Déclaration de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur l'évaluation des pratiques médicales, Paris le 24 septembre 2003.

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Circonstance : Journée consacrée à "l'évaluation des pratiques médicales" organisée par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) à Paris le 24 septembre 2003

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

C'est avec plaisir que j'ai le sentiment de remplir deux engagements, en venant aujourd'hui dans les nouveaux locaux de l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé, pour clore cette journée importante que vous venez de consacrer à l'évaluation des pratiques médicales.
Le premier de ces engagements, je l'avais pris, voilà 8 mois, lors de ma venue au Conseil d'Administration de l'Agence, et du vote, à l'unanimité, du programme de travail de l'ANAES pour l'année 2003.
Ce programme de travail comportait plusieurs objectifs volontaristes et ambitieux et je m'étais engagé à faire avec vous un bilan intermédiaire en cours d'année.
Nous y sommes aujourd'hui. Ce bilan pourrait concerner les trois aspects principaux de la " politique de qualité " à savoir l'accréditation, les recommandations et enfin l'évaluation des pratiques professionnelles.
Tout d'abord, l'accréditation des établissements de santé.
Les objectifs pour 2003 comportaient, d'une part, une augmentation très importante du nombre d'établissements de santé à inscrire dans la procédure d'accréditation et d'autre part, une évolution de cette procédure, dans le sens d'une simplification et surtout d'une médicalisation.
Sur ces différents points, les informations qui m'ont été communiquées par le Directeur Général ces dernières semaines sont probantes.
Ainsi, ce sont plus de 750 hôpitaux ou cliniques qui seront accrédités en 2003, ce qui nous rapproche du rythme souhaitable des 4 années pour accomplir, à terme, le cycle d'accréditation de l'ensemble de nos établissement de santé publics ou privés.
De plus, le nouveau référentiel d'accréditation, largement simplifié, mais qui rendra beaucoup mieux compte de l'activité clinique des services hospitaliers et de la qualité des soins, sera mis au point et expérimenté dès janvier 2004. Je m'en réjouis.
Sur ce point, des mesures financières seront présentées dans le PLFSS 2004. Elles constitueront une forte incitation pour les établissements qui se porteront candidats pour expérimenter cette version " médicalisée " de la procédure d'accréditation. C'est un point important pour le développement de l'accréditation " médicalisée ".
Parallèlement, le référentiel qui va permettre d'engager la procédure d'accréditation des réseaux de soins et de santé est désormais prêt.
Cela doit faciliter la mise en place des réseaux, qui constituent à l'évidence un mode d'organisation privilégié du système de soins pour l'avenir. En effet, la dynamique d'évaluation et d'amélioration permanentes des pratiques qui me tient à coeur et sur laquelle je vais revenir est un élément en quelque sorte " consubstantiel " des réseaux et c'est particulièrement intéressant.
J'en viens maintenant aux recommandations de pratique clinique.
Ces recommandations constituent désormais une forme à privilégier pour assurer la diffusion de la " bonne " médecine. Les avantages et aussi les inconvénients et limites de ces recommandations ont été largement étudiés. La méthode particulière dont procède leur élaboration, en associant adroitement les données de la recherche clinique et les réalités de l'exercice quotidien est ainsi devenue familière à beaucoup de médecins. On sait mieux maintenant que les recommandations doivent être régulièrement mises à jour et surtout que leur formulation doit être profondément inspirée des conditions d'exercice réelles de ceux qui sont supposés les appliquer. On sait également qu'elles doivent s'accommoder de souplesse et de marges d'adaptation liées à la situation particulière que représente chaque patient.
Mais surtout, ces recommandations de pratique sont désormais totalement intégrées à l'exercice quotidien des médecins, tout comme elles sont incluses dans le programme des études de nos étudiants.
Sur cette question des recommandations, l'ANAES a engagé en 2003 une évolution essentielle en démultipliant son action de production à travers des partenariats, notamment avec les Sociétés savantes et les Collèges professionnels, et au-delà des Sociétés et des Collèges, avec l'ensemble des professionnels.
De cette manière, ce sont des médecins beaucoup plus nombreux qui se trouvent désormais associés à la mise en oeuvre des recommandations de pratique.
Par ailleurs, les facultés de médecine ont un rôle spécifique à assurer auprès des étudiants. Plusieurs Doyens sont présents ici aujourd'hui. Je les remercie et je les encourage car c'est au sein des facultés que les étudiants doivent être formés à cette médecine où les recommandations de pratique sont appelées à jouer un rôle tellement important.
J'en viens maintenant à ce qui est l'objet même de votre colloque d'aujourd'hui et qui constitue la première réunion d'importance nationale consacrée à l'évaluation des pratiques.
Tout comme les recommandations sont en passe de devenir le mode privilégié de diffusion de la bonne médecine, l'évaluation des pratiques constitue le moyen par lequel nous allons, vous allez, pouvoir engager le processus d'amélioration de la qualité des soins.
