Texte intégral
Le Ministre -
Ce matin c'était très bien, j'étais très content, très honoré d'être le premier invité de leur première conférence. Je crois que c'était bien.
Q - (Sur la fréquence des rencontres avec M. Fischer.)
R - Il y a des cas de figure où nous sommes ensemble dans les mêmes réunions multilatérales, nous nous voyons un peu dans les couloirs et puis il y a les rencontres bilatérales. On ne peut pas mettre cela sur le même plan. Les rencontres CIG ou autres ne suffisent pas puisqu'on éprouve le besoin périodiquement de faire des dîners à deux pour traiter des sujets. Vous savez, articuler les approches des politiques étrangères de deux grands pays, cela suppose d'avoir passé beaucoup de temps, sur beaucoup de sujets, à l'avance, avant même d'être dans l'actualité chaude. Pendant l'affaire du Kosovo, on se parlait tout le temps, tous les jours.
Si on veut ne pas être désarçonné par les réactions tout à fait différentes des opinions publiques, il faut avoir passé beaucoup de temps, sans être pressé par les questions immédiates ; c'est spécialement vrai avec l'Allemagne, c'est pourquoi on se voit si souvent et c'est vrai aussi au niveau des Quinze. Par exemple, le Gymnich d'Evian, de ce week-end, du point de vue des participants, était formidable parce qu'on a réussi à traiter de sujets importants de fond d'au moins trois heures à chaque fois, sans être pressés par l'atmosphère qu'il y a à Bruxelles. Cela est très important. C'est comme cela que l'on construit des références communes qui permettent d'avoir des politiques communes. Les esprits ne se décrètent pas, ne se mettent pas au carré comme cela. Donc il faut travailler la base et les références.
Q - Quand vous êtes ensemble, vous parlez en quelle langue ?
R - On a un interprète d'allemand sinon on parle dans un anglais un peu appauvrissant de part et d'autre. Nous avons des interprètes excellentissimes.
Q - L'allemand fait-il partie des langues obligatoires au Quai maintenant ?
R - Oui, il a été décidé que l'allemand, qu'une connaissance convenable de l'allemand, serait indispensable pour accéder aux postes de responsabilité. C'est une ambition importante, ce n'est pas facile à mettre en oeuvre, mais cela s'inscrit dans une intensification de la politique de formation aussi. Dans tout le paquet "réformes et modernisation", il y a un énorme volet "formation initiale", permanente à tous les niveaux.
Q - L'allemand peut-il devenir une langue de travail dans les instances de l'UE ?
R - Non, c'est tout à fait différent, compte tenu de l'accord qui était passé à l'origine de l'Union européenne sur l'anglais et le français. Si vous touchez à cet accord, vous ouvrez une boîte de Pandore et cela ne va pas s'arrêter. On le voit constamment, il n'y a aucun consensus. Il y a un consensus au sein de l'UE pour utiliser ces deux langues de travail. Dès lors que vous dites qu'il y en a une troisième, il n'y a pas de consensus. Ce n'est pas la position française, c'est la position des Quinze. Il n'y a pas de consensus parmi les Quinze pour qu'il ait une troisième langue de travail qui soit l'allemand.
Q - Que pensez-vous des déclarations de M. Verheugen favorable à un référendum sur l'élargissement ?
R - D'abord, cela n'a pas du tout perturbé le Gymnich d'Evian, contrairement à des articles étranges que j'ai vus dans la presse de ce matin. L'article du Monde, me dit-on, est plus au fait. Tout le monde s'est posé la question de savoir pourquoi il avait dit cela brusquement, étant donné qu'il n'y a pas de référendum prévu dans la Constitution allemande. Cela a provoqué un peu de perplexité et cela a préoccupé Fischer, qui a répliqué ; Prodi aussi pour d'autres raisons. Les autres présents n'ont pas paru spécialement préoccupés par cette déclaration tout en étant interrogatifs. De toute façon, en matière d'élargissement ce n'est pas le sujet pour les modalités de ratification. Chaque pays a ses modalités de ratification. Le fait qu'il faille faire un travail très important par rapport aux opinions publiques pour qu'elles comprennent bien l'élargissement, la réforme des institutions, tous les sujets importants, est une évidence aussi. Bien sûr, on n'en est pas là, il n'y a rien à soumettre à ratification, que ce soit par référendum ou par un parlement aujourd'hui. Donc le problème sur l'élargissement c'est de faire avancer la négociation. Il faut négocier sérieusement. C'est la seule façon de répondre aux impatiences légitimes des pays candidats, c'est la seule façon de répondre aux questions que se posent les Etats membres par rapport à cela. Et ce n'est pas la peine d'imaginer dans quelles conditions se passera ou ne se passera pas le débat public, le référendum, puisqu'on ne sait même pas quel traité on va soumettre. Et a priori, il ne faut pas être pessimiste à l'avance. Peut-être que le résultat qui sera présenté le moment venu à ratification, que ce soit par la voie du parlement ou par un autre système, sera peut-être suffisamment convaincant pour qu'il n'y ait pas de décrochage entre les élites qui veulent que ce soit oui et le public qui est en arrière de la main. Donc à mon sens, ce n'est pas du tout un débat d'actualité.
