Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, à RFO Nouvelle-Calédonie le 19 mars 2003, sur les mesures en faveur des victimes du cyclone Erica en Nouvelle-Calédonie.

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Circonstance : Déplacement de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie les 18 et 19 mars 2003

Média : Radio France d'outre mer

Texte intégral

JTNC : On ne vous attendait pas de sitôt mais ERICA est passé par-là. Avant d'évoquer tout à l'heure les raisons de votre venue et surtout les réponses concrètes que vous allez apporter à toute cette détresse, au fond, malgré les informations que vous aviez à Paris, vous avez été surprise des effets causés par ERICA, impressionnée ?
B. GIRARDIN : Oui c'est assez impressionnant de voir la violence du phénomène qui a provoqué un véritable désastre, et c'est vrai que j'ai eu un sentiment partagé parce qu'on a un paysage de désolation épouvantable, puis en même temps, en rencontrant à la fois tous ceux qui participent aux secours, que ce soit des militaires, les pompiers, les gendarmes, il y a vraiment un dévouement extraordinaire et en même temps, une solidarité entre tout le monde dans les tribus, qui est tout à fait remarquable, et j'étais très impressionnée par cette grande solidarité entre tous, par ce travail acharné que tout le monde mène chacun à sa place, et en même temps, une très grande dignité. Chacun supporte ce choc avec beaucoup de calme, de responsabilités, et cette dignité, notamment dans les tribus, m'a énormément frappé, impressionné.
JTNC : Vous étiez à Pothé (Bourail), une tribu qui a subi d'importants dégâts, avez-vous trouvé des gens confiants ?
B. GIRARDIN : Oui des gens courageux, qui ont envie de reconstruire, qui se disent, on est encore en vie, donc il faut se battre, et vraiment un comportement très digne qui réconforte finalement et qui donne encore plus envie d'aider, qu'on soit tous là pour reconstruire la Nouvelle-Calédonie.
JTNC : Brigitte GIRARDIN, beaucoup de sinistrés ne sont pas assurés. Vous avez avancé 3 types de mesures. Il y a d'abord les aides d'extrême urgence, on a bien compris que ces 60 Millions CFP, 40 plus les 20 que vous avez annoncés aujourd'hui, sont vraiment destinés à ceux qui en ont le plus besoin tout de suite, mais il va y avoir la création de ce fonds de secours destiné cette fois aux indemnisations. Comment cela va se passer, sachant qu'il y a les particuliers mais aussi les collectivités, puis les infrastructures qui sont de votre responsabilité ?
B. GIRARDIN : Comme vous l'avez souligné, on a d'abord répondu à l'urgence. Et sur les 500 000 uros que nous avons débloqués, le haut-commissaire m'indiquait que 450 000 uros avaient déjà été dépensés. Donc cette aide d'urgence a pu vraiment arriver sur le terrain dans des délais particulièrement rapides. Mais au-delà de cette urgence, et je rappelle que comme on reste encore dans l'urgence, dès demain, l'équipe de la Sécurité Civile qui arrivera avec du matériel, puisqu'il y a 10 tonnes de fret qui arrivent avec cette équipe de 60 spécialistes, n'oubliez pas que notamment en province Nord, dans certaines tribus, on n'a pas encore pu accéder à certaines parties du territoire, on n'a pas encore terminé la phase d'urgence. Mais c'est vrai qu'il faut s'attaquer dès maintenant à la suite et aux réelles indemnisations que nous devrons mettre en oeuvre et surtout évidemment pour tous ceux qui ne peuvent pas bénéficier d'assurance et qui n'avaient pas du matériel assuré, ou souvent les assurances ne marchent pas en cas de cyclone, il faut pouvoir répondre à tous ces besoins, et le fonds de secours va être mis en place, et les crédits seront vraiment débloqués sans difficulté, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires, simplement, nous ne pouvons débloquer les crédits que lorsque nous recevons les dossiers individuels. Donc il y a 3 catégories de cas, il y a les particuliers qui ont perdu des biens mobiliers, ils doivent en faire l'estimation, bien sûr, il faudra que tout cela se fasse avec un minimum de contrôle, qu'on n'ait pas des dérapages, mais tous les particuliers qui ont perdu des biens au cours de cette catastrophe, pourront nous adresser un dossier et seront indemnisés, dans le cadre de ce fonds de secours. Il faut qu'ils déposent leur dossier à leur mairie. Le maire transmet le dossier au haut-commissaire qui ensuite me l'adresse. Nous allons veiller à ce que cette procédure soit la plus rapide possible, le plus urgent, c'est de constituer son dossier. Donc les particuliers, les agriculteurs, il y a beaucoup d'agriculteurs ou d'éleveurs qui souffrent et qui n'ont plus d'activités économiques ou une activité particulièrement réduite, et qui ont subi des pertes importantes, donc là aussi, le fonds de secours permettra d'indemniser ces agriculteurs puis enfin les collectivités locales. Toutes les communes qui ont eu des infrastructures particulièrement endommagées, l'Etat sera là aussi présent dans le cadre de ce fonds de secours. J'insiste bien sur le fait que chaque maire doit aider ses compatriotes à constituer ces dossiers individuels, qu'on aille très vite, et à partir du moment où le dossier est fait, les crédits seront débloqués très rapidement.
JTNC : On a une idée de l'enveloppe que cela va générer ?
B. GIRARDIN : Pour l'instant, il serait hasardeux d'avancer un chiffre parce qu'on est vraiment dans cette phase d'évaluation, il est encore trop tôt pour le dire, mais en tout cas, nous ferons face. La solidarité nationale jouera à fond et il n'y a aucune raison que nous laissions les populations de la Nouvelle-Calédonie dans le désarroi, et nous serons bien présents pour les aider.
JTNC : Et ceux qui sont comme les agriculteurs, mal assurés et qui vont devoir faire face quand même à plusieurs millions de trou, le fonds de secours peut-il venir éventuellement en complément d'assurances incertaines ?
B. GIRARDIN : On fera du cas par cas, on évaluera aussi en fonction de la difficulté des situations. Comme chaque fois que se produit une catastrophe, il faut aussi être un peu pragmatique et ajuster les principes à la situation du terrain.

