Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
J'ai grand plaisir à vous accueillir aujourd'hui à Paris et à ouvrir vos travaux. Ces réunions à Paris font suite à l'invitation que j'avais adressée à mes collègues lors de notre réunion ministérielle de Copenhague. Entre-temps, le gouvernement du Vietnam a également organisé la première réunion des experts OMC de l'ASEM, en janvier dernier à Hanoï : on m'a rapporté que cette rencontre avait été aussi utile que chaleureuse et que le nouveau réseau de contact ainsi créé était d'un grand intérêt pour nourrir notre dialogue euro-asiatique.
Je forme le voeu qu'il en soit de même à Paris et que vos travaux de ces deux jours puissent être également très fructueux. Qu'il s'agisse du dialogue sur l'OMC et les négociations de Doha, des échanges du groupe des experts investissement, ou de la réunion des hauts fonctionnaires chargés de l'investissement et du commerce, vos contributions auront en effet une très grande importance pour la préparation de la prochaine rencontre des ministres de l'économie de l'ASEM, en juillet prochain et ce, en particulier au moment où nous abordons la dernière ligne droite de la préparation de la 5ème conférence ministérielle de l'OMC qui aura lieu à Cancún.
Sur les enjeux de ces deux échéances, je voudrais rapidement souligner quelques points qui me paraissent fondamentaux.
Quelles priorités pour la préparation de Cancún ?
Nous avons connu à l'OMC une succession de dérapages du calendrier initialement prévu pour jalonner la route de Cancún : échec en 2002 sur les questions de développement et en particulier celle de l'accès aux médicaments essentiels, échec au printemps 2003 sur la détermination des modalités de négociation en matière agricole et, très récemment, en matière d'accès au marché non agricole.
Ces dérapages n'étaient certes pas totalement imprévisibles, compte-tenu de la brièveté des délais fixés par le programme de développement de Doha, de l'absence de réunion ministérielle avant Cancún et de l'importance des enjeux pour chacun de nous. Mais il est confirmé désormais que la réunion ministérielle de Cancún sera une échéance très importante pour progresser dans la réalisation des ambitions du cycle de Doha.
A l'approche de cette réunion ministérielle, je perçois trois facteurs fondamentaux, qui doivent nous permettre de faire preuve d'un optimisme raisonnable en espérant un succès.
Le premier facteur est celui du retour en force d'une conscience globale de l'importance des négociations de Doha pour le soutien à la croissance mondiale à moyen terme. Cet enjeu, qui avait été central pour l'adoption des objectifs du programme de Doha, avait été un peu occulté depuis, alors que l'attention se focalisait sur les volets techniques de la négociation. Dans le contexte économique et diplomatique international, je crois que tous les membres de l'OMC s'accordent à nouveau pour reconnaître l'urgence et la priorité de délivrer un signal positif du système multilatéral à l'économie et à la croissance mondiale.
Le second facteur provient de la nouvelle dynamique politique désormais à l'uvre, en particulier dans les relations transatlantiques, qui résulte de la détermination exprimée au niveau des ministres, lors de la réunion de l'OCDE du mois d'avril dernier et, à celui des chefs d'Etats et de gouvernements, lors du récent sommet du G8 à Evian. Après les échecs techniques rencontrés à Genève, l'expression de cette volonté politique de réussir les négociations a d'ores et déjà permis d'atteindre deux résultats importants.
Le premier résulte de la volonté exprimée par les leaders du G8 d'aboutir à l'élaboration d'un accord-cadre permettant de finaliser les négociations de Doha dans le calendrier prévu d'ici fin 2004 et en réalisant les ambitions initiales. Les ministres du commerce des grands pays développés sont chargés de traduire cette volonté dans les faits.
L'atteinte de cet objectif sera facilitée par la feuille de route pour la préparation de Cancún qu'ont élaboré conjointement Pascal Lamy et Robert Zoellick, qui se sont accordés sur l'identification de 6 à 7 "paniers" d'objectifs cibles pour les résultats de Cancún et une démarche d'intensification des négociations techniques à Genève, en vue de régler le maximum de problèmes en suspens d'ici le mois de juillet. Nous savons que si l'entente transatlantique n'est pas une condition suffisante, elle est toujours une condition nécessaire pour progresser à l'OMC.