Q - Qu'en est-il de l'échéance annoncée par la chancellerie allemande pour l'élargissement ?
R - A l'heure actuelle, comme nous assumons la présidence, je suis obligé de faire attention, car tout ce que l'on dit peut être interprété comme un point de vue de la présidence. A l'heure actuelle, la seule position des Quinze, c'est de dire "nous devons être prêts à partir de début 2003 à accueillir les pays qui seront prêts". C'est la seule position des Quinze. Dans différents pays il y a des gens qui expriment des préférences, des espérances, des points de vue particuliers mais en ce qui me concerne, je m'en tiens à la position des Quinze. Donc la seule position à Quinze c'est de négocier avec chaque pays candidat selon le principe de la régate, sur ses mérites propres ; c'est d'ailleurs logique parce qu'il faut régler les problèmes pays par pays. On ne peut pas les regrouper artificiellement pour régler leurs problèmes et on fera entrer les pays au fur et à mesure qu'ils seront prêts à partir de 2003, date à laquelle nous espérons être prêts nous-mêmes. C'est cela la position des Quinze, ainsi que celle de la Commission.
Q - Vous n'avez pas l'impression que les Allemands veulent quand même retarder un peu le processus ?
R - A mon avis, c'est un peu un faux débat parce que personne ne peut ni accélérer ni retarder. Soit les problèmes posés sont résolus et, à ce moment là, je ne vois pas comment on pourrait empêcher l'entrée d'un pays qui aurait réglé les problèmes de l'adhésion, soit ils ne le sont pas et je ne vois pas comment on pourrait faire entrer artificiellement un pays qui n'est pas prêt à entrer. L'adhésion pose des problèmes, il faut les régler chapitre par chapitre. Un pays qui a réglé les problèmes et qui a fait les réformes, quand il est prêt à rentrer, il rentrera. Personne ne pourra empêcher qu'il rentre. Si un pays n'est pas prêt à rentrer, aucune considération politique ou amicale ou émotionnelle ne le fera rentrer. En plus, les conséquences seraient très néfastes dans les deux cas. Il faut donc se tenir au problème, au principe des réalités.
Q - A propos du rapport des sages sur l'Autriche.
R - Vous me permettrez d'attendre de lire le rapport. On n'a pas encore le rapport. Quant à la ministre autrichienne des Affaires étrangères, elle n'a pas lu le rapport non plus. Elle exprime les espérances autrichiennes, chacun peut exprimer des espérances. Il faut attendre que le rapport soit remis. Une fois qu'il sera lu, nous nous concerterons les uns les autres.
Q - Avez-vous l'impression que les Autrichiens pourraient poser un veto ?
R - Les Autrichiens ont des points de vue comme les autres. Même avec un gouvernement différent, ils ont des positions qui étaient à peu près les mêmes qu'auparavant. Je n'arrive pas à imaginer une situation dans laquelle on aurait trouvé un accord sur tous les sujets, et où les Autrichiens bloqueraient artificiellement, uniquement parce qu'ils ne seraient pas contents sur l'affaire des sanctions. Cela est intenable. C'est intenable pour eux. Je ne crois pas à cette hypothèse. Qu'est-ce qu'ils y auraient à gagner ? Les sanctions ne portent que sur un aspect, à savoir sur la relation officielle bilatérale. Non, je n'arrive pas à imaginer une situation dans laquelle ils feraient cela. Je me trompe peut-être, mais je ne vois pas.
Q - Sur la réunion des ambassadeurs ?
R - C'est un instrument formidable de faire confiance aux ambassadeurs, ce que nous, en France, nous faisons depuis huit ans, et ce que quelques pays d'Europe, notamment le Danemark, font depuis beaucoup plus longtemps. C'est un rendez-vous formidable. C'est incroyablement utile pour les ambassadeurs de se retrouver. Cela permet à des interlocuteurs extérieurs d'avoir des contacts, cela permet aux autorités du pays de fixer les grandes lignes. L'an dernier nous avons invité le secrétaire d'Etat Ischinger à la conférence, ainsi qu'un haut représentant britannique. C'est absolument passionnant, c'est étrange qu'on ne l'ait pas fait avant. Les Allemands ont décidé d'en faire une.
Q - Imaginez-vous qu'on puisse faire une conférence commune franco-allemande ?
R - Non, on peut dire des séances communes, d'ailleurs, j'ai trouvé que les ambassades communes, c'était un peu un gadget, parce qu'on tombera très vite sur une démarche commune qui n'est pas faisable parce que l'on n'a pas tout à fait le même point de vue. On pourrait peut-être mieux progresser sur les consulats. D'abord il y a un problème de carte des consulats en Europe, c'est un système qui doit être revu manifestement puisqu'il a été conçu dans un contexte tout à fait différent. Je pense qu'il y a là une piste qui est intéressante, ambitieuse et qui est réaliste en même temps. Les ambassades, non, il faut qu'elles soient modifiées, repensées mais la mise en commun, je n'y crois pas. En revanche, les opérations du type "conférences communes" des ambassadeurs de France et d'Allemagne pour une région donnée, c'est très intéressant. On en a déjà fait quelques unes et je trouve cela très bien. Je suis plus intéressé par l'échange, le travail en commun, la convergence des mentalités. Ils m'invitent à parler devant eux, c'est très bien ; il faut poursuivre ce travail méthodiquement et régulièrement.
