Déclaration de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, sur le projet de loi relatif à la famille, à l'Assemblée nationale le 1er juin 1994.

Prononcé le 1er juin 1994

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Circonstance : Présentation du projet de loi relatif à la famille, à l'Assemblée nationale le 1er juin 1994.

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
En cette année internationale de la famille, l'Assemblée Nationale est appelée à débattre d'un projet de loi relatif à la famille dont le Premier Ministre a rappelé à plusieurs reprises qu'il constitue une des priorités du programme législatif du Gouvernement.
Avant de vous présenter les grandes lignes de ce projet, je tiens à remercier la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, son Président Monsieur PERICARD, du travail accompli pour préparer le débat en séance plénière et enrichir la discussion. Je tiens également à féliciter et remercier Madame CODACCIONI, votre Rapporteur, pour ses deux excellents rapports : le premier qu'elle a rédigé à la demande du Premier Ministre et sur lequel nous nous sommes appuyés pour élaborer ce projet de loi ; le second, particulièrement éclairant, qu'elle a rédigé au titre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales et qui facilitera beaucoup notre discussion dans les jours à venir.
Traditionnellement, à la différence de certains pays voisins, la France a toujours reconnu la vocation des pouvoirs publics à mettre en uvre une politique propre à encourager les naissances et à améliorer la situation des familles. Certes, cette politique a été selon les époques plus ou moins dynamique et volontariste. Cependant, non seulement sa légitimité n'est jamais contestée, mais elle est reconnue par l'ensemble de la Nation comme une nécessité qui répond à un souci de justice et d'équilibre social. On oublie souvent à quel point notre fiscalité avec le système du quotient familial, l'organisation de l'assurance maladie avec une cotisation unique quelle que soit la taille de la famille, la politique du logement social et les prestations familiales apportent aux familles le soutien de la solidarité nationale.
Pourquoi le Premier Ministre a-t-il alors souhaité accorder une priorité à ce projet de loi sur la famille ?
En premier lieu, parce que la famille est au cur de notre organisation sociale ; pour tous les français, et notamment pour les jeunes, elle représente le symbole du bonheur quotidien ; on ne le répétera jamais assez. La famille est par excellence un lieu d'amour et de responsabilité partagée où s'exercent les premières solidarités. C'est au sein de sa famille que l'enfant fait l'apprentissage de ses droits et de ses devoirs. C'est dans ce cadre qu'il acquiert les valeurs fondamentales sur lesquelles s'appuie notre société. Pour toutes ces raisons, la famille est bien la cellule de base de notre société et demeure, aujourd'hui comme hier, le ciment de notre cohésion sociale et le garant de la société de demain.
Dans le contexte économique, social et démographique que nous connaissons, notre engagement en faveur des familles est encore plus indispensable que par le passé. Dans un monde où la plupart des repères sont de plus en plus difficiles à percevoir, à un moment où la crise économique et sociale touche un grand nombre de nos concitoyens, la famille constitue une valeur refuge essentielle et remplit un rôle irremplaçable. Les solidarités créées à travers les liens familiaux permettent aux jeunes de faire face avec une plus grande sérénité à un avenir incertain et parfois angoissant. Dans le même temps, les anciens reçoivent de la part de leurs enfants, et même souvent de leurs petits enfants, une assistance à la vie quotidienne qui permet aux grands dépendants de rester à domicile, entourés de l'affection de leurs proches. Pour toutes ces raisons, il me parait clair que le Gouvernement, en décidant de conforter l'institution familiale, répond incontestablement à une aspiration forte de la population toute entière.
Le Gouvernement entend aussi répondre à l'appel de tous ceux qui, à juste titre, sont de plus en plus nombreux à s'inquiéter de l'avenir démographique de notre pays sachant que l'aggravation de la baisse de la natalité ne pourrait que porter atteinte au dynamisme de la nation. Le Gouvernement entend enfin aider les parents à surmonter les difficultés qui pourraient faire obstacle à la réalisation de leurs projets familiaux. Tous les sondages montrent en effet que nombre de couples n'ont pas autant d'enfants qu'ils le souhaitent. Ils sont ainsi privés d'un grand bonheur et privent leurs enfants de la joie de grandir aux côtés de frères et de surs.
Pour toutes ces raisons et pour nous permettre d'aborder avec plus d'élan et d'espoir le 21ème siècle, il était de notre devoir de mieux accompagner les familles, de mieux répondre à leurs besoins.
