Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, sur la réorganisation du ministère de l'équipement, fondée sur les principaux axes du gouvernement : décentralisation, réforme de l'Etat, modernisation du service public, Paris le 18 février 2003.

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Circonstance : Rencontre avec les directeurs départementaux et régionaux de l'Equipement à Paris le 18 février 2003

Texte intégral


Mesdames les directrices, messieurs les directeurs,
A un moment où le Gouvernement a initié avec volonté, depuis quelques mois déjà, des démarches de réforme de notre société, j'ai souhaité pouvoir échanger avec vous sur la vision d'avenir du ministère.
J'ai conscience que toute perspective nouvelle dans le positionnement et l'action de notre administration est naturellement source d'interrogations, de questions, voire d'inquiétudes. Les contacts que j'ai régulièrement avec les cadres et les personnels me montrent que la sensibilité est actuellement, de ce point de vue, plus prégnante au sein des directions départementales de l'équipement. C'est pourquoi, je m'adresse aujourd'hui en priorité à vous, tout en indiquant que, bien entendu, je n'oublie pas les autres services déconcentrés et que j'aurai l'occasion de m'entretenir avec eux le moment venu.
Au fil des mois écoulés depuis mon arrivée à la tête de ce grand ministère, j'ai pu mesurer l'importance de la place occupée par vos services dans la vie au quotidien de nos concitoyens, et notamment dans les périodes de crise, et appréhender tous les enjeux qui s'attachent aux missions de service public relevant de votre responsabilité. Cette perception enrichie celle que j'avais déjà en qualité d'élu local et me fonde dans mes convictions sur l'avenir que je sais favorable à l'Équipement.
Ainsi que je viens de vous l'expliquer, notre assemblée est sciemment réduite, même si le nombre de participants est, malgré tout, assez important. Aussi, je vous demande d'adopter, comme je le ferai, le ton de la franchise. Mon cabinet, les directeurs d'administration centrale sont là, avec moi, pour vous répondre et lever toutes ambiguïtés. Je veux que ce dialogue puisse vous permettre de renforcer votre rôle actif de relais auprès de vos cadres et de vos agents.
Je sais que certains d'entre vous ont pris sur leurs congés pour être présents, ce dont je les remercie très sincèrement. Nous avons d'autant plus une obligation de tirer de cette réunion un résultat positif. Enfin, nous pourrons poursuivre individuellement nos discussions dans le cadre convivial de l'heure du déjeuner, qui suivra la réunion.
J'en viens maintenant au coeur de nos attentes d'aujourd'hui !
Avant cela, autorisez-moi à dresser très brièvement un premier bilan de la situation actuelle, ou plus précisément à évoquer ma lecture du ministère. Pour cela, je prendrai appui sur trois de ses caractéristiques incontestables, mais qui méritent d'être soulignées :
- tout d'abord, le ministère de l'Équipement est reconnu et perçu de manière très positive pour son professionnalisme, dans son action, dans la qualité du service rendu et dans le dévouement ainsi que dans le sens du service public de ses agents. Cette reconnaissance est enviable à plus d'un titre. Mais, la rançon fait que toute déficience peut apparaître, en même temps, comme inacceptable ;

- ensuite, le ministère fait l'objet d'attentes de plus en plus nombreuses, de plus en plus fortes, de plus en plus précises. En effet, étant à la croisée de tous les chemins, il est attendu sur tous les domaines de préoccupation et de mutation de la société que ce soit en matière de sécurité, d'aménagement, de développement durable, de cohésion ou de solidarité ;

- enfin, et c'est l'élément négatif, le ministère présente quelques faiblesses susceptibles de l'handicaper sur le futur. J'ai entendu en particulier, les limites du maintien de la mise à la disposition des départements des DDE, les tailles critiques de certaines unités comme les subdivisions territoriales, " l'accroissement des tâches alors que les moyens diminuent ", une " feuille de route " des services à définir, ou bien encore une vacance de postes encore trop élevée malgré les efforts déployés.

Cette image, qui est donc positive mais aussi contrastée, que j'ai pu confronter à de nombreuses reprises à celle perçue par les élus, tient beaucoup à la présence des services déconcentrés et à leur implication dans le contexte local.

Elle repose aussi et surtout sur la capacité des services déconcentrés, en tant que partie intégrante de l'État local, d'être à la fois régaliens en assurant l'égalité, partenaires en sublimant les initiatives et prestataires en apportant le soutien aux acteurs publics défavorisés. Cette dualité qui est nécessaire entre régulateur et opérateur technique constitue à l'évidence un atout. Cet atout doit à l'avenir être conforté.

