Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Nous voici donc réunis pour la journée d'ouverture de cette deuxième promotion du centre de perfectionnement des cadres supérieurs, la promotion 2000, ce qui constitue, vous en conviendrez, un millésime flatteur.
Le CPCS est une institution encore jeune mais déjà prometteuse. Il y a tout juste un an, j'ouvrais, avec Dominique Strauss-Kahn, la première session de ce centre, que nous avons voulu et dont l'idée a été lancée dès 1997.
La première promotion a bien travaillé. Vous ferez de même.
Je voudrais d'abord vous dire ce qu'est pour moi ce centre et ce que j'attends de vous ; puis vous faire part de la manière dont cette formation s'insère dans notre ambition de modernisation de la gestion publique ; et enfin, parce que le CPCS doit préparer les dirigeants du ministère à mettre en uvre la réforme de notre administration, faire le point sur le projet de réforme et sur les travaux de la Mission 2003.
Mais je voudrais au préalable souligner la chance que nous avons eue, et que nous continuons d'avoir, de bénéficier du concours de Martine Bidegain pour assumer la responsabilité de centre, dont elle a conçu l'organisation et le programme pédagogique. Son expérience, ses talents et sa personnalité ont beaucoup contribué à la réussite de cette initiative. Permettez-moi de saisir ici l'occasion de la remercier devant vous.
Elle a bénéficié du concours actif des équipes de Marie-Laurence Pitois-Pujade, Directrice du Personnel, de la Modernisation et de l'Administration que je voudrais associer à cet hommage.
1) Le CPCS est une pièce maîtresse de la modernisation du ministère
Une triple ambition :
- favoriser les décloisonnements entre les directions du ministère ;
- donner aux cadres supérieurs une culture commune de management et de conduite du changement ;
- et permettre une ouverture sur l'extérieur.
J'ai le sentiment que ces trois objectifs ont été atteints par la première promotion.
a) Des cadres supérieurs appartenant à toutes les directions de ce ministère se sont découverts, se sont écoutés, et ont appris à travailler ensemble.
Il vous est sans doute arrivé d'observer que nos modes de fonctionnement et conduisent parfois à un certain cloisonnement. Notre organisation est trop souvent bâtie sur des modèles anciens et des règles immuables. Nous avons, nous-mêmes, dressé des cloisons et dessiné des frontières jalousement gardées. Les corps de fonctionnaires ne sont pas les mêmes d'une direction à l'autre ; pas plus que, au sein d'une même direction, les corps d'administration centrale et ceux de services déconcentrés ; les passerelles sont rares ; les informatiques ne se parlent pas, ou avec les pires difficultés, parce que les schémas directeurs ont été conçus de manière autonome, non coordonnée.
Cette organisation trop verticale, trop hermétique, est de moins en moins adaptée à notre temps. Dans toutes les grandes organisations contemporaines, publiques ou privées, les hiérarchies s'aplatissent ; le travail en réseau se développe ; l'information circule librement ; des communautés d'intérêt et d'action se forment autour de projets mobilisateurs. Parce que l'usager de nos administrations, comme le client de l'entreprise, a, par définition, des besoins qui sont transversaux et qu'il ignore les cloisonnements internes des structures qui lui apportent un service.
Le premier objectif du CPCS était donc le décloisonnement des esprits. Et je crois que le passage par le CPCS été vécu par la première promotion comme un moment privilégié de découverte et d'échanges.
b) Le second objectif était de promouvoir une culture commune de management et de conduite du changement. Le CPCS est pour beaucoup de participants l'occasion de découvrir qu'au-delà des divers métiers traditionnels de notre ministère, il existe un métier de gestionnaire du service public, commun à toutes les directions.
Si je devais définir ce métier dans le contexte qui est le nôtre, je dirais qu'il consiste à combiner des ressources rares pour créer le meilleur service à moindre coût pour l'usager.
Même si les finalités de l'action ne sont pas du tout les mêmes que dans le monde de l'entreprise concurrentielle, je ne crois pas que la démarche du gestionnaire y soit fondamentalement différente. Il existe en effet des " invariants " à la gestion, qu'elle soit publique ou privée : fixer des objectifs, mesurer les coûts, accroître la performance, améliorer la qualité de service, gérer les hommes.
Le CPCS facilite cet apprentissage, ou plutôt met en forme des éléments de pratique qui existaient déjà chez chacun et chacune d'entre vous, parce que c'est votre métier de tous les jours.
J'ai la conviction qu'une nouvelle culture du management public est en train de se forger dans l'administration française ; et que notre ministère peut en constituer le creuset.
