Interview de M. Jacques Barrot, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à France 2 le 28 août 2003, sur le financement de l'aide aux personnes âgées et la politique budgétaire.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

R. Sicard - Hier, le Gouvernement a lancé l'idée de supprimer un jour férié pour financer une partie de l'aide aux personnes âgées. Le patronat dit "bravo". Vous, qu'est-ce que vous en pensez ?
- "J'ai toujours pensé qu'un geste collectif pour la solidarité serait une bonne chose, les Allemands l'ont fait. Il ne s'agit pas de ne pas payer les travailleurs, ils seront payés, mais le fruit des cotisations, et disons, le fruit de la productivité accrue, permettra d'améliorer le financement de tout ce qui concerne les personnes les plus vulnérables, les plus fragiles de la société, personnes âgées très dépendantes, handicapés. Je crois, pour ma part, qu'il faut un signe de générosité collective et moi j'ose espérer qu'après toutes les concertations nécessaires et toutes les mises au point indispensables, on y parviendra."
L'opposition dit que c'est un gadget et puis surtout que c'est simplement, une fois de plus, les seuls salariés qui vont contribuer ?
- "D'abord, ce n'est pas un gadget, cela rapporte de l'argent, une journée de plus de travail français, cela compte pour soutenir notre système de solidarité."
Mais, est-ce que ce n'est pas l'ensemble des Français qui devraient participer ? Pas seulement les salariés.
- "Mais cela ne veut pas dire que l'on veut faire uniquement cela. Cela veut dire que, dans le même temps, il faut renforcer aussi notre aide pour l'encadrement des personnes les plus dépendantes. Nous aurons, en 2020, plus de 2 millions de personnes de plus de 85 ans. C'est un enjeu humain très important, il faut que nous nous y préparions et chacun à sa mesure doit aussi, les uns en travaillant un tout petit peu plus, les autres en payant un petit peu plus, que nous nous donnions les moyens de permettre à tous ces gens, une fin de vie décente. C'est un vrai problème humain auquel nous sommes tous concernés."
Autrefois c'était la vignette qui avait été créée pour financer l'aide aux personnes âgées. Finalement, est-ce qu'on ne devrait pas aussi rétablir la vignette ?
- "Non, je crois qu'il faudra accroître - je dois dire qu'ayant été moi-même ministre de la Santé, c'était mon grand souci avant de quitter le ministère, cela a été - de renforcer un peu les effectifs d'infirmières, d'aides-soignantes dans les maisons de retraite, parce que je sentais ..."
Mais sur le financement, le rétablissement de la vignette, cela ne vous paraît pas une bonne idée ?
- "Non je ne crois pas, je crois qu'il y a des financements normaux, mais ce qu'il faut, c'est que le Français acceptent aussi dans les dépenses de prise en charge de l'assurance maladie, on donne quand même la priorité à ceux qui en ont le plus besoin."
Si on devait finalement supprimer un de ces jours fériés, lequel vous paraît le plus appropriés ? On parlait du 8 mai, du lundi de pentecôte ? Finalement ce serait quoi ?
- "Je crois qu'il faut une concertation, avec les associations, avec les églises. Il semble que les églises comprennent que, par exemple, le lundi de pentecôte pourrait être choisi. Mais laissons un peu ce sujet à la concertation. J'insiste, ce matin, cela ne peut pas être la panacée cette affaire, c'est un élément important qui a, d'abord, un résultat financier et qui a surtout une valeur symbolique. Tous ensemble, nous nous préoccupons des plus dépendants, des plus vulnérables de la société."
En tout cas, le Gouvernement était critiqué pour sa gestion de la crise, le parti socialiste et le parti communiste avait demandé la création d'une commission d'enquête, l'UMP vient de la demander. Vous n'êtes pas un petit peu à la remorque, là-dessus ?
- "Ah pas du tout, parce que nous avons même anticipé. Nous nous sommes dit : la commission n'aura la possibilité de se réunir que quand l'Assemblée nationale va se réunir le 1er octobre."
Justement, l'opposition disait : il faut convoquer tout de suite le Parlement.
- "Oui mais enfin, convoquer le Parlement. On a un moyen pratique de commencer à regarder ce qui s'est passé, à faire toute la lumière comme le veut J. Chirac, c'est une mission d'information, et la commission des Affaires sociales qui est compétente, se met au travail, elle va déjà commencer à comprendre comment ont fonctionné, notamment, les services de médecine de ville, comment l'Agence de veille sanitaire n'a pas été, semble-t-il, mise en branle par les appels des urgentistes. Il faut regarder les faits pour corriger ce qui ne va pas, pas pour chercher des boucs-émissaires. On sait bien que dans cette affaire, il y eu un drame nationale qui s'est noué et qui implique, un peu, une responsabilité de tous."
