Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur les grands axes d'une politique de la ville dans le cadre d'un développement urbain durable, Paris le 25 mars 2003.

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Circonstance : Colloque organisé par les éco-maires sur le thème "Politique de la ville et développement durable", à Paris le 25 mars 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames, Messieurs,
Je n'ai pu assister à vos travaux, mais c'est avec plaisir que je vous rejoins en cette fin d'après-midi pour la conclusion de ce débat, dont les enjeux sont de première importance.
Nous avons tous les mêmes données à l'esprit : aujourd'hui, quatre français sur cinq vivent en ville. Depuis ces dernières décennies, la croissance démographique des villes se poursuit, agrégeant dans leur orbite les territoires ruraux adjacents, avec les conséquences que l'on connaît : étalement urbain, place croissante de l'automobile, exposition aux risques naturels notamment, mais aussi tendance à l'éclatement social de l'espace urbain.
En France comme ailleurs, les villes sont au cur des dynamiques économiques, sociales et culturelles. Elles jouent un rôle d'entraînement sur l'ensemble du territoire. Elles le structurent. Cette dynamique générale n'empêche pas le développement de fortes disparités entre les villes et au coeur même des agglomérations. Des fractures territoriales se révèlent ainsi progressivement. Elles suivent les clivages sociaux et écologiques. J'observe que bien souvent, les quartiers en difficulté sont aussi ceux qui cumulent le plus de nuisances : coupures urbaines, exposition au bruit et aux risques naturels ou technologiques, proximité des activités polluantes, dégradation des espaces extérieurs
Certes des outils de planification ont été mis en place au profit d'une plus grande solidarité sociale et territoriale. Ils permettent de concevoir des documents stratégiques conçus à l'échelle de l'agglomération qui mettent en cohérence l'ensemble des politiques sectorielles concourant au développement des villes. Je pense notamment à l'habitat, aux déplacements, à l'aménagement, ou encore à l'équipement commercial.
Cette approche globale a été mise en oeuvre par un système de contractualisation entre l'Etat et les Villes, notamment par les grands projets de ville ou les contrats pluriannuels d'agglomération. Ces démarchent contribuent à renforcer la préservation des équilibres écologiques, par exemple en matière d'assainissement des eaux usées, de traitement des déchets, de prévention des risques naturels, ou encore de lutte contre la pollution de l'air et contre l'effet de serre.
Nous devons aller au-delà et rechercher ensemble, comment mieux conjuguer développement durable et politique de la ville. Il y a, à mes yeux, cinq axes de travail :
Le premier : l'amélioration de la qualité de vie dans la cité, le quartier, le logement. Ce sujet renvoie, à la fois, à la question de l'amélioration du traitement environnemental des quartiers, à l'aménagement d'espaces publics, à la création d'espaces verts et de loisirs, mais aussi à la qualité et la sûreté de liaisons par un traitement adéquat des voiries, à la requalification des paysages, à la qualité architecturale du bâti et au recours à des solutions novatrices économes, de type haute qualité environnementale pour le logement neuf, mais aussi pour les opérations de rénovation. Cette démarche va dans le sens de la politique du bruit que j'entends bientôt relancer.
Le deuxième : des services urbains de qualité, tant dans le domaine de l'eau, de l'assainissement, des voiries, des transport, des déchets, que de l'énergie. Ces services devront être économes en ressources et donc en charges de fonctionnement, les moins polluants possibles et favoriser les solutions les plus riches en emplois. J'accorde une importance toute particulière à la question des déplacements, et notamment des déplacements quotidiens entre le domicile et les commerces, les écoles, le travail, et les loisirs. Pour ces déplacements, il convient d'encourager le développement des transports en commun et les déplacements non motorisés.
Je pense par ailleurs qu'un bilan global coût-efficacité de ces services urbains, sur la base d'une comptabilité environnementale adaptée et tenant compte de la répartition des charges, doit être recherché. La comptabilité environnementale est, en effet, aujourd'hui un outil de connaissance et de transparence pour les collectivités locales. Elle a vocation, à terme, à devenir un outil d'aide à la décision, pour aider ces collectivités dans leurs choix. Depuis 1994, mes services, en partenariat notamment avec le ministère chargé des transports, contribuent activement au processus d'élaboration de cet outil de mesures.
Le troisième : la maîtrise de l'étalement urbain. L'analyse des ressorts de la périurbanisation diffuse, qui s'est accentuée en France depuis les années 1970, met en évidence le rôle prépondérant des transports et des politiques qui les ont encadrés : motorisation des ménages, mais également actions de fluidification de la circulation, telles que la construction et l'élargissement des voies routières, ou encore la création de places de stationnement. L'ensemble de ces actions a favorisé le développement de l'usage de l'automobile.
