Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères,
Monsieur le Rapporteur général,
Messieurs les Rapporteurs,
Monsieur le Président de la Délégation pour l'Union européenne,
Mesdames et Messieurs les Députés,
J'ai l'honneur de vous présenter le projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir, et ses conséquences sur le budget de l'Etat, au travers du prélèvement européen. Celui-ci, je le précise, représente près de 6,3% de nos recettes fiscales nettes. Je suis, pour ma part, très heureuse d'être présente à ce rendez-vous avec l'Assemblée nationale, qui est fort utile dans l'orientation de notre politique européenne. Ce rendez-vous prend en effet un relief particulier au moment où, avec la Convention et l'accueil annoncé de 10 nouveaux membres en 2004, l'Union européenne est en passe de franchir une étape historique.
Je voudrais remercier tout particulièrement M. Balladur, président de la Commission des Affaires étrangères, M. Carrez, rapporteur général du budget, M. Dumont, rapporteur spécial de la Commission des Finances, M. Blum, rapporteur pour avis de la Commission des Affaires étrangères et M. Lequiller, président de la Délégation pour l'Union européenne, pour les échanges fructueux que nous avons pu nouer en prévision de ce débat.
Commençons par la toile de fond du prélèvement que vous devez examiner, le budget communautaire. Le projet de budget communautaire 2003 s'établit à 99,5 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit une augmentation de 0,9%, et à 97 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 1,4% par rapport à 2002. Ce total correspond à 1,01% du PNB communautaire et s'inscrit pleinement dans le cadre des perspectives financières arrêtées par le Conseil européen de Berlin en mars 1999. En tenant compte de l'inflation communautaire, les dépenses devraient même enregistrer en 2003, en volume, un léger recul, grâce au souci de maîtrise qui a caractérisé cette année les débats budgétaires européens.
Ne nous trompons pas, néanmoins, sur le sens de cette évolution. Le budget communautaire a doublé au cours de la dernière décennie. Les perspectives financières définies en 1999 au Conseil européen de Berlin prévoyaient une hausse, moins rapide, mais significative, de 16% en termes réels du plafond des crédits sur la période 2000-2006. A partir de 2004, l'élargissement entraînera une nouvelle croissance du budget communautaire.
L'évolution prévue en 2003 constitue donc une pause dans un processus de croissance à long terme de la dépense communautaire, dépense que nous devrons néanmoins nécessairement maîtriser.
Il était donc important, en cette année de transition, de trouver un bon équilibre entre le financement des politiques communautaires et ce souci de rigueur, en prévision des échéances à venir.
C'est ce qui ressort assez largement du projet de budget adopté par le Conseil, au travers de ses différentes rubriques.
Le projet de budget prévoit tout d'abord une progression de 1,3% des dépenses agricoles. Cette progression permet notamment de financer la dernière étape de la réforme de la PAC de 1999, avec des hausses des aides directes dans le secteur bovin, ainsi que la réforme du secteur ovin et caprin de 2001. Les dépenses de développement rural progressent de 2,2%, donc plus vite que les dépenses de marché. L'agriculture représentera, en 2003, 45% des dépenses communautaires.
La "rubrique 2" du budget communautaire, consacrée aux aides régionales et à la politique structurelle, enregistre une hausse de 0,4% (en crédits d'engagement), conforme au profil décidé au Conseil européen de Berlin. Cette rubrique représente toujours le deuxième poste du budget de l'Union, avec 34,1% des dépenses. Comme vous le savez, une nouvelle programmation, avec de nouvelles règles de gestion des engagements des fonds structurels a été mise en place en 2000. Ces nouveaux programmes témoignent d'une certaine sous-exécution, imputable à la fois à un échéancier trop optimiste et à certaines lourdeurs administratives. Le gouvernement français a, pour les fonds structurels le concernant, adopté en juillet dernier une série de mesures visant à dynamiser la gestion de ces programmes - avec notamment l'expérimentation qui est menée en Alsace. Nous devrions en voir prochainement les effets bénéfiques.
Les autres politiques internes regroupées traditionnellement dans la "rubrique 3" du budget communautaire, sont dotées de 6,7 milliards d'euros, un peu plus de 6% du budget total. Au sein de cet ensemble, les dépenses relatives à la recherche et au développement technologique confirment leur prédominance : les crédits du sixième programme cadre de recherche et de développement représentent près des deux tiers de la dotation de la rubrique. Nous pouvons nous féliciter que ce programme cadre pour 2003-2006 puisse enfin démarrer, après deux années de négociation difficile. Le compromis adopté s'est fait néanmoins au prix d'un moratoire sur le financement des recherches sur les cellules-souches embryonnaires, dans l'attente d'une analyse éthique plus approfondie de ces recherches.
Les actions extérieures de l'Union européenne, regroupées dans la "rubrique 4", sont établies en crédits d'engagement à 4,9 milliards d'euros, en augmentation de 1,9% par rapport au budget 2002. Trois actions, - la poursuite du programme de reconstruction de l'Afghanistan, le fonds global pour la santé et l'aide humanitaire- bénéficient d'une dotation renforcée. Le Conseil a souhaité disposer d'une marge significative sous le plafond de la rubrique - 80 millions d'euros- afin de répondre efficacement à d'éventuelles crises internationales en 2003. Il faut noter enfin que le Conseil a adopté cette année le schéma de financement des opérations militaires qui seront éventuellement conduites dans le cadre de la Politique de sécurité et de défense (PESD). Il a défini de façon plus précise les coûts communs, qui seront répartis au sein de l'Union en fonction de la richesse des Etats membres ainsi que les coûts individuels restant à la charge des Etats.
