Texte intégral
Madame la Présidente,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
J'étais devant vous le 10 décembre 2002, il y a près d'un an, à l'occasion du bilan des 10 ans de la loi du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit. Je vous avais alors promis de revenir vers vous pour vous présenter le plan de relance de la lutte contre le bruit qui était en préparation. C'est chose faite aujourd'hui. Je suis également heureuse d'être parmi vous pour l'installation de la nouvelle présidente du Conseil national du bruit, Mme Marcelle Ramonet, députée du Finistère.
Je tiens à rendre hommage au travail réalisé par M. Jean-Pierre Blazy au cours de son mandat de président. J'ai souhaité, pour accompagner le plan de relance de la lutte contre le bruit, nommer un nouveau président qui saurait redonner un souffle nouveau aux travaux et réflexions du conseil national du bruit. Mon choix s'est rapidement porté vers une élue de terrain, pragmatique, avec l'énergie et la volonté nécessaires pour affronter un problème aussi complexe et multiforme que le bruit. Vous êtes chef d'entreprise, vous êtes en plus de votre mandat national adjointe au maire de Quimper, vous avez une longue expérience du travail associatif, vous avez une qualité d'écoute rare, ce sont pour moi autant d'atouts pour mener à bien votre mission comme présidente du conseil national du bruit.
C'est maintenant un constat dûment établi, le bruit figure parmi les préoccupations que nos concitoyens placent en tête de liste dans les enquêtes d'opinion. Selon une enquête de l'Insee parue en 2002, 54% des habitants d'agglomérations de plus de 50 000 habitants se déclarent gênés par le bruit à leur domicile. Ces résultats sont confirmés par l'enquête annuelle de l'IFEN sur la sensibilité des Français à leur environnement de proximité, où 51% des Français se sentent gênés par le bruit dans leur vie quotidienne.
Cette sensibilité risque d'être accrue par l'évolution croissante des sources de nuisances sonores. Dans le seul domaine des transports, une étude de l'Inspection Générale de Finances et du Conseil Général des Ponts et Chaussées prévoit une augmentation minimum de 50 % d'ici à 2020 des déplacements aussi bien pour la route que pour le trafic ferroviaire de voyageurs.
C'est pourquoi, après le bilan de la loi du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit que vous avez tiré, j'ai ressenti le besoin de redynamiser l'action de l'Etat, et des pouvoirs publics en général, dans ce domaine.
Je souhaite inscrire ce plan dans une double perspective. D'une part, il est fidèle à l'esprit de la charte de l'environnement et aux principes qui ont guidé l'élaboration de la stratégie nationale de développement durable que le Gouvernement a entériné au mois de juin dernier. Ainsi, de nombreuses mesures de ce plan mettent en pratique les principes de responsabilité, de réparation, de concertation ou d'information du public qui ont été mis en avant lors de la consultation nationale préparatoire à l'élaboration de la charte. D'autres mesures s'appuient sur des orientations décidées par le gouvernement dans le cadre de la stratégie nationale de développement durable.
D'autre part, ce plan d'actions contre le bruit constitue avec celui contre la pollution de l'air que je présenterai à la fin de ce mois d'octobre, mes deux priorités en terme d'écologie et de qualité de la vie en milieu urbain. Il s'agit là d'un domaine difficile, car les problèmes sont particulièrement complexes et les attentes nombreuses.
Le plan d'actions que je vais détailler me semble à même de franchir un cap qui nous permettra de faire diminuer réellement les nuisances sonores et d'apporter des réponses rapides aux demandes de nos concitoyens. Ce plan n'est pas exhaustif, il ne résoudra pas tous les problèmes liés au bruit, je l'ai cependant voulu réaliste, concret, adapté. Sur les priorités que j'ai dégagées, je suis prête à tenir mes engagements, et vous propose de vous en présenter le bilan chaque année, ici même.
J'ai décliné ce plan suivant trois axes : l'isolation phonique des logements soumis à un bruit excessif, la lutte contre le bruit au quotidien, la préparation de l'avenir.
Certains de nos concitoyens ont leur domicile situé dans une zone où le bruit est manifestement excessif, au delà des seuils de 70 décibels. Je pense en premier lieu aux riverains des grands aéroports ou ceux situés à proximité de grands axes de transports terrestres. A ces nuisances environnementales peuvent s'ajouter d'autres handicaps structurels, notamment dans les quartiers urbains défavorisés où la gêne sonore aggrave la détresse sociale.
J'ai donc élaboré avec mes collègues Gilles de Robien et Jean-Louis Borloo des mesures spécifiques pour financer l'isolation phonique de ces logements, orientées vers les quartiers les plus exposés au bruit situés dans les zones urbaines sensibles.
Dans le domaine du transport aérien, le dispositif actuel d'aide à l'isolation phonique des riverains des 10 principaux aéroports montre ses limites face à l'extension des plans de gêne sonore (PGS), qui sont passés de 68 000 logements en 2001 à près de 140 000 logements en 2003. Mon propos n'est pas de mettre en cause le travail réalisé par les équipes de l'ADEME qui le gèrent, car leur investissement de ces dernières années a permis de réaliser des progrès importants.
