Texte intégral
I
Monsieur le président du Conseil supérieur du Notariat, Armand Roth,
Monsieur le président de la Commission des finances du Sénat, Jean Arthuis,
Monsieur le rapporteur général, Gilles Carrez,
Messieurs les députés,
Mesdames, messieurs,
Je voudrais vous dire le plaisir qui est le mien ce matin d'ouvrir vos travaux sur la fiscalité du patrimoine. Je mesure l'honneur que vous me faites.
La qualité et la diversité des intervenants des deux tables rondes de la matinée garantissent à nos échanges une richesse sans égale.
Vous avez pris l'initiative d'éclairer notre réflexion sur les questions de transmission du patrimoine privé et professionnel des Français. C'est un préalable à l'action, autant qu'une incitation à aller de l'avant, que j'estime tout à fait bienvenue.
Je vous suis également reconnaissant de me donner l'occasion d'évoquer ces enjeux et de préciser l'esprit du gouvernement sur ces questions
1. Votre précieuse contribution à la réflexion sur la transmission du patrimoine privé et professionnel
Je tenais, avant toute chose, à remercier le Conseil supérieur de sa précieuse contribution.
Les notaires connaissent les préoccupations des Français
Les notaires reçoivent chaque année 20 millions de clients. Ils exercent auprès d'eux une activité de conseil en gestion de patrimoine et établissent près de 4,5 millions d'actes par an. Ils connaissent les préoccupations et les souhaits des Français. Votre parole a du poids, elle est ancrée dans l'expérience. A la fois observateurs et acteurs, vous êtes fondés à intervenir et à émettre des propositions de réforme.
Je ne trahirai pas de secret en vous redisant l'importance de vos suggestions. A titre personnel, compte tenu de la grande proximité de coeur qui me lie au notariat, mais également en ma qualité de ministre délégué au budget, promoteur d'une fiscalité gage d'efficacité économique et de dynamisme.
Les travaux des notaires
J'ai pris connaissance avec un grand intérêt de la remarquable étude réalisée, sous l'impulsion de Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur. Dans la droite ligne des deux derniers congrès, y sont rassemblées vos suggestions pour faire évoluer la fiscalité du patrimoine vers plus de modernité, d'égalité et de sécurité.
Ce document fera référence -j'ai eu l'occasion de le dire dernièrement à ses auteurs. J'ai demandé à mes services de procéder à l'étude attentive des nombreuses pistes ouvertes, sur la détention du capital comme sa transmission à titre gratuit ou onéreux.
Il est encore trop tôt pour se prononcer dans le détail sur ces propositions, mais c'est bien volontiers que je vous livrerai l'esprit qui m'anime.
De tous les enjeux qui incitent le gouvernement à agir, le plus important est l'enjeu démographique.
2. Les évolutions démographiques de notre pays appellent des réformes, s'agissant notamment de la fiscalité du patrimoine
Le constat du vieillissement de la population
Sous l'effet de l'allongement de l'espérance de vie, la France vieillit à un rythme rapide. D'ici 2035, le nombre de personnes âgées de plus de 75 ans va presque doubler. Celui des plus de 85 ans va connaître la même accélération.
Cette évolution démographique pose de très sérieux problèmes économiques, qu'il est de notre responsabilité d'identifier, afin de les anticiper. Jusqu'à présent, les risques du vieillissement ont été mis en avant pour le financement des retraites et du phénomène de dépendance.
Le gouvernement entend, par la voie d'une réforme juste, apporter la sécurité, la liberté et la solidarité qui étaient, à terme, mis en péril par l'attentisme de nos prédécesseurs.
L'étudier sous l'angle de la répartition des richesses
Ces conséquences n'épuisent pas l'ensemble du sujet. Il est urgent de l'étudier sous l'angle de la répartition des richesses. Permettez-moi de rendre hommage au récent rapport de Philippe Marini, rapporteur général du budget à la Commission des Finances du Sénat, sur la fiscalité des mutations à titre gratuit. Nous avions initié ensemble cette réflexion, avant que je ne rejoigne le gouvernement.
Ce constat est simple : le patrimoine est aujourd'hui concentré entre les mains d'une population vieillie, alors même que l'allongement de la durée de la vie accentue la coexistence de plusieurs générations d'une même lignée. Cette évolution est porteuse de menaces, comme le risque de stérilisation d'un patrimoine, en particulier immobilier.
Nous avons à coeur d'assurer la vitalité de notre économie et de notre société, de donner à notre pays les moyens d'une économie dynamique et attractive, d'insuffler l'esprit d'entreprise et de conquête.