Intervenant au début du mois d'octobre dans le cadre du Forum international de la gestion publique organisé par Les Echos, j'ai été frappé de voir que notre ministère était le plus souvent cité en exemple comme l'une des administrations où il " se passait des choses " en matière de gestion publique et de réforme de l'Etat.
Le ministère des finances, qui est si prompt à donner des leçons de bonne gestion à tous les autres ministères, ne peut se dispenser de se les appliquer à lui-même.
Ne nous y trompons pas. Notre ministère, par la position stratégique qu'il occupe au cur de l'Etat, assume des responsabilités qui dépassent largement ses frontières. Les choix qui seront les nôtres commandent dans une large mesure l'efficacité de l'ensemble de l'administration française.
c) Il est un troisième objectif auquel je tiens tout particulièrement. C'est celui de permettre une plus grande ouverture sur l'extérieur. Pour changer, il faut avoir l'humilité de reconnaître que l'on est perfectible. Et que d'autres, ailleurs, après avoir été confrontés aux mêmes difficultés que nous, ont produit des solutions intéressantes.
J'ai un faible pour ce que l'on appelle aujourd'hui le benchmarking, pour employer un terme devenu à la mode. Je crois en avoir apporté la preuve il y a un quart de siècle en allant passer un an en Extrême Orient, à un moment où très peu, en France, s'intéressaient à cette partie du monde. Je n'ai pas cessé, depuis lors, de lire la réalité française au miroir que nous offrent nos principaux partenaires.
Vos collègues de la première promotion, qui ont travaillé sur une quarantaine de projets de changement, ont produit un travail utile et passionnant. Pour cela ils n'ont pas hésité à aller voir comment on gérait les cadres supérieurs chez AXA ou Danone, comment on accueillait les clients à la poste italienne, ou comment France Télécom ou EDF faisaient fonctionner des centres d'appel téléphoniques.
Cette démarche d'analyse comparative est d'autant plus importante pour nous que, contrairement à la situation que connaissent les entreprises concurrentielles, nous ne disposons pas toujours de mesures incontestables de l'efficacité de notre action. Et il est donc essentiel de pouvoir, à tout moment, être en mesure d'étalonner nos performances.
Après la première étude d'analyse comparative, qui a porté sur les administrations fiscales, deux autres sont en cours : l'une porte sur les dispositifs de régulation dans les domaines du gaz et de l'électricité et l'autre traite de l'évaluation des performances et de la procédure budgétaire dans les administrations publiques.
2) Moderniser la gestion publique pour réformer l'Etat
Il n'est écrit nulle part que la gestion publique doive être nécessairement moins efficace que la gestion privée, même si les critères d'efficacité sont différents pour le service public et pour l'activité marchande.
Nous devons faire évoluer les pratiques administratives. Passer d'une culture de moyens à une culture de résultats, responsabiliser davantage les gestionnaires, récompenser l'innovation et la prise de risque, assouplir la gestion des ressources humaines. Les chantiers ne manquent pas ! Mais ce serait faire injure aux fonctionnaires que de penser qu'ils ne seraient pas capables de relever ces défis.
Vous le savez, la tradition administrative française est plus centrée sur les règles et les procédures que sur les résultats. Il nous faut équilibrer ce travers, poussé quelquefois jusqu'à la caricature, en portant plus d'attention aux finalités de notre action et à leurs résultats réels.
J'ai décidé de faire du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie le "laboratoire" de cette modernisation de la gestion publique.
Cette ambition passe au premier chef par une rénovation de nos instruments de gestion et de pilotage. J'ai ainsi demandé à toutes les directions placées sous mon autorité d'engager une démarche stratégique débouchant sur des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, mis en uvre à partir de 2000 ou 2001. Il en résultera des missions plus claires, des objectifs précisément définis, assortis d'indicateurs de résultats et de performance, et une plus grande visibilité sur les ressources disponibles.
La DGI et la DREE se sont déjà engagés dans cette démarche. J'attends de toutes les autres directions qu'elles en fassent de même pour que ces contrats soient opérationnels à partir du budget 2001.
Parallèlement, nous avons relancé les chantiers de modernisation des outils comptables et financiers de l'Etat. Parce que la comptabilité doit nous aider à mesurer les coûts, et les conséquences financières des décisions publiques :
- comptabilité analytique
- comptabilité patrimoniale
En matière de gestion des ressources humaines aussi, nous avons des progrès à réaliser. Je veux à ce propos attirer votre attention avec force sur le point suivant : vous n'êtes pas une simple courroie de transmission chargée de mettre en uvre des décisions prises ailleurs ; votre expérience et vos responsabilités vous confèrent un rôle central dans l'impulsion du mouvement qui conduira aux transformations attendues.
