Interview de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, à "RTL" le 23 juillet 2003, sur la situation de sécheresse et l'aide prévue par le gouvernement aux agriculteurs avec l'accord de la Commission européenne, sur la question des OGM, et sur la nécessité de relancer la filière cheval en France.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Arzt-. Cela se passe bien entre vous et votre collègue italien de l'Agriculture ?
- "Il y a eu des liens à retisser mais j'ai essayé de mener une diplomatie agricole très active puisque, à Bruxelles, la France peut pas être isolée. Donc, je travaille beaucoup avec les Italiens."
On en vient à la question de la sécheresse qui menace de nombreuses exploitations agricoles. Avant hier, vous avez annoncé un dispositif de solidarité nationale. Hier, vous participiez à Bruxelles à une réunion des ministres de l'Agriculture européenne avec la Commission. Sur le plan national, sur le plan européen, est-ce que vous estimez que tous les feux verts sont là pour une aide aux agriculteurs français ?
- "Il faut bien d'abord rappeler la situation catastrophique de beaucoup de nos paysans. Je suis allé dans plusieurs exploitations, dans trois départements, la semaine dernière ; je vais visiter cinq à six départements cette semaine... C'est vraiment catastrophique, il faut donc réagir. Il y a plusieurs choses : d'abord, il a fallu qu'on autorise les paysans à pouvoir utiliser la jachère pour nourrir le bétail, ce qui était la moindre des choses. Nous l'avons obtenu. Maintenant nous sommes dans la question du transport du foin. La solidarité paysanne est en train de jouer et il faut payer ce transport du foin. Et je confirme que l'Etat fera jouer la solidarité nationale pour aider à payer ce transport de foin."
C'est trop cher pour les agriculteurs qui en ont besoin ?
- "Il faut absolument aider les paysans pour payer ce foin, ce transport de foin."
J.-M. Lemétayer, le président de la FNSEA, qui était dans le journal de 18h00 hier sur RTL, demande des prêts bonifiés en faveur des agriculteurs pour qu'ils puissent acheter ce foin...
- "Il faut pas tout mélanger. Je parlais du transport de foin. Ensuite, nous avons un deuxième sujet qui est celui de la trésorerie des entreprises, parce que les paysans aujourd'hui, pour beaucoup d'entre eux, n'ont pas d'argent pour acheter le foin, pour nourrir les bêtes. Donc il faut que nous anticipions le versement d'un certain nombre d'aides, à la fois des aides nationales - et je prends les dispositions pour que ce soit fait le plus rapidement - et les aides européennes qui; d'habitude; sont versées au milieu de l'automne; pour qu'elles soient versées au début de l'automne. Après, il y a tout le dispositif d'aides chaque fois qu'il y a des calamités agricoles. C'est à la fois des indemnisations pour pertes de récoltes, ce sont des prêts super-bonifiés, c'est un certain nombre de choses... Donc nous travaillons pour mettre en place tout ceci le plus rapidement possible."
Sur le plan européen, on a eu l'impression, à entendre le commissaire européen chargé de l'agriculture, F. Fischler, qu'il y avait une nuance entre vous et lui. C'est à dire qu'il insiste sur les limites du budget communautaire dans ce qu'il a dit hier soir. Il dit au conditionnel qu'il y aurait le paiement de certaines aides européennes qui pourraient être avancées... Vous êtes bien sur la même longueur d'ondes ?
- "On est complètement sur la même longueur d'ondes. Ce que j'ai dit hier et ce qu'a dit le commissaire hier, c'est que sur l'anticipation du versement de certaines aides qui existent déjà, la Commission était d'accord. Donc, maintenant, il faut qu'on mette en place cette anticipation du versement des aides. Il y a un deuxième sujet qui est celui d'aides éventuellement supplémentaires de l'Europe qui, à ce jour, n'est pas tranché, puisqu'il faut que nous ayons un bilan complet de la situation de la sécheresse, et pas seulement en France, puisque je vous rappelle que beaucoup d'autres pays européens, notamment nos voisins italiens, les Autrichiens, les Allemands aussi..."
Quand est-ce que vous aurez ce bilan ?
- "Je pense qu'on l'aura à la fin du mois d'Août et que nous nous ressaisirons de ce dossier à Bruxelles au mois de Septembre."
Pourquoi est-ce qu'il y a pas un recours au fonds de solidarité européen qui est prévu pour les catastrophes naturelles ? Il a joué pour les inondations l'an dernier en Allemagne, en Autriche...
- "C'est une question qui n'a pas été tranchée, qui sera éventuellement discutée au mois de Septembre."
