Déclaration de Mme Arlette Laguiller, porte parole de LO, sur le projet de réforme des retraites, sur la guerre anglo-américaine en Irak, sur le congrès du PCF, à Lyon le 4 avril 2003.

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Circonstance : Meeting de Lutte ouvrière à Lyon le 4 avril 2003

Texte intégral

Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Il n'y a évidemment aucune commune mesure entre la violence sanglante de la guerre impérialiste qui se mène contre le peuple d'Irak et l'offensive continue du patronat et du gouvernement ici, en France, contre les travailleurs. Mais s'il n'y a pas de commune mesure, il y a des causes communes.
Car l'exploitation quotidienne des travailleurs, l'aggravation de leurs conditions d'existence, ont pour cause la même recherche de profit, la même volonté de s'enrichir aux dépens des classes laborieuses et des peuples que celle qui guide les grands groupes de l'armement, du pétrole et quelques autres qui sont derrière la politique guerrière du gouvernement américain et qui en tirent profit de cette politique.
Je voudrais commencer par les manifestations d'hier sur les retraites. La participation y a été nombreuse, aussi bien ici, à Lyon, qu'à Paris, que dans toutes les villes du pays. Ceux qui ont participé à ces manifestations voulaient montrer qu'ils sont opposés à ce qui se prépare contre les retraites. Pas plus qu'ils ne veulent subir, sans protester, les nombreuses attaques menées contre les travailleurs.
Le soir même de la manifestation, on a entendu pourtant Raffarin à la télévision, aussi ennuyeux que suffisant, affirmer à propos des retraites : "J'irai jusqu'au bout". A commencer par l'allongement à 40 ans de la durée de cotisation pour les travailleurs du service public.
Et devant l'angoisse et la douleur d'un licencié, interrogé dans un reportage dans ce qui restait de son usine définitivement fermée, il n'a eu autre chose à dire que : "Je ne changerai pas de cap", et de répéter que, pour éviter cela, il fallait aider les entreprises, c'est-à-dire leur patron. Il s'est même payé le culot de se vanter de ce que le gouvernement a fait pour les licenciés de Métaleurop ! Ceux-ci l'apprécieront !
Eh bien, devant cet étalage de cynisme, devant ce langage de serviteur du grand patronat, pour qui ce qui est bon pour les riches est bon pour la France, un seul souhait venait à l'esprit : que se réalise ce slogan de la manifestation d'hier : "En 1995, on a battu Juppé, en 2003, on battra Raffarin".
Il n'est pas étonnant que les travailleurs des services publics, cheminots, enseignants, personnel non enseignant de l'Education nationale, travailleurs d'EDF-GDF, de France Télécom, postiers ou personnel hospitalier aient été les plus nombreux dans les manifestations.
Pour ce qui est des retraites, ce sont en effet les travailleurs du service public qui sont en ligne de mire du gouvernement. Balladur avait réussi, il y a dix ans, à imposer aux travailleurs du privé l'allongement de la durée de cotisation de 37 ans et demi à 40 ans et l'élargissement de la base sur laquelle est calculé le montant de la retraite de 10 à 25 ans. C'était une régression importante pour le monde du travail. Mais cela ne suffit pas au patronat et au gouvernement qui veulent aligner le public sur le privé. Raffarin a repris hier à son compte cette ignominie qui consiste à présenter l'attaque contre les retraites des travailleurs du public comme une mesure de justice. Mais, pour rétablir l'égalité entre public et privé, rien de plus simple : il faut d'abroger les mesures Balladur et de revenir à 37 ans et demi de cotisation pour tous, avec une pension déterminée sur la base des 10 meilleures années, pour obtenir une retraite à taux plein.
Les travailleurs du secteur privé n'auront rien gagné à ce que ceux du public perdent. Au contraire ! Si le gouvernement parvient à imposer aux travailleurs du service public ce que Balladur avait imposé aux travailleurs du privé, le patronat exigera d'aller au-delà pour tout le monde. Le grand patronat ne cache pas qu'il souhaiterait 42 ou 43 ans de cotisation, avec un âge de départ à la retraite en conséquence. Car le but du patronat et du gouvernement, c'est de diminuer dans le domaine des retraites, comme dans celui des salaires, la part du monde du travail dans le revenu national pour augmenter la part du patronat.
C'est révoltant car la société pourrait et devrait assurer à tous les anciens une retraite qui permette de vivre. Ce serait possible si les propriétaires des entreprises, les actionnaires ne volaient pas l'intégralité de ce qui résulte des progrès de la productivité. On sacrifie les travailleurs, retraités d'aujourd'hui et de demain, uniquement pour assurer des revenus encore plus élevés aux actionnaires.
Hier, les travailleurs ont répondu présent à l'appel des syndicats. Mais que feront les directions syndicales ? La CFDT avait déjà purement et simplement refusé d'appeler à cette journée de grèves et de manifestations sous prétexte que les négociations sont en cours avec le gouvernement et qu'il y aurait du positif dans les projets gouvernementaux.