Vous devez être, chacun là ou vous vous trouvez, des conducteurs du changement. C'est aujourd'hui notre aptitude à mobiliser et à valoriser les ressources humaines de l'ensemble du ministère qui sera la clé du succès des réformes qui nous attendent.
Je ne veux pas développer ici un sujet qui sera au cur de vos travaux au cours de l'année qui vient. Je voudrais toutefois insister sur quelques unes des qualités que l'on peut attendre d'un responsable, et qui sont parfois perdues de vue dans nos organisations :
- le dirigeant, pardonnez-moi cette évidence, c'est celui donne la direction ; et c'est celui qui exprime et fait partager sa vision de l'avenir. Un pilotage sans ambiguïtés est un gage d'adhésion ;
- ensuite, le dirigeant est, à partir du moment où il a clairement fixé les objectifs, celui qui gouverne par la confiance. Celui qui délègue. Celui qui laisse ses collaborateurs atteindre les objectifs qu'il a arrêtés, sans trop se préoccuper en détail du chemin qu'ils empruntent. Celui - ou celle - qui libère les énergies et récompense l'innovation.
- enfin, c'est celui qui donne du sens à l'action collective. Il doit donc mesurer les résultats et les évaluer.
Je veux maintenant vous dire un mot de la réforme que nous avons engagée dans le ministère et du travail qu'a effectué la Mission 2003, et qui touche à sa fin.
3) La réforme du ministère : un point d'étape
a) Je ne ferai pas devant vous l'historique détaillé de ce que nous avons fait depuis juin 1997 et surtout depuis avril 1999. Mais que de chemin parcouru !
Il y a un an, à cette même tribune, Dominique Strauss-Kahn déclarait, devant la première promotion du CPCS : " l'Etat est en danger ". Je partage entièrement cette conviction, que j'ai parfois exprimée un peu différemment, en disant qu'un service public immobile est un service public en péril. C'est l'immobilisme qui est facteur de risque et c'est le mouvement qui au contraire le conjure, parce qu'il prépare l'avenir.
Au mois d'avril dernier, nous présentions tous les deux les orientations de la réforme que nous souhaitions entreprendre, et la méthode que nous entendions suivre : " construire ensemble le service public de demain ". Immédiatement après, j'ai moi-même entrepris un " Tour de France de la réforme " qui m'a conduit dans 8 départements, pour dialoguer avec les cadres et avec les agents.
En septembre, à l'issue de la première phase de concertation opérée sur le terrain par la mission 2003, et relayée par vous-mêmes auprès des agents, nous avons à nouveau réuni les cadres supérieurs. Le mot d'ordre de cette réunion : " réinventer le service public ". Nous y avons tiré les conclusions de la première phase, et relancé le débat interne par l'organisation des 450 ateliers locaux qui ont réuni 4500 agents, et des 8 conventions inter-régionales qu'a tenues la mission 2003.
Le gouvernement dont je fais partie croit au service public, croit au rôle de l'Etat pour stimuler la croissance et pour assurer à tous une protection sociale de qualité. Nous voulons dépenser mieux plutôt que de dépenser moins à toute force.
J'ai consacré toute ma vie professionnelle au service public. J'y suis profondément attaché ; je dirais même passionnément attaché. Et c'est parce que j'ai ces convictions que je crois que l'Etat doit, en permanence, améliorer son fonctionnement, pour utiliser au mieux l'argent des contribuables. L'argent de l'Etat est, toujours, et partout, l'argent des contribuables.
Alors je dis : oui à un Etat efficace, oui à un Etat moderne, oui à un Etat transparent, qui rend des comptes aux citoyens. La meilleure défense du service public c'est bien de montrer à ses détracteurs que, avec tous le talent et le savoir-faire de ses agents, il est capable de s'améliorer.
Toute ma conviction tient en cette phrase : l'Etat, le service public " à la française " ne resteront légitimes que s'ils sont efficaces. La question n'est plus " pourquoi faut-il changer ? " mais elle est désormais " comment changer ? ". Et c'est bien là que le rôle des cadres supérieurs, votre rôle, est décisif.
Une volonté sans faille m'anime dans la conduite de ce projet de modernisation pour les usagers et avec les agents.
J'ai consacré, depuis le mois d'avril, beaucoup de temps à le faire progresser. J'ai moi-même, tous les mois, présidé le comité de pilotage de la réforme qui réunit les directeurs généraux et la mission 2003. Et je continue, dans mes nouvelles fonctions, à suivre de très près ce dossier.
