Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur la réforme de la fiscalité et des finances locales, Paris le 4 mars 2003.

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Circonstance : Présentation de la note de conjoncture des finances locales par DEXIA-Crédit Local au Sénat le 4 mars 2003

Texte intégral

Messieurs les Présidents, cher Pierre RICHARD, cher Jacques GUERBER,
Messieurs les Sénateurs,
Messieurs,
Je tiens à vous remercier d'avoir accepté, une nouvelle fois, notre invitation pour cette rencontre, désormais traditionnelle, avec le groupe Dexia.
En effet, depuis quatre ans, nous nous retrouvons, chaque semestre, ici à la présidence du Sénat, afin d'évoquer ensemble la situation financière des collectivités locales.
Cette rencontre informelle nous permet à tous de bénéficier d'une analyse toujours pertinente des grandes tendances des finances locales.
Notre rencontre d'aujourd'hui revêt une dimension particulière dans la mesure où la décentralisation, pour la relance de laquelle je milite depuis 1998, va enfin connaître la consécration constitutionnelle qu'elle mérite.
En effet, le Parlement va se réunir en Congrès à Versailles le 17 mars prochain pour ratifier le projet de loi constitutionnelle relatif à " l'organisation décentralisée de la République " adopté par les deux assemblées en termes identiques.
Sur le fond, il s'agissait :
- de conférer une valeur constitutionnelle au principe de compensation des charges transférées par l'État,
- de préserver l'autonomie fiscale des collectivités locales en reconnaissant le principe de la " prépondérance " des recettes fiscales propres au sein de leurs ressources de fonctionnement,
- de poser le principe du remplacement d'un impôt local librement perçu par une autre ressource fiscale afin de mettre un terme au processus de démantèlement de la fiscalité locale.
Au-delà du débat " sémantique " entre les notions de " prépondérance " et de " déterminance " finalement retenue, je me réjouis que le gouvernement se soit largement inspiré des travaux du Sénat, notamment des deux propositions de loi constitutionnelle que j'ai déposées en novembre 2000 et en juillet 2002.
Par ailleurs, au cours de la discussion, nous avons aussi obtenu l'introduction dans notre loi fondamentale du principe de l'interdiction d'une tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre et du principe de compensation financière des compétences créées et dévolues, ab initio, aux collectivités territoriales.
C'est essentiel car, sans autonomie réelle, les élus locaux demeurent des " mineurs dépendants " et la décentralisation une simple notion administrative, et non le véritable projet de société qu'elle mérite d'être au travers de la " République territoriale ".
Je ne peux donc que me réjouir du chemin parcouru ensemble.
Le " premier étage de la fusée " mis en orbite, il nous restera à en décliner les grands principes dans le cadre des lois organiques et ordinaires à venir. Nous veillerons à éviter deux écueils qui pourraient s'avérer préjudiciables : le " tout régional " et " le tout expérimental ".
Mais tout ce travail ne servira à rien si nous ne parvenons pas à remettre à plat l'ensemble de l'architecture du financement du secteur public local. Sans réforme des finances et de la fiscalité locale, point d'autonomie, point de libre administration, point de véritable décentralisation !
Ne pas engager une telle réforme, ou pire la différer sans calendrier lisible et réaliste, reviendrait à annihiler l'avancée historique que représente pour tous les élus locaux la constitutionnalisation des principes d'autonomie fiscale et financière.
J'appelle donc le gouvernement à concrétiser, sans délais et sans arrière-pensées, sa volonté de réformer, enfin, la fiscalité locale qui apparaît, à maints égards, aussi archaïque qu'injuste.
L'ampleur du défi n'a d'égal que sa nécessité. La tâche sera rude, mais nous devons faire preuve d'imagination. Pour moi, il ne doit y avoir, en la matière, aucun tabou.
Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), taxe sur la valeur ajoutée (TVA), contribution sociale généralisée (CSG), aucune de ces impositions n'appartient, par essence, définitivement et en totalité à l'État !
Il est aussi urgent d'engager la refonte des concours financiers de l'État en faveur des collectivités locales.
Car, il faut bien le reconnaître, ils sont devenus, au gré des réformes successives, totalement illisibles et incompréhensibles pour les élus locaux.
Or les collectivités locales ont besoin de transparence et de prévisibilité dans leurs ressources.
Ces sujets sont essentiels si l'on veut conforter l'acquis de vingt années de gestion de proximité.
Je forme donc le vu que notre rencontre nous permette de mieux appréhender les enjeux des finances locales afin de préparer sereinement les réformes que nous devons aux élus locaux et à nos concitoyens.
Sur tous ces sujets, nous attendons, Chers Pierre RICHARD et Jacques GUERBER, votre diagnostic éclairé.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.senat.fr, le 18 avril 2003)