Q - Sur les visions européennes de M. Fischer.
R - Au sein des Quinze, il n'y a pas de mouvement dans le sens des idées de Fischer. D'autre part, il y a un problème de calendrier. Ces débats sont très intéressants mais il ne faut pas perdre le sens de la chronologie.
Il y a beaucoup de circonspection dans la plupart des pays d'Europe ; on le sait encore mieux depuis le débat à Evian. Commençons par essayer de réussir à Nice et puis on verra après. C'est plutôt cela la tonalité.
Q - Sur une poursuite de la CIG après Nice, telle que le suggère l'Allemagne.
R - C'est une idée un peu utopique. Mais l'idée d'un débat sur l'avenir de l'Europe, je trouve cela très bien parce que je pense qu'on est capable de faire les deux quand même. On est capable de négocier la CIG pour aboutir au meilleur accord possible à Nice et on doit être capable de se dire aussi : "et après qu'est-ce qu'on fait ?" On doit pouvoir faire les deux. Simplement en termes d'organisation pratique, il ne faut pas tout mélanger. Dans l'immédiat, la priorité absolue c'est de réussir à Nice. Et nous, en tant que Présidence, nous sommes obligés de dire "attention, le temps passe, chaque pays campe sur ses positions, nous répétons les choses déjà connues, il ne se passe rien. Il nous reste trois mois avant Nice, c'est suffisant pour se mettre d'accord, mais ce n'est pas énorme". Le débat sur l'avenir de l'Europe, tout le monde le trouve intéressant, il ne va pas s'arrêter comme cela. Tout le monde a des idées et il faut être capable de penser aux deux temps successifs. Alors, qu'est-ce qu'on fera après Nice ? Là, les suggestions commencent à apparaître du côté allemand, parce qu'il y a les interrogations des länder. On ne peut pas répondre tant qu'on ne sait pas à quoi ressemble la conclusion de Nice. Si on ne peut pas se mettre d'accord à Nice, cela changera tout.
Q - Est-ce que vous allez continuer à travailler avec les Allemands ? Vous avez parlé de travail main dans la main sur la relation franco-allemande.
R - Oui, on l'a fait, pour aborder la CIG dans les meilleures conditions et cela a très bien marché.
Autrement dit, cela se passe bien entre Français et Allemands. Le problème n'est pas là, le problème c'est que chaque pays campe sur ses positions et que personne ne veut bouger. Il y a même des pays qui se sont un peu durcis. Par exemple en ce qui concerne les coopérations renforcées, certains pays étaient hostiles au début parce qu'ils croyaient que cela allait servir à démonter les politiques communes. D'autres sont inquiets maintenant pour une autre raison, car ils pensent qu'avec les coopérations renforcées, un groupe de pays pourrait faire un pas en avant dans le fédéralisme dont ils ne veulent pas. Alors il y a une méfiance terrible. La négociation ne s'est pas simplifiée. Alors qu'est ce qu'on fait ? On a programmé un nombre considérable de réunions, mais je ne sais pas si cela suffira. Dans tous les CAG il y a deux ou trois heures sur la CIG, il y a des dîners spéciaux, des conclaves, des réunions, on fera tout ce qu'on peut.
Q - Où cela bloque-t-il ? Est-on plus éloigné des Anglais ou des Espagnols ?
R - Non, on ne peut dire cela, puisque les lignes de clivage ne sont pas les mêmes selon les sujets. Sur la pondération ce n'est pas le même clivage que sur la coopération renforcée ou sur la Commission ou sur la majorité qualifiée.
Q - Sur la libération des otages à Jolo et le rôle joué par les Allemands ?
R - Je peux vous dire ce que j'ai dit au "Journal du dimanche". J'ai simplement confirmé que, chronologiquement, ce sont les Allemands qui avaient été les premiers en contact avec les Libyens. J'ai dit que les autres avaient accepté parce qu'une politique de normalisation à Tripoli est en cours depuis longtemps. Cela fait un an et demi que le Conseil de sécurité a suspendu les sanctions sur la Libye, un an et demi que l'UE a levé les siennes. On avance par petites étapes. Kadhafi était au sommet Europe-Afrique au Caire, deux ou trois ministres européens sont déjà allés en Libye. Il y a un processus en cours. Et ce n'est pas fini. On ne sera content que quand ce sera fini. Voilà.
Q - Y a-t-il du nouveau ?
R - Non. On attend maintenant la libération de tous ceux qui restent..
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 septembre 2000)
Q - Monsieur le Ministre, le commissaire qui est responsable de la question de l'élargissement à l'UE a suscité des critiques très vives avec ses propositions concernant la réalisation d'un référendum par rapport à l'élargissement. Le ministre allemand des Affaires étrangères, M. Fischer, a pris ses distances, le président le la commission, M. Prodi a pris ses distances. Quelle est la réaction que vous auriez personnellement par rapport à ce qu'il a dit ?