Ainsi, tout en tenant compte des contraintes budgétaires liées à la situation économique et sociale très difficile que nous connaissons, le présent projet de loi vise-t-il à répondre aux besoins les plus pressants des familles pour permettre à tous leurs membres d'avoir une vie plus équilibrée et à chacun de choisir son plein épanouissement entre la vie professionnelle et la vie familiale. Les réponses que nous proposons d'apporter nous paraissent équilibrées et en même temps réalistes et pragmatiques.
Le programme que nous vous proposons est ambitieux. Il touche de nombreuses catégories de familles : celles qui ont de jeunes enfants et celles qui ont de jeunes adultes à charge, celles où les deux parents travaillent ou celles dont l'un d'entre eux souhaite cesser ou réduire son activité professionnelle, celles qui adoptent des enfants, celles qui doivent faire face à des naissances multiples. D'ici cinq ans, ce sont plus d'un million et demi de familles qui seront concernées. L'ensemble de ces mesures suppose un effort important de la Nation. Le Gouvernement envisage d'y consacrer 55 milliards de francs dans les cinq prochaines années et en fin de programme, soit en 1999, 19 milliards de francs par an. De plus, en réponse aux demandes d'un grand nombre de parlementaires, le Gouvernement a d'ores et déjà décidé d'accepter ou de reprendre à son compte certains amendements qui représenteront une dépense supplémentaire d'environ 2 milliards et demi de francs au cours des trois prochaines années. Il s'agit donc d'un effort sans précédent depuis la création du complément familial que j'avais moi-même soumis au Parlement en 1978.
Ce programme est aussi réaliste. La situation économique et l'état des comptes sociaux ne permettent pas d'envisager des mesures qui creuseraient substantiellement le déficit du régime général de la Sécurité sociale. Si nous voulons favoriser les créations d'emploi, ce qui est prioritaire pour les familles elles-mêmes, nous ne pouvons pas nous permettre d'augmenter les prélèvements obligatoires. C'est pourquoi une partie des mesures décidées n'entreront en vigueur qu'au rythme où nous disposerons des marges financières adéquates.
Avant de vous exposer les mesures proposées, il me parait essentiel de préciser que ce projet de loi ne couvre qu'une partie de la politique globale de la famille que le Gouvernement entend mener. En effet, en raison de leur place centrale dans notre société, les familles sont au cur de la plupart des politiques publiques. Sauf à priver ces politiques d'une nécessaire cohérence, on ne peut en dissocier tout ce qui concerne les familles. Ainsi par exemple, et ce n'est qu'un exemple, tout ce qui touche à l'éducation des enfants concerne directement les familles mais ce n'est pas à l'occasion d'une loi sur la famille qu'il y a lieu de réformer l'éducation nationale.
Par ailleurs, tout ce qui touche à la vie des familles n'est pas nécessairement d'ordre législatif. Il est évident qu'il est tout à fait souhaitable que les représentants des familles soient systématiquement consultés au sein de nombreuses instances qui sont appelées à se prononcer sur des questions qui, de près ou de loin, concernent la vie des familles. J'observe que cette représentation relève souvent de décrets ou de circulaires. C'est la raison pour laquelle, quoique très favorable à cette participation, le Gouvernement n'a pas cru devoir l'intégrer dans le corps même du texte, et s'est borné à faire état de ses intentions dans l'exposé des motifs.
J'en viens maintenant au contenu du projet de loi lui-même, en commençant par ses modalités de financement.
Tout d'abord, je tiens à le souligner car tout le monde n'a peut-être pas encore mesuré la portée de cet engagement : le Gouvernement a décidé d'assurer le coût de ce programme quinquennal en rompant radicalement avec les habitudes du passé.
Il le fait d'abord en consolidant les ressources de la CNAF à leur niveau actuel, mettant fin ainsi à l'appauvrissement régulier de la branche famille. Cette consolidation est garantie pour la première fois par la loi. De ce fait, l'État s'engage à compenser par une subvention versée à la Caisse nationale des allocations familiales, toutes les pertes de recettes qui pourraient résulter de mesures législatives ou réglementaires prises à compter du 1er janvier 1993.
Dans le même temps, les recettes de la branche famille seront intégralement affectées à la politique familiale grâce à la séparation des branches de la Sécurité sociale que nous proposons dans le projet de loi relatif à la sécurité sociale qui vient d'être déposé au Sénat.
Le Gouvernement vous propose ainsi de mettre fin à la pratique antérieure où les excédents de la CNAF étaient détournés de leur vocation celle de financer la politique familiale à l'abri de la trésorerie commune.
C'est sur cette double garantie - longtemps demandée par l'UNAF et les mouvements familiaux - que nous avons bâti notre programme financier.