La cinquième rubrique concerne les dépenses administratives, qui représentent 5,4% du budget communautaire. L'approche de l'élargissement avait conduit les institutions communautaires à solliciter une hausse importante de leur budget administratif. Face au risque de croissance non maîtrisée des dépenses, le Conseil a retenu une approche plus rigoureuse, en accord avec le Parlement européen : la hausse des dépenses administratives a été limitée à 3,6%, tandis que les institutions ont, quant à elles, été incitées à préparer l'élargissement pour l'essentiel par un redéploiement des moyens.
La dernière rubrique regroupe les aides de pré-adhésion. Dotées en crédits d'engagement d'un peu plus de 3 milliards d'euros, ces aides sont destinées respectivement à favoriser l'émergence d'une économie de marché viable dans les pays candidats (PHARE), à les aider à développer leurs infrastructures (ISPA) et à moderniser leur agriculture (SAPARD).
Dans cette rubrique, comme dans celle dédiée aux fonds structurels, le Conseil a proposé de réduire légèrement les crédits de paiement cette année, eu égard à la sous-consommation observée ces dernières années. Ce qui ne remet pas en cause - je m'empresse de le dire- le bon fonctionnement de ces programmes.
Il faut se féliciter de la réaction financière de l'Union face aux événements tragiques qu'ont connus plusieurs pays d'Europe centrale. Les fonds structurels et les crédits de pré-adhésion ont en effet pu, de manière souple, être réorientés très rapidement afin de reconstruire les zones sinistrées. La France pourra obtenir cette réorientation des fonds structurels, si elle le souhaite, pour remédier aux dommages causés par les inondations du Gard. L'ampleur des inondations a en outre suscité une réflexion sur la mise en place d'un fonds européen spécifique, doté d'un milliard d'euros, et dont les modalités sont actuellement débattues. Voilà un bon exemple de solidarité européenne, qui a joué, pour les Etats membres comme pour les Etats candidats. Telles sont, Mesdames et Messieurs les Députés, les grandes lignes du projet de budget communautaire. Un budget encore limité, puisque globalement il dépasse à peine 1% du PNB des pays de l'Union. Ce chiffre témoigne pour certains d'entre vous d'un manque d'ambition dans la construction européenne. Ce budget illustre la situation, en effet, des politiques communes et montre bien -qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore- qu'il est encore laissé une large place aux compétences nationales.
Comment évolue, dans ce contexte budgétaire européen, la contribution française soumise à votre approbation ? Elle est évaluée, pour 2003, à 15,8 milliards d'euros. Par rapport à la loi de finances initiale 2002, le montant proposé est en réduction de 6,3% ; mais il est en hausse de 8% par rapport à la prévision d'exécution du prélèvement sur recettes pour 2002. Ces évolutions divergentes tiennent aux incertitudes sur les soldes excédentaires.
La part de la contribution française dans le financement du budget communautaire est estimée à 17,3% en 2003, notre pays restant le deuxième contributeur. L'essentiel de ce prélèvement, comme vous le savez revient à notre pays, la France étant le deuxième bénéficiaire de la dépense communautaire.
La France reste néanmoins un contributeur net, pour un montant de 2,7 milliards d'euros en 2001 soit 0,2% du PIB national.
Il me paraît plus significatif de souligner les conséquences pour la France de la décision "ressources propres" , issue du Conseil européen de Berlin et mise en uvre le 1er janvier 2002. En vertu de cette décision, la France finance désormais près du tiers de la correction dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984. quatre pays ont en effet obtenu à Berlin de ne financer qu'un quart de leur part normale de cette correction. Pour 2003 cela représente pour la France un surcoût de près de 400 millions d'euros pour un coût total pour la France de cette correction de 1,5 milliards d'euros.
Depuis le "chèque" britannique de 1984, les mécanismes visant à rééquilibrer le financement du budget communautaire - au détriment, pour l'essentiel, des bénéficiaires de la PAC et des fonds structurels - se sont donc superposés, en diminuant la lisibilité des contributions au budget européen. Alors même que l'Europe va accomplir le plus grand pas de son histoire depuis le traité de Rome, ce système touche à ses limites. La France, devra fortement le faire valoir dans les débats sur les ressources et les dépenses communautaires qui seront menées jusqu'en 2006, pour arrêter le paquet financier (2007 - 2013).
Ce tour d'horizon budgétaire m'amène à aborder le premier des deux thèmes d'actualité que je souhaitais évoquer avec vous : l'élargissement.
Quel en est tout d'abord le calendrier ?
La Commission a adopté le 9 octobre ses "rapports de progrès" sur les pays candidats à l'Union européenne. Elle estime que 10 pays (Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie) seront prêts pour l'adhésion en 2004, sans dissimuler d'ailleurs les efforts qu'il leur reste à consentir d'ici leur entrée dans l'Union pour mettre en uvre pleinement l'acquis communautaire. La Commission a par ailleurs reconnu les progrès de la Bulgarie et de la Roumanie et pris note de la volonté de ces deux pays d'adhérer à l'Union en 2007. Enfin, elle a reconnu les "nets progrès" de la Turquie vers le respect des critères politiques de Copenhague (abolition de la peine de mort, reconnaissance des droits linguistiques de la minorité kurde, levée de l'état d'urgence dans deux des quatre provinces du Sud Est). Elle a cependant jugé ces progrès encore insuffisants et ne propose pas de date d'ouverture des négociations d'adhésion avec ce pays.