Quant à la CGT, ses dirigeants sont en train d'abandonner la revendication d'abrogation des mesures Balladur et Thibault se garde bien de parler clairement du retour aux 37 ans et demi maximum de cotisation pour tous. Et toutes les confédérations, FO comprise, participent aux négociations bidons sur les retraites.
Mais, sur la question des retraites, il n'y a rien à négocier. Négocier, c'est cautionner le mensonge du gouvernement et du patronat qui osent prétendre que le système actuel des retraites par répartition va droit dans le mur si on n'augmente pas la durée ou le montant des cotisations, tout en réduisant le montant des retraites.
C'est au patronat de payer, pas aux travailleurs !
Eh bien oui, il faut s'opposer à l'attaque contre les retraites ! On ne peut pas accepter qu'un nombre croissant de travailleurs mal payé en tant que travailleurs finissent leur vie dans la misère !
Le gouvernement Chirac- Raffarin considère que, maintenant que les dirigeants syndicaux sont tout prêts à des compromissions, c'est comme s'il avait déjà gagné. Eh bien non, car il s'agit des conditions d'existence de millions de travailleurs. Et j'espère que leurs mauvais coups finiront pas se heurter à la riposte de tous !
Il y a une autre raison encore pour les salariés du service public aient été nombreux aux manifestations d'hier. Car c'est eux que le gouvernement se prépare à faire payer pour le déficit du budget, en leur imposant des sacrifices sur leurs conditions de travail, sur la sécurité de l'emploi, sur les horaires, sans même parler des retraites. Alors pourtant que ce déficit vient des sommes colossales déversées sur les entreprises capitalistes en aides, en subventions publiques, en primes à l'installation, en dégrèvements d'impôts ou de cotisations sociales.
Ils utilisent de grands mots comme "réforme de l'Etat". Mais qu'est-ce qu'il y a derrière ?
S'attaquer par exemple à l'Education nationale en supprimant quelque 30.0000 postes de surveillants, d'aides-éducateurs, de contractuels. Retirer de l'Education nationale, sous prétexte de décentralisation, le personnel non enseignant, ouvriers de maintenance, travailleurs des cantines, conseillers d'orientation, assistantes sociales, médecins ou infirmières scolaires, toute cette catégorie des ATOS qui représente plus de 100.000 personnes dans ce pays. Tout ce personnel est absolument indispensable. Et il a toutes les raisons de redouter les conséquences de la décentralisation pour ses emplois, pour ses salaires, et il a raison de protester.
Mais ce qu'ils appellent la "réforme de l'Etat", c'est aussi des économies sur la santé publique, des regroupements d'hôpitaux et de maternités. Ce qui signifie un éloignement croissant des usagers et un rythme de travail insupportable pour les infirmières, les aides-soignantes, comme pour tout le personnel hospitalier.
Et c'est la même chose pour La Poste, pour les services de l'Equipement.
Cette "réforme de l'Etat" est doublement une attaque contre les travailleurs. C'est une attaque pour ceux qui en supporteront directement les conséquences, Mais c'est aussi une attaque contre l'ensemble des travailleurs. Car ce sont évidemment les quartiers populaires, les classes populaires, les pauvres et les revenus les plus modestes sur qui vont peser le plus les conséquences de la dégradation des services publics.
Il faut avoir le cynisme des représentants politiques des classes riches qui ont à leur disposition des cliniques privées, des écoles payantes, pour considérer qu'il y a trop de personnel dans les hôpitaux ou à l'Education nationale et que c'est là-dessus qu'il faut faire des économies. Ce n'est pas sur les services publics qu'il faudrait faire des économies en personnel ou en matériel, car l'argent versé aux services publics sert à tout le monde. Il faut faire des économies sur l'argent versé au patronat qui ne sert à rien, si ce n'est à accroître les profits des actionnaires.
Car le front principal de la guerre sociale que mène le patronat contre les travailleurs est celui des licenciements collectifs. Ces licenciements collectifs se multiplient dans les grandes entreprises. Comme se multiplient les suppressions d'emplois.
Dans votre région, Lejaby ferme 4 sites sur 8, dont l'atelier confection de Rillieux et l'usine de Beynost, dans l'Ain. Aventis-Cropsciences, à La Dargoire, prévoit des suppressions d'emplois. Toray, ex-Rhodia Acétate, puis ex-Rhône-Poulenc Textile, qui fabrique des films alimentaires et des bandes pour cassettes vidéo, veut supprimer 107 emplois sur 540. Chez Carrier, à Montluel, 120 à 150 intérimaires ont été mis à la porte en décembre dernier. Et il y a aussi des menaces sur les emplois chez Philips à Miribel.
Le résultat de tout cela, c'est que le nombre de chômeurs s'accroît de mois en mois. 10 % de chômeurs, 1 salarié sur 10 ! Et à ce nombre considérable s'ajoutent à peu près autant de travailleurs qui n'ont qu'un emploi précaire, mal payé, et qui, tout en travaillant, vivent aussi mal que les chômeurs.