Selon nos prévisions, la Caisse nationale des allocations familiales, devrait dégager progressivement un excédent structurel qui résultera pour l'essentiel de la progression de ses recettes, compte tenu de la croissance de la masse salariale que nous estimons à 1,5 % en 1995 et à 3 % les années suivantes en francs constants alors que nous proposons - j'y reviendrai - d'indexer les prestations de base sur les prix.
Par ailleurs, l'évolution démographique constatée depuis plusieurs années produit mécaniquement des économies de prestations. Il va de soi que nous espérons que la natalité se redressera, et je pense que la loi qui vous est proposée y contribuera. Mais l'analyse prévisionnelle sur cinq ans montre que le déficit démographique actuellement constaté - donc irréversible -, celui des enfants non nés ces dernières années, ne pourra se redresser que progressivement au fur et à mesure de l'augmentation des naissances.
Ces recettes étant acquises, il est prévu, pour financer l'intégralité du programme, d'indexer pendant cinq ans les prestations familiales sur les prix. Le Gouvernement estime en effet préférable de concentrer l'effort sur certaines situations familiales, plutôt que de disperser les moyens sur l'ensemble des prestations.
Nous devrions donc disposer en fin de programme, des 19 milliards de francs annuels nécessaires à la mise en uvre de l'ensemble des mesures qui vous sont proposées. Si la conjoncture évolue plus favorablement, ce programme pourra entrer en application plus rapidement.
Que faisons-nous avec les crédits ainsi dégagés ? Nous concentrons l'effort sur deux grandes catégories de familles : celles qui ont de jeunes enfants et celles dont les enfants devenus adultes sont encore à leur charge.
Tout le monde mesure - les femmes en premier lieu - quelles sujétions entraîne la présence de jeunes enfants, notamment pour concilier la vie familiale et la vie professionnelle.
Par ailleurs, c'est bien évidemment lorsque les parents sont jeunes et débutent leur vie familiale qu'il faut leur proposer des conditions de vie satisfaisantes si on veut qu'ils envisagent positivement une naissance supplémentaire. C'est ce double impératif - familial et nataliste - qui nous a conduit à privilégier l'accueil des jeunes enfants, ce temps fort de la vie familiale. Le projet qui vous est proposé va concerner 650.000 familles, nous y affecterons 8 milliards de F, soit un accroissement de plus de 25 % des crédits que la branche famille consacre spécifiquement aux familles ayant un jeune enfant.
Nous avons certes étudié des schémas plus ambitieux ; c'est le cas notamment de la proposition de substituer aux différentes prestations existantes une allocation de libre choix que formulait Madame CODACCIONI dans le rapport qu'elle avait remis au Premier Ministre. Mais une telle réforme aurait impliqué des dépenses supplémentaires de plus de 20 milliards, ce qui n'était pas envisageable actuellement et nous aurait contraint à renoncer à tout progrès sur les autres champs de la politique familiale, notamment en aidant les familles ayant de jeunes adultes à leur charge.
Ainsi, sans pouvoir aller aussi loin que ce que proposait ce rapport, nous avons tenu à respecter les principes de neutralité, d'équilibre et de libre choix qui inspiraient Madame CODACCIONI.
Le dispositif qui vous est proposé est donc équilibré dans ses deux volets : celui qui, avec l'extension de l'allocation parentale d'éducation, concerne les familles où l'un des parents n'a pas d'activité professionnelle ou souhaite la réduire voire la suspendre ; celui qui, autour des différentes formules d'accueil et de garde, concerne surtout les familles où les parents ont une activité professionnelle.
L'extension de l'allocation parentale d'éducation est un élément majeur de notre programme. Cette allocation qui existe déjà à la suite d'une troisième naissance, sera ouverte dès la seconde naissance. Cette réforme constitue un progrès fondamental mais ne figure pas dans le projet de loi qui vous est soumis car il s'agit d'une mesure d'ordre réglementaire. L'allocation d'un montant de 2 900 francs, non imposable et non prise en compte pour le calcul des aides au logement, représentera un apport monétaire appréciable pour ces familles. Ainsi, s'agissant d'un ménage percevant deux salaires équivalant au SMIC, l'allocation parentale d'éducation assurera un revenu de remplacement de 80 %. Ce n'est pas négligeable.