Le Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 octobre devrait maintenant adopter une position commune de l'Union européenne sur le paquet financier, ce qui sera la base de départ de la négociation finale avec les pays candidats.
Ces négociations doivent se conclure lors du Conseil européen de Copenhague en décembre, permettant la ratification du Traité unique d'adhésion en 2003 et l'entrée dans l'Union des nouveaux membres en 2004. L'idée est que ces pays puissent participer aux prochaines élections européennes qui auront lieu en juin 2004.
Deux chapitres de la négociation restent ouverts avec l'ensemble des candidats : "agriculture" et "dispositions financières et budgétaires" : nous soutenons la proposition de la Commission d'accorder progressivement (de 25% en 2004 à 100% en 2013) le bénéfice des aides directes agricoles aux agriculteurs des futurs membres. Il eût été impensable de les tenir à l'écart de la PAC ! Toutefois, la PAC ne doit pas être l'otage de l'élargissement et la présidence danoise partage notre souci de ne pas lier les deux dossiers. Par ailleurs, nous souhaiterions que le paquet proposé par la Commission sur les fonds structurels tienne exactement compte des capacités d'absorption des pays candidats.
Des difficultés - je ne vous le cache pas - peuvent encore perturber le scénario de l'élargissement : il en va ainsi du référendum sur lequel les électeurs de l'Irlande se prononceront le 19 octobre. Car un refus de ratifier le Traité de Nice ouvrirait une période de grande incertitude. Il en va également ainsi de l'évolution des négociations sur la réunification de Chypre et de l'évolution de la situation en Turquie. Ce dernier sujet est majeur dans le contexte international que nous vivons.
Je voudrais indiquer que nous avons beaucoup insisté, avec succès, au cours de la négociation sur le contrôle du respect des engagements souscrits par les pays candidats (monitorage), notamment dans les domaines de la sécurité sanitaire, de la lutte contre l'immigration clandestine et la criminalité transfrontière. Ce contrôle ne disparaîtra pas au moment de l'adhésion, au contraire, puisque les nouveaux membres participeront pleinement aux mécanismes européens de régulation et de contrôle, qui sont aujourd'hui les plus rigoureux du monde, notamment dans le domaine de la sécurité alimentaire. De surcroît le Traité devrait prévoir un certain nombre de clauses de sauvegarde permettant notamment :
- à tout Etat membre actuel ou futur de demander à la Commission, pendant une période de deux ans à compter de l'adhésion, de prendre des mesures en cas de difficulté sérieuse dans un secteur de son économie ;
- à la Commission, pendant une même période, de prendre des mesures en cas de rupture, ou de menace de rupture, dans le fonctionnement du marché intérieur, en particulier s'agissant de la sécurité alimentaire.
Qu'on ne s'y méprenne pas ! Ces demandes n'expriment nulle réserve, nulle défiance de la part de notre Pays. La France est consciente des progrès immenses réalisés par les futurs membres depuis la chute du Mur de Berlin voici treize ans. Notre insistance sur certaines précautions tient simplement à notre volonté de, non seulement réaliser cet élargissement, mais encore de le réussir. L'élargissement, c'est le grand projet politique européen de ce début de siècle. Un projet inespéré, il y a encore peu d'années.
Gardons-nous donc de réduire cette réunification de l'Europe, tant attendue et devenue si urgente, à une querelle d'experts ! Si les futurs membres rencontrent des difficultés dans la mise en uvre de l'acquis communautaire - comme nous en rencontrons parfois nous-mêmes - la France sera à leurs côtés pour les aider à les résoudre.
Ne réduisons pas non plus cet élargissement à une querelle de comptables. Il n'y aura pas d'impasse dans le financement de l'élargissement s'il n'y a pas d'impasse de la volonté politique.
N'oublions pas que l'élargissement est un investissement à long terme pour la sécurité et la prospérité de notre continent et pour la défense de nos valeurs communes.
Face à un tel enjeu, l'Europe, la France, ne peuvent pas, ne doivent pas, hésiter. Cet élargissement ne remettra pas en cause 50 ans de construction européenne. Il en donne, au contraire, tout son sens à notre aventure collective : construire sur un continent déchiré par la guerre, encore hier dans les Balkans, une communauté garantissant à ses membres prospérité, sécurité et solidarité. C'est dans cette perspective qu'il nous faut inscrire la refondation de nos institutions communes, tâche à laquelle s'attelle la Convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing.
Sur la Convention sur l'avenir de l'Europe
Ses travaux ont conclu la phase d'écoute. Elle est désormais engagée dans la phase d'étude des propositions (résultats des groupes de travail, propositions des conventionnels). Elle entrera dans les prochains mois, dans sa dernière phase, celle de l'élaboration de ses propositions. Le Président Giscard d'Estaing a indiqué qu'il présenterait un "canevas" de traité constitutionnel avant le Conseil européen d'octobre, lequel sera progressivement complété à partir du résultat des groupes de travail.
