Déclaration de M. Roger Quilliot, ministre de l'urbanisme et du logement, sur la politique en faveur des handicapés, Paris le 8 avril 1982.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation de la mission de Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis sur les déplacements des personnes handicapées le 8 avril 1982

Texte intégral

L'insertion sociale des personnes handicapées est un élément essentiel de la politique que le gouvernement veut promouvoir en leur faveur. Tout doit être fait pour assumer à ces personnes le maximum d'autonomie et permettre leur maintien dans un cadre ordinaire de travail et de vie.
Mon ministère contribuera fortement à mettre en uvre cette politique en rendant accessibles à tous, les locaux d'habitation et les bâtiments ouverts au public.
I. Les logements
En ce qui concerne les locaux d'habitation, les exigences se traduisent par la nécessité de supprimer les barrières architecturales et d'assurer aux personnes handicapées l'accès à l'ensemble des logements pour qu'elles puissent mener une vie sociale normale et choisir librement leur habitat.
Une série de normes techniques ont été définies réglementairement après une longue concertation au sein du comité de liaison pour le logement des handicapés qui réunit les associations, les architectes, les constructeurs, les bureaux techniques et les administrations concernées.
Maintenant il s'agit que cette réglementation soit appliquée en dépit de certains surcoûts, peu importants toutefois, qu'elle induit. C'est un problème de solidarité et nous avons la volonté que cette solidarité s'exerce. En effet, cette question intéresse toutes les personnes dont la mobilité est réduite en raison de l'âge, de l'état de santé, de l'activité professionnelle, et qui ont des difficultés à se déplacer sur les plans vertical et horizontal.
Autant dire que chacun de nous à un moment ou un autre de son existence rencontre ce type de difficulté.
Il est donc nécessaire que les bâtiments collectifs neufs ayant fait l'objet d'une demande de permis de construire postérieure au 1er octobre 1980 répondent à ces contraintes, il faut que les seuils soient plats ou rendus accessibles par une rampe de faible pente, que les circulations intérieures au bâtiment soient suffisamment larges et que les aires de stationnement permettent la rotation du fauteuil roulant dans les entrées, sur les paliers, face aux ascenseurs... Ainsi, les normes ont été fixées en vue d'assurer une pleine autonomie de circulation aux handicapés.
Les logements neufs situés dans un immeuble collectif doivent être dorénavant adaptables pour répondre aux besoins des personnes handicapées. Cette adaptabilité se définit par la possibilité pour les personnes handicapées de pouvoir circuler aisément dans les pièces nécessaires à leur autonomie (entrée, ou zone d'entrée, séjour, cuisine, une chambre, un WC, une salle de bains au moins).
Par conséquent, pour ce qui concerne l'habitat neuf, la réglementation assure pour l'avenir un libre choix aux handicapés.
Dans l'habitat ancien, on se heurte à des difficultés techniques considérables qui ne peuvent être surmontées qu'à des coûts très élevés, notamment au niveau de l'accessibilité.
Néanmoins, de manière à inciter à la réalisation de travaux d'adaptabilité des logements et d'accessibilité des bâtiments et circulations communes, le financement en est assuré dans certaines limites lorsque la présence de personnes handicapées dans l'immeuble l'impose.
Par ailleurs, en plus des aides personnelles au logement (AL ou APL) d'autres aides peuvent être versées par les caisses gestionnaires de l'allocation aux personnes handicapées pour permettre aux personnes de ressources modestes d'adapter leur logement à leurs besoins spécifiques.
II. La ville
Toutes ces mesures sont d'un effet limité si les concepteurs n'ont pas la préoccupation constante de tenir compte des aménagements indispensables pour que la cité s'ouvre enfin à tous sans exception. La réflexion doit être continue pour supprimer les obstacles à la mobilité au long des cheminements dans le logement, le bâtiment d'habitation, l'environnement immédiat, tous les équipements ainsi que les voies qui y mènent. Il ne servirait à rien en effet de supprimer les obstacles en un ou plusieurs points si d'autres étaient maintenus quelques mètres plus loin : le moindre manquement à ce principe réduirait à néant tous les efforts antérieurs et enfermerait à nouveau les personnes handicapées dans leurs difficultés.
Il faut dorénavant considérer la personne handicapée comme un piéton comme les autres. Les facteurs d'insécurité, les causes d'inconfort, le caractère pénible des trajets concernent beaucoup plus d'usagers que les 200 000 personnes en fauteuil. Je pense aux personnes âgées, aux femmes enceintes, aux personnes qui poussent des voitures d'enfants ou aux personnes chargées par exemple. Toutes sont des personnes à mobilité réduite ou entravée qui révèlent l'inadaptation de nos villes et pour lesquelles la ville est handicapante.
Par conséquent, aménager l'accessibilité à la ville, c'est rendre un service collectif à l'ensemble de la population et non pas seulement répondre à des revendications, certes justifiées, d'une catégorie d'usagers.
C'est permettre, ainsi que tous les colloques organisés sur ce thème l'ont démontré, de rendre solidaires les catégories d'usagers qui s'ignorent, en dépassant la conception utilitariste et fonctionnelle de la ville aménagée au bénéfice des moyens de transports individuels et en participant à la prévention des accidents qui perpétuent le cycle des handicapés.
Enfin il n'est pas inutile de rappeler le rôle primordial du maire. En effet, lui seul peut, s'il en a la volonté, coordonner des domaines d'intervention et de responsabilité en évitant le découpage entre construction, voirie, bâtiments publics et privés et transports qui forment un tout pour les usagers.
Pour la prise en compte de cette nécessité, la mission qui a été confiée par le Premier ministre à Madame FRAYSSE-CASALIS revêt un caractère extrêmement important afin que soit coordonnées les différentes actions des ministères intéressés.
Les nouveaux bâtiments publics sont conçus pour permettre l'accès facile des handicapés. Je souhaite qu'elle examine les modalités qui permettront l'adaptation de tous les bâtiments et équipements publics existants aux besoins des handicapés.
Pour ce qui me concerne, j'ai l'intention d'entreprendre en liaison avec Madame FRAYSSE-CASALIS une politique active d'information et de conseil de tous les intervenants à l'acte de construire.
A cette fin :
- une circulaire va être publiée prochainement,
- une brochure de sensibilisation est en cours d'élaboration, elle sera diffusée par les DDE et les centres d'information sur l'habitat et à la disposition des associations d'usagers,
- Un guide technique destiné aux professionnels est en cours de préparation en liaison avec le moniteur des travaux publics et du bâtiment.
En outre, dans le cadre des propositions présentées par le comité de liaison pour le logement des personnes handicapées, je vais dégager des crédits pour d'autres formes d'action :
- Les séances régionales d'information auprès des professionnels,
- Le recrutement dans certaines directions départementales de l'équipement de personnes handicapées qui assureront la sensibilisation et contrôleront le respect de la réglementation.
De plus, le contrôle des règles en faveur des personnes handicapées dans les bâtiments d'habitation sera inclus dans la liste des contrôles réglementaires effectués par les DDE en 1982.
Enfin cette politique n'intéresse actuellement que les bâtiments collectifs neufs d'habitation. Une réflexion devra être menée au sein du comité de liaison pour le logement des personnes handicapées en ce qui concerne la maison individuelle.
Pour ce qui concerne l'accès à la ville dans son ensemble, mon ministère continuera son action de sensibilisation et de formation des collectivités locales. C'est en effet au niveau local, avec la participation des élus, des associations d'usagers et bien entendu des professionnels, que peut se définir et se mettre en oeuvre une politique d'accessibilité dans laquelle le maire est l'acteur prépondérant.