Ce n'est pas un fonds qui joue pour les inondations et pas pour les sécheresses ?
- "Il a été créé pour les inondations. Il faudra bien voir, s'il y a besoin d'argent, où on prend l'argent nécessaire à Bruxelles. Mais cette question n'a pas été tranchée ni dans un sens ni dans un autre. Hier, à Bruxelles, elle n'a même pas été débattue."
A propos des OGM, il y a eu, il y a quinze jours, une destruction de plants de maïs transgénique, le Lot-et-Garonne. Il y en a eu hier soir dans les Yvelines, par un collectif anti-OGM. Pensez-vous que cela n'a plus de raison d'être avec les nouvelles règles d'étiquetage et de traçabilité qui ont été décidées?
- "Sur les OGM, il faut essayer d'être méthodique sur un sujet qui est assez largement irrationnel. Et je crois qu'on a trois sujets. Le premier, c'est celui de l'étiquetage et de ce qu'on appelle la traçabilité, c'est-à-dire en gros pour que le consommateur sache ce qu'il mange, s'il y a des OGM ou pas. C'est une affaire qui maintenant est réglée au niveau communautaire, puisque nous avons défini les seuils..."
Le consommateur saura à quoi il a affaire ?
- "D'ici la fin de l'année, nous aurons un étiquetage, puisque c'était une des conditions que nous avons posées à la levée du moratoire. Il y a un deuxième sujet qui est celui de la recherche. Et là, il faut pas être obscurantiste, il faut poursuivre la recherche mais dans des conditions évidemment de sécurité sanitaire et de précaution. Ensuite, on a un troisième sujet, qui est encore devant nous, qui est celui de la coexistence des agricultures, puisque nous avons l'agriculture traditionnelle, l'agriculture biologique et l'éventuelle agriculture OGM. Et il ne faut donc évidemment pas que cette éventuelle agriculture OGM ne se dissémine et "pollue", entre guillemets, les agricultures traditionnelles ou biologiques. C'est un sujet que nous avons évoqué hier à Bruxelles et nous attendons des lignes directrices de la Commission européenne."
Autre sujet, vous allez, la semaine prochaine avec d'autres ministres français, présenter des orientations gouvernementales et des mesures fiscales pour le cheval...
- "Ah oui, je suis aussi ministre du cheval, vous savez ! Et le cheval, c'est à la fois une passion et l'on rencontre des gens passionnés - et c'est toujours merveilleux de voir des gens passionnés -, mais c'est aussi une économie, c'est aussi de l'emploi et c'est la raison pour laquelle, avec A. Lambert, ministre du Budget, et J.-F. Lamour, chargé du sport et donc du tourisme équestre, nous voulons relancer la filière cheval dans notre pays. Donc il y a des sujets qui concernent les haras nationaux, dont j'ai la tutelle ; mais il y a aussi des sujets fiscaux, puisqu'on a constaté ces dernières années que du fait de certaines règles fiscales, notamment en Angleterre et surtout en Irlande, nous avions un exode de nos étalons. Donc, il faut faire attention à cela."
Parce qu'il y a pas mal de brigades de policiers , de gendarmes à cheval à travers la France actuellement ?
- "C'est pas à quoi je pensais spontanément..."
Je pensais que le cheval pouvait se développer de ce côté-là ! La profession de cocher peut-être aussi... Le ministre de la justice, D. Perben, a fait savoir qu'il était candidat à la candidature UMP pour les municipales à Lyon en 2007. Mais avant cela, il y a les régionales. Est-ce que vous-même, vous serez candidat en Rhône-Alpes?
- "C'est trop tôt pour le dire, puisque comme vous le savez, l'UMP annoncera à l'automne ses chefs de file régionaux pour les élections du printemps prochain..."
Mais vous êtes tenté ?
- "Je suis un élu savoyard, donc rhônalpin. Tout ce qui concerne ma région m'intéresse, mais je crois qu'il est trop tôt pour se prononcer aujourd'hui."
Je reviens à l'international et à une réunion qui va avoir lieu en Septembre, de l'Organisation mondiale du commerce. Pensez-vous que l'Europe fera front facilement face aux Américains ?
- "Oui, nous avons une réunion importante à Cancun, au Mexique, sur l'OMC. Le vrai sujet, c'est est-ce qu'on prend des décisions pour les pays en voie de développement ou non. De ce point de vue là l'Europe fait des propositions extrêmement précises, l'Europe fait beaucoup pour le Tiers-Monde et doit faire davantage. Et on verra bien, notamment face à nos amis américains, qui fait le plus pour les pays en voie de développement. De ce point de vue, je suis donc très serein."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 juillet 2003)