Je souhaite évoquer avec vous les principales positions défendues par le gouvernement français actuellement.
D'abord, le gouvernement souhaite l'adoption d'une Constitution européenne : à savoir l'adoption d'un texte intégrant la charte des droits fondamentaux des citoyens européens, de manière lisible et qui ait vocation à durer. Les dispositions de cette constitution devraient juridiquement être rassemblées dans un traité en deux parties dont la deuxième - moins fondamentale - aurait un mode de ratification simplifié, se rapprochant donc des modes de révision des constitutions.
Le deuxième axe fort est la consolidation du triangle institutionnel, c'est à dire l'équilibre original au sein de l'Union européenne. On pourrait imaginer en effet d'autres modèles que celui qui s'est mis en place progressivement depuis près de 50 ans. Mais ce serait, je crois, une erreur que d'effacer le fruit de l'acquis communautaire institutionnel. Nous ne devrions le faire qu'en vue de mettre en place un gouvernement européen hiérarchisé soit, en vue de créer un véritable Super-Etat que même les Pays qui se veulent fédéralistes ne sont pas prêts à accepter, au moins aujourd'hui.
Notre modèle est simple : nous souhaitons renforcer les institutions européennes - toutes les institutions - pour que leur poids politique et leur efficacité soient à la mesure des enjeux. Nous souhaitons d'abord renforcer le Conseil en lui donnant plus de visibilité et de cohérence dans l'action : un président, un ministre des Affaires étrangères.
Nous souhaitons aussi renforcer la Commission dans les matières communautaires en préservant ses prérogatives et en consolidant sa capacité à continuer à proposer l'Europe de demain. Nous souhaitons renforcer le caractère démocratique de l'Union par plus de codécision pour le Parlement européen, une meilleure association des parlements nationaux et des droits mieux garantis pour les citoyens.
Le Conseil européen d'abord : il doit être l'acteur clé en matière de politique étrangère. A cet effet, le président de la République a proposé de le doter d'un président élu pour une durée suffisamment longue, plusieurs années et à temps plein. Il devrait présider, selon nous, le Conseil Affaires générales. Il aurait, à ses côtés, un ministre des Affaires étrangères qui réunirait dans ses mains les fonctions actuelles du haut-représentant pour la PESC et du commissaire chargé des relations extérieures, ce qui serait un gage de coordination de deux actions étroitement liées. Le ministre des Affaires étrangères présiderait le Conseil Relations extérieures. Nous travaillons encore sur l'articulation entre le Conseil, son président, son ministre des Affaires étrangères avec la Commission car cette articulation est essentielle à la réalisation des objectifs politiques de l'Union européenne, ce qui impose de garantir à ces objectifs des moyens appropriés.
A mes yeux, et je dois dire qu'à cet égard nous trouvons un écho chez la plupart de nos partenaires européens, il est également fondamental d'avancer sur la voie de la construction d'un espace de sécurité, de liberté et de justice. Il faut doter l'Europe de mécanismes pour éviter que les frontières entravent l'action des policiers et des juges alors que les criminels peuvent, eux, circuler à leur aise. Il est, en outre, temps de doter l'Europe d'une politique commune en matière d'immigration.
Il faut aussi progresser sur un terrain important, celui de la gouvernance économique. Cela suppose de dépasser le simple cadre de la gestion économique et financière et notamment pour assurer une meilleure prise en compte des objectifs sociaux de l'Union. La France maintient sa demande de voir appliquer le système de la majorité à certaines questions fiscales, fiscalité de l'épargne en particulier. Bien évidemment, nous sommes aussi favorables à renforcer les mécanismes institutionnels de l'Eurogroupe. Enfin, il faut améliorer la représentation externe de l'Europe dans les institutions économiques et financières internationales.
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L'Europe enfin réunifiée signifie une Europe avec des institutions rénovées. Encore reste-t-il à mieux associer les Français à ce nouveau projet qui s'inscrit dans l'évolution démocratique de l'Europe. Les Français seraient parmi les plus réservés à l'égard de l'élargissement. Réservés, on peut se poser la question. Insuffisamment sensibilisés et informés, c'est la réalité !
Comment faire comprendre à nos concitoyens la portée de ce grand projet de la réunification de l'Europe ?
C'est notre devoir à tous, nous responsables politiques. Alors que les jeunes de notre pays, comme d'ailleurs, manifestent tant d'élans de solidarité et alors également que de nouvelles menaces nous obligent à renforcer la cohésion nationale et européenne, il faut pouvoir mieux expliquer les enjeux de l'Europe. C'est dans ce but qu'en liaison avec le Premier ministre, je suis en train de finaliser les thèmes et les modalités d'une campagne d'information à travers les régions de la France, campagne que le Premier ministre lancera vraisemblablement en novembre.
Car c'est des initiatives locales que pourra naître le renouveau d'enthousiasme que mérite la construction d'une nouvelle Europe.