La guerre sociale se mène sur bien d'autres terrains. Cela fait des années qu'on a imposé à tous, y compris aux chômeurs et aux retraités, de payer la CSG. Mais en même temps, l'impôt sur les sociétés, qui représentait jusqu'en 1984 50 % des bénéfices déclarés, ne représente plus que 33 %. On fait payer plus les plus pauvres pour réduire l'impôt sur les profits ! Hier soir, Raffarin a démenti les rumeurs d'une nouvelle augmentation de la CSG. Mais ce que paient les chômeurs, les retraités et les bas salaires est déjà de trop ! En outre, quelle confiance on peut accorder à un Premier ministre qui, comme tous ses prédécesseurs, est payé pour dissimuler la vérité, pour mentir lorsqu'il prépare des mauvais coups contre les classes pauvres ?
La guerre sociale sous une forme particulièrement mesquine, c'est aussi d'avoir allégé l'impôt sur la fortune et en même temps réduit l'aide versée aux personnes âgées dépendantes. En clair, le gouvernement prend dans la poche des personnes âgées ou celle de leurs proches les 500 millions d'euros de cadeaux qu'il consent aux plus riches !
Et puis, vous savez que la situation du logement pour ceux qui ont des salaires modestes est catastrophique. Depuis le 16 mars que les expulsions sont autorisées, leur nombre se multiplie. Il suffit d'une période de chômage pour qu'on ne puisse plus payer son loyer. Et comment trouver un autre logement moins cher ?
Eh bien, hier, le ministre du Logement a annoncé que, pour favoriser la construction de logements, il propose "que les plafonds de loyer pour les logements neufs soient augmentés et que les plafonds de ressources pour les locataires (là où cela existe) soient supprimés". Ce qui signifie en clair : favoriser l'immobilier, c'est-à-dire les promoteurs et les propriétaires. Mais cela signifie aussi que ceux qui ont des revenus confortables trouveront plus facilement un logement à leur convenance et que ceux qui n'ont qu'un revenu modeste en trouveront moins. Car, en même temps, il n'est pas question de construire de logements sociaux bon marché, en nombre suffisant.
Le gouvernement qui aide le grand patronat à fabriquer des pauvres choisit en même temps de mener la guerre aux pauvres. De plus en plus de femmes et d'hommes sont contraints de mendier pour survivre, mais on interdit la mendicité. Sarkozy, reprenant la politique de Chevènement et de Vaillant, refuse de régulariser les travailleurs immigrés sans papiers, même ceux qui vivent et travaillent dans le pays depuis de nombreuses années, mais il consacre des moyens supplémentaires pour les transformer en gibiers pour la police.
Et, dans la droite ligne de sa guerre contre les pauvres, Sarkozy promet que des charters d'expulsion seront désormais réguliers, toutes les semaines !
Et tout cela, paraît-il, au nom de la lutte contre l'insécurité !
Mais la première source d'insécurité sociale, c'est le chômage. Ceux qui menacent la sécurité, ce ne sont certainement pas les travailleurs immigrés sans-papiers, surexploités par des patrons qui profitent de leur situation, dépouillés par des marchands de sommeil. Les véritables responsables de la véritable insécurité, ce sont Matra, Aventis Péchiney, Daewoo, Thalès, Métaleurop, Air Lib, Giat Industrie et tous les autres.
Eh oui, le gouvernement Chirac-Raffarin-Sarkozy, c'est un cabinet de guerre dans la guerre sociale contre les travailleurs ! C'est un gouvernement dont toute la politique est orientée vers l'appauvrissement continu des classes populaires au profit du patronat et d'une petite minorité de riches. Mais, rappelons-le, si ce gouvernement peut mener avec autant d'arrogance sa politique anti-ouvrière, c'est parce que la gauche ex-gouvernementale lui a préparé le terrain. En s'abaissant devant Chirac lors du deuxième tour de l'élection présidentielle, en faisant voter pour lui, en lui permettant d'être élu avec 82 % des votes, un résultat de république bananière, la gauche a donné à Chirac les moyens politiques de mener la guerre contre les travailleurs.
Et puis, le gouvernement de droite a jeu facile de rejeter la revendication de l'abrogation des mesures Balladur contre les retraites, puisque Jospin ne l'a pas fait pendant cinq ans de gouvernement socialiste. La droite a jeu facile de favoriser, d'une manière scandaleuse, le patronat et les riches par des réductions d'impôts, des dégrèvements de cotisations sociales ou encore de privatiser, puisque la gauche en a fait autant. Et la droite revenue au gouvernement a trouvé le projet de bien des mesures anti-ouvrières dans les tiroirs des hauts fonctionnaires qui les avaient préparés pour le compte de la gauche et qui les ont fournis tout prêts pour application au gouvernement de droite.
Réagir aux attaques est une nécessité vitale, et cela le sera de plus en plus. Même lorsque les profits patronaux étaient au sommet et que la Bourse rapportait aux actionnaires 15, 20 % par an, voire plus, lorsque les entreprises faisaient tellement de profits qu'elles ne savaient pas à quelle spéculation les consacrer, le sort des travailleurs ne s'était pas amélioré. Le chômage n'a diminué que de peu. La précarité a continué à augmenter, comme l'intensité du travail. Et, même pendant ces années de prospérité, le pouvoir d'achat des travailleurs a stagné, quand il n'a pas diminué.