Je veux d'ailleurs saisir cette occasion pour dire que Paul Champsaur et Thierry Bert ont réalisé au cours des sept derniers mois un travail exceptionnel, non seulement dans le domaine de l'expertise technique mais aussi, et c'était un peu plus neuf pour eux et pour nous, dans celui de la concertation et du dialogue social. Ce projet leur doit énormément et je tenais à le dire devant vous.
b) Nous avons engagé un processus qui est aujourd'hui irréversible.
1 - Nous avons décidé de mettre l'usager au cur de nos préoccupations. L'usager donne à la réforme tout son sens, il détermine ses lignes de force et en justifie l'ambition. La démarche " usagers " permet, seule, de dépasser nos clivages internes et nos querelles de territoire ; de vaincre les pesanteurs de la routine et les résistances corporatistes.
Les études menées par la mission 2003 auprès des usagers montrent des taux d'approbation très élevés pour les différents projets que nous avons mis en avant, notamment celui de correspondant fiscal unique, plébiscité par plus de 80% des personnes interrogées.
2- La seconde raison est la méthode que nous avons employée. Nous avons donné la parole aux agents de ce ministère. Nous les avons écoutés. Et nous les avons entendus.
Nous les avons entendus décrire les dysfonctionnements au quotidien, les énormes difficultés de l'informatique, les cloisonnements dont ils souffrent tout autant que les usagers. Nous avons aussi entendu leurs inquiétudes sur l'avenir, leurs interrogations - j'y reviendrai dans un instant. Nous avons, enfin, entendu le plaisir qu'ils avaient à se voir et à mieux se connaître, et l'espoir, oui, l'espoir, que cette réforme allait vraiment leur apporter quelque chose de différent.
c) Cette réforme, je l'ai dit, est une réforme pour l'usager. Mais elle ne se fera qu'avec les agents de ce ministère.
Or les agents, s'ils ont, je crois, compris que nous avions décidé d'aller de l'avant, ne voient pas encore les bénéfices qu'ils vont tirer de cette réforme. Je dirais même que, pour l'instant, ils en redoutent plutôt les conséquences.
C'est la difficulté à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui. La conception du projet a bien avancé. Ceux et celles qui vont devoir, demain, le mettre en uvre, ne voient pas encore quels seront ses effets sur leur situation personnelle. Les interrogations des agents portent sur quelques points essentiels : la résidence administrative, les métiers exercés, les perspectives de carrière, les rémunérations.
Je ne peux pas concevoir une réforme d'envergure qui n'apporte pas aux agents de ce ministère des réponses claires à ces questions, et qui n'enrichisse pas la qualité de leur travail.
Je veux donc vous dire de la manière la plus claire que cette " dimension sociale ", fait partie intégrante de mon projet pour le ministère. Une attention extrême sera portée au traitement des situations individuelles.
Ne pensez pas que, disant cela, j'oublie les personnels d'encadrement. Ce n'est évidemment pas le cas. Je sais notamment quels sont les problèmes spécifiques de carrière qui leur sont posés. Cette question aussi devra trouver une réponse.
Je terminerai en vous donnant quelques indications de calendrier.
La mission 2003 est en train d'achever la rédaction de son rapport. C'est un travail long et difficile, qu'elle n'a pu commencer qu'après avoir conduit durant le mois de novembre les conventions inter-régionales.
Ce rapport va m'être remis dans les prochains jours. Je le rendrai public d'ici le début du mois de janvier. Il fera l'objet d'une large diffusion à l'intérieur comme à l'extérieur du ministère. Chacun pourra se faire son opinion et réagir sur ce rapport et ses recommandations. J'annoncerai avant la fin du mois de janvier les décisions que j'aurai arrêtées à la suite de ce rapport. Nous commencerons donc l'an 2000 sous les auspices d'une ambitieuse volonté de modernisation.
Voilà donc, en quelques mots ce que je voulais vous dire.
Vous avez une double responsabilité.
Au C.P.C.S., vos réflexions, vos études de cas apporteront une expertise plurielle sur un projet qui avancera par comparaison, par expérimentation, par hybridation de cultures fortes et respectables.
Après le C.P.C.S., vous retournerez sur le terrain et mettrez votre volonté, votre talent, votre imagination au service de la modernisation de ce grand et beau ministère.
La réforme ne se décrétera pas d'en haut.
Elle se fera sur le terrain. Votre métier sera passionnant et votre passion d'un service public efficace et humain devra être contagieux. Je compte sur vous.