C'est dans cette optique que j'ai souhaité, au cours de tous mes déplacements dans les pays candidats, associer déjà les élus parlementaires nationaux et européens à mes entretiens. Cette volonté de transparence et d'association du Parlement à la conduite de la politique européenne de la France répond à un souci de démocratisation du débat européen, d'où l'importance, également de mon dialogue avec la Délégation à l'Union européenne et d'où l'importance, ici devant vous, du vote de ce jour sur la contribution française au budget de l'Union
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 octobre 2002)
Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères,
Monsieur le Rapporteur général,
Messieurs les Rapporteurs,
Monsieur le Président de la Délégation pour l'Union européenne,
Mesdames et Messieurs les Députés,
J'ai l'honneur de vous présenter le projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir, et ses conséquences sur le budget de l'Etat, au travers du prélèvement européen. Celui-ci, je le précise, représente près de 6,3% de nos recettes fiscales nettes. Je suis, pour ma part, très heureuse d'être présente à ce rendez-vous avec l'Assemblée nationale, qui est fort utile dans l'orientation de notre politique européenne. Ce rendez-vous prend en effet un relief particulier au moment où, avec la Convention et l'accueil annoncé de 10 nouveaux membres en 2004, l'Union européenne est en passe de franchir une étape historique.
Je voudrais remercier tout particulièrement M. Balladur, président de la Commission des Affaires étrangères, M. Carrez, rapporteur général du budget, M. Dumont, rapporteur spécial de la Commission des Finances, M. Blum, rapporteur pour avis de la Commission des Affaires étrangères et M. Lequiller, président de la Délégation pour l'Union européenne, pour les échanges fructueux que nous avons pu nouer en prévision de ce débat.
Commençons par la toile de fond du prélèvement que vous devez examiner, le budget communautaire. Le projet de budget communautaire 2003 s'établit à 99,5 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit une augmentation de 0,9%, et à 97 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 1,4% par rapport à 2002. Ce total correspond à 1,01% du PNB communautaire et s'inscrit pleinement dans le cadre des perspectives financières arrêtées par le Conseil européen de Berlin en mars 1999. En tenant compte de l'inflation communautaire, les dépenses devraient même enregistrer en 2003, en volume, un léger recul, grâce au souci de maîtrise qui a caractérisé cette année les débats budgétaires européens.
Ne nous trompons pas, néanmoins, sur le sens de cette évolution. Le budget communautaire a doublé au cours de la dernière décennie. Les perspectives financières définies en 1999 au Conseil européen de Berlin prévoyaient une hausse, moins rapide, mais significative, de 16% en termes réels du plafond des crédits sur la période 2000-2006. A partir de 2004, l'élargissement entraînera une nouvelle croissance du budget communautaire.
L'évolution prévue en 2003 constitue donc une pause dans un processus de croissance à long terme de la dépense communautaire, dépense que nous devrons néanmoins nécessairement maîtriser.
Il était donc important, en cette année de transition, de trouver un bon équilibre entre le financement des politiques communautaires et ce souci de rigueur, en prévision des échéances à venir.
C'est ce qui ressort assez largement du projet de budget adopté par le Conseil, au travers de ses différentes rubriques.
Le projet de budget prévoit tout d'abord une progression de 1,3% des dépenses agricoles. Cette progression permet notamment de financer la dernière étape de la réforme de la PAC de 1999, avec des hausses des aides directes dans le secteur bovin, ainsi que la réforme du secteur ovin et caprin de 2001. Les dépenses de développement rural progressent de 2,2%, donc plus vite que les dépenses de marché. L'agriculture représentera, en 2003, 45% des dépenses communautaires.
La "rubrique 2" du budget communautaire, consacrée aux aides régionales et à la politique structurelle, enregistre une hausse de 0,4% (en crédits d'engagement), conforme au profil décidé au Conseil européen de Berlin. Cette rubrique représente toujours le deuxième poste du budget de l'Union, avec 34,1% des dépenses. Comme vous le savez, une nouvelle programmation, avec de nouvelles règles de gestion des engagements des fonds structurels a été mise en place en 2000. Ces nouveaux programmes témoignent d'une certaine sous-exécution, imputable à la fois à un échéancier trop optimiste et à certaines lourdeurs administratives. Le gouvernement français a, pour les fonds structurels le concernant, adopté en juillet dernier une série de mesures visant à dynamiser la gestion de ces programmes - avec notamment l'expérimentation qui est menée en Alsace. Nous devrions en voir prochainement les effets bénéfiques.
Les autres politiques internes regroupées traditionnellement dans la "rubrique 3" du budget communautaire, sont dotées de 6,7 milliards d'euros, un peu plus de 6% du budget total. Au sein de cet ensemble, les dépenses relatives à la recherche et au développement technologique confirment leur prédominance : les crédits du sixième programme cadre de recherche et de développement représentent près des deux tiers de la dotation de la rubrique. Nous pouvons nous féliciter que ce programme cadre pour 2003-2006 puisse enfin démarrer, après deux années de négociation difficile. Le compromis adopté s'est fait néanmoins au prix d'un moratoire sur le financement des recherches sur les cellules-souches embryonnaires, dans l'attente d'une analyse éthique plus approfondie de ces recherches.
Les actions extérieures de l'Union européenne, regroupées dans la "rubrique 4", sont établies en crédits d'engagement à 4,9 milliards d'euros, en augmentation de 1,9% par rapport au budget 2002. Trois actions, - la poursuite du programme de reconstruction de l'Afghanistan, le fonds global pour la santé et l'aide humanitaire- bénéficient d'une dotation renforcée. Le Conseil a souhaité disposer d'une marge significative sous le plafond de la rubrique - 80 millions d'euros- afin de répondre efficacement à d'éventuelles crises internationales en 2003. Il faut noter enfin que le Conseil a adopté cette année le schéma de financement des opérations militaires qui seront éventuellement conduites dans le cadre de la Politique de sécurité et de défense (PESD). Il a défini de façon plus précise les coûts communs, qui seront répartis au sein de l'Union en fonction de la richesse des Etats membres ainsi que les coûts individuels restant à la charge des Etats.