Mais, aujourd'hui, on nous parle de la dégradation de la situation économique. Raffarin, hier soir, parlait avec des trémolos dans la voix des difficultés de la situation internationale et du ralentissement économique. Cela sonne comme un avertissement. Si la situation économique devient plus difficile, c'est à nous, c'est aux travailleurs que le gouvernement essaiera d'en faire payer le prix.
Alors oui, il faut se préparer à résister. Et même si, aujourd'hui, une grande partie de la classe ouvrière ne croit pas à la possibilité de la lutte et aux chances de la gagner, les choses peuvent changer très vite. C'est le patronat, c'est le gouvernement qui convaincront les hésitants que nous n'avons pas d'autre choix.
Oui, il faut une riposte générale du monde du travail pour faire reculer le patronat et le gouvernement sur ces objectifs essentiels pour les conditions d'existence des travailleurs de ce pays :
- interdiction des licenciements collectifs et interdiction des emplois précaires ;
- pas de nouveau recul sur les retraites, rétablissement de la durée de 37 ans et demi de cotisation pour tous, privé comme public avec une retraite qui permette de vivre ;
- augmentation générale des salaires, des pensions et des allocations pour rattraper le retard pris depuis des années.
Et puis, bien au-delà de la défense du niveau de vie des travailleurs de ce pays, ce qui se passe en Irak illustre que le capitalisme, ce n'est pas seulement l'exploitation au coeur des pays les plus riches, ce n'est pas seulement l'approfondissement incessant du fossé entre la majorité pauvre de la planète et une poignée de pays qu'on dit riches parce que leur bourgeoisie l'est. Le capitalisme, c'est aussi la guerre.
Quinze jours après son déclenchement, la guerre se montre dans toute son horreur. Fini, le compte de fée des bombardements ciblés, visant les seuls organes du pouvoir mais épargnant la population ! Cela a toujours été un mensonge. Mais, aujourd'hui, les dirigeants américains ne se donnent même plus la peine de cacher que les tapis de bombes envoyées sur Bagdad touchent indistinctement toute la population.
Comment parler de bombardements ciblés lorsqu'on utilise des bombes à fragmentation, faites pour tuer ? Comment parler de "frappes chirurgicales" devant le spectacle d'horreur d'un car mitraillé où il n'y avait manifestement que des civils, femmes et enfants ? Comment en parler lorsque les missiles détruisent le marché d'un quartier populaire ou une maternité ?
Et puis dans les quelques images que montre la télévision de la prise de contrôle et de l'occupation de petites villes, on revoit les images classiques de tous les guerres coloniales. L'image de ces soldats bardés de matériel, défonçant à coups de pied les portes de maisons misérables pour n'y trouver que de pauvres gens, femmes et enfants surtout, et obligeant les hommes à se regrouper mains sur la tête et humiliés. Et, pendant qu'on filme ce genre de scène, les dirigeants américains osent protester que la télévision irakienne montre des prisonniers américains !
Mais il est fini aussi cet autre conte de fée, raconté les premiers jours de la guerre, présentée comme une guerre de libération, qui voulait que la population irakienne accueille les troupes anglo-américaines en libérateurs. Bien que Saddam Hussein soit un dictateur et bien que ceux qui ont subi arrestations arbitraires, assassinat d'un membre de leur famille par les sbires du régime, ne peuvent pas oublier, eh bien, malgré cela, la population irakienne perçoit les troupes anglo-américaines pour ce qu'elles sont : des troupes d'invasion étrangères.
Alors oui, c'est une guerre sanglante, meurtrière, qui a déjà fait des centaines de morts, et pas seulement de soldats ou de miliciens du régime, mais aussi de civils, de femmes, d'enfants, de vieillards !
Le nombre de missiles envoyés sur Bagdad dépasserait largement, certains jours, le millier. Et il n'y a pas que la capitale qui les subit. Un seul missile Tomahawk coûte 20 millions de dollars, plus d'argent que n'en voit un village irakien pendant une génération ! Chacun de ces missiles est un trésor de technologie, d'informatique. Il résulte de la recherche de centaines d'ingénieurs, de techniciens. Il représente ce que le cerveau humain d'aujourd'hui est capable de produire de mieux dans ce domaine. Et tout ce travail humain, toute cette intelligence, utilisés à quoi ? Pas à permettre aux quartiers populaires de s'équiper un peu mieux, ne serait-ce qu'en adduction d'eau potable ou en dispensaires. Pas à permettre aux paysans pauvres de cultiver la terre autrement qu'avec des instruments agricoles remontant à un passé lointain. Pas à aider la majorité misérable d'un pays pauvre à vivre un peu mieux.
Non, cette débauche de technologie est utilisée pour tuer et pour détruire.
Oui, combien de travail humain dans chaque missile qui sème la mort et la destruction ?
Mais aussi combien de profits chacun d'eux rapporte-t-il aux mastodontes de l'industrie de l'armement ?