Le dernier facteur d'optimisme provient de l'importance du travail technique et de certains des progrès qui sont réalisés à Genève, même s'ils sont le plus souvent occultés par la publicité accordée aux grandes échéances manquées :
- je pense à la relance des négociations sur les mesures de traitement spécial et différencié ;
- je pense aux premières réactions suscitées par les propositions du président Girard pour l'accès au marché non agricole, que la majorité des membres peut accepter comme base de travail, contrairement à ce qui avait été le cas en matière agricole ;
- je pense à l'initiative personnelle du directeur général de l'OMC, M. Supachai, pour faire progresser le dialogue concernant les indications géographiques.
Bien sûr, ces trois facteurs ne suffisent par pour garantir les succès et j'ai conscience de la difficulté des grands problèmes qui restent à surmonter pour parvenir à un accord. Je crois en particulier qu'il nous faut parvenir à restaurer la confiance de tous les membres de l'OMC et notamment ceux du monde en développement. Dans cette perspective, je voudrais souligner quatre priorités politiques :
L'accès au médicament : les leaders du G8 ont permis de progresser pour surmonter le blocage actuel de la partie américaine en préconisant l'adoption d'une solution avant Cancún ; adopter une telle solution est indispensable pour respecter la parole donnée à Doha et recréer un climat de confiance.
Le traitement spécial et différencié : il faut faire preuve de pragmatisme et rechercher les accords possibles sur des mesures équilibrées, en prenant en compte l'intérêt de toutes les parties.
L'accès au marché :
- en matière agricole, l'OMC devra reprendre ses travaux sur des bases plus équilibrées que celles du projet de M. Harbinson qui n'ont satisfait aucun membre ; l'approche de la négociation agricole doit permettre d'équilibrer l'ensemble des enjeux pour chaque membre et je pense en particulier au lien qui doit s'établir entre l'effort d'ouverture des marchés et la nécessité d'une meilleure protection juridique des avantages comparatifs agricoles associés aux indications géographiques ;
- plus encore que l'agriculture, l'accès au marché non agricole, qui couvre plus de 90% du commerce mondial des biens est un enjeu déterminant pour la réalisation des ambitions économiques du cycle de Doha ;
- Enfin, les négociations sur les services doivent être approfondies par le dépôt de nouvelles offres et l'amélioration des propositions actuelles.
Les règles et disciplines du commerce international : nous devons nous assurer que les avantages de l'ouverture réciproque sont solidement garantis par des règles fortes par exemple en matière d'antidumping ; nous devons enrichir les disciplines de l'OMC pour les adapter aux nouveaux enjeux économiques globaux que regroupent les quatre sujets de Singapour.
Quel rôle pour l'ASEM ?
Dans ce contexte et par rapport aux enjeux des négociations de l'OMC, je crois que l'ASEM doit d'abord être un espace d'échange permettant d'améliorer la compréhension réciproque et de créer un climat de confiance, condition indispensable pour surmonter les difficultés de la négociation.
C'est la raison d'être des rencontres informelles entre experts de l'OMC auxquelles j'attache la plus grande importance : ces rencontres n'ont pas vocation à se substituer aux négociations mais à y contribuer en créant un espace d'échange libre. Je crois que nous aurons intérêt à les poursuivre pendant toute la durée du cycle de Doha.
La confiance entre partenaires résulte aussi de l'intensité des liens économiques concrets et du tissu d'intérêts croisés que nos entreprises nouent : accroître ces liens et faire progresser ces intérêts est la mission dévolue au pilier économique de l'ASEM. A la réunion ministérielle de Copenhague, nous avons décidé d'engager une réflexion sur la réforme de ce pilier économique en vue de le dynamiser. C'est notamment la mission qui a été confiée au groupe de travail de haut niveau qui devra formuler des recommandations en ce sens.
Cette réforme est également l'un des enjeux de vos réflexions pour ces deux jours. Mon souhait est qu'elles contribuent à la formulation de recommandations opérationnelles permettant de redonner un nouveau souffle à notre dialogue économique. Dans cette perspective, j'ai formulé deux priorités : celle d'identifier un nombre restreint de priorités concrètes et d'objectifs pour notre dialogue, celle de renforcer le dialogue, notamment via des rencontres directes avec les ministres, entre les hommes d'affaires et les administrations chargées de ces questions.
La France estime qu'il est fondamental d'approfondir cette double démarche, de concertation sur les enjeux de l'OMC et de réforme du pilier économique de l'ASEM et d'accroître ainsi son efficacité au service du développement de nos liens économiques dans le cadre du système multilatéral.
Je vous remercie de votre attention et souhaite bonne chance à vos travaux.
(Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 10 juin 2003)
J'ai grand plaisir à vous accueillir aujourd'hui à Paris et à ouvrir vos travaux. Ces réunions à Paris font suite à l'invitation que j'avais adressée à mes collègues lors de notre réunion ministérielle de Copenhague. Entre-temps, le gouvernement du Vietnam a également organisé la première réunion des experts OMC de l'ASEM, en janvier dernier à Hanoï : on m'a rapporté que cette rencontre avait été aussi utile que chaleureuse et que le nouveau réseau de contact ainsi créé était d'un grand intérêt pour nourrir notre dialogue euro-asiatique.
Je forme le voeu qu'il en soit de même à Paris et que vos travaux de ces deux jours puissent être également très fructueux. Qu'il s'agisse du dialogue sur l'OMC et les négociations de Doha, des échanges du groupe des experts investissement, ou de la réunion des hauts fonctionnaires chargés de l'investissement et du commerce, vos contributions auront en effet une très grande importance pour la préparation de la prochaine rencontre des ministres de l'économie de l'ASEM, en juillet prochain et ce, en particulier au moment où nous abordons la dernière ligne droite de la préparation de la 5ème conférence ministérielle de l'OMC qui aura lieu à Cancún.
Sur les enjeux de ces deux échéances, je voudrais rapidement souligner quelques points qui me paraissent fondamentaux.
Quelles priorités pour la préparation de Cancún ?
Nous avons connu à l'OMC une succession de dérapages du calendrier initialement prévu pour jalonner la route de Cancún : échec en 2002 sur les questions de développement et en particulier celle de l'accès aux médicaments essentiels, échec au printemps 2003 sur la détermination des modalités de négociation en matière agricole et, très récemment, en matière d'accès au marché non agricole.
Ces dérapages n'étaient certes pas totalement imprévisibles, compte-tenu de la brièveté des délais fixés par le programme de développement de Doha, de l'absence de réunion ministérielle avant Cancún et de l'importance des enjeux pour chacun de nous. Mais il est confirmé désormais que la réunion ministérielle de Cancún sera une échéance très importante pour progresser dans la réalisation des ambitions du cycle de Doha.
A l'approche de cette réunion ministérielle, je perçois trois facteurs fondamentaux, qui doivent nous permettre de faire preuve d'un optimisme raisonnable en espérant un succès.
Le premier facteur est celui du retour en force d'une conscience globale de l'importance des négociations de Doha pour le soutien à la croissance mondiale à moyen terme. Cet enjeu, qui avait été central pour l'adoption des objectifs du programme de Doha, avait été un peu occulté depuis, alors que l'attention se focalisait sur les volets techniques de la négociation. Dans le contexte économique et diplomatique international, je crois que tous les membres de l'OMC s'accordent à nouveau pour reconnaître l'urgence et la priorité de délivrer un signal positif du système multilatéral à l'économie et à la croissance mondiale.
Le second facteur provient de la nouvelle dynamique politique désormais à l'uvre, en particulier dans les relations transatlantiques, qui résulte de la détermination exprimée au niveau des ministres, lors de la réunion de l'OCDE du mois d'avril dernier et, à celui des chefs d'Etats et de gouvernements, lors du récent sommet du G8 à Evian. Après les échecs techniques rencontrés à Genève, l'expression de cette volonté politique de réussir les négociations a d'ores et déjà permis d'atteindre deux résultats importants.
Le premier résulte de la volonté exprimée par les leaders du G8 d'aboutir à l'élaboration d'un accord-cadre permettant de finaliser les négociations de Doha dans le calendrier prévu d'ici fin 2004 et en réalisant les ambitions initiales. Les ministres du commerce des grands pays développés sont chargés de traduire cette volonté dans les faits.
L'atteinte de cet objectif sera facilitée par la feuille de route pour la préparation de Cancún qu'ont élaboré conjointement Pascal Lamy et Robert Zoellick, qui se sont accordés sur l'identification de 6 à 7 "paniers" d'objectifs cibles pour les résultats de Cancún et une démarche d'intensification des négociations techniques à Genève, en vue de régler le maximum de problèmes en suspens d'ici le mois de juillet. Nous savons que si l'entente transatlantique n'est pas une condition suffisante, elle est toujours une condition nécessaire pour progresser à l'OMC.