Cependant, je considère, avec mon collègue Gilles de Robien, que ce dispositif centralisé ne laisse pas assez de place à la concertation locale et à la prise en compte des situations particulières de chaque aéroport. En outre, le découplage entre crédits de l'ADEME et taxe des aéroports ne permet pas de faire évoluer les recettes à hauteur des besoins définis par les nouveaux Plans de gêne sonore.
Nous avons donc décidé de le rénover en conséquence. A partir du 1er janvier 2004, les gestionnaires des 10 principaux aéroports vont bénéficier du produit de la taxe prélevée sur les compagnies aériennes, conformément au principe de réparation des nuisances qu'elles génèrent.
Cette taxe augmente, de 17 M d'euros en 2003 à 55 M d'euros par an en 2004. Elle sera désormais directement et intégralement affectée à l'isolation phonique des logements situés dans les plans de gêne sonore. Elle est modulée en fonction de l'aéroport, du type d'avion et de l'heure de décollage.
Le circuit administratif de traitement des dossiers sera simplifié pour répondre plus rapidement aux demandes des riverains. L'augmentation significative des crédits affectés permet d'aider 8 800 logements par an contre 3 000 ces trois dernières années.
Ce dispositif responsabilise les gestionnaires d'aéroports qui seront conduits à prendre en compte, les impacts en terme de nuisances sonores de leurs décisions de gestion de leur activité.
Enfin, la transparence et l'information du public sont garanties par l'implication des commissions locales de concertation qui, du fait de la décentralisation des décisions, verront leur rôle renforcé. L'Etat, et en particulier la ministre de l'écologie et du développement durable, n'abandonne pas sa responsabilité en la matière. Non seulement les préfets resteront présidents des commissions locales de concertation, mais en outre la direction de la prévention des pollutions et des risques au ministère de l'écologie et du développement durable comme la direction générale de l'aviation civile au ministère de l'équipement resteront garantes du bon fonctionnement de ce dispositif.
Il me semble en outre indispensable que les riverains ne soient pas pénalisés lors du changement de ce dispositif. Je sais que les gestionnaires d'aéroport prendront dès à présent leurs dispositions pour être prêts au 1er janvier prochain, j'ai également demandé à l'ADEME, forte de son expérience, de leur offrir ses services et son assistance pour franchir le cap des premiers mois de l'année prochaine.
En matière maintenant de nuisances sonores générées par les transport terrestre, Gilles de Robien, Jean-Louis Borloo et moi-même avons unis nos forces pour mener ensemble et avec les collectivités locales concernées, notamment les conseils régionaux, sur les 5 prochaines années, des opérations d'isolation phonique de 50 000 logements soumis au bruit des réseaux nationaux routier et ferroviaire. Ces opérations concerneront en priorité les logements situés en zones urbaines sensibles et exposés à plus de 70 décibels le jour ou 65 décibels la nuit, ainsi que les logements exposés à plus de 70 décibels le jour et 65 décibels la nuit.
Ces opérations concerneront le fer comme la route, ce qui est une avancée notable et très attendue. Elles s'inscriront pour les zones urbaines sensibles dans le cadre de la politique de rénovation urbaine décidée par le gouvernement.
Les nuisances sonores seront traitées de plusieurs manières. La réduction à la source du bruit sera privilégiée, avec des techniques comme la pose de revêtement routier acoustique, le meulage des rails, le renouvellement des semelles de frein des trains, ou en dernier recours les écrans antibruit.
En outre, ces opérations comprendront des travaux d'isolation acoustique des façades, notamment des étages supérieurs. Ces travaux demanderont une collaboration des populations riveraines, qui passera par la concertation avec les collectivités locales et les propriétaires, publics ou privés.
Enfin, dans certain cas, l'atténuation des nuisances sonores passera par la destruction des logements et leur reconstruction aux normes actuelles.
Le bruit au quotidien est le second axe de mon plan. Chacun peut dans sa vie quotidienne être agressé par le bruit, dont l'origine est extrêmement diverse. Il s'agit souvent de problématiques locales, qui intéressent en premier lieux les élus locaux et notamment les maires. Je tiens ici à saluer l'investissement de nombre d'entre eux dans cet aspect difficile de leurs pouvoirs de police. J'ai pour ma part décidé de cibler mon action sur quelques priorités pour lesquelles des progrès sensibles sont attendus.
Ainsi, je lance une campagne de réhabilitation acoustique en 5 ans de 500 crèches, 500 salles de repos d'écoles maternelles, 500 cantines scolaires et 250 salles de sport utilisées par les collèges et les lycées. Ces lieux sont en effet souvent trop bruyants et occasionnent la fatigue, le stress de ceux qui les fréquentent, enfants comme personnel. Le ministère de l'écologie et du développement durable cofinancera à 50% les travaux avec les collectivités locales qui souhaiteront répondre à cet appel à projets.