Voilà, à travers les images d'horreur qu'offre la guerre en Irak, l'image de toute notre société. Des milliers d'êtres humains sont massacrés au bout du compte pour que le bilan d'un certain nombre de grands trusts indiquent des chiffres de profits en hausse. Ils meurent pour que des actionnaires, à l'autre bout du monde, dans le calme de leurs résidences, encaissent les dividendes du sang versé !
Aux dernières nouvelles, les Marines auraient pris l'aéroport de Bagdad. Les dirigeants américains annoncent que la bataille de Bagdad a commencé. Mais, pour la population de cette ville, elle a commencé depuis la première nuit. Car, depuis cette date, les bombardements ne sont jamais arrêtés !
Si le siège de Bagdad se traduit, comme cela s'est produit dans la deuxième ville du pays, Bassorah, par la destruction des stations d'épuration d'eau, par la privation d'eau potable, cela représente une menace d'épidémies de choléra ou de typhoïde. A ceux qui auront été tués par les armes, combien d'autres morts s'ajouteront, morts de maladie, de déshydratation et de faim ? Combien survivront mais handicapés à vie ?
Alors oui, il y a de quoi être écoeuré par leur monde !
Et là, ce ne sont que les conséquences immédiates de la guerre. Car il y a aussi les conséquences à long terme de la démolition méthodique d'un pays déjà pauvre au départ. Quelle que soit l'issue de la guerre, combien de temps l'Irak mettra-t-il pour s'en remettre ? Combien de temps pour rebâtir à partir des ruines ?
Car il ne faut pas s'y tromper : lorsque ceux-là même qui, aujourd'hui, détruisent l'Irak, promettent sa reconstruction, ils mentent. Ils ne reconstruiront que ce qui leur sera utile pour le pillage systématique du pays. Oh, on peut leur faire confiance : ils remettront en état les puits de pétrole, ils en moderniseront les installations. Ils reconstruiront les pipe-lines et les ports ou ceux-ci aboutissent. Ils bâtiront des banques, des immeubles de bureaux pour traiter leurs affaires. Mais ils ne s'occuperont pas des quartiers populaires et des bidonvilles ou des villages. Ils ne s'occuperont pas des écoles et des hôpitaux pour les pauvres. Ils ne le font déjà pas dans les riches pays impérialistes, y compris aux Etats-Unis. Ils le feront encore moins pour l'Irak. Ils laisseront les classes pauvres faire face, seules, à leur misère aggravée.
Aux soldats américains et britanniques, à leurs parents et à leurs proches, on avait laissé entendre au début que cette guerre serait une guerre courte, sinon fraîche et joyeuse. On leur avait dit qu'ils seraient envoyés en Irak pour libérer son peuple et qu'en conséquence, ils seraient accueillis en libérateurs.
Alors, cette guerre qui, pendant les deux ou trois premiers jours, a pu paraître pour les soldats américains comme une guerre presque virtuelle, menée à coups de missiles téléguidés ou du haut d'avions survolant de loin les victimes, est en train de se transformer en guerre véritable. Une guerre où les soldats de l'armée d'invasion aussi souffrent et risquent leur peau.
Et tout cela, tous ces morts, toutes ces destructions, pour quoi ? Pour apporter au peuple irakien la démocratie en chassant Saddam Hussein ?
Hier soir, Raffarin, tout en critiquant la politique américaine, a tenu à affirmer clairement qu'entre la destruction et la dictature, notre choix est clair, et notre camp est celui des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.
Mais les troupes anglo-américaines n'apporteront pas la démocratie à l'Irak. Dans aucun des pays alliés des Etats-Unis au Moyen-Orient, il n'y a un régime démocratique. Au mieux, ce sont des régimes autoritaires, comme la Turquie. Au pire, des théocraties moyenâgeuses appliquant la charia et déniant aux femmes la qualité d'êtres humains à part entière. Certains de ces pays sont pourtant riches par leurs ressources pétrolières. Leurs princes, émirs ou rois ont fréquenté des écoles militaires chics d'Angleterre et des Etats-Unis, vivent plus souvent en Floride ou sur la Côte-d'Azur que dans leurs propres pays et n'ont rien à refuser aux dirigeants américains. Eh bien, il faut croire que les dirigeants américains n'ont pas pensé à leur enseigner les pratiques démocratiques qu'ils prétendent imposer à l'Irak à coups de missile !
Et puis, rappelons les promesses faites pour l'Afghanistan. Après avoir transformé ce pays en champ de ruines, après avoir imposé une marionnette à la tête de l'Etat, où est donc la démocratie en Afghanistan ? A la place des libertés promises, le peuple afghan a droit au règne des seigneurs de guerre et à la continuation des bombardements.
Lorsque les Anglo-Américains auront gagné la guerre, ils se débarrasseront sans doute de Saddam Hussein et de ses proches. Mais les porte-parole de l'état-major américain répètent , dans chacune de leur conférence de presse quotidienne, des appels en direction des officiers irakiens, y compris et surtout des officiers de la Garde républicaine, la troupe d'élite de Saddam Hussein. Ces appels à abandonner le camp de Saddam Hussein et de déserter ne sont pas faits seulement, ni même principalement, pour hâter la fin de la guerre. Les Anglo-Américains veulent vaincre les forces de répression de Saddam Hussein, son armée, sa police, mais ils ne veulent pas les détruire. Ils en auront besoin au lendemain de la guerre pour maintenir l'ordre. Et il est probable que, lorsqu'on dira aux Irakiens qu'ils sont libérés du dictateur, ils retrouveront les mêmes policiers, les mêmes militaires, les mêmes tortionnaires de leurs villages ou de leurs quartiers.