R - J'ai déjà dit en conclusion du gymnich des ministres des Affaires étrangères qui s'est tenu à Evian que tous les participants avaient exprimé leur surprise par rapport à cette déclaration et que nous nous étions retrouvés dans les déclarations de M. Fischer à ce sujet. Mais je voudrais rappeler le fond du sujet. A propos de l'élargissement, le problème immédiat n'est pas une discussion sur les modalités d'approbation, de ratification, l'élargissement, la priorité aujourd'hui c'est de faire avancer la négociation concrètement. Et c'est la meilleure façon de répondre à l'impatience des pays candidats et de répondre aux questions que se pose une partie de l'opinion dans les Etats membres. C'est d'aboutir par la négociation à bien régler les problèmes et c'est cela que nous présenterons le moment venu à nos partenaires.
Q - Quelles seront à votre avis, éventuellement les conséquences de ce genre de déclaration ? Est-ce que cela donne des arguments aux eurosceptiques dans les pays membres et éventuellement en Allemagne et dans les pays candidats ?
R - De toute façon on nous a dit que la procédure du référendum n'existe pas dans la constitution allemande, donc le problème ne se pose pas. Je crois qu'il faut, je le répète, revenir à l'essentiel, négocier l'élargissement le mieux possible pour qu'il soit réussi, apporter des réponses aux attentes de l'opinion publique dans les pays candidats et les Etats membres. L'opinion veut savoir comment cela va marcher après, comment cela va fonctionner avec cet élargissement et dès lors que nous aurons apporté par la négociation les bonnes réponses et que nous présenterons dans le traité d'adhésion de bonnes solutions, je ne vois pourquoi les opinions publiques et les parlementaires des Etats membres seraient contre. Il faut avoir une vision volontariste et positive.
Q - Monsieur le Ministre dans une interview, le week-end dernier, vous vous êtes plaint un petit peu du fait que le processus de négociation en préparation de Nice pour la réforme des institutions n'avance pas véritablement. Vous vous êtes déclaré légèrement inquiet en fait, pourquoi cela n'avance pas ?
R - J'ai dit en effet que j'étais préoccupé alors qu'il n'y a plus que trois mois avant la conclusion que nous souhaitons à Nice de voir que les pays membres ne se bornent à répéter les positions que l'on connaît sur les quatre sujets importants qui sont en discussion au sein de la Conférence intergouvernementale. Il est temps de s'y mettre, il est temps de négocier vraiment. Il faut dégager des marges de manoeuvres, il faut que chacun fasse preuve d'esprit de compromis. C'est tout à fait légitime que les Etats membres défendent leurs intérêts, bien sûr, sur ces quatre sujets, mais il y a aussi un intérêt général de l'Europe, à résoudre ces problèmes et à aller de l'avant. En tant que présidence nous appelons chaque Etat membre à faire prévaloir, le plus tôt sera le mieux, l'intérêt général de l'Europe sur la défense des intérêts de chaque pays. Mais c'est soluble, il faut maintenant faire preuve de détermination et avancer.
Q - Le chancelier Schroeder, à l'occasion de la conférence des ambassadeurs à Berlin a suggéré la réalisation d'une deuxième Conférence intergouvernementale à l'occasion de laquelle on réfléchirait par exemple à la répartition des compétences entre les Etats et Bruxelles. Quelle est votre réaction à une telle proposition, à l'heure actuelle ?
R - La priorité pour nous, en tant que présidence, c'est de réussir Nice. Avoir un très bon accord et c'est là-dessus que nous allons concentrer notre énergie dans les prochaines semaines. Cela ne nous empêche pas d'écouter et de prendre note des propositions qui sont faites par certains Etats membres à propos de ce que l'on pourrait faire après, dans l'hypothèse où tout se passe bien à Nice, surtout quand il s'agit de l'Allemagne, et d'un responsable si important que le chancelier Schroeder. Donc pour le moment nous enregistrons cette proposition et, le moment venu, elle sera évidemment discutée entre les chefs d'Etats et de gouvernements des Etats membres ; mais nous n'en sommes pas tout à fait là. Il faut d'abord et avant tout réussir Nice.
Q - Cela veut dire qu'il n'y a pas eu une concertation concrète entre la France et l'Allemagne avant que M. Schroeder ait fait cette proposition ?
R - C'est une condition que M. Schroeder avait déjà faite à ma connaissance.
Q - C'est à la fin de cette semaine que les trois sages vont remettre leur rapport au président du Conseil, au président de la République française, M. Chirac, est-ce que vous avez en fait un scénario de sortie de la politique des sanctions, au cas où ?
R - Je ne peux rien vous dire tant que nous n'avons pas lu le rapport.
Q - Est-ce que la France réfléchit sérieusement à une issue, à une sortie des sanctions ? Est-ce que la France serait en faveur d'une levée des sanctions ?
R - La réponse est la même. Si nous avons accepté la proposition portugaise, qui avait réuni l'accord des quatorze pays concernés pour qu'il y ait ce travail des sages et ce rapport, c'est précisément parce que ce rapport doit être déterminant. Donc, il faut qu'on l'ait, il faut qu'on le lise et il faut que nous nous consultions au sein des quatorze pour savoir quelle sera la suite à donner et au jour d'aujourd'hui je ne peux pas en dire plus./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 septembre 2000)
Ce matin c'était très bien, j'étais très content, très honoré d'être le premier invité de leur première conférence. Je crois que c'était bien.
