de vous donner de l'autre."
Ce sera la position de l'UDF pendant la discussion sur la décentralisation ?
- "Il faudra donc réfléchir à un pacte entre les régions et l'Etat, pour que l'effort sur l'allégement de la fiscalité et l'effort sur la réduction de la dette soient, en effet, partagés entre l'Etat et les collectivités locales."
P. Douste-Blazy, ex-UDF devenu UMP, a parlé à un moment de "contorsionniste politique" en parlant de ce qui restait de l'UDF et M. Leroy, qui est plutôt proche de vous - c'est un député - dit que c'est de "l'aïkido politique", c'est-à-dire comment transformer vos faiblesses en forces. Franchement, ça peut durer longtemps cette position ?
- "Si vous avez des idées, que vous y croyez, si vous avez une vision de l'avenir cohérente et forte, la politique consiste à la défendre et pas à passer sous la table et à aller disparaître dans un mouvement où vous n'avez plus d'identité. J'observe que la majorité des Français, dans un sondage de la semaine dernière, me donne raison sur ce point, et dit que nous avons eu raison de maintenir une identité UDF libre dans la majorité."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 octobre 2002)
- "Sûrement pas, parce nos relations ne sont pas de cet ordre ! Simplement, être dans la majorité, c'est voter le budget, c'est ne pas voter la censure et voter le budget. Donc, pour nous, il ne fait aucun doute que nous sommes dans la majorité, même si nous y sommes avec notre identité et libres."
Il y a 29 députés de l'UDF. Ils ont quand même demandé d'abord un budget sincère, vous avez demandé plusieurs hypothèses, car vous êtes très sceptiques sur les prévisions de croissance de 2,5 % et en plus, J. Chirac a répété qu'il poursuivrait la baisse d'impôts et la baisse des charges. Vous croyez que c'est la meilleure méthode ?
- "On verra. Mais la première étape de la réforme - si on croit que la réforme est nécessaire à la France, ce que je crois - , c'est la vérité. Par exemple, tout le monde parle de déficits et personne ne se rend compte que le déficit, c'est purement et simplement de la dette qu'on accumule - et pas pour des sommes minces : la dette de la France est de 1.000 milliards d'euros, 6.000 milliards de francs."
Justement, il faudrait la baisser !
- "C'est un chiffre tellement astronomique qu'on se dit qu'il n'a pas de réalité. Si on divise cette dette par le nombre des Français, ça fait 100.000 francs, 15.000 euros par tête. Si vous avez une famille de 5 personnes, elle va devoir rembourser 500.000 francs sur les années qui viennent. Et on augmente encore cette dette en faisant du déficit. Cette année par exemple, on l'augmente de 5.000 francs, près de 1.000 euros : ce n'est pas raisonnable ! Quand on dit qu'il faut baisser le déficit ou qu'il faut avoir une gestion équilibrée pour l'Europe, ce n'est par pour l'Europe - c'est aussi pour l'Europe, c'est aussi important, on le verra dans les mois qui viennent -, mais c'est pour nous-mêmes, c'est pour que ceux qui nous écoutent en ce moment se voient allégés de cette dette immense qu'ils vont avoir à rembourser dans les années qui viennent. Dire qu'il faut une réforme qui permette à la France, comme à tous les grands pays, d'avoir une gestion équilibrée, au moins quand ça va bien, c'est un choix de fond. Et ce choix de fond, il commence en disant la vérité. Si les Français n'exigent pas, ne mettent pas toute leur pression sur la réforme comme ils le feraient, c'est parce qu'on ne leur a pas mis sous les yeux la vérité de la situation de la France."
Vous êtes donc d'accord avec F. Mer, qui dit à chaque fois que c'est plus compliqué et qui, néanmoins, fait voter un budget un peu contradictoire ? On a l'impression qu'il y a des hésitations, des tergiversations. Je ne comprends pas très bien : vous dites "je voterai", et en même temps, vous êtes très sceptique ?
- "Je suis sceptique, parce que l'hypothèse de 2,5 % de croissance est une hypothèse "optimiste" - on va dire ça comme ça... J'avais suggéré une autre méthode, qui était de présenter plusieurs hypothèses et de regarder, face à face avec les Français, les yeux dans les yeux, ce qui se passe si nous avons de la chance et ce qui se passe si nous n'en avons pas."
Cela a été refusé, on est déjà passé à autre chose !
- "Je crois que cela aurait été meilleur. Pour le reste, j'ai tout à fait l'intention de porter cette idée de réforme dans la majorité et pas à l'extérieur."