Par ailleurs, que ce soit pour le deuxième enfant ou les suivants, l'allocation parentale d'éducation pourra bénéficier aux parents qui travaillent à temps partiel ; son montant sera alors modulé. Je tiens à préciser que cette possibilité n'existait pas jusqu'à présent. Les bénéficiaires de l'allocation parentale d'éducation ne pouvaient en effet exercer une activité à mi-temps qu'à partir du deuxième anniversaire de l'enfant, c'est à dire pour la dernière année d'APE et quant les parents avaient cessé leur activité, ils ne la reprenaient pas. C'est pourquoi seulement 750 femmes optaient pour cette possibilité ; la réforme proposée va, elle, concerner 160.000 familles. En outre, la retraite des parents qui bénéficient d'une allocation parentale d'éducation à taux partiel sera améliorée.
Au total, l'extension de l'allocation parentale d'éducation concernera plus de 250.000 familles et son coût dépassera 4 milliards de francs, soit une augmentation de 70 % des crédits actuellement engagés.
Il était prévu que ces dispositions rentrent en vigueur le 1er janvier 1995 mais, compte tenu des souhaits que vous avez exprimés et des très nombreux courriers que j'ai reçus à ce sujet, le Gouvernement a accepté d'avancer les mesures relatives à l'allocation parentale d'éducation au 1er juillet 1994. Cette décision entraînera un surcoût de 2 milliards sur les trois prochaines années.
De plus, le Gouvernement a décidé de reprendre à son compte un amendement prévoyant d'exonérer de charges sociales des allocations spécifiques que certaines entreprises accepteraient de verser à leurs salariés qui souhaiteraient prendre un congé parental dès lors que l'entreprise s'engage à procéder à des embauches compensatrices. Cette mesure permettra de favoriser des accords d'entreprise comme celui de l'entreprise FLEURY MICHON.
Par ailleurs, pour les parents qui souhaitent ou sont contraints de poursuivre leur activité, il est prévu un ensemble de mesures destinées à les aider à recourir à un mode de garde pour leur enfant.
A la suite d'une première naissance, plus de 80 % des femmes poursuivent leur activité professionnelle. Il nous faut donc mieux prendre en compte les besoins de ces familles si nous souhaitons les encourager à donner des frères et surs à ce premier enfant. Il est donc proposé, d'une part, d'augmenter l'aide financière aux parents qui emploient une assistante maternelle et d'autre part, d'exonérer totalement de charges sociales les parents qui emploient une personne salariée à leur domicile pour assurer la garde de leurs enfants de moins de trois ans et de prolonger cette aide à mi-taux jusqu'à six ans. Ces deux mesures coûteront environ un milliard de francs par an.
En outre, nous avons prévu d'engager avec la Caisse nationale des allocations familiales un important programme d'aide au développement de l'ensemble des modes de garde. Le Gouvernement s'engage à consacrer 600 millions supplémentaires la première année et 3 milliards au terme de la période quinquennale afin de permettre la création d'environ 100 000 places de crèches ou halte garderies au cours des cinq prochaines années. Pour favoriser la réalisation de ce programme, les communes de plus de 5 000 habitants devront élaborer un schéma de développement des modes d'accueil.
Plus de 400 000 familles seront concernées par ces mesures qui mobiliseront 4 milliards de francs par an en fin de programme.
J'ajoute que la politique d'accueil du jeune enfant qui vous est proposée, dans ses deux volets, contribuera de façon significative à l'emploi. Nous estimons à 100.000 les emplois nouveaux dont ce projet de loi devrait permettre la création. A hauteur de 50.000 environ il s'agira d'emplois libérés ; l'extension de l'APE va amener en effet certains parents à diminuer ou suspendre leur activité professionnelle, ce qui constitue une modification très significative de comportement puisqu'elle concernerait un cinquième des allocataires de l'APE à la naissance de leur deuxième enfant. A hauteur de 50 000, il s'agira d'emplois créés soit au domicile des particuliers soit dans les structures collectives d'accueil, notamment dans les crèches.
Mais les aides financières et les services ne sauraient suffire à améliorer la vie quotidienne des familles. C'est pourquoi nous avons prévu différentes mesures favorisant une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Actuellement, le congé parental permet aux salariés qui ont un enfant de moins de trois ans de suspendre totalement ou partiellement son contrat de travail tout en bénéficiant de la garantie de retrouver leur emploi, ou un emploi équivalent, à l'issue de ce congé. Cependant, les deux tiers des femmes salariées travaillent dans des entreprises de moins de 100 salariés qui peuvent leur refuser ce congé parental. Le Gouvernement propose donc d'ouvrir le droit au congé parental à l'ensemble des salariés, quelle que soit la taille de leur entreprise. Le droit au congé parental à mi-temps sera ouvert dans la Fonction Publique. Enfin, pour les parents qui doivent faire face aux maladies de leurs enfants de moins de 16 ans, seront ouverts des droits à des congés ou à une réduction d'activité professionnelle. Ces possibilités concerneront autant les salariés du secteur privé que les fonctionnaires. Nous répondrons ainsi aux désirs légitimes de la plupart des parents qui souhaitent surmonter certaines contraintes professionnelles pour s'occuper plus et mieux de leurs enfants.