Q - (Sur la fréquence des rencontres avec M. Fischer.)
R - Il y a des cas de figure où nous sommes ensemble dans les mêmes réunions multilatérales, nous nous voyons un peu dans les couloirs et puis il y a les rencontres bilatérales. On ne peut pas mettre cela sur le même plan. Les rencontres CIG ou autres ne suffisent pas puisqu'on éprouve le besoin périodiquement de faire des dîners à deux pour traiter des sujets. Vous savez, articuler les approches des politiques étrangères de deux grands pays, cela suppose d'avoir passé beaucoup de temps, sur beaucoup de sujets, à l'avance, avant même d'être dans l'actualité chaude. Pendant l'affaire du Kosovo, on se parlait tout le temps, tous les jours.
Si on veut ne pas être désarçonné par les réactions tout à fait différentes des opinions publiques, il faut avoir passé beaucoup de temps, sans être pressé par les questions immédiates ; c'est spécialement vrai avec l'Allemagne, c'est pourquoi on se voit si souvent et c'est vrai aussi au niveau des Quinze. Par exemple, le Gymnich d'Evian, de ce week-end, du point de vue des participants, était formidable parce qu'on a réussi à traiter de sujets importants de fond d'au moins trois heures à chaque fois, sans être pressés par l'atmosphère qu'il y a à Bruxelles. Cela est très important. C'est comme cela que l'on construit des références communes qui permettent d'avoir des politiques communes. Les esprits ne se décrètent pas, ne se mettent pas au carré comme cela. Donc il faut travailler la base et les références.
Q - Quand vous êtes ensemble, vous parlez en quelle langue ?
R - On a un interprète d'allemand sinon on parle dans un anglais un peu appauvrissant de part et d'autre. Nous avons des interprètes excellentissimes.
Q - L'allemand fait-il partie des langues obligatoires au Quai maintenant ?
R - Oui, il a été décidé que l'allemand, qu'une connaissance convenable de l'allemand, serait indispensable pour accéder aux postes de responsabilité. C'est une ambition importante, ce n'est pas facile à mettre en oeuvre, mais cela s'inscrit dans une intensification de la politique de formation aussi. Dans tout le paquet "réformes et modernisation", il y a un énorme volet "formation initiale", permanente à tous les niveaux.
Q - L'allemand peut-il devenir une langue de travail dans les instances de l'UE ?
R - Non, c'est tout à fait différent, compte tenu de l'accord qui était passé à l'origine de l'Union européenne sur l'anglais et le français. Si vous touchez à cet accord, vous ouvrez une boîte de Pandore et cela ne va pas s'arrêter. On le voit constamment, il n'y a aucun consensus. Il y a un consensus au sein de l'UE pour utiliser ces deux langues de travail. Dès lors que vous dites qu'il y en a une troisième, il n'y a pas de consensus. Ce n'est pas la position française, c'est la position des Quinze. Il n'y a pas de consensus parmi les Quinze pour qu'il ait une troisième langue de travail qui soit l'allemand.
Q - Que pensez-vous des déclarations de M. Verheugen favorable à un référendum sur l'élargissement ?
R - D'abord, cela n'a pas du tout perturbé le Gymnich d'Evian, contrairement à des articles étranges que j'ai vus dans la presse de ce matin. L'article du Monde, me dit-on, est plus au fait. Tout le monde s'est posé la question de savoir pourquoi il avait dit cela brusquement, étant donné qu'il n'y a pas de référendum prévu dans la Constitution allemande. Cela a provoqué un peu de perplexité et cela a préoccupé Fischer, qui a répliqué ; Prodi aussi pour d'autres raisons. Les autres présents n'ont pas paru spécialement préoccupés par cette déclaration tout en étant interrogatifs. De toute façon, en matière d'élargissement ce n'est pas le sujet pour les modalités de ratification. Chaque pays a ses modalités de ratification. Le fait qu'il faille faire un travail très important par rapport aux opinions publiques pour qu'elles comprennent bien l'élargissement, la réforme des institutions, tous les sujets importants, est une évidence aussi. Bien sûr, on n'en est pas là, il n'y a rien à soumettre à ratification, que ce soit par référendum ou par un parlement aujourd'hui. Donc le problème sur l'élargissement c'est de faire avancer la négociation. Il faut négocier sérieusement. C'est la seule façon de répondre aux impatiences légitimes des pays candidats, c'est la seule façon de répondre aux questions que se posent les Etats membres par rapport à cela. Et ce n'est pas la peine d'imaginer dans quelles conditions se passera ou ne se passera pas le débat public, le référendum, puisqu'on ne sait même pas quel traité on va soumettre. Et a priori, il ne faut pas être pessimiste à l'avance. Peut-être que le résultat qui sera présenté le moment venu à ratification, que ce soit par la voie du parlement ou par un autre système, sera peut-être suffisamment convaincant pour qu'il n'y ait pas de décrochage entre les élites qui veulent que ce soit oui et le public qui est en arrière de la main. Donc à mon sens, ce n'est pas du tout un débat d'actualité.
