Déclaration de M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur la présence française au Mexique, son rôle en matière culturelle et économique et l'action du ministère en faveur des ressortissants français, Mexico le 17 juillet 2003.

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Circonstance : Voyage au Mexique de Dominique de Villepin du 17 au 18 juillet 2003 : allocution devant la communauté française le 17 juillet 2003 à Mexico

Texte intégral

Il se passe peu de semaines sans que nous ne nous parlions. L'immense satisfaction que j'ai ce soir, c'est de constater la vitalité et la diversité de votre communauté, de notre communauté française. Vous êtes, sur les statistiques, 12.500 inscrits, mais j'imagine que vous êtes - comme je l'espère - bien plus nombreux ; la progression, au cours de ces cinq dernières années, de plus de 20 % de la communauté française au Mexique, montre bien l'attrait qu'exerce ce pays ainsi que son importance pour la France, pour l'Europe et pour le monde. Cette vitalité de la communauté française, j'ai pu l'éprouver très brièvement, trop brièvement, en serrant la main des uns et des autres et en écoutant vos activités et votre attachement au Mexique. Vous oeuvrez dans tous les secteurs : grandes et petites entreprises, domaines artistique, commercial, industriel, toutes les grandes catégories de l'activité économique et des services dans ce pays. Mais je sens bien qu'il y a, ici, parce que la vocation du ministre des Affaires étrangères est de parcourir le monde et donc de rencontrer beaucoup de communautés françaises, quelque chose de spécifique : c'est le plaisir que vous avez à vivre dans ce pays et, croyez le bien, pour avoir voyagé en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, j'ai pu constater qu'il est des pays qui n'ont pas les vertus, le plaisir, la joie, la force, la vitalité, la culture du Mexique. Je crois qu'il faut que nous mesurions l'importance des liens essentiels qui unissent la France et le Mexique. Quand, en termes diplomatiques, nous mesurons la force de cette relation, nous constatons d'abord que nous partageons la même vision du monde. A une époque où le monde est soumis à de grands défis : le terrorisme, la prolifération, les crises régionales, nous constatons que sur toutes ces crises, nous partageons la même vision, la même conviction : la nécessité du multilatéralisme, la nécessité d'une organisation du monde qui donne à chaque grand pôle de puissance toute sa place. La conviction que nous sommes plus forts quand nous sommes unis sur la scène internationale ; la conviction que les Nations unies sont l'entité la mieux placée et la plus capable d'exprimer la volonté de la communauté internationale.
Avec des positions géographiques très différentes, la France au coeur de l'Europe, le Mexique dans cette proximité essentielle avec la grande puissance américaine, nous défendons les mêmes principes, nous défendons la même exigence sur la scène internationale, y compris la même exigence d'amitié vis-à-vis des Etats-Unis. Et je ne voudrais pas qu'on se méprenne sur ce qu'a été la crise irakienne et les difficultés des derniers mois. Dans la position de la France, il y a, comme dans la position du Mexique, cette conviction : pour que le monde dans lequel nous vivons soit plus sûr, plus stable, il est important que nous bâtissions un nouvel ordre international issu de la nouvelle ère ouverte par la chute du mur de Berlin, un nouvel ordre international où l'ensemble des Etats trouve leur place, où des règles communes fixent notre capacité, notre volonté d'action. Et pour cela, nous avons la conviction que, dans les crises, il est important d'agir ensemble, de se concerter et de le faire en liaison avec les Nations unies et l'ordre multilatéral. C'est dire qu'il n'y a, à aucun moment, la volonté d'en découdre avec les Américains, la volonté de s'opposer aux Etats-Unis, mais il y a la conviction que pour être efficaces, nous devons agir ensemble selon le respect de certaines règles. Et, l'histoire le montre aujourd'hui au Proche-Orient, en Irak, en Afrique, à travers le monde, cette nécessité, cette force des identités culturelles, religieuses sont si grandes que, si nous ne prenons pas en compte la montée de ce facteur identitaire, il y a le risque de crises très graves, d'oppositions très graves, de guerres qui se multiplieraient et qui joueraient contre la stabilité du monde.
Donc, il est très important de constater cette union, cette très grande proximité qui existe entre nos deux Etats. Et puis, nous avons le même attachement à ce facteur d'identité, à ce facteur culturel. Nous le constatons quand nous voyons à quel point la mémoire commune, la création commune, relient nos deux pays. Que l'on prenne récemment de grands écrivains comme Jean-Marie Le Clézio, de grands peintres comme Hervé Di Rosa, comme notre ami Olivier Debré, que l'on prenne des grandes figures comme André Breton, comme Benjamin Perret, il y a là des liens qui se sont noués, qui ont mûri avec la culture mexicaine, avec le peuple mexicain. Et ce qui me touche le plus quand je viens ici à Mexico, c'est qu'au-delà des relations entre les Etats, entre les régions, entre les villes, il y a des relations très profondes entre le peuple français et le peuple mexicain. En tant que communauté française, vous avez des défis à relever, vous avez des difficultés au quotidien : bien sûr, la question de la sécurité, et je sais que c'est une préoccupation pour votre communauté et c'est une préoccupation que nous avons sur l'ensemble de la scène internationale. Nous sommes désireux de faire en sorte que cette sécurité soit toujours accrue : plus d'informations, plus de communication entre vous, une meilleure transparence entre les consulats, l'ambassade et vous-même, sont les éléments, les garanties les plus fortes de la capacité que nous avons à assurer la sécurité de notre, de votre communauté. Et puis, nous voulons faire des efforts ; l'ambassadeur me mentionnait le besoin de postes de radio, le besoin d'outils de communication vous permettant d'être en contact avec les chefs d'îlot, avec chacun d'entre vous. Il signalait également la nécessité d'avoir des cartes d'identité, des passeports informatisés, qui donnent toutes les garanties dans un monde où le terrorisme existe, là où les Etats-Unis sont particulièrement exigeants. C'est aussi une nécessité et nous voulons vous aider à faire face à ces défis.