JTNC : Brigitte GIRARDIN, le Nord s'est senti plus que jamais isolé, problème de communication pour les secours, plusieurs élus ont déclaré qu'on n'avait peut-être pas retenu les leçons du cyclone BETY en mars 1996. Que répondez-vous à cela ?
B. GIRARDIN : Je n'ai pas entendu ce discours. J'entends votre commentaire, je n'ai pas entendu ce discours. Je voudrais quand même rappeler que sur les 3000 hommes qui sont sur le terrain, ils sont déjà prépositionnés en quelque sorte dans le Nord, les SMA de Koumac ou de Koné, plus tous les militaires qui sont sur le terrain, donc il n'y a pas de déséquilibre ni avant, ni après le cyclone. D'autre part, il y a un minimum de compétences logistiques à avoir. Si Nouméa est le centre de prépositionnement pour les interventions en matière cyclonique, pas seulement d'ailleurs sur la Nouvelle-Calédonie mais sur l'ensemble du Pacifique, de même que Papeete est aussi un centre de prépositionnement, c'est pour des raisons évidentes, d'efficacité. A partir du moment où vous mettez toutes les ressources nécessaires pour faire face à un cyclone dans un endroit où vous avez les moyens aériens disponibles, cela me paraît assez clair que c'est la logique même et l'intelligence même d'une efficacité en terme de logistique. Je crois qu'il faut arrêter de lancer des polémiques qui n'ont pas lieu d'être. Nous avons une concentration des moyens à Nouméa comme nous en avons à Papeete en Polynésie, parce que c'est de là que l'on peut être le plus efficace, c'est dans cet endroit que l'on dispose de tous les moyens aériens nécessaires, et l'efficacité a été au rendez-vous, et ce que j'ai vu en province Nord, en voyant les équipes à l'oeuvre, et depuis déjà plusieurs jours, je ne pense pas qu'il y ait eu des moyens moindres dans le Nord, en tout cas, il m'a semblé qu'on avait vraiment répondu à la situation, et je n'ai pas entendu de critique des élus, bien au contraire, les gens que j'ai rencontrés dans les tribus ou dans les communes que j'ai visitées, au contraire, ont exprimé leur satisfaction devant la rapidité des secours, et j'ajoute que demain, l'unité de Sécurité Civile qui arrive demain à la Tontouta, partira directement dans le Nord où là nous avons encore quelques problèmes de communication à régler, et quelques tribus isolées, pour lesquelles nous souhaitons faire un effort particulier. Donc je ne pense pas que l'on puisse accuser qui que ce soit d'avoir favorisé une partie du territoire plutôt qu'une autre.
JTNC : A Koné, Daniel POIGOUNE vous a demandé s'il serait possible de faire appliquer en Nouvelle-Calédonie les textes régissant la déclaration de catastrophe naturelle, d'abord, c'est possible, est-ce souhaitable ?
B. GIRARDIN : D'abord, c'est un malentendu parce qu'en matière de catastrophe naturelle, on ne vise pas les personnes non-assurées. Donc le fonds de secours répond complètement aux demandes et qu'on ne peut pas imaginer de système meilleur que celui-là, là dessus, le fonds de secours qu'on mettra en place, répondra vraiment aux problèmes et il n'y a pas à envier tel ou tel autre dispositif car celui-là est aussi efficace.