(source http://www.finances.gouv.fr, le 20 décembre 1999)
Nous voici donc réunis pour la journée d'ouverture de cette deuxième promotion du centre de perfectionnement des cadres supérieurs, la promotion 2000, ce qui constitue, vous en conviendrez, un millésime flatteur.
Le CPCS est une institution encore jeune mais déjà prometteuse. Il y a tout juste un an, j'ouvrais, avec Dominique Strauss-Kahn, la première session de ce centre, que nous avons voulu et dont l'idée a été lancée dès 1997.
La première promotion a bien travaillé. Vous ferez de même.
Je voudrais d'abord vous dire ce qu'est pour moi ce centre et ce que j'attends de vous ; puis vous faire part de la manière dont cette formation s'insère dans notre ambition de modernisation de la gestion publique ; et enfin, parce que le CPCS doit préparer les dirigeants du ministère à mettre en uvre la réforme de notre administration, faire le point sur le projet de réforme et sur les travaux de la Mission 2003.
Mais je voudrais au préalable souligner la chance que nous avons eue, et que nous continuons d'avoir, de bénéficier du concours de Martine Bidegain pour assumer la responsabilité de centre, dont elle a conçu l'organisation et le programme pédagogique. Son expérience, ses talents et sa personnalité ont beaucoup contribué à la réussite de cette initiative. Permettez-moi de saisir ici l'occasion de la remercier devant vous.
Elle a bénéficié du concours actif des équipes de Marie-Laurence Pitois-Pujade, Directrice du Personnel, de la Modernisation et de l'Administration que je voudrais associer à cet hommage.
1) Le CPCS est une pièce maîtresse de la modernisation du ministère
Une triple ambition :
- favoriser les décloisonnements entre les directions du ministère ;
- donner aux cadres supérieurs une culture commune de management et de conduite du changement ;
- et permettre une ouverture sur l'extérieur.
J'ai le sentiment que ces trois objectifs ont été atteints par la première promotion.
a) Des cadres supérieurs appartenant à toutes les directions de ce ministère se sont découverts, se sont écoutés, et ont appris à travailler ensemble.
Il vous est sans doute arrivé d'observer que nos modes de fonctionnement et conduisent parfois à un certain cloisonnement. Notre organisation est trop souvent bâtie sur des modèles anciens et des règles immuables. Nous avons, nous-mêmes, dressé des cloisons et dessiné des frontières jalousement gardées. Les corps de fonctionnaires ne sont pas les mêmes d'une direction à l'autre ; pas plus que, au sein d'une même direction, les corps d'administration centrale et ceux de services déconcentrés ; les passerelles sont rares ; les informatiques ne se parlent pas, ou avec les pires difficultés, parce que les schémas directeurs ont été conçus de manière autonome, non coordonnée.
Cette organisation trop verticale, trop hermétique, est de moins en moins adaptée à notre temps. Dans toutes les grandes organisations contemporaines, publiques ou privées, les hiérarchies s'aplatissent ; le travail en réseau se développe ; l'information circule librement ; des communautés d'intérêt et d'action se forment autour de projets mobilisateurs. Parce que l'usager de nos administrations, comme le client de l'entreprise, a, par définition, des besoins qui sont transversaux et qu'il ignore les cloisonnements internes des structures qui lui apportent un service.
Le premier objectif du CPCS était donc le décloisonnement des esprits. Et je crois que le passage par le CPCS été vécu par la première promotion comme un moment privilégié de découverte et d'échanges.
b) Le second objectif était de promouvoir une culture commune de management et de conduite du changement. Le CPCS est pour beaucoup de participants l'occasion de découvrir qu'au-delà des divers métiers traditionnels de notre ministère, il existe un métier de gestionnaire du service public, commun à toutes les directions.
Si je devais définir ce métier dans le contexte qui est le nôtre, je dirais qu'il consiste à combiner des ressources rares pour créer le meilleur service à moindre coût pour l'usager.
Même si les finalités de l'action ne sont pas du tout les mêmes que dans le monde de l'entreprise concurrentielle, je ne crois pas que la démarche du gestionnaire y soit fondamentalement différente. Il existe en effet des " invariants " à la gestion, qu'elle soit publique ou privée : fixer des objectifs, mesurer les coûts, accroître la performance, améliorer la qualité de service, gérer les hommes.
Le CPCS facilite cet apprentissage, ou plutôt met en forme des éléments de pratique qui existaient déjà chez chacun et chacune d'entre vous, parce que c'est votre métier de tous les jours.
J'ai la conviction qu'une nouvelle culture du management public est en train de se forger dans l'administration française ; et que notre ministère peut en constituer le creuset.