Et, pour le moment, les bombardements américains sont en train de forger à ce dictateur sanguinaire qu'et Saddam Hussein une auréole de chef de la résistance nationale. Aux yeux de toutes les masses arabes, gouvernées par des régimes serviles à l'égard de l'impérialisme, Saddam Hussein est en train d'acquérir le prestige de celui qui ose résister. Et ce sera sans doute un des sous-produits de cette guerre impérialiste, qui se cache sous les dehors d'une guerre pour la démocratie, qu'elle aura contribué à ce que les masses arabes opprimées et humiliées prennent pour héros deux personnages aussi réactionnaires que Ben Laden et Saddam Hussein. Et ce ne sera pas un pas de plus pour les aspirations démocratiques des masses, mais au contraire une régression considérable.
Et nous en subirons peut-être les conséquences jusqu'ici, jusqu'en France, dont la classe ouvrière est composée dans une proportion considérable de travailleurs d'origine arabe, surtout sur les chaînes de production et dans les couches et les plus exploitées. Eh bien, le prestige acquis par Saddam Hussein, propagé de surcroît par des militants islamistes réactionnaires dans les quartiers populaires, contribuera au repliement de nos camarades d'origine arabe, parce que cela complétera toute la pression pro-occidentale, pro-américaine véhiculée par les dirigeants politiques et par les médias.
Eh bien, nous devons essayer d'empêcher que le monde du travail en France soit divisé, morcelé en fonction de ses origines. Le mouvement ouvrier français n'est pas de taille à peser sur le déroulement de la guerre elle-même. Mais il faut montrer que les travailleurs arabes, comme les travailleurs de toutes origines, sont nos frères. Il faut s'opposer à tous ceux qui propagent la division, avant tout l'influence de l'extrême droite lepéniste, mais aussi son équivalent intégriste. Il n'y a, il ne doit y avoir dans ce pays qu'une seule classe ouvrière. Prolétaires de tous les pays, unissons-nous, à l'intérieur de ce pays comme à l'échelle internationale !
On massacre un peuple pour qu'une douzaine de trusts du pétrole, de l'armement ou autre, se distribuent entre eux les cartes et les marchés en Irak, mais aussi, sans doute, dans l'ensemble du Moyen-Orient. Car, grâce à ce pétrole irakien, les trusts américains comptent bien faire pression sur l'OPEP. La comédie diplomatique à l'ONU qui a précédé la guerre n'a été qu'un rideau de fumée derrière lequel les Etats-Unis ont préparé leur déploiement militaire autour de l'Irak.
Au moment même où les armées des deux plus grandes puissances militaires du monde en sont encore à écraser Bagdad sous les bombes et à faire mourir les habitants de Bassorah de faim et de soif, leurs grandes entreprises se disputent déjà les contrats juteux. Des vautours qui se disputent la dépouille d'un pays qu'ils sont en train de mettre à mort !
La guerre actuelle est dans la droite ligne de tant d'autres, menées dans le passé par les grandes puissances, pour mettre en coupe réglée le Moyen-Orient et piller ses richesses.
Il faut rappeler que c'est dans le sang et dans la violence que la Grande-Bretagne a imposé son protectorat à un Irak, aux contours artificiellement découpés, qui ne voulait pas de cette tutelle. Pour mettre la main sur l'Irak, la très "démocratique" Grande-Bretagne avait noyé dans le sang une révolte des chiites, déjà, brûlé des villages, exécuté ou déporté ceux qu'elle estimait responsables de la révolte.
Ce sont les Anglais et les Français ensemble qui avaient refusé au peuple kurde le droit à une existence nationale en le partageant entre la Turquie, l'Irak, l'Iran et la Syrie.
Saddam Hussein a utilisé à son profit les divisions et les haines suscitées par la Grande-Bretagne et la France entre les diverses composantes de la population de la région : sunnites contre chiites, Arabes contre Kurdes.
Tout le Moyen-Orient porte jusqu'aujourd'hui, dans sa chair, les stigmates du jeu de domination perverse des grandes puissances impérialistes.
Et lorsque les horreurs du nazisme ont poussé vers l'exode des centaines de milliers de juifs d'Europe à la recherche d'une terre, ce sont encore ces grandes puissances qui ont choisi de dresser l'Etat d'Israël contre les peuples arabes de la région et qui ont créé une situation inextricable dont le peuple palestinien comme le peuple juif paient aujourd'hui le prix.
Et ce sont ces gens-là qui parlent aujourd'hui de démocratie, de liberté !