En outre, dans le cadre de la stratégie nationale de développement durable, le gouvernement a décidé de consacrer à l'éducation à l'environnement 30 heures dans l'enseignement primaire et autant dans le secondaire à partir de la rentrée 2004. Une partie de cet horaire sera consacré à l'éducation à l'environnement sonore. Les matières abordées seront notamment la sensibilisation à l'écoute, l'éducation au civisme sonore et au respect d'autrui, et la prévention des comportements potentiellement dangereux, comme l'écoute de musique amplifiée.
Mes services ont préparé un décret permettant la saisie et la destruction des pots d'échappement des deux roues non conformes à la réglementation du bruit. Avec mes collègues concernés, comme Dominique Perben ou Nicolas Sarkozy, je pourrai le signer avant la fin du mois de novembre. Cette mesure, qui me semble attendue par bon nombre de nos concitoyens, doit faire l'objet d'un accompagnement et d'une information auprès des jeunes cyclomotoristes et motocyclistes, et des revendeurs de pots d'échappement. L'efficacité de cette mesure sera par ailleurs renforcée par l'immatriculation progressive de l'ensemble des deux roues à moteur, qui permettra de constater l'infraction sans avoir à arrêter immédiatement le contrevenant.
Les plaintes contre les nuisances sonores font trop souvent l'objet d'un classement sans suite. Dans le cadre de la mise en place des juges de proximité, qui ont la compétence de juger ce type de contravention, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, va donner des instructions pour que ces plaintes soient mieux traitées. D'une part, il va demander aux délégués des procureurs de recourir plus régulièrement à des dispositions alternatives aux poursuites, telles que le rappel solennel à la loi, la demande de régularisation de situation, l'obligation de réparation ou la médiation pénale.
Ces mesures sont particulièrement indiquées dans le cas des bruits de voisinage où la pacification des relations doit primer sur la sanction pénale.
En revanche, des poursuites systématiques seront engagées par les parquets à l'encontre des réitérants hostiles à toute résolution des conflits. La procédure simplifiée de l'ordonnance pénale, qui permet une condamnation plus rapide des auteurs, sera privilégiée.
J'ai enfin souhaité consacrer trois mesures de ce plan à des actions tournées résolument vers l'avenir et la recherche de solutions nouvelles en matière de nuisances sonores.
La première concerne la recherche sur la perception du bruit et contre les nuisances sonores, que l'Etat soutient à hauteur de 5,6 M d'euros par an. Deux domaines offrent de sérieuses perspectives d'avancées dans les prochaines années : d'une part la technologie liée à la réduction des nuisances sonores à la source et d'autre part les recherches sur la perception même du bruit et ses conséquences.
Je souhaiterais illustrer le premier domaine par les nouvelles semelles de frein en composite développées par la SNCF, qui permettent une réduction du bruit du freinage, ou encore la recherche sur les bruits générés par les camions dans le plan " véhicule propre ". Dans le second domaine, j'ai demandé à l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale une synthèse des avancées en matière de recherche sur l'impact sanitaire du bruit, dont le rapport d'étape est prévu avant la fin de cette année.
De même, le ministère de l'écologie et du développement durable va accompagner les agglomérations dans la réalisation de cartes de bruit, qui illustrent graphiquement les niveaux sonores dans les grandes agglomérations. Le ministère soutient par exemple le projet européen " GipSyNoise " qui regroupe 15 agglomérations européennes dont 10 françaises. Ces cartes seront un outil d'information du public et d'assistance à l'urbanisme.
Enfin, j'ai décidé d'une expérimentation permettant de contrôler le niveau sonore des poids lourds, réalisée lors du contrôle technique de ces véhicules, afin de déterminer le taux de poids lourds en circulation ne respectant pas les normes sonores. Elle sera suivie de procédures d'essais pour identifier la cause des nuisances sonores et y remédier.
Voici donc le plan d'actions contre le bruit sur lequel je m'engage et qui va servir de ligne de conduite aux services de l'Etat compétents en la matière. Je souhaite pouvoir associer le conseil national du bruit à la réalisation de ce plan, et deux pistes me semblent à même d'être explorées. D'une part, je suis disposée à venir chaque année, à votre invitation Mme la Présidente, présenter ici-même le bilan de ce plan. Je compte d'ailleurs sur votre appui dans la mise en oeuvre ou le suivi de certaines mesures. D'autre part, une partie de ce plan aura d'autant plus d'impact qu'il sera relayé efficacement par les collectivités locales. Je vous propose d'intégrer cette question à vos travaux et réflexions, afin de voir comment les élus locaux peuvent, dans l'élaboration de leurs politiques, s'imprégner de ce plan et de la problématique du bruit en général.
Je vous remercie de votre attention, et vous prie de bien vouloir m'excuser de ne pas pouvoir rester plus longtemps à écouter la suite de vos travaux.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 8 octobre 2003)