Je suis convaincu que, prenant appui sur ses qualités et ses compétences, le ministère est parfaitement à même de relever le défi qui s'impose de nouveau à lui et de se positionner au mieux pour répondre aux différents besoins exprimés à son encontre. Ce n'est pas la première fois, ni la dernière, que le ministère est confronté à un tel challenge. Sa culture de modernisation est là pour le prouver, s'il était nécessaire. Je sais pouvoir compter sur la mobilisation en ce sens de tout son encadrement.

Je vous rappelle que, dès mon arrivée, j'ai fixé le cadre général de l'action du ministère selon cinq ambitions majeures :

- inscrire la France dans le contexte international, et en particulier européen ;

- concourir à la solidarité et à la cohésion sociale ;

- renforcer la sécurité et la sûreté dans la vie quotidienne de nos concitoyens ;

- agir en faveur du développement durable du territoire ;

- contribuer à la prospérité de l'économie et au soutien des professions.

Dans cet optique, il importe de réduire les faiblesses constatées du ministère et prendre force dans les démarches gouvernementales. Aussi, les principaux leviers d'action me paraissent être au nombre de trois :

- la décentralisation ;

- la réforme de l'État ;

- et la modernisation du service public.

Je compte mettre à profit tous leurs avantages respectifs pour dessiner un avenir recomposé et stabilisé du ministère.


La décentralisation répond à une demande générale, selon les deux objectifs suivants :
- permettre le rapprochement du pouvoir de décision au plus près des usagers ;
- donner à l'État les moyens de jouer pleinement son rôle premier, qui est de garantir les grands équilibres économiques et sociaux dont notre pays a besoin.
La démarche initiée par le Gouvernement est connue de tous, la loi de réforme constitutionnelle devant être prochainement approuvée en Congrès, et les lois d'orientation et de transfert à venir durant l'année 2003.

Ainsi que je l'ai réaffirmé à plusieurs reprises, il ne s'agit pas de faire de la décentralisation " pour le plaisir ". Cela doit correspondre à une réelle plus-value dans l'intérêt général.

De même, je veux le dire de la façon la plus nette : la décentralisation n'est pas un repli de l'État sur lui-même en le limitant à une portion congrue du service public. C'est une opportunité et un atout à saisir, ce n'est donc pas un risque.
J'ai aussi conscience que le sens du service public ne saurait être, à mes yeux, l'apanage exclusif de l'État. Le service public est " un " qu'il relève de l'État ou des collectivités territoriales. La synergie et la complémentarité doivent être la ligne de conduite permanente.
Soyez assurés que je suis vraiment attentif à ces enjeux et qu'ils me guident dans les choix à effectuer.
Maintenant, pour le ministère, quelles pourraient être les missions susceptibles d'être concernées par le chantier de la décentralisation.
D'abord, il ne me paraît pas illégitime d'envisager le transfert des parties de services des DDE, mises à la disposition des départements en application de l'article 7 de la loi du 2 décembre 1992. Cette orientation me semble faire consensus de la part de la majorité des acteurs concernés, dès lors que les droits des agents leur sont garantis et qu'un droit d'option leur est ouvert. Une telle mesure devrait être rapidement mise en oeuvre dès 2004.

Ensuite, la question d'un transfert aux départements des routes nationales d'intérêt local me paraît devoir être posée. Par contre, l'État doit conserver l'entière responsabilité sur un réseau national structurant, sorte de réseau national d'excellence, assurant la libre circulation dans un contexte européen, la continuité du réseau et l'exploitation moderne par itinéraires. L'année 2003 pourrait être consacrée à l'identification de ces différents réseaux, de façon à débuter la mise en oeuvre du processus de décentralisation en 2004.

S'agissant du logement social, les réflexions actuelles conduisent plutôt à une déconcentration plus forte au niveau du préfet de région, et donc des DRE, des aides à la pierre et une délégation aux agglomérations et aux départements dans un cadre conventionnel. Cette délégation permettra la fongibilité, une adaptation plus fine aux besoins et le conventionnement global avec les organismes d'HLM. Les aides à la personne ne donnent lieu à aucun transfert. Ces perspectives doivent aboutir en 2004 et 2005, en 2004 si possible pour les aides à la pierre.

Pour ce qui est des plates-formes portuaires et aéroportuaires d'intérêt local, il peut être envisagé de transférer aux collectivités territoriales - essentiellement les régions - la compétence correspondante, l'État gardant les infrastructures stratégiques à vocation nationale et internationale. Ceci pourrait se faire dans un premier temps sur la base du volontariat en 2004 et 2005.

