Interview de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, à "LCI" le 4 septembre 2003, sur la politique budgétaire de l'Etat, notamment les mesures de baisse des impôts et de contrôle des dépenses publiques.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral


A. Hausser - Vous êtes très attendu, ce matin, avec l'annonce, par le Premier ministre, d'une baisse des impôts de 3 %. Le Premier ministre, qui se montre très prudent sur la baisse des dépenses, en revanche. Or, vous, vous dites, vous répétez que seule la maîtrise des dépenses peut rendre efficace la baisse d'impôts. Comment allez-vous vous en sortir avec un déficit qui est supérieur à ce qu'il devrait être, de 1 % ?
- "Le Premier ministre montre qu'il tient son cap, et cela c'est très important. Il a de la constance, il a de la persévérance, il est complètement dans la ligne de celle qu'il a annoncée au moment où il a été installé, et je pense que les agents économiques ont besoin de lisibilité. Cette décision du Premier ministre, au fond, fait confiance aux agents économiques. C'est leur dire : par l'impôt que vous ne paierez pas, vous pourrez l'allouer vous-même à la création d'emplois, au soutien à l'activité. Je pense que..."
Ca, c'est le discours, mais...
- "... cette décision sera bien accueillie. C'est un élément de confiance. Les agents économiques veulent savoir de quoi demain sera fait. On leur fait confiance en leur disant : vous êtes mieux placés que l'Etat pour allouer votre argent au soutien à l'emploi, au soutien à l'activité, au soutien de l'économie. Je crois que c'est ce qu'il faut retenir de la ligne qui a été arrêtée par J.-P. Raffarin."
Avec vous ? Parce que vous dites J.-P. Raffarin, mais étiez-vous d'accord, adhérez-vous à cette décision, ou bien êtes-vous un peu plus réservé, comme certains membres de votre majorité qui disent qu'il ne faudrait peut-être pas baisser l'impôt, parce que, justement, il ne faut pas trop augmenter le déficit ?
- "La politique du Gouvernent, c'est l'emploi et la croissance. Les mesures qui sont prises doivent servir ces objectifs, l'objectif de l'emploi et l'objectif de la croissance. Ce qui compte, encore une fois, c'est que ceux qui créent des emplois trouvent, à travers la politique du Gouvernement, la réponse à leurs attentes. Et donc, je crois que la décision du Premier ministre a été arrêtée, ce sera celle de la majorité qui le soutient."
C'est celle que vous défendiez ?
- "Oui. Je crois que cela encourage..."
Vous ne répondez pas.
- "... les premiers signes de reprise que nous pressentons déjà, que des entreprises constatent d'ailleurs dans les carnets de commandes, que nous constatons à la Bourse. Je crois que l'économie est en reprise, nous attendions déjà depuis un certain nombre de mois. Et je pense que le Premier ministre, en effet, soutient, encourage, accompagne cette croissance qui s'annonce."
Accompagner cette croissance, mais en même temps, il ne faut pas augmenter les dépenses. Comment pourrez-vous tenir la promesse de ne pas dépenser 1 euro de plus qu'en 2003 ?
- "C'est fait actuellement. S'agissant des dépenses de l'Etat, nous avons pris l'engagement de ne pas dépenser 1 euro de plus que ce qui a été autorisé par le Parlement. Je suis, semaine après semaine, la consommation de ces crédits ; je suis dans la ligne qui a été prévue. Et j'espère bien qu'au 31 décembre prochain, j'aurai démontré qu'il est possible, dans notre pays, et ce sera, sans doute la première fois depuis un nombre important d'années, de ne pas dépenser plus que ce qui était prévu. Il est vrai qu'il y a des dérapages de dépenses - dans l'assurance-maladie, que c'est un problème, dont il faut parler avec les Français -, mais il n'y a pas de dérapages de dépenses dans le budget de l'Etat."
C'est-à-dire que là où il y aura augmentation des dépenses, ce sont les budgets qui ne vous concernent pas, puisque ce sont les budgets sociaux, c'est ce que vous essayez de nous dire ?
- "Non, je ne sais pas. Je vous dis qu'en effet, les dérapages en dépenses, sont dans l'assurance-maladie. Mais le déficit est aussi alimenté par les pertes de recettes - des recettes de l'Etat, parce que les uns sont moins importants que ce qu'on avait pu espérer, et les recettes également dans le budget de la Sécurité sociale, puisque, comme vous savez qu'il y a une partie de recettes qui est assise notamment, grâce à la CSG sur les revenus. Quand vous avez une baisse des moins values fiscales, vous avez deux solutions : soit, vous relevez l'impôt, ce qui n'est pas imaginable ; soit, vous faites jouer ce qu'on appelle "les stabilisateurs économiques", c'est le choix que nous avons fait, en considérant, en effet, que c'est le seul moyen pour permettre à notre économie de continuer à fonctionner. Nous n'allions pas précipiter notre économie dans la récession. D'autres pays l'ont fait - l'Allemagne l'a fait, les Pays-Bas l'ont fait, le Portugal l'a fait et ces trois pays sont aujourd'hui en récession."
