Déclaration de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur la politique budgétaire de l'Etat, notamment la réduction des déficits publics, à l'Assemblée nationale le 26 juin 2003.

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Circonstance : Débat d'orientation budgétaire, Assemblée nationale le 26 juin 2003

Texte intégral

Monsieur le président,
Monsieur le président de la Commission des finances,
Monsieur le rapporteur général,
Mesdames et messieurs les députés,
La tenue de ce débat témoigne de notre volonté commune de faire vivre la loi organique du 1er août 2001. Notre nouvelle Constitution financière ne l'a pas rendu obligatoire : seule la remise par le gouvernement d'un rapport constitue une obligation juridique. Pourtant, malgré l'ordre du jour chargé qui est le vôtre, votre Commission des finances et le gouvernement ont, conjointement, voulu ce débat d'orientation.
Car ce dernier est nécessaire. Le budget de l'Etat se prépare, désormais, tout au long de l'année : le dialogue entre le gouvernement et le Parlement ne peut plus se résumer à nos traditionnels rendez-vous de l'automne.
En fait, nous aurons même eu, cette année, deux débats d'orientation budgétaire dans cet hémicycle ; nos échanges du 8 avril dernier sur le contrôle et la maîtrise des finances publiques ont, en effet, préparé notre séance d'aujourd'hui. Les souhaits qui ont été émis à cette occasion, notamment par votre Commission des finances, ont contribué aux premières orientations du gouvernement dans la préparation du budget 2004 et, plus précisément, au choix de la norme globale d'évolution des dépenses.
L'article 48 de la loi organique, qui régit le contenu du rapport du gouvernement, lui assigne deux champs principaux : préciser les évolutions enregistrées depuis l'automne en matière économique et budgétaire, d'une part ; éclairer notre horizon de moyen terme en ce domaine, d'autre part.
Permettez tout d'abord de vous présenter le contexte macro-économique de notre politique économique et les grandes orientations qui sont celles du gouvernement. Je préciserai ensuite les conséquences pour le budget de l'Etat.
La situation économique cette année est complexe.
Il y avait un obstacle majeur à la reprise : le climat de tensions internationales. Il est largement levé et les conditions sont désormais remplies pour une reprise, au niveau mondial, dans la zone euro, et particulièrement en France.
C'est le cas dans la zone euro : les taux d'intérêt sont bas, et la BCE a donné un signal important en ce sens. Il est vrai que la baisse du dollar ne favorise pas nos exportations, mais elle permet aussi la désinflation, donc des gains de pouvoir d'achat et la poursuite de la baisse des taux d'intérêt. Par ailleurs, la situation financière des ménages est bonne en général, notamment par rapport aux Etats-Unis.
C'est encore plus vrai dans le cas de la France : les ménages ont du pouvoir d'achat. Le gouvernement y contribue avec les baisses d'impôt. Il y contribue également avec le fort relèvement prochain du SMIC au 1er juillet, jusqu'à 5,3 %. La situation des entreprises s'est améliorée, elles ont des besoins d'investissement et de stockage.
Pourtant, la reprise n'est pas encore là. Les chiffres n'en sont pas encore connus de manière précise mais sur ce que nous savons le premier semestre a été décevant. La croissance risque de ne pas atteindre sur l'année le chiffre de 1,3 % que nous avions retenu en mars et qui est rappelé dans le document que vous avez reçu.
D'un autre côté, nous ne sommes pas à l'abri d'une bonne surprise : rappelons-nous qu'en novembre - décembre derniers, le consensus des prévisions privées pour 2002 était - à un mois de la fin de l'année - de 1,0 %. La croissance a finalement été de 1,2 %. Il ne faut donc pas accorder aux prévisions, fussent-elles les plus sérieuses, la précision qu'elles ne peuvent pas avoir. Le Premier ministre a évoqué une fourchette de croissance, de 0,8 % à 1,5 %. C'est une approche raisonnable. Comme l'a dit Francis Mer devant votre Commission des finances, nous avons encore le temps d'examiner l'éventualité d'une croissance plus faible.