Q - Qu'en est-il de l'échéance annoncée par la chancellerie allemande pour l'élargissement ?
R - A l'heure actuelle, comme nous assumons la présidence, je suis obligé de faire attention, car tout ce que l'on dit peut être interprété comme un point de vue de la présidence. A l'heure actuelle, la seule position des Quinze, c'est de dire "nous devons être prêts à partir de début 2003 à accueillir les pays qui seront prêts". C'est la seule position des Quinze. Dans différents pays il y a des gens qui expriment des préférences, des espérances, des points de vue particuliers mais en ce qui me concerne, je m'en tiens à la position des Quinze. Donc la seule position à Quinze c'est de négocier avec chaque pays candidat selon le principe de la régate, sur ses mérites propres ; c'est d'ailleurs logique parce qu'il faut régler les problèmes pays par pays. On ne peut pas les regrouper artificiellement pour régler leurs problèmes et on fera entrer les pays au fur et à mesure qu'ils seront prêts à partir de 2003, date à laquelle nous espérons être prêts nous-mêmes. C'est cela la position des Quinze, ainsi que celle de la Commission.
Q - Vous n'avez pas l'impression que les Allemands veulent quand même retarder un peu le processus ?
R - A mon avis, c'est un peu un faux débat parce que personne ne peut ni accélérer ni retarder. Soit les problèmes posés sont résolus et, à ce moment là, je ne vois pas comment on pourrait empêcher l'entrée d'un pays qui aurait réglé les problèmes de l'adhésion, soit ils ne le sont pas et je ne vois pas comment on pourrait faire entrer artificiellement un pays qui n'est pas prêt à entrer. L'adhésion pose des problèmes, il faut les régler chapitre par chapitre. Un pays qui a réglé les problèmes et qui a fait les réformes, quand il est prêt à rentrer, il rentrera. Personne ne pourra empêcher qu'il rentre. Si un pays n'est pas prêt à rentrer, aucune considération politique ou amicale ou émotionnelle ne le fera rentrer. En plus, les conséquences seraient très néfastes dans les deux cas. Il faut donc se tenir au problème, au principe des réalités.
Q - A propos du rapport des sages sur l'Autriche.
R - Vous me permettrez d'attendre de lire le rapport. On n'a pas encore le rapport. Quant à la ministre autrichienne des Affaires étrangères, elle n'a pas lu le rapport non plus. Elle exprime les espérances autrichiennes, chacun peut exprimer des espérances. Il faut attendre que le rapport soit remis. Une fois qu'il sera lu, nous nous concerterons les uns les autres.
Q - Avez-vous l'impression que les Autrichiens pourraient poser un veto ?
R - Les Autrichiens ont des points de vue comme les autres. Même avec un gouvernement différent, ils ont des positions qui étaient à peu près les mêmes qu'auparavant. Je n'arrive pas à imaginer une situation dans laquelle on aurait trouvé un accord sur tous les sujets, et où les Autrichiens bloqueraient artificiellement, uniquement parce qu'ils ne seraient pas contents sur l'affaire des sanctions. Cela est intenable. C'est intenable pour eux. Je ne crois pas à cette hypothèse. Qu'est-ce qu'ils y auraient à gagner ? Les sanctions ne portent que sur un aspect, à savoir sur la relation officielle bilatérale. Non, je n'arrive pas à imaginer une situation dans laquelle ils feraient cela. Je me trompe peut-être, mais je ne vois pas.
Q - Sur la réunion des ambassadeurs ?
R - C'est un instrument formidable de faire confiance aux ambassadeurs, ce que nous, en France, nous faisons depuis huit ans, et ce que quelques pays d'Europe, notamment le Danemark, font depuis beaucoup plus longtemps. C'est un rendez-vous formidable. C'est incroyablement utile pour les ambassadeurs de se retrouver. Cela permet à des interlocuteurs extérieurs d'avoir des contacts, cela permet aux autorités du pays de fixer les grandes lignes. L'an dernier nous avons invité le secrétaire d'Etat Ischinger à la conférence, ainsi qu'un haut représentant britannique. C'est absolument passionnant, c'est étrange qu'on ne l'ait pas fait avant. Les Allemands ont décidé d'en faire une.
Q - Imaginez-vous qu'on puisse faire une conférence commune franco-allemande ?
R - Non, on peut dire des séances communes, d'ailleurs, j'ai trouvé que les ambassades communes, c'était un peu un gadget, parce qu'on tombera très vite sur une démarche commune qui n'est pas faisable parce que l'on n'a pas tout à fait le même point de vue. On pourrait peut-être mieux progresser sur les consulats. D'abord il y a un problème de carte des consulats en Europe, c'est un système qui doit être revu manifestement puisqu'il a été conçu dans un contexte tout à fait différent. Je pense qu'il y a là une piste qui est intéressante, ambitieuse et qui est réaliste en même temps. Les ambassades, non, il faut qu'elles soient modifiées, repensées mais la mise en commun, je n'y crois pas. En revanche, les opérations du type "conférences communes" des ambassadeurs de France et d'Allemagne pour une région donnée, c'est très intéressant. On en a déjà fait quelques unes et je trouve cela très bien. Je suis plus intéressé par l'échange, le travail en commun, la convergence des mentalités. Ils m'invitent à parler devant eux, c'est très bien ; il faut poursuivre ce travail méthodiquement et régulièrement.