Notre pays a intérêt à ce que le capital soit détenu par des Français en âge de le faire fructifier de la façon la plus mobile et la plus dynamique possible. La fiscalité est sans doute le levier le plus efficace pour assurer la fluidité des patrimoines vers les nouvelles générations, qui ont des besoins immédiats et surtout l'envie d'entreprendre.
3. Notre philosophie : encourager une transmission anticipée du patrimoine pour dynamiser notre économie
Lever les blocages
Permettez-moi de vous livrer une certitude, que je sais partagée : la fiscalité doit accompagner le développement économique et non le freiner. Levons les blocages dans la gestion et la circulation des patrimoines.
Il en va de l'attractivité de notre territoire, de notre richesse et de l'emploi. La question est simple : comment concilier l'équité des prélèvements opérés, la nécessité d'un système fiscal compétitif et le souci d'accompagner une dynamique économique ?
Une fiscalité du patrimoine neutre
Pour ma part, je souhaite aborder cette question avec pragmatisme : mon ambition est une fiscalité du patrimoine le plus neutre possible dans les choix des acteurs économiques.
Le gouvernement est conscient des enjeux. Un certain nombre de mesures ont d'ores et déjà été prises. D'autres suivront.
Ce fut le cas, en particulier, de la transmission d'entreprises, début février, à l'occasion du projet de loi pour l'initiative économique de mon collègue Renaud Dutreil.
Ainsi le Parlement a-t-il, en première lecture, étendu aux donations le bénéfice de l'exonération de 50 % de la valeur de l'entreprise applicable jusqu'alors aux seules successions.
Par ailleurs, quelques aménagements de l'impôt sur la fortune ont corrigé les aspects négatifs de cet impôt sur l'investissement et sur l'emploi. Notre souci est d'orienter l'épargne disponible vers les entreprises.
Enfin, la loi de finances pour 2003 a permis une première adaptation du régime des donations entre grands-parents et petits-enfants. Pour favoriser la solidarité entre les générations et encourager les transmissions anticipées, le montant de l'abattement a été doublé.
Réfléchir à une réforme plus large
Ces mesures sont autant de gages de notre détermination, mais il faut aller au-delà. Nous réfléchissons à une réforme plus large.
Tout ce qui peut concourir à la transmission anticipée du capital, en pleine propriété, doit être à mon sens utilisé.
Au moment où de très nombreux chefs d'entreprises vont arriver à l'âge de la retraite, le cadre réglementaire et fiscal doit faciliter la transmission d'entreprises. Trop de PME disparaissent aujourd'hui à cette étape critique. L'inventaire des obstacles à la cession ou au legs est désormais bien connu, il nous appartient à présent de les réduire.
Naturellement, notre difficile situation budgétaire réduit notre marge de manoeuvre. Cette situation nous impose d'avancer par ordre de priorité.
Simplifier et moderniser notre fiscalité
Les contraintes qui sont les nôtres nous conduisent à ne pas négliger les mesures de simplification. Notre fiscalité doit être simplifiée et modernisée pour être mieux comprise et mieux appliquée.
*La modernisation du droit de timbre
Je pense à la réflexion de la Direction générale des impôts, en lien étroit avec le notariat, sur la modernisation du droit de timbre de dimension. C'est un archaïsme que nous ne connaissons que trop bien. La perspective de la dématérialisation des actes, avec l'arrivée promise de l'acte notarié électronique, plaide pour une telle évolution.
*La réévaluation du barème de l'usufruit
Je m'interroge aussi sur la réévaluation du barème de l'usufruit. Fixé en fonction de l'espérance de vie du début du XXe siècle et inchangé depuis 1901, ne doit-il pas être actualisé ? Nous devrons toutefois être vigilants sur l'ensemble des conséquences d'une telle évolution. Il ne s'agit pas en effet dans mon esprit de réformer le lundi pour être contraint de revenir en arrière le vendredi.
Je crois, enfin, que l'administration fiscale doit mieux dialoguer avec les usagers afin de sécuriser les transactions. Vos propositions en matière d'évaluation des biens vont dans ce sens et méritent d'être particulièrement étudiées. J'ai demandé à la DGI d'y travailler.
Ce rôle d'expert, issu d'univers différents (politiques, universitaire, juridiques), l'approche responsable et professionnelle de vos différentes fonctions, je suis heureux que les mettiez à l'oeuvre dans cette réflexion commune.
J'attends beaucoup des échanges et des confrontations, qui vont maintenant s'engager. Je m'en voudrais de les retarder plus encore.
Je vous souhaite une très fructueuse matinée de débat, au service d'une France dotée d'un régime fiscal moderne et sachant ainsi se donner toutes les chances pour l'avenir.