Examinons à présent plus en détail notre situation et nos perspectives budgétaires. Ce n'est un secret pour personne : les comptes publics se sont massivement dégradés l'année dernière. Entre 2001 et 2002, le besoin de financement des administrations publiques est passé de 1,5 point de PIB à 3,1 points.
Comment en est-on arrivé là ?
Cette dégradation résulte, certes, du ralentissement conjoncturel, personne ne songe à le nier.
Mais elle procède également de facteurs structurels. Dans la période de forte croissance qu'a connu la France de 1998 à 2000, l'effort d'assainissement a été très insuffisant. La Commission européenne souligne elle-même que l'effort d'ajustement des comptes publics entamé en 1995 avait été stoppé en 1999 au profit d'une politique budgétaire expansive en phase haute de cycle.
Le précédent Gouvernement a conduit une politique de baisse d'impôt qui ne reposait sur aucun financement pérenne, c'est-à-dire sans réduction à due concurrence des dépenses publiques. C'est ainsi que les baisses discrétionnaires de prélèvements obligatoires ont été supérieures de 2 points et demi de PIB à la baisse des dépenses publiques dans le PIB.
Cette dérive structurelle a été masquée un temps par les plus-values fiscales exceptionnelles de la bulle Internet des années 1999 à 2001. Je rappellerai juste, que l'élasticité des recettes fiscales a été proche de 2 de 1999 à 2001. A titre d'illustration, les recettes de l'impôt sur les sociétés ont quasiment doublé entre 1996 à 2001, passant de 26 à 49 Md.
Quel usage a été fait de cette manne ? L'application d'une politique de " bon père de famille " aurait conduit à mettre à profit ces recettes pour assainir nos comptes publics. Tel n'a pas été le choix du précédent gouvernement. Son choix a été de diminuer optiquement les impôts et d'augmenter les dépenses qu'il avait par ailleurs sous évaluées. L'Etat s'est alors comporté comme ces start-up de la nouvelle économie qui, à la même époque, ont brûlé en quelques mois leurs fonds propres.
Au total, nous pouvons aujourd'hui faire les comptes et clarifier les responsabilités de chacun.
Nous assumons notre part dans le déficit pour 2002.
Oui, nous avons décidé 600 M de dépenses supplémentaires pour restaurer l'autorité de l'Etat : ces dépenses étaient attendues par les Français. Nous les revendiquons.
Au regard, quelle est la responsabilité du précédent Gouvernement ?
- Près 20 Md de dépenses pérennes nouvelles : les 35 heures, la création de 48.000 emplois nouveaux de l'Etat sur la durée de la législature, 220.000 postes d'emplois jeunes, 3 prestations nouvelles que sont l'APA, la CMU et l'aide médicale au profit des étrangers en situation irrégulière.
- Je dois ajouter les sous-budgétisations de la LFI, mis en évidence par l'audit de messieurs Nasse et Bonnet, pour plus de 7,4 Md .
- Enfin pour être complet, je ne dois pas oublier les dettes de l'Etat que nous avons dû apurer, à hauteur de 1,8 Md . Je rappelle que nous avons payé 3 primes de Noël en décembre dernier, celle de 2002 mais également celles de 2000 et 2001.
La situation de nos finances publiques porte en 2003 le poids des déséquilibres structurels accumulés depuis 3 ans. Le solde structurel a été dégradé de près de 1,5 point de PIB entre 1999 et 2002 d'après les organisations internationales. Dans un contexte économique plus difficile qui affecte les recettes, le Gouvernement à décider de laisser jouer les stabilisateurs automatiques en recettes tout en maîtrisant strictement les dépenses publiques.
Le ralentissement de la conjoncture a pour effet une dégradation des recettes de l'Etat que nous estimons à ce stade à 5,1 Md.