Q - Sur les visions européennes de M. Fischer.
R - Au sein des Quinze, il n'y a pas de mouvement dans le sens des idées de Fischer. D'autre part, il y a un problème de calendrier. Ces débats sont très intéressants mais il ne faut pas perdre le sens de la chronologie.
Il y a beaucoup de circonspection dans la plupart des pays d'Europe ; on le sait encore mieux depuis le débat à Evian. Commençons par essayer de réussir à Nice et puis on verra après. C'est plutôt cela la tonalité.
Q - Sur une poursuite de la CIG après Nice, telle que le suggère l'Allemagne.
R - C'est une idée un peu utopique. Mais l'idée d'un débat sur l'avenir de l'Europe, je trouve cela très bien parce que je pense qu'on est capable de faire les deux quand même. On est capable de négocier la CIG pour aboutir au meilleur accord possible à Nice et on doit être capable de se dire aussi : "et après qu'est-ce qu'on fait ?" On doit pouvoir faire les deux. Simplement en termes d'organisation pratique, il ne faut pas tout mélanger. Dans l'immédiat, la priorité absolue c'est de réussir à Nice. Et nous, en tant que Présidence, nous sommes obligés de dire "attention, le temps passe, chaque pays campe sur ses positions, nous répétons les choses déjà connues, il ne se passe rien. Il nous reste trois mois avant Nice, c'est suffisant pour se mettre d'accord, mais ce n'est pas énorme". Le débat sur l'avenir de l'Europe, tout le monde le trouve intéressant, il ne va pas s'arrêter comme cela. Tout le monde a des idées et il faut être capable de penser aux deux temps successifs. Alors, qu'est-ce qu'on fera après Nice ? Là, les suggestions commencent à apparaître du côté allemand, parce qu'il y a les interrogations des länder. On ne peut pas répondre tant qu'on ne sait pas à quoi ressemble la conclusion de Nice. Si on ne peut pas se mettre d'accord à Nice, cela changera tout.
Q - Est-ce que vous allez continuer à travailler avec les Allemands ? Vous avez parlé de travail main dans la main sur la relation franco-allemande.
R - Oui, on l'a fait, pour aborder la CIG dans les meilleures conditions et cela a très bien marché.
Autrement dit, cela se passe bien entre Français et Allemands. Le problème n'est pas là, le problème c'est que chaque pays campe sur ses positions et que personne ne veut bouger. Il y a même des pays qui se sont un peu durcis. Par exemple en ce qui concerne les coopérations renforcées, certains pays étaient hostiles au début parce qu'ils croyaient que cela allait servir à démonter les politiques communes. D'autres sont inquiets maintenant pour une autre raison, car ils pensent qu'avec les coopérations renforcées, un groupe de pays pourrait faire un pas en avant dans le fédéralisme dont ils ne veulent pas. Alors il y a une méfiance terrible. La négociation ne s'est pas simplifiée. Alors qu'est ce qu'on fait ? On a programmé un nombre considérable de réunions, mais je ne sais pas si cela suffira. Dans tous les CAG il y a deux ou trois heures sur la CIG, il y a des dîners spéciaux, des conclaves, des réunions, on fera tout ce qu'on peut.
Q - Où cela bloque-t-il ? Est-on plus éloigné des Anglais ou des Espagnols ?
R - Non, on ne peut dire cela, puisque les lignes de clivage ne sont pas les mêmes selon les sujets. Sur la pondération ce n'est pas le même clivage que sur la coopération renforcée ou sur la Commission ou sur la majorité qualifiée.
Q - Sur la libération des otages à Jolo et le rôle joué par les Allemands ?
R - Je peux vous dire ce que j'ai dit au "Journal du dimanche". J'ai simplement confirmé que, chronologiquement, ce sont les Allemands qui avaient été les premiers en contact avec les Libyens. J'ai dit que les autres avaient accepté parce qu'une politique de normalisation à Tripoli est en cours depuis longtemps. Cela fait un an et demi que le Conseil de sécurité a suspendu les sanctions sur la Libye, un an et demi que l'UE a levé les siennes. On avance par petites étapes. Kadhafi était au sommet Europe-Afrique au Caire, deux ou trois ministres européens sont déjà allés en Libye. Il y a un processus en cours. Et ce n'est pas fini. On ne sera content que quand ce sera fini. Voilà.
Q - Y a-t-il du nouveau ?
R - Non. On attend maintenant la libération de tous ceux qui restent..
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 septembre 2000)
Q - Monsieur le Ministre, le commissaire qui est responsable de la question de l'élargissement à l'UE a suscité des critiques très vives avec ses propositions concernant la réalisation d'un référendum par rapport à l'élargissement. Le ministre allemand des Affaires étrangères, M. Fischer, a pris ses distances, le président le la commission, M. Prodi a pris ses distances. Quelle est la réaction que vous auriez personnellement par rapport à ce qu'il a dit ?