Il semble aujourd'hui utile de sérieusement réfléchir sur les conséquences de ce phénomène. L'idée n'est pas d'entraver la mobilité, comme il n'est pas, non plus, question de freiner le développement urbain. Mais il faut l'organiser différemment. Il s'agit d'offrir aux gens une meilleure accessibilité aux fonctions urbaines, tout en utilisant les modes de transport les moins dommageables à l'environnement.
Le quatrième : l'emploi et les activités économiques. Je rappellerai que les activités de protection de l'environnement emploient directement environ 2% de la population active française, chiffre en augmentation pratiquement continue chaque année.
De plus, les éco-industries, généralement des PME, sont très fortement insérées dans le tissu économique régional. L'eau et l'assainissement, les déchets, mais aussi les paysages et espaces verts sont d'ailleurs des domaines présentant un potentiel important de créations d'emplois.
Le cinquième : la participation du public. Ce n'est pas moi qui ai placé mon action sous le triple sceau de la sécurité, de la transparence, et de la participation, qui vais vous dire autre chose. Je suis intimement convaincue que le thème de l'environnement peut s'avérer particulièrement mobilisateur auprès des populations des quartiers en difficulté. L'amélioration des procédures de concertation et de participation du public pourrait ainsi trouver une application particulièrement opportune. Mais je pense qu'il faudrait éventuellement envisager une assistance à la formulation des besoins et des exigences. Je ferai ainsi le lien avec le sixième axe de mes réflexions
Le sixième : l'éducation et la formation à l'environnement, qui sont des vecteurs particulièrement importants de l'éducation civique, en incitant à la propreté, la sécurité, l'embellissement de notre entourage, et la lutte contre le gaspillage. L'éducation ou la formation à l'environnement entraînent par ailleurs l'apprentissage de comportements professionnels à l'origine de nouvelles formations qualifiantes.
Ces cinq axes de réflexion doivent, je pense, guider l'ensemble de nos actions, nous tous qui sommes aujourd'hui réunis autour de cet important sujet de la ville et du développement durable.
C'est d'ailleurs dans cet esprit, que le ministère de l'écologie et du développement durable a cherché à promouvoir, dès le sommet de Rio en 1992, les chartes pour l'environnement et les agendas 21 locaux.
C'est une action que je souhaite soutenir et poursuivre. Il s'agit de privilégier les outils et démarches d'aménagement et de renouvellement urbain dans la perspective d'un développement urbain durable. Les principes de participation, de solidarité, de subsidiarité, de réversibilité, ainsi que la recherche d'innovations, de coopération internationale, et de partenariats, mais aussi le souci d'économie des ressources, c'est-à-dire tous les principes associés au développement durable, devront être présents tout au long de l'élaboration, de la mise en oeuvre et de l'évaluation des projets. J'y veillerai tout particulièrement.
A l'heure où nous achevons de dessiner la stratégie nationale du développement durable, l'intégration du développement durable et de ses impératifs dans la politique de la ville doit permettre d'améliorer les perspectives d'habitat et d'environnement.
Les travaux que je mène avec Jean-Louis Borloo, dans le cadre de cette stratégie nationale, doivent conduire :
- à rechercher la qualité de l'habitat pour la conception des immeubles, mais aussi à l'adéquation des logements aux besoins, tant sur le plan du confort et de la dignité, que sur celui de la superficie,
- à mieux prendre en compte la qualité de l'environnement du bâti, des aménagements et des paysages dans les opérations urbaines,
- à porter une attention particulière à la gestion urbaine de proximité, d'une part pour ce qui concerne les fluides et l'énergie, en favorisant une gestion économe et la maîtrise des charges, et d'autre part pour ce qui concerne les déchets. Je pense à la fois aux déchets courants, mais également, en cas d'opération lourde de rénovation, aux déchets de chantier. Il conviendra aussi de promouvoir une politique de dépollution des sols. Par ailleurs, il me semble indispensable d'inclure dans cette démarche une prise en compte de la réduction à l'exposition aux risques et aux nuisances.
Je suis convaincue que la nécessité d'un développement plus économe des ressources et de l'espace, la recherche de la qualité de vie en ville, l'insertion des populations en difficulté, la lutte contre les nuisances acoustiques et atmosphériques, contre la dégradation du paysage et contre la marginalisation sociale et spatiale, doivent désormais être au cur de toute politique, en vue d'un développement plus durable de nos villes.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 27 mars 2003)