Intervenant au début du mois d'octobre dans le cadre du Forum international de la gestion publique organisé par Les Echos, j'ai été frappé de voir que notre ministère était le plus souvent cité en exemple comme l'une des administrations où il " se passait des choses " en matière de gestion publique et de réforme de l'Etat.
Le ministère des finances, qui est si prompt à donner des leçons de bonne gestion à tous les autres ministères, ne peut se dispenser de se les appliquer à lui-même.
Ne nous y trompons pas. Notre ministère, par la position stratégique qu'il occupe au cur de l'Etat, assume des responsabilités qui dépassent largement ses frontières. Les choix qui seront les nôtres commandent dans une large mesure l'efficacité de l'ensemble de l'administration française.
c) Il est un troisième objectif auquel je tiens tout particulièrement. C'est celui de permettre une plus grande ouverture sur l'extérieur. Pour changer, il faut avoir l'humilité de reconnaître que l'on est perfectible. Et que d'autres, ailleurs, après avoir été confrontés aux mêmes difficultés que nous, ont produit des solutions intéressantes.
J'ai un faible pour ce que l'on appelle aujourd'hui le benchmarking, pour employer un terme devenu à la mode. Je crois en avoir apporté la preuve il y a un quart de siècle en allant passer un an en Extrême Orient, à un moment où très peu, en France, s'intéressaient à cette partie du monde. Je n'ai pas cessé, depuis lors, de lire la réalité française au miroir que nous offrent nos principaux partenaires.
Vos collègues de la première promotion, qui ont travaillé sur une quarantaine de projets de changement, ont produit un travail utile et passionnant. Pour cela ils n'ont pas hésité à aller voir comment on gérait les cadres supérieurs chez AXA ou Danone, comment on accueillait les clients à la poste italienne, ou comment France Télécom ou EDF faisaient fonctionner des centres d'appel téléphoniques.
Cette démarche d'analyse comparative est d'autant plus importante pour nous que, contrairement à la situation que connaissent les entreprises concurrentielles, nous ne disposons pas toujours de mesures incontestables de l'efficacité de notre action. Et il est donc essentiel de pouvoir, à tout moment, être en mesure d'étalonner nos performances.
Après la première étude d'analyse comparative, qui a porté sur les administrations fiscales, deux autres sont en cours : l'une porte sur les dispositifs de régulation dans les domaines du gaz et de l'électricité et l'autre traite de l'évaluation des performances et de la procédure budgétaire dans les administrations publiques.
2) Moderniser la gestion publique pour réformer l'Etat
Il n'est écrit nulle part que la gestion publique doive être nécessairement moins efficace que la gestion privée, même si les critères d'efficacité sont différents pour le service public et pour l'activité marchande.
Nous devons faire évoluer les pratiques administratives. Passer d'une culture de moyens à une culture de résultats, responsabiliser davantage les gestionnaires, récompenser l'innovation et la prise de risque, assouplir la gestion des ressources humaines. Les chantiers ne manquent pas ! Mais ce serait faire injure aux fonctionnaires que de penser qu'ils ne seraient pas capables de relever ces défis.
Vous le savez, la tradition administrative française est plus centrée sur les règles et les procédures que sur les résultats. Il nous faut équilibrer ce travers, poussé quelquefois jusqu'à la caricature, en portant plus d'attention aux finalités de notre action et à leurs résultats réels.
J'ai décidé de faire du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie le "laboratoire" de cette modernisation de la gestion publique.
Cette ambition passe au premier chef par une rénovation de nos instruments de gestion et de pilotage. J'ai ainsi demandé à toutes les directions placées sous mon autorité d'engager une démarche stratégique débouchant sur des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, mis en uvre à partir de 2000 ou 2001. Il en résultera des missions plus claires, des objectifs précisément définis, assortis d'indicateurs de résultats et de performance, et une plus grande visibilité sur les ressources disponibles.
La DGI et la DREE se sont déjà engagés dans cette démarche. J'attends de toutes les autres directions qu'elles en fassent de même pour que ces contrats soient opérationnels à partir du budget 2001.
Parallèlement, nous avons relancé les chantiers de modernisation des outils comptables et financiers de l'Etat. Parce que la comptabilité doit nous aider à mesurer les coûts, et les conséquences financières des décisions publiques :
- comptabilité analytique
- comptabilité patrimoniale
En matière de gestion des ressources humaines aussi, nous avons des progrès à réaliser. Je veux à ce propos attirer votre attention avec force sur le point suivant : vous n'êtes pas une simple courroie de transmission chargée de mettre en uvre des décisions prises ailleurs ; votre expérience et vos responsabilités vous confèrent un rôle central dans l'impulsion du mouvement qui conduira aux transformations attendues.
