Texte intégral
Q - Où en est-on des discussions sur un éventuel marché transatlantique ?
R - C'est un des sujets majeurs de la discussion. On en parle et on en parlera à Birmingham, mais aussi à Londres lors du sommet transatlantique de la semaine prochaine. On en parle entre Européens, on en parle avec les Américains.
Nous n'avons pas voulu du NTM, une initiative de Sir Leon Brittan, et j'ai cru comprendre ce matin que les Américains eux-mêmes n'étaient pas absolument emballés par la perspective qui leur était offerte à l'époque. Cette initiative de Sir Leon Brittan, qui n'avait pas de mandat, n'a pas eu d'interlocuteurs convaincus en face.
Mais ce n'est pas parce que ce traité n'existe pas que les relations transatlantiques sont terminées. Il est donc logique que l'on continue à discuter.
Le Conseil Affaires générales du 27 avril avait dit qu'il y avait un mandat pour discuter sur la base du nouvel agenda transatlantique qui avait été défini en 1995.
Pour nous, les lois extra-territoriales ne sont pas un bon principe et nous n'acceptons pas l'idée de fournir des contreparties aux Américains pour quelles ne soient pas appliquées intégralement. Il ne doit y avoir aucune condition.
Q - Si l'administration américaine dit que les lois américaines comme Helms-Burton ou d'Amato sont applicables, mais avec un "waiver," cela vous suffit-il dans l'immédiat et ainsi ne pas vous amener devant l'OMC pour engager des procédures ?
R - Je n'aime pas trop me placer dans des positions de politique-fiction. Un "waiver" est mieux que la situation actuelle, dans la mesure où nous le préfèrons à la menace de sanctions. S'il y a des sanctions, il n'y a aucun doute que l'on ouvrira un panel. S'il n'y en a pas, il n'y aura pas forcément de raison que nous le fassions. Le mieux serait quand même d'entrer dans un processus qui mène à la non-application de ces lois que nous considérons comme mauvaises à tous égards.
Q - Si ces fameuses lois sont applicables, mais avec ce fameux "waiver", cela n'empêche-t-il pas le dialogue transatlantique de repartir sur de nouvelles bases ? Ce n'est pas un casus belli côté européen ?
R - Non, mais ce n'est pas non plus satisfaisant.
Q - Sur l'attitude américaine face à l'Europe ?
R - Je ne pense pas que la perception américaine de l'Europe soit monolithique. Elle évolue par ailleurs vers le positif. Il y a assurément un courant idéologique qui continue d'être hostile à la construction européenne et à l'euro et qui pense que cela ne va pas marcher, que cela va créer des distorsions. J'ai l'impression que ce courant est en recul. La plupart des Américains perçoivent quand même l'intérêt qu'il y a pour l'Europe et pour eux de faire l'euro. Certains pensent même que ce sera un facteur de recomposition fort.
Q - Selon vous quel courant domine au sein de l'administration américaine ?
R - Un courant qui suit les choses avec attention et qui comprend qu'il doit prendre en compte des faits nouveaux. L'euro est un fait que plus personne ne peut ignorer.
Q - L'Europe est-elle perçue comme une concurrente ?
R - Elle l'est sans doute. Je préfère parler de partage de leadership. L'euro n'est pas un rival pour le dollar. C'est un facteur de structuration et de rééquilibrage.
Q - Quelles sont les préoccupations des journalistes américains que vous avez rencontrés ce matin?
R - Les crises d'actualité : l'Inde, le Kossovo, l'Iraq, la Turquie. Pas tellement l'Europe.
Q - Sur l'Inde vous dîtes des choses différentes des Américains? C'est un désaccord?
R - La France déplore ce qui s'est passé. La prolifération est un grand danger, surtout quand cela se passe dans une région où les rapports entre pays sont délicats. Il est vrai aussi que l'Inde n'a pas à proprement parlé violé des traités. A partir de là, il faut l'inciter à signer ces traités et à avoir une attitude de retenue.
La politique américaine de sanctions automatiques n'est pas la nôtre. Nous ne définissons pas notre politique en réaction à l'attitude des Etats-Unis. Nos réactions sont différentes. Les sanctions sont un mécanisme extrêmement fort envers l'opinion mais en même temps c'est une contrainte très grande.
De manière générale, il faut éviter la tentation d'unilatéralisme, que ce soit en matière commerciale ou en matière politique.
Les relations euro-américaines ne sont pas conflictuelles et il faut chercher les points sur lesquels on peut dialoguer. Les choses sont beaucoup moins contradictoires qu'on ne pense.