C'est pourquoi le colloque organisé aujourd'hui, les échanges qui ont eu lieu et les leçons qui vont être tirées sont tellement importantes. Et à ce titre, je veux en remercier les organisateurs, l'Agence elle-même et les URML.
Initialement, l'évaluation des pratiques a été définie par le Décret de décembre 1999, qui fixait le cadre dans lequel pouvait être mis en place cette évaluation sur un mode, soit individuel, soit collectif.
Selon ces modalités, l'évaluation des pratiques professionnelles - ce que les initiés appellent l'EPP - a pu être mise en oeuvre à l'automne 2002, près de trois années après la publication du décret. Ce délai prolongé atteste de la difficulté de faire adhérer les médecins à ces notions d'évaluation et d'amélioration des pratiques. De ce point de vue, il faut remercier les URML du travail de sensibilisation accompli et notamment les quatre inter régions (Basse-Normandie, Lorraine, Ile de France et Nord Pas de Calais) où la procédure d'EPP a été expérimentée tout au long de l'hiver dernier.
Un bilan plutôt positif a été tiré de l'expérimentation dans laquelle 4 à 500 médecins s'étaient engagés. La plupart de ces médecins ont pris conscience, peut-être mieux qu'antérieurement, des bénéfices qu'ils pouvaient escompter d'une analyse de leur pratique.
Cependant, ces quelques centaines de médecins sont très loin de suffire pour induire le changement culturel nécessaire à la médecine de demain. Ce qu'il convient de préparer dès maintenant, ce sont des actions beaucoup plus conséquentes dans laquelle la majorité des médecins pourront s'engager. A cette fin, les diverses expériences qui ont été rapportées aujourd'hui sont essentielles.
Toutes ces expériences ont en commun d'associer à une première phase d'évaluation, une seconde phase où intervient le processus d'amélioration des pratiques. C'est donc un cercle vertueux reliant de manière permanente l'évaluation à l'amélioration des pratiques qu'il faut initier et relancer sens cesse.
De ces allers-retours permanents entre l'évaluation et l'amélioration des pratiques doivent résulter les gains en terme de qualité des soins. C'est cela qui constitue la finalité de l'action des médecins et plus largement de l'ensemble des professionnels de santé.
Bien entendu, cette politique de promotion de l'évaluation et de la qualité doit être soutenue activement.
A cette fin, l'ANAES a été dotée budgétairement à un bon niveau en 2003 et elle le sera en 2004 pour parvenir à assurer notamment la formation de 300 " médecins habilités " qui s'ajouteront aux 130 déjà opérationnels. Au-delà de la procédure d'EPP, ces médecins habilités ont vocation à accompagner sur le terrain toutes les initiatives qui s'inscrivent dans cette dynamique d'évaluation et d'amélioration des pratiques.
De plus, les budgets correspondant aux fonds du FAQSv et de la Dotation Nationale de Développement des Réseaux (DNDR) seront inscrits au PLFSS pour 2004.
Dans le cas particulier du FAQSv, ce fonds peut être encore davantage mobilisé au bénéfice de programmes d'évaluation des pratiques. Je sais en particulier que dans plusieurs régions, des projets visant à développer des groupes de pairs ont été déposés et acceptés.
Davantage peut être fait dans ce sens en 2004, afin que les méthodes d'évaluation des pratiques se diversifient et incluent un nombre croissant de praticiens.
De même, 2004 pourrait être le bon moment pour commencer de préparer - dans le cadre adéquat - l'élaboration de ce qu'on appelle
" une politique d'évolution de carrière ".
Je crois en effet que des médecins qui s'engagent durablement dans des programmes d'évaluation et d'amélioration de leurs pratiques, devraient pouvoir y trouver, au delà des contraintes, certains bénéfices pour leurs conditions d'exercice.
Et cela me conduit au deuxième engagement, celui que je souhaite prendre devant vous aujourd'hui.
En effet, l'évaluation des pratiques est sur une ligne ascendante. Hier encore expérimentale, elle se généralise aujourd'hui. Dès le début de 2004, les équipes hospitalières, comme les libéraux maintenant, les retrouveront dans leur nouveau référentiel d'accréditation.
Au demeurant, et vous en avez parlé dans le cadre de ce colloque, nos voisins européens, hollandais, allemands, britanniques ont adopté des procédures comparables.
C'est pourquoi, je vous propose désormais d'organiser régulièrement une journée nationale d'évaluation des pratiques médicales. Cette journée pourrait être organisée annuellement et conjointement par les professionnels, l'ANAES et les URML. Les programmes les plus efficients d'évaluation des pratiques y seraient rapportés et discutés au bénéfice de l'ensemble des médecins.
Pour ma part, je vous assure du soutien de mon ministère et autant que possible de ma participation.
Enfin, vous le savez sans doute nous sommes conviés au terme de ce colloque par Messieurs GUIRAUD-CHAUMEIL et COULOMB, à l'inauguration du nouveau siège de l'ANAES qui se trouve à quelques pas d'ici.
Je voudrais dire à ce propos qu'il s'agit d'un bâtiment magnifique, parfaitement fonctionnel et qui constitue donc un instrument de travail idéal.
Au moment de cette inauguration, je forme simplement des voeux pour que l'ensemble des professionnels se reconnaisse dans l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé et dans ses nouveaux locaux, et que de cette manière, la politique d'évaluation et de qualité de soins connaisse le plus grand succès possible, principalement aux bénéfices des patients dont nous avons la charge.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 26 septembre 2003)