Vous devez être, chacun là ou vous vous trouvez, des conducteurs du changement. C'est aujourd'hui notre aptitude à mobiliser et à valoriser les ressources humaines de l'ensemble du ministère qui sera la clé du succès des réformes qui nous attendent.
Je ne veux pas développer ici un sujet qui sera au cur de vos travaux au cours de l'année qui vient. Je voudrais toutefois insister sur quelques unes des qualités que l'on peut attendre d'un responsable, et qui sont parfois perdues de vue dans nos organisations :
- le dirigeant, pardonnez-moi cette évidence, c'est celui donne la direction ; et c'est celui qui exprime et fait partager sa vision de l'avenir. Un pilotage sans ambiguïtés est un gage d'adhésion ;
- ensuite, le dirigeant est, à partir du moment où il a clairement fixé les objectifs, celui qui gouverne par la confiance. Celui qui délègue. Celui qui laisse ses collaborateurs atteindre les objectifs qu'il a arrêtés, sans trop se préoccuper en détail du chemin qu'ils empruntent. Celui - ou celle - qui libère les énergies et récompense l'innovation.
- enfin, c'est celui qui donne du sens à l'action collective. Il doit donc mesurer les résultats et les évaluer.
Je veux maintenant vous dire un mot de la réforme que nous avons engagée dans le ministère et du travail qu'a effectué la Mission 2003, et qui touche à sa fin.
3) La réforme du ministère : un point d'étape
a) Je ne ferai pas devant vous l'historique détaillé de ce que nous avons fait depuis juin 1997 et surtout depuis avril 1999. Mais que de chemin parcouru !
Il y a un an, à cette même tribune, Dominique Strauss-Kahn déclarait, devant la première promotion du CPCS : " l'Etat est en danger ". Je partage entièrement cette conviction, que j'ai parfois exprimée un peu différemment, en disant qu'un service public immobile est un service public en péril. C'est l'immobilisme qui est facteur de risque et c'est le mouvement qui au contraire le conjure, parce qu'il prépare l'avenir.
Au mois d'avril dernier, nous présentions tous les deux les orientations de la réforme que nous souhaitions entreprendre, et la méthode que nous entendions suivre : " construire ensemble le service public de demain ". Immédiatement après, j'ai moi-même entrepris un " Tour de France de la réforme " qui m'a conduit dans 8 départements, pour dialoguer avec les cadres et avec les agents.
En septembre, à l'issue de la première phase de concertation opérée sur le terrain par la mission 2003, et relayée par vous-mêmes auprès des agents, nous avons à nouveau réuni les cadres supérieurs. Le mot d'ordre de cette réunion : " réinventer le service public ". Nous y avons tiré les conclusions de la première phase, et relancé le débat interne par l'organisation des 450 ateliers locaux qui ont réuni 4500 agents, et des 8 conventions inter-régionales qu'a tenues la mission 2003.
Le gouvernement dont je fais partie croit au service public, croit au rôle de l'Etat pour stimuler la croissance et pour assurer à tous une protection sociale de qualité. Nous voulons dépenser mieux plutôt que de dépenser moins à toute force.
J'ai consacré toute ma vie professionnelle au service public. J'y suis profondément attaché ; je dirais même passionnément attaché. Et c'est parce que j'ai ces convictions que je crois que l'Etat doit, en permanence, améliorer son fonctionnement, pour utiliser au mieux l'argent des contribuables. L'argent de l'Etat est, toujours, et partout, l'argent des contribuables.
Alors je dis : oui à un Etat efficace, oui à un Etat moderne, oui à un Etat transparent, qui rend des comptes aux citoyens. La meilleure défense du service public c'est bien de montrer à ses détracteurs que, avec tous le talent et le savoir-faire de ses agents, il est capable de s'améliorer.
Toute ma conviction tient en cette phrase : l'Etat, le service public " à la française " ne resteront légitimes que s'ils sont efficaces. La question n'est plus " pourquoi faut-il changer ? " mais elle est désormais " comment changer ? ". Et c'est bien là que le rôle des cadres supérieurs, votre rôle, est décisif.
Une volonté sans faille m'anime dans la conduite de ce projet de modernisation pour les usagers et avec les agents.
J'ai consacré, depuis le mois d'avril, beaucoup de temps à le faire progresser. J'ai moi-même, tous les mois, présidé le comité de pilotage de la réforme qui réunit les directeurs généraux et la mission 2003. Et je continue, dans mes nouvelles fonctions, à suivre de très près ce dossier.