Au-delà de la sécurité, bien sûr, la solidarité existe au sein de votre communauté et nous voulons y contribuer. Je sais que la Caisse des Français à l'étranger est particulièrement active ; elle est là pour faire en sorte qu'il n'y ait pas deux catégories de Français et, vous le savez, c'est aussi une priorité pour nous. Il n'y a pas ceux qui réussissent d'un côté, ceux qui s'intègrent, et ceux qui sont soumis aux aléas, aux vicissitudes de l'existence, aux difficultés de la vie. Non, nous sommes une seule et même famille. Et il est important que tous les ponts, toutes les passerelles permettent à chacun de connaître la situation de l'autre et d'y faire face. Je tiens à saluer tous ceux qui sont particulièrement actifs dans ce réseau communautaire, dans ce réseau solidaire de votre communauté : la Chambre de commerce et d'industrie, nos grandes associations, l'ADFE, l'UFE, l'accueil France-Mexico, les conseillers du Commerce extérieur, l'ensemble de ceux qui contribuent à tisser des liens au sein de votre communauté et j'en oublie bien sûr. Au-delà, il y a bien sûr l'éducation. Il y a l'importance que nous attachons à faire en sorte que chaque Français à l'étranger puisse avoir la même chance en développant les bourses pour permettre à chacun d'avoir la capacité d'accès à cette éducation. C'est là aussi une des grandes priorités que nous avons. A Monterrey ce matin, nous avons touché du doigt la réalité de notre action culturelle : l'Alliance française de Monterrey a non pas 7.000 étudiants, Monsieur l'Ambassadeur, mais plus de 8.000 ! Cela nous a été rappelé sur place. Chaque inscription compte. 35.000 inscrits ici au Mexique, le premier pourvoyeur d'inscriptions des alliances dans notre réseau international. C'est dire la vitalité de cette culture, l'attente qui existe et à quel point nous devons développer toujours davantage. On me parlait de l'Alliance française de Saltillo : 1.500 adhérents. Il y a là des signes très forts de cette vitalité française, du français qui s'inscrit véritablement comme la langue de référence, après l'anglais, puisque 10 % des étudiants veulent parler français. Cela veut dire 200.000 étudiants ; c'est un outil pour la coopération franco-mexicaine, un élément de référence. Nous ne devons pas décevoir et nous devons faire en sorte d'appuyer toutes les initiatives qui existent en matière culturelle. C'est une grande joie - vous l'imaginez - comme ministre de constater que dans une Alliance française, comme celle de Monterrey, de grands chanteurs, des hommes et femmes de théâtre, des équipes d'animation passent régulièrement pour produire le meilleur des spectacles que nous sommes capables de montrer à nos amis mexicains. Il faut mentionner aussi toutes les coopérations dans les domaines institutionnel, universitaire, artistique et je sais que beaucoup est fait dans ce domaine. Le réseau des écoles est extrêmement actif pour fédérer des solidarités avec nos amis mexicains. Il y a aussi les représentants de notre économie, tous ces hommes d'affaires, tous ceux qui contribuent à défendre la présence de la France : 6 % des investissements ; 6 à 7 % des investissements réalisés dans ce pays ; 600 millions de dollars d'investissements ; 90 000 emplois directs qui sont réalisés ici. Voilà des chiffres qui parlent tous seuls et qui montrent à quel point il n'y a pas de doute sur notre capacité. Il faut donc nous mobiliser davantage, travailler, faire en sorte, tous les jours, de marquer des points dans ce pays puisque l'attente existe, la capacité que nous avons à être compris, à être écoutés et entendus existe. Il nous faut tous les jours davantage essayer de nous implanter, petites et moyennes entreprises, grandes entreprises, publiques ou privées. Chacun a à coeur de s'inscrire dans ce paysage mexicain, à travers les efforts régionaux, je pense bien sûr à l'ALENA, aux relations entre l'Union européenne et l'Amérique latine, et je pense aux futurs accords d'association qui pourraient exister, au développement des relations à l'intérieur de chaque ensemble régional sud-américain ou latino-américain, le Pacte andin, le Mercosur ; il y a là des éléments de vitalité qui confirmeront le rôle pionnier et vital du Mexique.
Voilà, j'ai déjà été trop long, mais je voudrais dire, une nouvelle fois, la très grande fierté que j'éprouve en vous voyant, en voyant l'attachement que vous avez pour le Mexique, à quel point vous contribuez à faire respirer et à mettre en valeur cette relation entre la France et le Mexique. Redire, une nouvelle fois, la confiance et l'amitié que j'ai pour votre ambassadeur. Il fait partie de ces exemples très rares d'ambassadeur qui, quand on les rencontre, ne vous disent pas "Monsieur le Ministre, est-ce que vous pensez à moi pour un prochain poste ?" mais qui vous disent "je suis heureux là où je suis, heureux de servir dans ce pays et désireux d'y rester". Je tiens donc à le saluer comme ami, comme ministre, à saluer son épouse, Christine Faure. Parce que je crois que, quand nous avons, à l'image de tous les fonctionnaires qui servent ici, des gens qui aiment leur métier, qui aiment ce pays et y sont attachés, nous avons alors toutes les chances de réussir ; donc, à vous toutes, à vous tous merci.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juillet 2003)