Le dernier facteur d'optimisme provient de l'importance du travail technique et de certains des progrès qui sont réalisés à Genève, même s'ils sont le plus souvent occultés par la publicité accordée aux grandes échéances manquées :
- je pense à la relance des négociations sur les mesures de traitement spécial et différencié ;
- je pense aux premières réactions suscitées par les propositions du président Girard pour l'accès au marché non agricole, que la majorité des membres peut accepter comme base de travail, contrairement à ce qui avait été le cas en matière agricole ;
- je pense à l'initiative personnelle du directeur général de l'OMC, M. Supachai, pour faire progresser le dialogue concernant les indications géographiques.
Bien sûr, ces trois facteurs ne suffisent par pour garantir les succès et j'ai conscience de la difficulté des grands problèmes qui restent à surmonter pour parvenir à un accord. Je crois en particulier qu'il nous faut parvenir à restaurer la confiance de tous les membres de l'OMC et notamment ceux du monde en développement. Dans cette perspective, je voudrais souligner quatre priorités politiques :
L'accès au médicament : les leaders du G8 ont permis de progresser pour surmonter le blocage actuel de la partie américaine en préconisant l'adoption d'une solution avant Cancún ; adopter une telle solution est indispensable pour respecter la parole donnée à Doha et recréer un climat de confiance.
Le traitement spécial et différencié : il faut faire preuve de pragmatisme et rechercher les accords possibles sur des mesures équilibrées, en prenant en compte l'intérêt de toutes les parties.
L'accès au marché :
- en matière agricole, l'OMC devra reprendre ses travaux sur des bases plus équilibrées que celles du projet de M. Harbinson qui n'ont satisfait aucun membre ; l'approche de la négociation agricole doit permettre d'équilibrer l'ensemble des enjeux pour chaque membre et je pense en particulier au lien qui doit s'établir entre l'effort d'ouverture des marchés et la nécessité d'une meilleure protection juridique des avantages comparatifs agricoles associés aux indications géographiques ;
- plus encore que l'agriculture, l'accès au marché non agricole, qui couvre plus de 90% du commerce mondial des biens est un enjeu déterminant pour la réalisation des ambitions économiques du cycle de Doha ;
- Enfin, les négociations sur les services doivent être approfondies par le dépôt de nouvelles offres et l'amélioration des propositions actuelles.
Les règles et disciplines du commerce international : nous devons nous assurer que les avantages de l'ouverture réciproque sont solidement garantis par des règles fortes par exemple en matière d'antidumping ; nous devons enrichir les disciplines de l'OMC pour les adapter aux nouveaux enjeux économiques globaux que regroupent les quatre sujets de Singapour.
Quel rôle pour l'ASEM ?
Dans ce contexte et par rapport aux enjeux des négociations de l'OMC, je crois que l'ASEM doit d'abord être un espace d'échange permettant d'améliorer la compréhension réciproque et de créer un climat de confiance, condition indispensable pour surmonter les difficultés de la négociation.
C'est la raison d'être des rencontres informelles entre experts de l'OMC auxquelles j'attache la plus grande importance : ces rencontres n'ont pas vocation à se substituer aux négociations mais à y contribuer en créant un espace d'échange libre. Je crois que nous aurons intérêt à les poursuivre pendant toute la durée du cycle de Doha.
La confiance entre partenaires résulte aussi de l'intensité des liens économiques concrets et du tissu d'intérêts croisés que nos entreprises nouent : accroître ces liens et faire progresser ces intérêts est la mission dévolue au pilier économique de l'ASEM. A la réunion ministérielle de Copenhague, nous avons décidé d'engager une réflexion sur la réforme de ce pilier économique en vue de le dynamiser. C'est notamment la mission qui a été confiée au groupe de travail de haut niveau qui devra formuler des recommandations en ce sens.
Cette réforme est également l'un des enjeux de vos réflexions pour ces deux jours. Mon souhait est qu'elles contribuent à la formulation de recommandations opérationnelles permettant de redonner un nouveau souffle à notre dialogue économique. Dans cette perspective, j'ai formulé deux priorités : celle d'identifier un nombre restreint de priorités concrètes et d'objectifs pour notre dialogue, celle de renforcer le dialogue, notamment via des rencontres directes avec les ministres, entre les hommes d'affaires et les administrations chargées de ces questions.
La France estime qu'il est fondamental d'approfondir cette double démarche, de concertation sur les enjeux de l'OMC et de réforme du pilier économique de l'ASEM et d'accroître ainsi son efficacité au service du développement de nos liens économiques dans le cadre du système multilatéral.
Je vous remercie de votre attention et souhaite bonne chance à vos travaux.
(Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 10 juin 2003)