La cinquième rubrique concerne les dépenses administratives, qui représentent 5,4% du budget communautaire. L'approche de l'élargissement avait conduit les institutions communautaires à solliciter une hausse importante de leur budget administratif. Face au risque de croissance non maîtrisée des dépenses, le Conseil a retenu une approche plus rigoureuse, en accord avec le Parlement européen : la hausse des dépenses administratives a été limitée à 3,6%, tandis que les institutions ont, quant à elles, été incitées à préparer l'élargissement pour l'essentiel par un redéploiement des moyens.
La dernière rubrique regroupe les aides de pré-adhésion. Dotées en crédits d'engagement d'un peu plus de 3 milliards d'euros, ces aides sont destinées respectivement à favoriser l'émergence d'une économie de marché viable dans les pays candidats (PHARE), à les aider à développer leurs infrastructures (ISPA) et à moderniser leur agriculture (SAPARD).
Dans cette rubrique, comme dans celle dédiée aux fonds structurels, le Conseil a proposé de réduire légèrement les crédits de paiement cette année, eu égard à la sous-consommation observée ces dernières années. Ce qui ne remet pas en cause - je m'empresse de le dire- le bon fonctionnement de ces programmes.
Il faut se féliciter de la réaction financière de l'Union face aux événements tragiques qu'ont connus plusieurs pays d'Europe centrale. Les fonds structurels et les crédits de pré-adhésion ont en effet pu, de manière souple, être réorientés très rapidement afin de reconstruire les zones sinistrées. La France pourra obtenir cette réorientation des fonds structurels, si elle le souhaite, pour remédier aux dommages causés par les inondations du Gard. L'ampleur des inondations a en outre suscité une réflexion sur la mise en place d'un fonds européen spécifique, doté d'un milliard d'euros, et dont les modalités sont actuellement débattues. Voilà un bon exemple de solidarité européenne, qui a joué, pour les Etats membres comme pour les Etats candidats. Telles sont, Mesdames et Messieurs les Députés, les grandes lignes du projet de budget communautaire. Un budget encore limité, puisque globalement il dépasse à peine 1% du PNB des pays de l'Union. Ce chiffre témoigne pour certains d'entre vous d'un manque d'ambition dans la construction européenne. Ce budget illustre la situation, en effet, des politiques communes et montre bien -qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore- qu'il est encore laissé une large place aux compétences nationales.
Comment évolue, dans ce contexte budgétaire européen, la contribution française soumise à votre approbation ? Elle est évaluée, pour 2003, à 15,8 milliards d'euros. Par rapport à la loi de finances initiale 2002, le montant proposé est en réduction de 6,3% ; mais il est en hausse de 8% par rapport à la prévision d'exécution du prélèvement sur recettes pour 2002. Ces évolutions divergentes tiennent aux incertitudes sur les soldes excédentaires.
La part de la contribution française dans le financement du budget communautaire est estimée à 17,3% en 2003, notre pays restant le deuxième contributeur. L'essentiel de ce prélèvement, comme vous le savez revient à notre pays, la France étant le deuxième bénéficiaire de la dépense communautaire.
La France reste néanmoins un contributeur net, pour un montant de 2,7 milliards d'euros en 2001 soit 0,2% du PIB national.
Il me paraît plus significatif de souligner les conséquences pour la France de la décision "ressources propres" , issue du Conseil européen de Berlin et mise en uvre le 1er janvier 2002. En vertu de cette décision, la France finance désormais près du tiers de la correction dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984. quatre pays ont en effet obtenu à Berlin de ne financer qu'un quart de leur part normale de cette correction. Pour 2003 cela représente pour la France un surcoût de près de 400 millions d'euros pour un coût total pour la France de cette correction de 1,5 milliards d'euros.
Depuis le "chèque" britannique de 1984, les mécanismes visant à rééquilibrer le financement du budget communautaire - au détriment, pour l'essentiel, des bénéficiaires de la PAC et des fonds structurels - se sont donc superposés, en diminuant la lisibilité des contributions au budget européen. Alors même que l'Europe va accomplir le plus grand pas de son histoire depuis le traité de Rome, ce système touche à ses limites. La France, devra fortement le faire valoir dans les débats sur les ressources et les dépenses communautaires qui seront menées jusqu'en 2006, pour arrêter le paquet financier (2007 - 2013).
Ce tour d'horizon budgétaire m'amène à aborder le premier des deux thèmes d'actualité que je souhaitais évoquer avec vous : l'élargissement.
Quel en est tout d'abord le calendrier ?
La Commission a adopté le 9 octobre ses "rapports de progrès" sur les pays candidats à l'Union européenne. Elle estime que 10 pays (Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie) seront prêts pour l'adhésion en 2004, sans dissimuler d'ailleurs les efforts qu'il leur reste à consentir d'ici leur entrée dans l'Union pour mettre en uvre pleinement l'acquis communautaire. La Commission a par ailleurs reconnu les progrès de la Bulgarie et de la Roumanie et pris note de la volonté de ces deux pays d'adhérer à l'Union en 2007. Enfin, elle a reconnu les "nets progrès" de la Turquie vers le respect des critères politiques de Copenhague (abolition de la peine de mort, reconnaissance des droits linguistiques de la minorité kurde, levée de l'état d'urgence dans deux des quatre provinces du Sud Est). Elle a cependant jugé ces progrès encore insuffisants et ne propose pas de date d'ouverture des négociations d'adhésion avec ce pays.