Y compris le Gouvernement ?
- "Mais le Gouvernement, comme chacun des citoyens, doit s'interroger sur ce qu'il doit absolument améliorer."
Est-ce que, par exemple, aujourd'hui, vous regrettez qu'il ait fallu baisser l'aide aux personnes à domicile, par exemple, pour des raisons budgétaires ?
- "L'aide à domicile n'a pas été baissée, la vérité c'est que ..."
Les plafonds ont été abaissés.
- "Non, l'aide personnalisée à l'autonomie, pour arriver à la financer, on a simplement été obligé de faire un plafond. Mais cela étant, ce n'est pas là le problème. Le problème c'est que depuis des années, on n'a pas su donner les priorités qu'il fallait. Je suis assez sévère d'ailleurs sur le gouvernement précédent. N'oubliez pas que le peu d'argent que nous avons mis en plus sur les maisons de retraite a été essentiellement utilisé pour financer les 35 heures au lieu de renforcer les effectifs. Alors, attention, et d'ailleurs la commission d'enquête devra bien montrer cela."
Hier, J.-P. Raffarin était à Bruxelles pour tenter d'assouplir la position de la Commission européenne. Visiblement, ce n'est pas un succès. On a l'impression que la Commission de Bruxelles est vraiment très stricte et que les déficits, on ne pourra pas les dépasser."
- "Je crois quand même que J.-P. Raffarin a fait passer un message. Il a dit qu'on ne peut pas, quand on a la sécheresse, quand on a toute une série de problèmes majeurs, réduire comme cela le déficit d'un coup de magique, il faut un petit peu de temps. Mais, il a bien montré qu'on allait suivre le cap, il faut réduire les déficits. Vous me permettrez d'ajouter que le Pacte de stabilité, c'est une barrière de sécurité. Il est certain qu'il ne faut pas tomber dans le fossé des déficits parce qu'après on a une dette qui grandit, qui grandit et qui obère l'avenir."
Oui, mais on a l'impression que l'euro ne sert pas à la croissance ?
- "Alors justement, là vous posez la vrai question. Il faut se demander si l'on peut se contenter d'un Pacte de stabilité ou si l'heure n'est pas venu que les gouvernements des pays qui ont choisi cette monnaie unique, se servent vraiment de cette monnaie unique pour imaginer ensemble une stratégie de développement. Moi, je suis de ceux qui pensent que lorsqu'on a une monnaie unique, on se met tous autour de la table, on réfléchit au meilleur moyen de trouver une croissance supérieur."
Cela veut dire qu'il faut renégocier le Pacte de stabilité ?
- "Il faut surtout, désormais, accepter de définir ensemble, une stratégie économique. Je donne un exemple : il faut que cette Europe qui a l'euro maintenant, accepte aussi que les investissements - je parle en matière de recherche, d'innovation -, continuent quoiqu'il arrive même s'il y a des déficits, parce que ce sont ces investissements qui vont préparer la croissance de demain. Sinon, les Américains continueront à avoir toujours une croissance supérieure à l'Europe. Mais il faut une gouvernance économique, il faut que chacun des pays qui est lié par la même monnaie, il faut qu'ensemble on décide d'une stratégie économique. C'est cela le vrai problème. Il faut dépasser le pacte de stabilité, faire quelque chose qui soit beaucoup plus dynamique."
Un mot sur les impôts. La croissance est en baisse. Est-ce que dans ces conditions, les baisses d'impôts promises par J. Chirac vont pouvoir se poursuivre ?
- "Il faut comprendre, d'ailleurs pourquoi la baisse d'impôts. La baisse d'impôts, cela peut servir d'une part, c'est vrai, à permettre un peu plus de consommation, cela encourage aussi tous les gens qui bossent et puis, enfin, il y a la baisse sur les investissements, parce qu'une entreprise, elle investit si vous lui donner un petit coup de pouce, si vous lui permettez par exemple d'amortir les dépenses pour cette nouvelle usine plus rapidement."
Concrètement, cette baisse d'impôts va se poursuivre cette année, ou pas ?
- "Il faut la poursuivre."
1 %, 2 %, 3 % ?
- "Le rythme doit être adapté aux possibilités et je pense que les contribuables, ce qu'ils veulent pour avoir confiance dans l'avenir, ce qu'ils disent au Gouvernement, c'est "ne change pas de cap". Il y aura la baisse des impôts promises par le Président. Mais nous admettons qu'il y a un petit ralentissement parce que nous avons des tâches de solidarité, parce qu'il ne faut pas perdre de vue l'investissement en recherche, en innovation."
(Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 août 2003)