On se demande franchement à quoi sert l'UDF et le groupe UDF...
- "Cela sert à ce que vous venez de rappeler qu'il y avait deux méthodes pour préparer le budget, qu'il y a deux visions..."
Oui, mais le résultat, c'est que ce n'est pas la méthode qui a été adoptée !
- "Nous ne sommes pas à la barre, nous ne sommes pas au volant, ce n'est pas nous qui avons, pour l'instant, la responsabilité de ces choses. Mais il demeure que la démocratie, c'est le débat, c'est la confrontation des idées. S'il n'y avait dans la majorité qu'un parti unique, il n'y aurait pas ce genre de confrontations - vous ne l'entendez pas à l'intérieur de l'UMP. Il est donc naturel et normal que nous portiez le débat et l'exigence de réformes à l'intérieur de la majorité."
Mais lorsque J.-P. Raffarin présente un projet de loi sur la décentralisation, qui est un des thèmes qui vous est cher, il vous coupe l'herbe sous le pied. Qu'est-ce qu'il vous reste ?
- "On n'est pas propriétaires des idées. Je me réjouirais que le Gouvernement avance vers une idée européenne, pour que le monde soit en équilibre entre les Etats-Unis et d'autres puissances. Pour l'instant, ce n'est pas le cas. Prenons la décentralisation : heureusement qu'on va faire un pas dans cette direction. Je voudrais insister sur deux sujets qui, pour l'instant, ne sont pas traités. Le premier de ces sujets, c'est la première étape de la décentralisation, c'est la simplification. On a un nombre de collectivités locales imbriquées les unes dans les autres, de toute nature, et personne ne peut y comprendre quelque chose."
Il faudrait privilégier une instance administrative sur l'autre ? Choisir la région contre le département, par exemple ?
- "Simplifier en ayant toutes les compétences de la vie de tous les jours pour les villes et les intercommunalités, qui géreraient ces compétences. Deuxièmement, rapprocher les départements et les régions pour que, ensemble, ils gèrent tout ce qui est de l'aménagement du territoire. Voila ce que je crois. Autrement dit, qu'on ait devant les yeux un paysage où on puisse y comprendre quelque chose, parce que ceux qui vous écoutent ne peuvent rien y comprendre ! Il y a sept ou huit types de collectivités locales dans lesquelles on ne peut rien voir. Deuxième exigence, à mes yeux très importante : la question des moyens. Parce qu'on vit devant une hypocrisie qui va devenir très lourde : l'Etat dit - même s'il ne fait pas assez à mes yeux - "je vais baisser les impôts", mais les impôts explosent dans les collectivités locales !"
C'est ce que demandait J.-P. Huchon qui est un président de région socialiste, c'est-à-dire, donnez-nous les moyens, ne baissez pas les impôts au niveau national pour les augmenter au niveau local.
- "Voilà. Les impôts explosent ; je vais vous donner des chiffres : cette année, de très nombreuses collectivités locales vont augmenter leurs impôts entre 15 et 50 %. Qu'est-ce que ça veut dire de baisser les impôts nationaux si on augmente les impôts locaux ?! Si on fait des "transferts", comme on dit, de compétences, sans donner les moyens de ces compétences, cela veut dire qu'on vous prend d'une main ce qu'on fait semblant de vous donner de l'autre."
Ce sera la position de l'UDF pendant la discussion sur la décentralisation ?
- "Il faudra donc réfléchir à un pacte entre les régions et l'Etat, pour que l'effort sur l'allégement de la fiscalité et l'effort sur la réduction de la dette soient, en effet, partagés entre l'Etat et les collectivités locales."
P. Douste-Blazy, ex-UDF devenu UMP, a parlé à un moment de "contorsionniste politique" en parlant de ce qui restait de l'UDF et M. Leroy, qui est plutôt proche de vous - c'est un député - dit que c'est de "l'aïkido politique", c'est-à-dire comment transformer vos faiblesses en forces. Franchement, ça peut durer longtemps cette position ?
- "Si vous avez des idées, que vous y croyez, si vous avez une vision de l'avenir cohérente et forte, la politique consiste à la défendre et pas à passer sous la table et à aller disparaître dans un mouvement où vous n'avez plus d'identité. J'observe que la majorité des Français, dans un sondage de la semaine dernière, me donne raison sur ce point, et dit que nous avons eu raison de maintenir une identité UDF libre dans la majorité."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 octobre 2002)