Q - Avez-vous l'impression que les Etats-Unis évoluent vers plus d'unilatéralisme ces derniers temps ?
R - Je ne crois pas que ce soit un phénomène nouveau. Il y a quelques lois qui vont dans ce sens-là, mais le dialogue se poursuit par ailleurs. Les lois dont on parle sont des menaces agitées, mais on ne sait pas si elles vont vraiment s'appliquer. Si on entre dans un système de "waiver" systématique, ces lois vont se dévitaliser d'elles-mêmes. C'est ce que nous souhaitons.
Q - Ne pensez vous pas que la tentation historique des Etats-Unis de se replier sur soi est en train de gagner ?
R - Non, car il faut distinguer l'isolationnisme de l'unilatéralisme. Les Etats-Unis ne sont pas dans une phase où ils restent chez eux, ils ont au contraire une attitude allante sur la plupart des sujets. En revanche, l'unilatéralisme c'est prendre une décision et de demander aux autres de se définir par rapport à cette décision. Par exemple sur l'Inde, nous ne prenons pas notre décision par rapport à ce que disent les Américains.
Q - Vous croyez quand même que le réaction américaine est un peu excessive ?
R - Ce n'est pas la nôtre. Q - Vous avez parlé de quoi avec Mme Barschevski ?
R - Des problèmes commerciaux et des lois américaines en cours. Je lui ai expliqué qu'il n'y avait pas d'attitude anti-américaine ou de réticences dans nos psositions sur le NTM ou l'AMI, mais qu'il y avait des conditions précises que nous mettions à ce type d'initiatives, notament commerciales.
D'autre part, nous sommes en faveur du multilatéralisme. Il y a un cadre qui existe, c'est l'OMC, elle est là pour cela.
Nous avons également parlé des OGM, les Organismes génétiquement modifiés, notamment le maïs. Plusieurs espèces de maïs attendent leur autorisation d'entrée sur le marché européen et les Américains sont extrêmement pressés sur ce point. J'ai expliqué que l'opinion européenne est aussi sensible sur ce sujet que l'opinion américaine l'est sur le nucléaire. Nous sommes donc très prudents. Le gouvernement a pris une décision qui est d'avoir à la fois d'avoir une position ouverte mais soucieuse de l'opinion sur le sujet. Ouverte dans le sens où nous nous conformerons aux avis des comités scientifiques européens. En l'occurrence, ils sont positifs. Mais en même temps, nous allons consulter l'opinion lors d'une conférence citoyenne qui traitera de cela en juin.
Q - Les 35 heures suscitent ici un certain scepticisme.
R - Nous n'essayons pas de convaincre nos partenaires sur les 35 heures. C'est notre solution.
Q - Y-a-t'il des inquiétudes américaine sur le chômage en Europe qui risque à terme d'avoir une influence négative sur l'euro ?
R - S'il y a eu des conséquences négatives de la monnaie unique, elles ont déjà eu lieu. On aurait pu dire cela il y a trois ou quatre ans lorsque les efforts ont été faits pour respecter les critères de convergence. Tous les pays qui sont dans l'euro l'ont fait. Il ne peut pas y avoir d'effet négatif sur le chômage.
Q - Si le chômage reste à un niveau élevé, il pourra y avoir des tensions assez vives sur la monnaie unique. Cela pourrait faire éclater le système.
R - Ce danger existe déjà au niveau national. Mais aujourd'hui la conjoncture n'est pas mauvaise pour lancer l'euro.
Q - Les Américains vous interrogent-ils sur le fonctionnement de la Banque centrale européenne ? Et à Bruxelles, que s'est-il passé ?
R - Les Allemands voulaient l'indépendance de la Banque centrale et ils voulaient M. Duisenberg. Nous voulions qu'il y ait aussi un organe politique, et nous voulions une décision politique et qu'un Français soit premier président de la Banque après la mise en place des billets et des pièces. Cela a été pénible, mais nous y sommes arrivés.
Mais la manière dont cela s'est passé est une péripétie sans importance. Les marchés ne s'y sont pas trompés. Le résultat est tout à fait convenable. Il n'y a pas d'incertitude sur la volonté de M. Duisenberg de céder la place. Il n'y a pas de raison de douter de sa parole, c'est un homme en qui nous pouvons faire entièrement confiance.
Q - On se dirige vers un compromis du même type pour la question de la BERD ?