Et puis, faut-il rappeler que Saddam Hussein lui-même a été longtemps soutenu, patronné par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ? A l'époque, le gêneur dans la région, c'était Khomeiny, en Iran. Ce sont les grandes puissances qui avaient alors vendu à Saddam ces armes de "destruction massive" que les inspecteurs de l'ONU n'ont pas trouvé cette fois-ci. Ce sont les grandes puissances qui l'avaient poussé à se lancer contre l'Iran voisin, en 1980, dans une longue guerre meurtrière qui avait fait, au bas mot, un million de morts à l'époque.
Pendant les quelques semaines qui ont précédé la guerre, Chirac a joué un jeu diplomatique en s'opposant aux Etats-Unis sur plusieurs points, comme le rôle des inspecteurs de l'ONU ou la durée de leur mission. Ce jeu diplomatique lui a valu une certaine popularité tant en France qu'à l'échelle internationale. Mais ce jeu diplomatique ne fait de Chirac un adversaire ni des Etats-Unis ni de leurs buts de guerre, et encore moins un ami du peuple d'Irak. Il n'a jamais protesté contre les bombardements qui se poursuivent depuis douze ans. Il n'a jamais exigé la suppression de l'embargo. La France aurait pu, d'ailleurs, ne pas l'appliquer. Elle ne l'a pas fait.
Et, maintenant que la guerre est en marche, Chirac répète que la France reste l'alliée et l'amie des Etats-Unis.
Avec la complicité du Parti socialiste et de la gauche réformiste, on a pourtant fabriqué pour cet homme, le représentant politique du grand patronat et des groupes financiers de ce pays, une auréole d'homme de paix !
Eh bien, pour ce qui nous concerne, nous nous refusons à participer à cette union nationale derrière Chirac. D'autant moins que cette auréole, qu'on est en train de lui construire, Chirac s'en servira pendant les quatre ans à venir de sa présidence !
Il s'en servira pour mener à l'extérieur du pays une politique impérialiste de même nature que celle menée par Bush, mais au profit des groupes industriels et financiers français. Il s'en servira dans les chasses réservées traditionnelles de l'impérialisme français en Afrique en particulier, à commencer par la Côte-d'Ivoire. Mais il s'en servira aussi sans doute en Irak. Il a choisi de ne pas prendre part à la guerre, encore qu'il a tout de même ouvert l'espace aérien français aux agresseurs. Les B52 qui partent des bases militaires en Angleterre pour déverser leurs bombes sur l'Irak survolent chaque nuit la France, avec l'autorisation de Chirac. Chirac en tout cas essaiera d'assurer la présence des groupes capitalistes français pour après.
Car, si l'Irak est un marché pour les capitalistes américians, il l'est aussi pour les capitalistes français. Pendant longtemps, la France a été un des principaux fournisseurs de l'Irak en armements. De Dassault à Matra, en passant par la Société nationale des poudres et explosifs et bien d'autres, ils ont tous profité de l'argent extorqué par Saddam Hussein au peuple irakien. Et, de TotalFinaElf à Renault et Peugeot, en passant par Alcatel, elles ont été nombreuses, les entreprises françaises présentes en Irak.
Alors que la guerre est loin d'être finie, les grands patrons français s'agitent pour ne pas être trop mis à l'écart par les grandes entreprises américaines. Le Medef du baron Seillière a mis en place un comité chargé de faire pression sur le gouvernement français. Mais le ministère de l'Economie n'a pas eu besoin d'être pressé par le patronat pour se mobiliser. Les patrons des grands groupes français ont de quoi se méfier, c'est sûr. Car les dirigeants des Etats-Unis ne se cachent même pas pour dire que, si les Etats-Unis font la guerre, c'est quand même pour que leurs trusts soient prioritaires. Les premiers contrats ont déjà été signés pour ce qui concerne la remise en état des puits de pétrole ou la reconstruction du port d'Oum Kasr. Seuls des groupes américains ont eu la possibilité de participer à l'appel d'offres. Et il est presque anecdotique de mentionner que les bénéficiaires des plus gros contrats sont des trusts dont tel ministre, voire le vice-président des Etats-Unis ont été PDG ou haut cadre avant de faire partie de l'équipe Bush. Mais l'impérialisme, c'est-à-dire la fusion entre l'appareil d'Etat et les grands trusts passe aussi par des hommes qui ne refusent pas de se servir ! Et le passage de la direction d'une grande entreprise privée au gouvernement, ou vice-versa, n'est certainement pas une spécialité américaine.
En tout cas, non seulement la France mais même la Grande-Bretagne, pourtant alliée des Etats-Unis, préféreraient que ce soit l'ONU qui chapeaute la future administration en Irak après la guerre. Les puissances impérialistes de second rang redoutent qu'une administration américaine fasse de l'Irak une colonie de fait, où le droit de pillage sera réservé aux seuls trusts américains.
Alors oui, ce n'est pas l'intérêt des peuples qui guide Chirac, pas plus que Bush, mais l'intérêt des groupes industriels et financiers.