Le Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 octobre devrait maintenant adopter une position commune de l'Union européenne sur le paquet financier, ce qui sera la base de départ de la négociation finale avec les pays candidats.
Ces négociations doivent se conclure lors du Conseil européen de Copenhague en décembre, permettant la ratification du Traité unique d'adhésion en 2003 et l'entrée dans l'Union des nouveaux membres en 2004. L'idée est que ces pays puissent participer aux prochaines élections européennes qui auront lieu en juin 2004.
Deux chapitres de la négociation restent ouverts avec l'ensemble des candidats : "agriculture" et "dispositions financières et budgétaires" : nous soutenons la proposition de la Commission d'accorder progressivement (de 25% en 2004 à 100% en 2013) le bénéfice des aides directes agricoles aux agriculteurs des futurs membres. Il eût été impensable de les tenir à l'écart de la PAC ! Toutefois, la PAC ne doit pas être l'otage de l'élargissement et la présidence danoise partage notre souci de ne pas lier les deux dossiers. Par ailleurs, nous souhaiterions que le paquet proposé par la Commission sur les fonds structurels tienne exactement compte des capacités d'absorption des pays candidats.
Des difficultés - je ne vous le cache pas - peuvent encore perturber le scénario de l'élargissement : il en va ainsi du référendum sur lequel les électeurs de l'Irlande se prononceront le 19 octobre. Car un refus de ratifier le Traité de Nice ouvrirait une période de grande incertitude. Il en va également ainsi de l'évolution des négociations sur la réunification de Chypre et de l'évolution de la situation en Turquie. Ce dernier sujet est majeur dans le contexte international que nous vivons.
Je voudrais indiquer que nous avons beaucoup insisté, avec succès, au cours de la négociation sur le contrôle du respect des engagements souscrits par les pays candidats (monitorage), notamment dans les domaines de la sécurité sanitaire, de la lutte contre l'immigration clandestine et la criminalité transfrontière. Ce contrôle ne disparaîtra pas au moment de l'adhésion, au contraire, puisque les nouveaux membres participeront pleinement aux mécanismes européens de régulation et de contrôle, qui sont aujourd'hui les plus rigoureux du monde, notamment dans le domaine de la sécurité alimentaire. De surcroît le Traité devrait prévoir un certain nombre de clauses de sauvegarde permettant notamment :
- à tout Etat membre actuel ou futur de demander à la Commission, pendant une période de deux ans à compter de l'adhésion, de prendre des mesures en cas de difficulté sérieuse dans un secteur de son économie ;
- à la Commission, pendant une même période, de prendre des mesures en cas de rupture, ou de menace de rupture, dans le fonctionnement du marché intérieur, en particulier s'agissant de la sécurité alimentaire.
Qu'on ne s'y méprenne pas ! Ces demandes n'expriment nulle réserve, nulle défiance de la part de notre Pays. La France est consciente des progrès immenses réalisés par les futurs membres depuis la chute du Mur de Berlin voici treize ans. Notre insistance sur certaines précautions tient simplement à notre volonté de, non seulement réaliser cet élargissement, mais encore de le réussir. L'élargissement, c'est le grand projet politique européen de ce début de siècle. Un projet inespéré, il y a encore peu d'années.
Gardons-nous donc de réduire cette réunification de l'Europe, tant attendue et devenue si urgente, à une querelle d'experts ! Si les futurs membres rencontrent des difficultés dans la mise en uvre de l'acquis communautaire - comme nous en rencontrons parfois nous-mêmes - la France sera à leurs côtés pour les aider à les résoudre.
Ne réduisons pas non plus cet élargissement à une querelle de comptables. Il n'y aura pas d'impasse dans le financement de l'élargissement s'il n'y a pas d'impasse de la volonté politique.
N'oublions pas que l'élargissement est un investissement à long terme pour la sécurité et la prospérité de notre continent et pour la défense de nos valeurs communes.
Face à un tel enjeu, l'Europe, la France, ne peuvent pas, ne doivent pas, hésiter. Cet élargissement ne remettra pas en cause 50 ans de construction européenne. Il en donne, au contraire, tout son sens à notre aventure collective : construire sur un continent déchiré par la guerre, encore hier dans les Balkans, une communauté garantissant à ses membres prospérité, sécurité et solidarité. C'est dans cette perspective qu'il nous faut inscrire la refondation de nos institutions communes, tâche à laquelle s'attelle la Convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing.
Sur la Convention sur l'avenir de l'Europe
Ses travaux ont conclu la phase d'écoute. Elle est désormais engagée dans la phase d'étude des propositions (résultats des groupes de travail, propositions des conventionnels). Elle entrera dans les prochains mois, dans sa dernière phase, celle de l'élaboration de ses propositions. Le Président Giscard d'Estaing a indiqué qu'il présenterait un "canevas" de traité constitutionnel avant le Conseil européen d'octobre, lequel sera progressivement complété à partir du résultat des groupes de travail.