Soyons concrets : réduire les dépenses, cela veut dire supprimer un certain nombre de postes dans la fonction publique, c'est un sujet récurrent. Il y a des chiffres qui circulent : un jour, on nous dit 30 000, puis après, 5 000, puis 3 000. Etes-vous en mesure de nous donner un chiffre ?
- "Pas aujourd'hui."
Pourquoi ?
- "Mais tout simplement parce que c'est en cours de travail tout cela."
Oui, mais vous avez bien une idée de la masse.
- "Il y a des travaux techniques qui sont menés. Simplement, ce que nos compatriotes doivent savoir, c'est que l'administration, aujourd'hui, ce sont des métiers complètement différents. Vous avez des métiers où il faut créer des emplois parce que c'est nécessaire, on le voit bien, par exemple, pour les hôpitaux, les infirmières et autres. Cela pose..."
Cela ne concerne pas votre budget, on l'a dit..
- "Cela pose des problèmes. Vous avez d'autres métiers, qui sont des métiers, qui sont des métiers de traitement de l'information, cela peut être le cas, par exemple, à Bercy, où on nous traitons de l'information. L'impôt, c'est de l'information. Et là, vous avez un processus d'informatisation qui est considérable. Vous avez des progrès qui sont liés également à l'accroissement des connaissances, et ceci libère des emplois. Donc, globalement, nous aurons moins besoin d'emplois dans la fonction publique. Ceci va se réaliser par le non-remplacement de départs à la retraite, et cela permettra, en effet, de faire mieux pour les Français, en leur coûtant moins."
Il y a une autre question qui se pose qui est celle des niches fiscales. Parce que l'on dit réduction globale des impôts, mais on se rend compte qu'un certain nombre de catégories socioprofessionnelles, qui bénéficient de réductions supplémentaires. Le Conseil de l'impôt a proposé, ou va proposer, de les réduire ou de les supprimer. Quel est votre sentiment sur cette question ?
- "C'est un très vieux sujet."
Oui, mais il revient...
- "Nous sommes dans un pays où les niches fiscales se sont multipliées, tout simplement parce que le barème de l'impôt est trop élevé. Et comme le barème de l'impôt est trop élevé, il y a certains secteurs économiques qui ne peuvent pas fonctionner avec des impôts si élevés. Donc, on leur alloue un régime spécifique d'allégement d'impôts, et on les multiplie. La vraie solution, en supprimer des niches fiscales, c'est de baisser le barème général de l'impôt."
Et il n'est pas encore assez bas ?
- "Bien sûr, qu'il n'est pas assez bas. Les impôts sont trop élevés dans notre pays, tout simplement parce que les dépenses sont trop élevées."
Est-ce que vous avez des réserves ? Parce que vous parlez des budgets sociaux qui vont augmenter, donc on ne sait pas très bien comment on va les financer, mais il y a d'autres catastrophes - naturelles, agricoles - qui sont bien financées par le budget de l'Etat. Comment allez-vous faire face à d'éventuels pépins ?
- "On le fait par redéploiement. Pourquoi voulez-vous..."
C'est-à-dire, qu'on enlève à Paul ce qu'on va donner à Jacques...
- "Pas du tout. Quand vous gérez sérieusement un organe, qu'il soit public ou privé, vous allouez au début de l'année un certain nombre de moyens, vous ne les consommez pas tous. Tout simplement, parce que vous réalisez des progrès en gestion. Eh bien, ces progrès sont alloués, en effet, à des dépenses imprévues, qui n'ont pas pu être anticipées au début de l'année. Il faut savoir que le secteur public est un secteur qui peut réaliser des progrès de gestion, des gains de productivité. Pourquoi considérerions-nous que, dans l'administration, on ne peut pas faire de progrès ? C'est manquer de respect à l'endroit de l'administration. Elle est capable, comme le secteur privé, de réaliser des progrès."
Je voudrais savoir comment vous allez convaincre Bruxelles que, finalement, notre politique est la bonne ?
- "Je pense que les convaincre, c'est leur dire : ne précipitons pas l'Union européenne dans la récession économique. L'Allemagne est déjà en récession, je le disais tout à l'heure ; les Pays-Bas et le Portugal. Il ne manquerait plus qu'on y mette la France. Je crois que la France perçoit des signes de reprise, il faut encourager cette reprise. C'est la meilleure garantie pour que les Français trouvent un emploi quand ils en cherchent, conservent un emploi quand ils en ont un. Et je crois que, l'on voit que la reprise est annoncée, il faut l'encourager et l'accompagner."
Et le Gouvernement tout entier est derrière J.-P. Raffarin ? Il n'y a pas de débat là-dessus ?
- "Au complet. Tout le monde se sert les coudes et tout le monde repart de l'avant, parce que, précisément, les perspectives de reprise sont au rendez-vous."
Vous en êtes sûr ?
- "Profondément convaincu."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 septembre 2003)