Quelques dizaines de groupes financiers de cette taille-là, quelques centaines tout au plus, enserrent le monde entier dans un réseau serré qui fait de toute l'économie mondiale une immense machine à leur procurer du profit. Ces sociétés financières sont surtout américaines certes, mais aussi françaises, britanniques, japonaises ou autres. Elles sont concurrentes, mais elles ont des participations croisées les unes dans les autres et leurs actionnaires sont souvent les mêmes. Elles sont toutes liées surtout pour imposer à l'échelle de la planète leur dictature, la dictature de la finance, une dictature basée sur l'exploitation de la classe ouvrière et sur l'oppression des peuples. Elles sont derrière bien des conflits armés. Elles sont les principaux profiteurs de la guerre sociale menée à l'échelle de la planète par la classe capitaliste contre la classe des travailleurs. Une guerre dont les victimes ne meurent pas par balles, mais de faim, de misère, de maladies qu'on peut guérir.
Voilà pourquoi lutter ici contre le grand patronat pour défendre les conditions d'existence des travailleurs et s'opposer à la guerre fait partie d'un même combat. Et c'est bien parce que le mouvement ouvrier n'est pas en situation de lutter efficacement dans les pays riches eux-mêmes contre les trusts qui exploitent et qui licencient qu'il n'est pas en situation de s'opposer aux guerres menées en fin de compte toujours au profit des mêmes.
Pour cette guerre en Irak, ceux qui l'ont décidé, planifié, ont eu les mains libres. Les manifestations qui se sont exprimées ont témoigné du sentiment des peuples, y compris de ceux des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne dont les gouvernements sont en pointe dans cette guerre. Mais ceux qui dirigent le monde n'ont que faire de l'opinion des peuples.
La guerre en Irak, nous n'avons pas pu l'empêcher. Et des guerres comme cela,
Oui, l'exploitation et la loi du profit érigée en loi universelle engendrent inévitablement les guerres, comme elles engendrent inévitablement la misère, la décomposition sociale, le retour à la barbarie dans bien des domaines.
Oui, c'est un monde dominé par des rapports de force. Oui, c'est un monde qui est régi par la loi de la jungle. Oui, c'est un monde qui fait souffrir et saigne des peuples simplement pour que l'argent rentre dans les coffres-forts des grandes compagnies financières.
Alors, ce que j'espère, c'est qu'une partie au moins de ceux qui participent à ces manifestations réfléchiront aux raisons qui engendrent les guerres.
Et j'espère et je souhaite que cela leur fasse dépasser le simple pacifisme.
Car il ne suffit pas de protester contre la dernière en date des guerres. Il faut agir pour que puisse se constituer une force capable de s'opposer à la violence de l'impérialisme, le combattre et un jour le vaincre ! L'impérialisme, comme la mondialisation, n'est pas un épiphénomène, c'est le produit du système économique et social capitaliste.
Il faut faire renaître dans ce pays comme dans les autres un parti dont l'objectif fondamental soit d'offrir aux travailleurs la perspective d'ôter aux groupes financiers la dictature qu'ils exercent sur la société.
Il faut faire renaître un parti communiste. En ce moment où se réunit le congrès du PCF pour discuter du bilan désastreux des dernières années, j'espère, je souhaite qu'un certain nombre de militants et de sympathisants communistes réfléchissent sur les causes du recul de leur parti.
J'espère qu'ils comprendront qu'un Parti communiste qui n'a pas d'autre perspective politique que d'occuper quelques fauteuils ministériels n'est pas communiste et est condamné à disparaître au profit d'un Parti socialiste qui, lui, est ouvertement au service du patronat et de la grande bourgeoisie. Il est impossible de participer au gouvernement sans se mettre au service du grand patronat. Et accepter d'envoyer des ministres dans le gouvernement de la bourgeoisie signifie l'abandon de la défense du monde du travail et des classes populaires.
Nombreux sont encore dans ce pays les femmes et les hommes qui veulent combattre la société capitaliste et qui l'ont fait ou qui le font encore dans le cadre ou autour du PCF.
Eh bien, je souhaite qu'au lieu de se démoraliser, ils reprennent l'activité militante. Et que nous nous retrouverons, tôt ou tard, côte à côte, pas seulement dans des manifestations mais aussi dans la construction d'un véritable Parti communiste dont l'objectif politique est le bouleversement de l'ordre social existant par l'expropriation des capitalistes et par la mise à disposition de la collectivité des grandes entreprises. Une transformation fondamentale de l'économie afin qu'elle cesse de fonctionner pour le seul profit d'une petite minorité, pour qu'elle puisse enfin satisfaire au mieux les besoins de tous, sous le contrôle démocratique des travailleurs, des consommateurs et de la population.
Aujourd'hui, après bien des défaites et bien des trahisons, la classe ouvrière ne joue pas le rôle politique qu'elle doit jouer. Elle a bien du mal même simplement à se défendre face aux attaques patronales et face aux licenciements. Mais les choses peuvent aussi changer vite. Ce qui est certain, en tout cas, c'est que, si nous ne voulons pas subir éternellement la violence de la classe dominante, la violence de l'exploitation, la violence des guerres, il faut que renaisse un mouvement ouvrier révolutionnaire afin que le prolétariat puisse mettre fin à la domination de l'argent et de la bourgeoisie capitaliste sur la société.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 30 avril 2003)