Je veux d'ailleurs saisir cette occasion pour dire que Paul Champsaur et Thierry Bert ont réalisé au cours des sept derniers mois un travail exceptionnel, non seulement dans le domaine de l'expertise technique mais aussi, et c'était un peu plus neuf pour eux et pour nous, dans celui de la concertation et du dialogue social. Ce projet leur doit énormément et je tenais à le dire devant vous.
b) Nous avons engagé un processus qui est aujourd'hui irréversible.
1 - Nous avons décidé de mettre l'usager au cur de nos préoccupations. L'usager donne à la réforme tout son sens, il détermine ses lignes de force et en justifie l'ambition. La démarche " usagers " permet, seule, de dépasser nos clivages internes et nos querelles de territoire ; de vaincre les pesanteurs de la routine et les résistances corporatistes.
Les études menées par la mission 2003 auprès des usagers montrent des taux d'approbation très élevés pour les différents projets que nous avons mis en avant, notamment celui de correspondant fiscal unique, plébiscité par plus de 80% des personnes interrogées.
2- La seconde raison est la méthode que nous avons employée. Nous avons donné la parole aux agents de ce ministère. Nous les avons écoutés. Et nous les avons entendus.
Nous les avons entendus décrire les dysfonctionnements au quotidien, les énormes difficultés de l'informatique, les cloisonnements dont ils souffrent tout autant que les usagers. Nous avons aussi entendu leurs inquiétudes sur l'avenir, leurs interrogations - j'y reviendrai dans un instant. Nous avons, enfin, entendu le plaisir qu'ils avaient à se voir et à mieux se connaître, et l'espoir, oui, l'espoir, que cette réforme allait vraiment leur apporter quelque chose de différent.
c) Cette réforme, je l'ai dit, est une réforme pour l'usager. Mais elle ne se fera qu'avec les agents de ce ministère.
Or les agents, s'ils ont, je crois, compris que nous avions décidé d'aller de l'avant, ne voient pas encore les bénéfices qu'ils vont tirer de cette réforme. Je dirais même que, pour l'instant, ils en redoutent plutôt les conséquences.
C'est la difficulté à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui. La conception du projet a bien avancé. Ceux et celles qui vont devoir, demain, le mettre en uvre, ne voient pas encore quels seront ses effets sur leur situation personnelle. Les interrogations des agents portent sur quelques points essentiels : la résidence administrative, les métiers exercés, les perspectives de carrière, les rémunérations.
Je ne peux pas concevoir une réforme d'envergure qui n'apporte pas aux agents de ce ministère des réponses claires à ces questions, et qui n'enrichisse pas la qualité de leur travail.
Je veux donc vous dire de la manière la plus claire que cette " dimension sociale ", fait partie intégrante de mon projet pour le ministère. Une attention extrême sera portée au traitement des situations individuelles.
Ne pensez pas que, disant cela, j'oublie les personnels d'encadrement. Ce n'est évidemment pas le cas. Je sais notamment quels sont les problèmes spécifiques de carrière qui leur sont posés. Cette question aussi devra trouver une réponse.
Je terminerai en vous donnant quelques indications de calendrier.
La mission 2003 est en train d'achever la rédaction de son rapport. C'est un travail long et difficile, qu'elle n'a pu commencer qu'après avoir conduit durant le mois de novembre les conventions inter-régionales.
Ce rapport va m'être remis dans les prochains jours. Je le rendrai public d'ici le début du mois de janvier. Il fera l'objet d'une large diffusion à l'intérieur comme à l'extérieur du ministère. Chacun pourra se faire son opinion et réagir sur ce rapport et ses recommandations. J'annoncerai avant la fin du mois de janvier les décisions que j'aurai arrêtées à la suite de ce rapport. Nous commencerons donc l'an 2000 sous les auspices d'une ambitieuse volonté de modernisation.
Voilà donc, en quelques mots ce que je voulais vous dire.
Vous avez une double responsabilité.
Au C.P.C.S., vos réflexions, vos études de cas apporteront une expertise plurielle sur un projet qui avancera par comparaison, par expérimentation, par hybridation de cultures fortes et respectables.
Après le C.P.C.S., vous retournerez sur le terrain et mettrez votre volonté, votre talent, votre imagination au service de la modernisation de ce grand et beau ministère.
La réforme ne se décrétera pas d'en haut.
Elle se fera sur le terrain. Votre métier sera passionnant et votre passion d'un service public efficace et humain devra être contagieux. Je compte sur vous.
(source http://www.finances.gouv.fr, le 20 décembre 1999)