R - On devrait trouver un compromis calmement. La France soutiendra son candidat./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 septembre 2001)
R - C'est un des sujets majeurs de la discussion. On en parle et on en parlera à Birmingham, mais aussi à Londres lors du sommet transatlantique de la semaine prochaine. On en parle entre Européens, on en parle avec les Américains.
Nous n'avons pas voulu du NTM, une initiative de Sir Leon Brittan, et j'ai cru comprendre ce matin que les Américains eux-mêmes n'étaient pas absolument emballés par la perspective qui leur était offerte à l'époque. Cette initiative de Sir Leon Brittan, qui n'avait pas de mandat, n'a pas eu d'interlocuteurs convaincus en face.
Mais ce n'est pas parce que ce traité n'existe pas que les relations transatlantiques sont terminées. Il est donc logique que l'on continue à discuter.
Le Conseil Affaires générales du 27 avril avait dit qu'il y avait un mandat pour discuter sur la base du nouvel agenda transatlantique qui avait été défini en 1995.
Pour nous, les lois extra-territoriales ne sont pas un bon principe et nous n'acceptons pas l'idée de fournir des contreparties aux Américains pour quelles ne soient pas appliquées intégralement. Il ne doit y avoir aucune condition.
Q - Si l'administration américaine dit que les lois américaines comme Helms-Burton ou d'Amato sont applicables, mais avec un "waiver," cela vous suffit-il dans l'immédiat et ainsi ne pas vous amener devant l'OMC pour engager des procédures ?
R - Je n'aime pas trop me placer dans des positions de politique-fiction. Un "waiver" est mieux que la situation actuelle, dans la mesure où nous le préfèrons à la menace de sanctions. S'il y a des sanctions, il n'y a aucun doute que l'on ouvrira un panel. S'il n'y en a pas, il n'y aura pas forcément de raison que nous le fassions. Le mieux serait quand même d'entrer dans un processus qui mène à la non-application de ces lois que nous considérons comme mauvaises à tous égards.
Q - Si ces fameuses lois sont applicables, mais avec ce fameux "waiver", cela n'empêche-t-il pas le dialogue transatlantique de repartir sur de nouvelles bases ? Ce n'est pas un casus belli côté européen ?
R - Non, mais ce n'est pas non plus satisfaisant.
Q - Sur l'attitude américaine face à l'Europe ?
R - Je ne pense pas que la perception américaine de l'Europe soit monolithique. Elle évolue par ailleurs vers le positif. Il y a assurément un courant idéologique qui continue d'être hostile à la construction européenne et à l'euro et qui pense que cela ne va pas marcher, que cela va créer des distorsions. J'ai l'impression que ce courant est en recul. La plupart des Américains perçoivent quand même l'intérêt qu'il y a pour l'Europe et pour eux de faire l'euro. Certains pensent même que ce sera un facteur de recomposition fort.
Q - Selon vous quel courant domine au sein de l'administration américaine ?
R - Un courant qui suit les choses avec attention et qui comprend qu'il doit prendre en compte des faits nouveaux. L'euro est un fait que plus personne ne peut ignorer.
Q - L'Europe est-elle perçue comme une concurrente ?
R - Elle l'est sans doute. Je préfère parler de partage de leadership. L'euro n'est pas un rival pour le dollar. C'est un facteur de structuration et de rééquilibrage.
Q - Quelles sont les préoccupations des journalistes américains que vous avez rencontrés ce matin?
R - Les crises d'actualité : l'Inde, le Kossovo, l'Iraq, la Turquie. Pas tellement l'Europe.
Q - Sur l'Inde vous dîtes des choses différentes des Américains? C'est un désaccord?
R - La France déplore ce qui s'est passé. La prolifération est un grand danger, surtout quand cela se passe dans une région où les rapports entre pays sont délicats. Il est vrai aussi que l'Inde n'a pas à proprement parlé violé des traités. A partir de là, il faut l'inciter à signer ces traités et à avoir une attitude de retenue.
La politique américaine de sanctions automatiques n'est pas la nôtre. Nous ne définissons pas notre politique en réaction à l'attitude des Etats-Unis. Nos réactions sont différentes. Les sanctions sont un mécanisme extrêmement fort envers l'opinion mais en même temps c'est une contrainte très grande.
De manière générale, il faut éviter la tentation d'unilatéralisme, que ce soit en matière commerciale ou en matière politique.
Les relations euro-américaines ne sont pas conflictuelles et il faut chercher les points sur lesquels on peut dialoguer. Les choses sont beaucoup moins contradictoires qu'on ne pense.