R - J'ai déjà dit en conclusion du gymnich des ministres des Affaires étrangères qui s'est tenu à Evian que tous les participants avaient exprimé leur surprise par rapport à cette déclaration et que nous nous étions retrouvés dans les déclarations de M. Fischer à ce sujet. Mais je voudrais rappeler le fond du sujet. A propos de l'élargissement, le problème immédiat n'est pas une discussion sur les modalités d'approbation, de ratification, l'élargissement, la priorité aujourd'hui c'est de faire avancer la négociation concrètement. Et c'est la meilleure façon de répondre à l'impatience des pays candidats et de répondre aux questions que se pose une partie de l'opinion dans les Etats membres. C'est d'aboutir par la négociation à bien régler les problèmes et c'est cela que nous présenterons le moment venu à nos partenaires.
Q - Quelles seront à votre avis, éventuellement les conséquences de ce genre de déclaration ? Est-ce que cela donne des arguments aux eurosceptiques dans les pays membres et éventuellement en Allemagne et dans les pays candidats ?
R - De toute façon on nous a dit que la procédure du référendum n'existe pas dans la constitution allemande, donc le problème ne se pose pas. Je crois qu'il faut, je le répète, revenir à l'essentiel, négocier l'élargissement le mieux possible pour qu'il soit réussi, apporter des réponses aux attentes de l'opinion publique dans les pays candidats et les Etats membres. L'opinion veut savoir comment cela va marcher après, comment cela va fonctionner avec cet élargissement et dès lors que nous aurons apporté par la négociation les bonnes réponses et que nous présenterons dans le traité d'adhésion de bonnes solutions, je ne vois pourquoi les opinions publiques et les parlementaires des Etats membres seraient contre. Il faut avoir une vision volontariste et positive.
Q - Monsieur le Ministre dans une interview, le week-end dernier, vous vous êtes plaint un petit peu du fait que le processus de négociation en préparation de Nice pour la réforme des institutions n'avance pas véritablement. Vous vous êtes déclaré légèrement inquiet en fait, pourquoi cela n'avance pas ?
R - J'ai dit en effet que j'étais préoccupé alors qu'il n'y a plus que trois mois avant la conclusion que nous souhaitons à Nice de voir que les pays membres ne se bornent à répéter les positions que l'on connaît sur les quatre sujets importants qui sont en discussion au sein de la Conférence intergouvernementale. Il est temps de s'y mettre, il est temps de négocier vraiment. Il faut dégager des marges de manoeuvres, il faut que chacun fasse preuve d'esprit de compromis. C'est tout à fait légitime que les Etats membres défendent leurs intérêts, bien sûr, sur ces quatre sujets, mais il y a aussi un intérêt général de l'Europe, à résoudre ces problèmes et à aller de l'avant. En tant que présidence nous appelons chaque Etat membre à faire prévaloir, le plus tôt sera le mieux, l'intérêt général de l'Europe sur la défense des intérêts de chaque pays. Mais c'est soluble, il faut maintenant faire preuve de détermination et avancer.
Q - Le chancelier Schroeder, à l'occasion de la conférence des ambassadeurs à Berlin a suggéré la réalisation d'une deuxième Conférence intergouvernementale à l'occasion de laquelle on réfléchirait par exemple à la répartition des compétences entre les Etats et Bruxelles. Quelle est votre réaction à une telle proposition, à l'heure actuelle ?
R - La priorité pour nous, en tant que présidence, c'est de réussir Nice. Avoir un très bon accord et c'est là-dessus que nous allons concentrer notre énergie dans les prochaines semaines. Cela ne nous empêche pas d'écouter et de prendre note des propositions qui sont faites par certains Etats membres à propos de ce que l'on pourrait faire après, dans l'hypothèse où tout se passe bien à Nice, surtout quand il s'agit de l'Allemagne, et d'un responsable si important que le chancelier Schroeder. Donc pour le moment nous enregistrons cette proposition et, le moment venu, elle sera évidemment discutée entre les chefs d'Etats et de gouvernements des Etats membres ; mais nous n'en sommes pas tout à fait là. Il faut d'abord et avant tout réussir Nice.
Q - Cela veut dire qu'il n'y a pas eu une concertation concrète entre la France et l'Allemagne avant que M. Schroeder ait fait cette proposition ?
R - C'est une condition que M. Schroeder avait déjà faite à ma connaissance.
Q - C'est à la fin de cette semaine que les trois sages vont remettre leur rapport au président du Conseil, au président de la République française, M. Chirac, est-ce que vous avez en fait un scénario de sortie de la politique des sanctions, au cas où ?
R - Je ne peux rien vous dire tant que nous n'avons pas lu le rapport.
Q - Est-ce que la France réfléchit sérieusement à une issue, à une sortie des sanctions ? Est-ce que la France serait en faveur d'une levée des sanctions ?
R - La réponse est la même. Si nous avons accepté la proposition portugaise, qui avait réuni l'accord des quatorze pays concernés pour qu'il y ait ce travail des sages et ce rapport, c'est précisément parce que ce rapport doit être déterminant. Donc, il faut qu'on l'ait, il faut qu'on le lise et il faut que nous nous consultions au sein des quatorze pour savoir quelle sera la suite à donner et au jour d'aujourd'hui je ne peux pas en dire plus./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 septembre 2000)