Merci de votre attention
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 23 mai 2003)
Monsieur le président du Conseil supérieur du Notariat, Armand Roth,
Monsieur le président de la Commission des finances du Sénat, Jean Arthuis,
Monsieur le rapporteur général, Gilles Carrez,
Messieurs les députés,
Mesdames, messieurs,
Je voudrais vous dire le plaisir qui est le mien ce matin d'ouvrir vos travaux sur la fiscalité du patrimoine. Je mesure l'honneur que vous me faites.
La qualité et la diversité des intervenants des deux tables rondes de la matinée garantissent à nos échanges une richesse sans égale.
Vous avez pris l'initiative d'éclairer notre réflexion sur les questions de transmission du patrimoine privé et professionnel des Français. C'est un préalable à l'action, autant qu'une incitation à aller de l'avant, que j'estime tout à fait bienvenue.
Je vous suis également reconnaissant de me donner l'occasion d'évoquer ces enjeux et de préciser l'esprit du gouvernement sur ces questions
1. Votre précieuse contribution à la réflexion sur la transmission du patrimoine privé et professionnel
Je tenais, avant toute chose, à remercier le Conseil supérieur de sa précieuse contribution.
Les notaires connaissent les préoccupations des Français
Les notaires reçoivent chaque année 20 millions de clients. Ils exercent auprès d'eux une activité de conseil en gestion de patrimoine et établissent près de 4,5 millions d'actes par an. Ils connaissent les préoccupations et les souhaits des Français. Votre parole a du poids, elle est ancrée dans l'expérience. A la fois observateurs et acteurs, vous êtes fondés à intervenir et à émettre des propositions de réforme.
Je ne trahirai pas de secret en vous redisant l'importance de vos suggestions. A titre personnel, compte tenu de la grande proximité de coeur qui me lie au notariat, mais également en ma qualité de ministre délégué au budget, promoteur d'une fiscalité gage d'efficacité économique et de dynamisme.
Les travaux des notaires
J'ai pris connaissance avec un grand intérêt de la remarquable étude réalisée, sous l'impulsion de Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur. Dans la droite ligne des deux derniers congrès, y sont rassemblées vos suggestions pour faire évoluer la fiscalité du patrimoine vers plus de modernité, d'égalité et de sécurité.
Ce document fera référence -j'ai eu l'occasion de le dire dernièrement à ses auteurs. J'ai demandé à mes services de procéder à l'étude attentive des nombreuses pistes ouvertes, sur la détention du capital comme sa transmission à titre gratuit ou onéreux.
Il est encore trop tôt pour se prononcer dans le détail sur ces propositions, mais c'est bien volontiers que je vous livrerai l'esprit qui m'anime.
De tous les enjeux qui incitent le gouvernement à agir, le plus important est l'enjeu démographique.
2. Les évolutions démographiques de notre pays appellent des réformes, s'agissant notamment de la fiscalité du patrimoine
Le constat du vieillissement de la population
Sous l'effet de l'allongement de l'espérance de vie, la France vieillit à un rythme rapide. D'ici 2035, le nombre de personnes âgées de plus de 75 ans va presque doubler. Celui des plus de 85 ans va connaître la même accélération.
Cette évolution démographique pose de très sérieux problèmes économiques, qu'il est de notre responsabilité d'identifier, afin de les anticiper. Jusqu'à présent, les risques du vieillissement ont été mis en avant pour le financement des retraites et du phénomène de dépendance.
Le gouvernement entend, par la voie d'une réforme juste, apporter la sécurité, la liberté et la solidarité qui étaient, à terme, mis en péril par l'attentisme de nos prédécesseurs.
L'étudier sous l'angle de la répartition des richesses
Ces conséquences n'épuisent pas l'ensemble du sujet. Il est urgent de l'étudier sous l'angle de la répartition des richesses. Permettez-moi de rendre hommage au récent rapport de Philippe Marini, rapporteur général du budget à la Commission des Finances du Sénat, sur la fiscalité des mutations à titre gratuit. Nous avions initié ensemble cette réflexion, avant que je ne rejoigne le gouvernement.
Ce constat est simple : le patrimoine est aujourd'hui concentré entre les mains d'une population vieillie, alors même que l'allongement de la durée de la vie accentue la coexistence de plusieurs générations d'une même lignée. Cette évolution est porteuse de menaces, comme le risque de stérilisation d'un patrimoine, en particulier immobilier.
Nous avons à coeur d'assurer la vitalité de notre économie et de notre société, de donner à notre pays les moyens d'une économie dynamique et attractive, d'insuffler l'esprit d'entreprise et de conquête.