JTNC : Brigitte GIRARDIN, ERICA a surpris tout le monde par sa rapidité, surtout son accélération inattendue, "Alerte 2" plus ou moins tardive mais sans doute aussi à cause d'informations météo insuffisantes. L'Etat ne peut-il pas faire un effort de ce côté, sachant par exemple que les radars de Tiébaghi qui sont les premiers concernés généralement par les cyclones qui viennent du Nord, ont cassé tout de suite, et les liaisons téléphoniques également, ne pourrait-on pas faire un effort à ce niveau ?
B. GIRARDIN : L'Etat peut faire beaucoup de choses mais quant à avoir un pouvoir sur la météo, j'en doute quand même. Ce que je constate, c'est que contrairement à tout ce qui se passe habituellement, d'après les spécialistes, un cyclone qui arrive sur la terre, normalement, il s'essouffle un peu, et là on a vu le phénomène inverse, si bien que le haut-commissaire a déclenché tout de suite l'alerte maximum, et compte tenu de la violence de ce phénomène, je crois que les choses ont été faites dans les temps, chacun a pu rentrer chez soi à temps, et je suis quand même soulagée de voir que malgré cette violence, nous n'avons eu à déplorer si j'ose dire que deux victimes, mais c'est toujours deux victimes de trop, certes, mais je tiens d'ailleurs à faire part de non seulement ma solidarité mais de ma profonde sympathie aux familles de ces deux victimes, et aussi aux familles et aux blessés que nous avons malheureusement dénombrés. Vraiment, chacun a eu les bons réflexes et l'organisation a été convenable, sinon nous aurions eu à regretter sans doute beaucoup plus de victimes.
JTNC : Brigitte GIRARDIN, de très gros dégâts, plusieurs milliards de francs sans doute mais aussi un très gros effort de l'Etat qui suit rapidement. Selon vos informations et vos estimations, combien de temps faudra-t-il pour que les choses reviennent à peu près normalement en Nouvelle-Calédonie ?
G. GIRARDIN : Je constate déjà que 80 % du territoire a le retour à l'électricité et 90 % pour le téléphone. Donc encore une fois, je salue vraiment l'efficacité, la rapidité de toutes les équipes. Puis je voudrais dire aussi qu'il n'y a pas que l'Etat qui fait des efforts. Le territoire, le gouvernement, les provinces sont aussi mobilisés. D'ailleurs demain, j'aurai l'occasion de faire une réunion avec tout le monde, de coordination pour que nous puissions être encore plus efficaces. Dici quelques jours, les fonctionnements les plus essentiels seront là, je parle de l'eau, de l'électricité, du téléphone, ce n'est plus qu'une affaire de quelques jours.

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 25 mars 2003)