De même, pour les voies fluviales à petit gabarit, bien que les demandes des collectivités territoriales s'avèrent très limitées en la matière. On a vu dans les assises que les voies fluviales étaient peu évoquées.

Enfin, la gestion des fonds européens liés au tourisme et la procédure de classement des équipements touristiques pourraient également faire l'objet d'un transfert aux collectivités territoriales.

A ce stade, je voudrais redire que ces hypothèses devront donner lieu à concertation et à débat. La tenue, le 28 février prochain, au niveau national, de la synthèse des assises régionales des libertés locales apportera les premiers éléments d'éclairage.

Mais dès à présent, je souhaite vous confirmer plusieurs engagements :

- d'abord, un engagement à l'égard des personnels. Avec mon collègue de la fonction publique, nous étudions différentes dispositions leur permettant d'intégrer facilement la fonction publique territoriale tout en conservant leurs avantages statutaires et indemnitaires, d'être placés en position de détachement de longue durée, ou bien encore de passer aisément d'une fonction publique à l'autre. Ces mesures visent à ce que tous les agents concernés puissent conserver leur emploi et leurs conditions de travail sans changement de résidence. L'ouverture des écoles d'ingénieurs aux cadres des collectivités doit également être recherchée ;

- ensuite, à l'égard des services. Ces perspectives de décentralisation s'accompagneront d'une refondation des directions départementales de l'équipement, qui continueront d'exister, autour du savoir-faire technique, juridique, financier et administratif. Ce service déconcentré devrait être mieux articulé avec les compétences des autres ministères (écologie, agriculture, industrie) et devrait bénéficier de missions nouvelles conformes aux attentes exprimées (sécurité civile, sûreté des personnes, lutte contre les risques naturels et industriels, politique de la ville, développement durable). N'étant pas en dessous des tailles critiques, cette nouvelle DDE disposera de structures infra-départementales, vraisemblablement moins nombreuses qu'aujourd'hui il est vrai ;

- puis à l'égard des collectivités territoriales, pour lesquelles une ingénierie publique partenariale sur le champ de l'aménagement doit être confortée au delà de la concurrence, en lien avec le réseau scientifique et technique du ministère.
Plus généralement, vous aurez le rôle d'assistance et de conseil auprès des maîtres d'ouvrage locaux, pour des projets de plus en plus complexes. Déjà vous assurez ce rôle, j'ai pu le constater sur de nombreux projets sur Amiens.
Pour ce qui est de la réforme de l'État, je souhaite qu'elle soit le cadre d'une clarification des missions exercées par les services déconcentrés. A titre d'exemple, il me paraît souhaitable d'abandonner l'instruction du permis de construire pour les communes d'une certaine importance. Pour les petites communes, au titre du devoir de solidarité, on verra dans le temps, et avec le renforcement des intercommunalités, on verra la tendance.
La réforme de l'État doit être aussi l'occasion de s'interroger sur le renfort du positionnement de certains services. En disant cela, je pense en particulier au niveau régional où les DRE doivent prendre une importance toute particulière. Enfin, la réforme de l'État doit se fonder sur une plus grande déconcentration et sur une volonté de simplification administrative.
En matière de modernisation du service public, j'entrevois toutes les conséquences positives de la mise en oeuvre de la loi d'orientation des lois de finance (LOLF). Nous devons nous y engager.
Enfin, je souhaite que les actions de management qui font la force de ce ministère soient poursuivies et amplifiées. C'est d'ailleurs pourquoi, je viens avec les directions d'administration centrale d'arrêter des propositions d'orientations stratégiques articulées avec les cinq ambitions que j'ai citées au début de mes propos. Ces orientations seront soumises prochainement à la concertation avec les représentants des personnels et je souhaite que vous puissiez également apporter votre contribution.
Je souhaite d'ailleurs prochainement réunir et présider le comité ministériel de modernisation afin de formaliser l'ensemble de ces démarches
Ainsi que vous le percevez, face à la décentralisation voulue par le Gouvernement, j'ai l'ambition, que je voudrais vous faire partager, d'une véritable refondation des services déconcentrés du ministère. L'enjeu est important. Votre implication est essentielle dans l'atteinte de cet objectif. Nul doute que les efforts déployés et les résultats seront à la hauteur de l'attachement que nous mettons tous dans ce grand ministère.
Je vous remercie de votre attention. Maintenant, place au dialogue !
(source http://www.ufe-cfdt.org, le 2 mai 2003)