Le principal facteur de révision porte sur l'impôt sur les sociétés. Je dois souligner que cette mauvaise nouvelle n'a pas de lien direct avec le ralentissement conjoncturel persistant en 2003. Nous anticipons sur l'Impôt sur les Société (IS) un écart d'au moins 3,1 Md par rapport à la loi de finances initiale. Cette prévision dégradée s'explique par la diminution du bénéfice fiscal en 2002 qui pèsera doublement sur les recettes 2003 par jeu du mécanisme d'acompte et de solde. Les acomptes étaient en effet restés relativement élevés en 2002. La chute du bénéfice fiscal 2002 devrait donc se traduire par des soldes 2003 faibles et par des acomptes diminués à compter du mois de juin.
Le rapport présenté par le Gouvernement vous décrit l'ensemble des facteurs de correction identifiables aujourd'hui, impôt par impôt.
C'est la première fois qu'une information aussi détaillée est fournie au Parlement. Nous avons tenu l'engagement pris devant vous à l'occasion de la présentation du PLF 2003.
Les dépenses publiques en 2003 seront maîtrisées, également dans la plus complète transparence. Les dépenses de l'Etat ne devront pas dépasser pas le niveau autorisé par le Parlement en LFI soit 273,8 Md . A cette fin, le Gouvernement a déployé de manière précoce un dispositif de mise en réserve, touchant à la fois des crédits de la LFI (pour 4 Md ) et les crédits reportés des gestions précédentes (pour 6,6 Md ). Conformément aux dispositions de la nouvelle constitution financière, le Gouvernement a informé, étape par étape, le Parlement.
Le déficit des administrations publiques pour 2003 pourrait finalement s'inscrire, compte tenu de moindres recettes, dans une fourchette de 3,5 à 3,6 % du PIB.
Quelles sont à présent les perspectives pour 2004-2006 ? L'objectif central pour le Gouvernement est de reconstituer des marges de manuvre fiscales et budgétaires, pour une autre politique que celle du service de la dette. Car le financement de la dette risque rapidement de devenir notre première et navrante priorité si nos finances publiques n'étaient pas assainies.
Au regard du traité de Maastricht, la France se trouve aujourd'hui en situation de " déficit public excessif " : l'Europe nous invite à redescendre en dessous du seuil de 3 % dès 2004. Les règles européennes ne font qu'affirmer des principes de bon sens : il n'est pas possible d'accumuler sans fin des déficits publics, nous ne ferions qu'accroître le fardeau de la dette que nous léguons à nos enfants.
Le pacte de stabilité est nécessaire à tous : il constitue le règlement de copropriété de la monnaie unique européenne, l'Euro, que nous avons en partage. A terme, si les déficits se pérennisaient en Europe, la stabilité de l'Euro serait menacée. Les taux d'intérêt augmenteraient de manière néfaste pour la croissance européenne.
Face à la situation difficile qui est la sienne, la France doit s'engager dans une véritable consolidation budgétaire.
Que nous enseignent à cet égard les comparaisons internationales ? Je considère pour ma part qu'elles sont réconfortantes et porteuses d'espoirs. Elles montrent qu'il n'y a pas de fatalité en matière budgétaire. Les exemples du Canada, de la Suède, et des Pays-Bas attestent qu'il est toujours possible pour un pays d'assainir en profondeur ses comptes publics, en dépit d'une situation initiale très dégradée. Notre déficit public est de l'ordre de 3,5 % du PIB en 2003 : mais rappelons que le Canada, où je me suis rendu récemment, a résorbé en moins de 4 ans un déficit de plus de 6 points de PIB. Et il achève cette année son 6e exercice excédentaire d'affilée.
Les comparaisons internationales nous indiquent également que le facteur clef de succès de ces consolidations budgétaires réussies et pérennes réside dans l'aptitude à réduire significativement le poids de la dépense dans le PIB.