Deuxième grand axe du projet de loi sur la famille : l'aide aux familles ayant de jeunes adultes à leur charge. Sur ce point, la demande des familles est très forte comme je l'ai dit car les enfants restent de plus en plus longtemps à leur charge parce qu'ils poursuivent des études ou que leur accès au travail est difficile. Beaucoup de parents se plaignent de perdre le bénéfice des prestations familiales à un moment où leurs enfants entraînent des dépenses particulièrement importantes. Actuellement, les enfants n'ouvrent en effet droit aux prestations familiales que s'ils ont moins de 18 ans ou s'ils ont moins de 20 ans et poursuivent des études, une formation professionnelle ou sont en apprentissage. Le Gouvernement propose donc de généraliser le bénéfice des prestations familiales à l'ensemble des familles qui ont à charge des jeunes de 18 à 20 ans. Par ailleurs, le versement de ces prestations sera prolongé jusqu'à 22 ans pour les étudiants, apprentis et les jeunes en formation professionnelle.
Ces mesures qui bénéficieront à 580 000 familles, représenteront, lorsqu'elles seront arrivées à terme, un coût annuel de 8 milliards et demi de francs. Enfin, 3 milliards de francs seront consacrés au renforcement des aides au logement des familles.
Nous sommes cependant face à de très fortes contraintes financières. C'est pourquoi cette réforme sera menée de façon progressive, en fonction des disponibilités financières de la branche famille. Je tiens à souligner qu'elle bénéficiera en premier lieu aux familles nombreuses et de revenus modestes.
Sur la base de nos hypothèses économiques à moyen terme, nous devrions être en mesure de financer l'intégralité de ce programme en 1999. Mais le projet de loi ne prévoyait en ce domaine aucune garantie de bonne fin. Votre Commission a souhaité qu'on indique formellement que le recul de l'âge limite à 22 ans devra être mis en uvre au plus tard le 31 décembre 1999 même si la conjoncture économique est moins favorable que nous ne le pensons. Le Gouvernement acceptera cet amendement qui nous imposera, si, le moment venu, les comptes de la CNAF sont serrés, un effort supplémentaire. Mais en assumant cette contrainte, nous marquerons notre volonté de privilégier les prestations familiales dans le budget social.
En dehors de ces trois grandes orientations, des mesures spécifiques concernent des familles qui connaissent des situations particulières. C'est le cas des familles qui ont des naissances multiples et bénéficieront d'une part, d'un allongement du congé maternité et d'autre part, d'une prolongation du versement de l'allocation pour jeune enfant qui représentera un gain de près de 6 000 francs pour une famille avec des jumeaux et de plus de 11 000 francs pour une famille avec des triplés. C'est aussi le cas des familles adoptives qui bénéficieront d'une allocation d'adoption de près de 4 000 francs.
Enfin, même si cette mesure est moins directement liée à la famille et compte tenu de la situation particulière des veuves, il a été décidé de porter progressivement de 52 à 60 % le taux des pensions de réversion. Ce taux sera porté à 54 % le 1er janvier 1995. Afin de pouvoir remettre à niveau l'ensemble des pensions de réversion déjà liquidées, le Gouvernement a déposé un amendement au projet de loi.
C'est au total, plus d'un million et demi de familles - auxquelles il faut rajouter un million de titulaires d'une pension de réversion - qui verront leur situation substantiellement améliorée grâce à ce projet de loi. Ce projet suppose un effort important de la collectivité toute entière ; effort indispensable pour restaurer la confiance en l'avenir sans laquelle aucun projet familial ne peut s'accomplir. C'est à la fois le bonheur quotidien de chacun et le dynamisme de notre pays qui sont en jeu. En effet, toute notre société doit être orientée vers le désir d'avoir des enfants et de permettre à chacun, au sein de la famille, d'y trouver son plein épanouissement.
Le débat d'aujourd'hui est donc un débat important. Je sais que, comme moi, vous êtes conscients des lourds enjeux dont il est porteur. Certes ce projet n'est qu'une étape de plus dans la construction de cette politique ; il n'est aussi - je le répète - qu'un volet d'une politique globale. En vous le présentant, j'ai conscience de répondre à une attente forte de l'opinion. C'est un acte de confiance envers les familles, un acte d'espoir dans l'avenir de notre pays, un acte de conviction que je vous demande de partager.