Notre pays a intérêt à ce que le capital soit détenu par des Français en âge de le faire fructifier de la façon la plus mobile et la plus dynamique possible. La fiscalité est sans doute le levier le plus efficace pour assurer la fluidité des patrimoines vers les nouvelles générations, qui ont des besoins immédiats et surtout l'envie d'entreprendre.
3. Notre philosophie : encourager une transmission anticipée du patrimoine pour dynamiser notre économie
Lever les blocages
Permettez-moi de vous livrer une certitude, que je sais partagée : la fiscalité doit accompagner le développement économique et non le freiner. Levons les blocages dans la gestion et la circulation des patrimoines.
Il en va de l'attractivité de notre territoire, de notre richesse et de l'emploi. La question est simple : comment concilier l'équité des prélèvements opérés, la nécessité d'un système fiscal compétitif et le souci d'accompagner une dynamique économique ?
Une fiscalité du patrimoine neutre
Pour ma part, je souhaite aborder cette question avec pragmatisme : mon ambition est une fiscalité du patrimoine le plus neutre possible dans les choix des acteurs économiques.
Le gouvernement est conscient des enjeux. Un certain nombre de mesures ont d'ores et déjà été prises. D'autres suivront.
Ce fut le cas, en particulier, de la transmission d'entreprises, début février, à l'occasion du projet de loi pour l'initiative économique de mon collègue Renaud Dutreil.
Ainsi le Parlement a-t-il, en première lecture, étendu aux donations le bénéfice de l'exonération de 50 % de la valeur de l'entreprise applicable jusqu'alors aux seules successions.
Par ailleurs, quelques aménagements de l'impôt sur la fortune ont corrigé les aspects négatifs de cet impôt sur l'investissement et sur l'emploi. Notre souci est d'orienter l'épargne disponible vers les entreprises.
Enfin, la loi de finances pour 2003 a permis une première adaptation du régime des donations entre grands-parents et petits-enfants. Pour favoriser la solidarité entre les générations et encourager les transmissions anticipées, le montant de l'abattement a été doublé.
Réfléchir à une réforme plus large
Ces mesures sont autant de gages de notre détermination, mais il faut aller au-delà. Nous réfléchissons à une réforme plus large.
Tout ce qui peut concourir à la transmission anticipée du capital, en pleine propriété, doit être à mon sens utilisé.
Au moment où de très nombreux chefs d'entreprises vont arriver à l'âge de la retraite, le cadre réglementaire et fiscal doit faciliter la transmission d'entreprises. Trop de PME disparaissent aujourd'hui à cette étape critique. L'inventaire des obstacles à la cession ou au legs est désormais bien connu, il nous appartient à présent de les réduire.
Naturellement, notre difficile situation budgétaire réduit notre marge de manoeuvre. Cette situation nous impose d'avancer par ordre de priorité.
Simplifier et moderniser notre fiscalité
Les contraintes qui sont les nôtres nous conduisent à ne pas négliger les mesures de simplification. Notre fiscalité doit être simplifiée et modernisée pour être mieux comprise et mieux appliquée.
*La modernisation du droit de timbre
Je pense à la réflexion de la Direction générale des impôts, en lien étroit avec le notariat, sur la modernisation du droit de timbre de dimension. C'est un archaïsme que nous ne connaissons que trop bien. La perspective de la dématérialisation des actes, avec l'arrivée promise de l'acte notarié électronique, plaide pour une telle évolution.
*La réévaluation du barème de l'usufruit
Je m'interroge aussi sur la réévaluation du barème de l'usufruit. Fixé en fonction de l'espérance de vie du début du XXe siècle et inchangé depuis 1901, ne doit-il pas être actualisé ? Nous devrons toutefois être vigilants sur l'ensemble des conséquences d'une telle évolution. Il ne s'agit pas en effet dans mon esprit de réformer le lundi pour être contraint de revenir en arrière le vendredi.
Je crois, enfin, que l'administration fiscale doit mieux dialoguer avec les usagers afin de sécuriser les transactions. Vos propositions en matière d'évaluation des biens vont dans ce sens et méritent d'être particulièrement étudiées. J'ai demandé à la DGI d'y travailler.
Ce rôle d'expert, issu d'univers différents (politiques, universitaire, juridiques), l'approche responsable et professionnelle de vos différentes fonctions, je suis heureux que les mettiez à l'oeuvre dans cette réflexion commune.
J'attends beaucoup des échanges et des confrontations, qui vont maintenant s'engager. Je m'en voudrais de les retarder plus encore.
Je vous souhaite une très fructueuse matinée de débat, au service d'une France dotée d'un régime fiscal moderne et sachant ainsi se donner toutes les chances pour l'avenir.
Merci de votre attention
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 23 mai 2003)