Le cadrage du budget pour 2004 porte cette ambition. Les dépenses de l'Etat seront globalement stabilisées en volume, tandis que les dépenses hors dette et fonction publique seront stabilisées en valeur. Et nous souhaitons poursuivre cette stratégie de maîtrise des dépenses de l'Etat jusqu'à l'horizon 2006, afin d'assainir profondément nos comptes publics et dégager des marges de manuvre pour les baisses d'impôts et de charges.
Il ne faut pas sous-estimer l'effort qu'une telle politique représente.
Dans un scénario de stabilisation sur trois ans des dépenses de l'Etat en volume, les crédits progresseraient au même rythme que les prix, soit une augmentation globale sur 3 ans de 12,5 Md . Mais sur ce total, la progression mécanique des dépenses de pensions, du service de la dette et la hausse prévisible de la masse salariale préempteraient 12,2 Md . Afin de pouvoir assurer le financement des dépenses concernant l'autorité de l'Etat (Défense, Sécurité, Justice), les autres dépenses de l'Etat devraient être réduites de près de 2 Md .
Cette politique d'assainissement suppose que l'Etat puisse se doter d'outils de redéploiement des crédits. C'est la raison pour laquelle, j'ai proposé cette année au Premier ministre de rénover en profondeur la procédure budgétaire. La préparation du budget s'inscrit désormais dans une démarche plus structurante.
Le Gouvernement a instauré des conférences de réformes structurelles, qui permettent d'identifier, très en amont dans le processus d'élaboration du projet de loi de finances, les sources d'économies possibles et les voies de réforme. Les réformes ayant ainsi été examinées à cette occasion trouveront leur première traduction dans le PLF pour 2004. Elles permettent notamment le non-renouvellement d'une partie des départs à la retraite des fonctionnaires, tout en améliorant la qualité du service public rendu aux usagers.
S'agissant de la réduction des impôts et des charges. Notre cap est clair : il est d'alléger le fardeau des prélèvements qui pèsent sur les Français et bride les énergies.
En 2004, les charges sur les bas salaires seront allégées pour faciliter la convergence des SMIC. Enfin des mesures ont déjà été votées ou sont en passe de l'être pour développer l'initiative économique, promouvoir le mécénat, aider l'outre-mer, soutenir l'investissement locatif et le développement territorial à travers les zones franches urbaines.
Toutes ces mesures dont le coût sera traduit dans le PLF 2004 témoignent de la volonté du Gouvernement d'aider les acteurs économiques par des aides précises, efficaces et ciblées. Nous pouvons donc déjà affirmer que l'effort en 2004 sera substantiel.
Notre cap de réduction des impôts et des charges sera encore poursuivi. L'effort sera bien sûr déterminé par la vigueur de conjoncture et notre réussite dans la maîtrise de la dépense. La baisse des impôts devra demeurer compatible avec une résorption rapide de nos déficits publics. La politique du Gouvernement se veut à cet égard réaliste et responsable.
Au total, notre action s'inscrit dans une cohérence de long terme, en dépit d'une conjoncture aujourd'hui plus difficile.
Elle se résume en ces quelques principes :
- maîtriser la dépense, pour dégager des marges de manoeuvre ;
- ne pas accroître les prélèvements, et au contraire continuer à les abaisser, au service de l'emploi et d'une croissance plus soutenue ;
- et réformer, réformer dans la durée :
* réformer les retraites, pour sauver notre système par répartition, le rendre plus juste en donnant plus de liberté à chacun ;
* réformer l'Etat pour rendre un service plus efficace, plus proche des citoyens grâce à la décentralisation, et en prélevant moins sur la richesse nationale ;
* réformer la santé, là aussi pour sauver un système auquel nous sommes attachés mais qui peut et doit être plus performant sans que son coût échappe à tout contrôle.
Les Français percevront nécessairement les fruits de cette politique de courage, à travers une économie plus forte et des finances publiques assainies.
Je vous remercie.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 4 août 2003)