Je souhaite évoquer avec vous les principales positions défendues par le gouvernement français actuellement.
D'abord, le gouvernement souhaite l'adoption d'une Constitution européenne : à savoir l'adoption d'un texte intégrant la charte des droits fondamentaux des citoyens européens, de manière lisible et qui ait vocation à durer. Les dispositions de cette constitution devraient juridiquement être rassemblées dans un traité en deux parties dont la deuxième - moins fondamentale - aurait un mode de ratification simplifié, se rapprochant donc des modes de révision des constitutions.
Le deuxième axe fort est la consolidation du triangle institutionnel, c'est à dire l'équilibre original au sein de l'Union européenne. On pourrait imaginer en effet d'autres modèles que celui qui s'est mis en place progressivement depuis près de 50 ans. Mais ce serait, je crois, une erreur que d'effacer le fruit de l'acquis communautaire institutionnel. Nous ne devrions le faire qu'en vue de mettre en place un gouvernement européen hiérarchisé soit, en vue de créer un véritable Super-Etat que même les Pays qui se veulent fédéralistes ne sont pas prêts à accepter, au moins aujourd'hui.
Notre modèle est simple : nous souhaitons renforcer les institutions européennes - toutes les institutions - pour que leur poids politique et leur efficacité soient à la mesure des enjeux. Nous souhaitons d'abord renforcer le Conseil en lui donnant plus de visibilité et de cohérence dans l'action : un président, un ministre des Affaires étrangères.
Nous souhaitons aussi renforcer la Commission dans les matières communautaires en préservant ses prérogatives et en consolidant sa capacité à continuer à proposer l'Europe de demain. Nous souhaitons renforcer le caractère démocratique de l'Union par plus de codécision pour le Parlement européen, une meilleure association des parlements nationaux et des droits mieux garantis pour les citoyens.
Le Conseil européen d'abord : il doit être l'acteur clé en matière de politique étrangère. A cet effet, le président de la République a proposé de le doter d'un président élu pour une durée suffisamment longue, plusieurs années et à temps plein. Il devrait présider, selon nous, le Conseil Affaires générales. Il aurait, à ses côtés, un ministre des Affaires étrangères qui réunirait dans ses mains les fonctions actuelles du haut-représentant pour la PESC et du commissaire chargé des relations extérieures, ce qui serait un gage de coordination de deux actions étroitement liées. Le ministre des Affaires étrangères présiderait le Conseil Relations extérieures. Nous travaillons encore sur l'articulation entre le Conseil, son président, son ministre des Affaires étrangères avec la Commission car cette articulation est essentielle à la réalisation des objectifs politiques de l'Union européenne, ce qui impose de garantir à ces objectifs des moyens appropriés.
A mes yeux, et je dois dire qu'à cet égard nous trouvons un écho chez la plupart de nos partenaires européens, il est également fondamental d'avancer sur la voie de la construction d'un espace de sécurité, de liberté et de justice. Il faut doter l'Europe de mécanismes pour éviter que les frontières entravent l'action des policiers et des juges alors que les criminels peuvent, eux, circuler à leur aise. Il est, en outre, temps de doter l'Europe d'une politique commune en matière d'immigration.
Il faut aussi progresser sur un terrain important, celui de la gouvernance économique. Cela suppose de dépasser le simple cadre de la gestion économique et financière et notamment pour assurer une meilleure prise en compte des objectifs sociaux de l'Union. La France maintient sa demande de voir appliquer le système de la majorité à certaines questions fiscales, fiscalité de l'épargne en particulier. Bien évidemment, nous sommes aussi favorables à renforcer les mécanismes institutionnels de l'Eurogroupe. Enfin, il faut améliorer la représentation externe de l'Europe dans les institutions économiques et financières internationales.
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L'Europe enfin réunifiée signifie une Europe avec des institutions rénovées. Encore reste-t-il à mieux associer les Français à ce nouveau projet qui s'inscrit dans l'évolution démocratique de l'Europe. Les Français seraient parmi les plus réservés à l'égard de l'élargissement. Réservés, on peut se poser la question. Insuffisamment sensibilisés et informés, c'est la réalité !
Comment faire comprendre à nos concitoyens la portée de ce grand projet de la réunification de l'Europe ?
C'est notre devoir à tous, nous responsables politiques. Alors que les jeunes de notre pays, comme d'ailleurs, manifestent tant d'élans de solidarité et alors également que de nouvelles menaces nous obligent à renforcer la cohésion nationale et européenne, il faut pouvoir mieux expliquer les enjeux de l'Europe. C'est dans ce but qu'en liaison avec le Premier ministre, je suis en train de finaliser les thèmes et les modalités d'une campagne d'information à travers les régions de la France, campagne que le Premier ministre lancera vraisemblablement en novembre.
Car c'est des initiatives locales que pourra naître le renouveau d'enthousiasme que mérite la construction d'une nouvelle Europe.
C'est dans cette optique que j'ai souhaité, au cours de tous mes déplacements dans les pays candidats, associer déjà les élus parlementaires nationaux et européens à mes entretiens. Cette volonté de transparence et d'association du Parlement à la conduite de la politique européenne de la France répond à un souci de démocratisation du débat européen, d'où l'importance, également de mon dialogue avec la Délégation à l'Union européenne et d'où l'importance, ici devant vous, du vote de ce jour sur la contribution française au budget de l'Union
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 octobre 2002)