Q - Avez-vous l'impression que les Etats-Unis évoluent vers plus d'unilatéralisme ces derniers temps ?
R - Je ne crois pas que ce soit un phénomène nouveau. Il y a quelques lois qui vont dans ce sens-là, mais le dialogue se poursuit par ailleurs. Les lois dont on parle sont des menaces agitées, mais on ne sait pas si elles vont vraiment s'appliquer. Si on entre dans un système de "waiver" systématique, ces lois vont se dévitaliser d'elles-mêmes. C'est ce que nous souhaitons.
Q - Ne pensez vous pas que la tentation historique des Etats-Unis de se replier sur soi est en train de gagner ?
R - Non, car il faut distinguer l'isolationnisme de l'unilatéralisme. Les Etats-Unis ne sont pas dans une phase où ils restent chez eux, ils ont au contraire une attitude allante sur la plupart des sujets. En revanche, l'unilatéralisme c'est prendre une décision et de demander aux autres de se définir par rapport à cette décision. Par exemple sur l'Inde, nous ne prenons pas notre décision par rapport à ce que disent les Américains.
Q - Vous croyez quand même que le réaction américaine est un peu excessive ?
R - Ce n'est pas la nôtre. Q - Vous avez parlé de quoi avec Mme Barschevski ?
R - Des problèmes commerciaux et des lois américaines en cours. Je lui ai expliqué qu'il n'y avait pas d'attitude anti-américaine ou de réticences dans nos psositions sur le NTM ou l'AMI, mais qu'il y avait des conditions précises que nous mettions à ce type d'initiatives, notament commerciales.
D'autre part, nous sommes en faveur du multilatéralisme. Il y a un cadre qui existe, c'est l'OMC, elle est là pour cela.
Nous avons également parlé des OGM, les Organismes génétiquement modifiés, notamment le maïs. Plusieurs espèces de maïs attendent leur autorisation d'entrée sur le marché européen et les Américains sont extrêmement pressés sur ce point. J'ai expliqué que l'opinion européenne est aussi sensible sur ce sujet que l'opinion américaine l'est sur le nucléaire. Nous sommes donc très prudents. Le gouvernement a pris une décision qui est d'avoir à la fois d'avoir une position ouverte mais soucieuse de l'opinion sur le sujet. Ouverte dans le sens où nous nous conformerons aux avis des comités scientifiques européens. En l'occurrence, ils sont positifs. Mais en même temps, nous allons consulter l'opinion lors d'une conférence citoyenne qui traitera de cela en juin.
Q - Les 35 heures suscitent ici un certain scepticisme.
R - Nous n'essayons pas de convaincre nos partenaires sur les 35 heures. C'est notre solution.
Q - Y-a-t'il des inquiétudes américaine sur le chômage en Europe qui risque à terme d'avoir une influence négative sur l'euro ?
R - S'il y a eu des conséquences négatives de la monnaie unique, elles ont déjà eu lieu. On aurait pu dire cela il y a trois ou quatre ans lorsque les efforts ont été faits pour respecter les critères de convergence. Tous les pays qui sont dans l'euro l'ont fait. Il ne peut pas y avoir d'effet négatif sur le chômage.
Q - Si le chômage reste à un niveau élevé, il pourra y avoir des tensions assez vives sur la monnaie unique. Cela pourrait faire éclater le système.
R - Ce danger existe déjà au niveau national. Mais aujourd'hui la conjoncture n'est pas mauvaise pour lancer l'euro.
Q - Les Américains vous interrogent-ils sur le fonctionnement de la Banque centrale européenne ? Et à Bruxelles, que s'est-il passé ?
R - Les Allemands voulaient l'indépendance de la Banque centrale et ils voulaient M. Duisenberg. Nous voulions qu'il y ait aussi un organe politique, et nous voulions une décision politique et qu'un Français soit premier président de la Banque après la mise en place des billets et des pièces. Cela a été pénible, mais nous y sommes arrivés.
Mais la manière dont cela s'est passé est une péripétie sans importance. Les marchés ne s'y sont pas trompés. Le résultat est tout à fait convenable. Il n'y a pas d'incertitude sur la volonté de M. Duisenberg de céder la place. Il n'y a pas de raison de douter de sa parole, c'est un homme en qui nous pouvons faire entièrement confiance.
Q - On se dirige vers un compromis du même type pour la question de la BERD ?
R - On devrait trouver un compromis calmement. La France soutiendra son candidat./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 septembre 2001)