Déclaration de M. Jean Le Garrec, ministre chargé de l'emploi, à l'occasion de la présentation des contrats de solidarité du groupe Thomson Brandt, Paris le 4 août 1982.

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Circonstance : Signature de contrats de solidarité au groupe Thomson-Brandt

Texte intégral

Monsieur le Président Directeur Général,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un vif intérêt que j'ai répondu à l'invitation de M. Alain GOMEZ, Président Directeur Général du Groupe THOMSON-BRANDT, à l'occasion de la présentation de plusieurs contrats de solidarité de ce Groupe.
Comme vous le savez, le Premier Ministre m'a confié, il y a un mois, l'ensemble de l'action interministérielle en matière d'emploi.
Ma première visite est donc pour un Groupe nouvellement nationalisé dont je sais qu'il a beaucoup fait ces derniers mois pour la définition d'une politique sociale audacieuse.
Je voulais marquer par-là l'importance que le Gouvernement attache à l'avenir de ce Groupe de 130 000 personnes qui porte les espoirs de la technologie française dans de nombreux domaines.
Pour ce qui est de l'emploi, j'ai déjà eu l'occasion de dire, il y a quelques mois, que dans le secteur public industriel l'emploi ne peut être garanti et développé que par la réussite industrielle des groupes.
Toute garantie de statut risquerait de priver les entreprises publiques du secteur concurrentiel de la seule garantie économique qui vaille : la compétitivité de l'entreprise.
Pour cette simple raison, le Gouvernement a, dès le départ, récusé l'idée d'un statut du personnel applicable à ces nouvelles entreprises publiques, considérant que les relations professionnelles internes devraient entrer dans le droit commun des Conventions Collectives.
Il aurait été absurde d'isoler les entreprises publiques de la vie sociale de la nation, en instituant un statut faussement protecteur pour l'emploi, au détriment de la potentialité propre de l'entreprise. De même le maintien systématique de moyens de production obsolètes ou non modernisables à des conditions correctes de rentabilité, conduit immanquablement à en faire supporter le coût sur un secteur compétitif de l'économie et donc à gêner la bonne marche de l'ensemble.
Ces opérations à courte vue ne font que reculer les échéances et menacer à terme le niveau général de l'emploi.
Le secteur public est composé d'entreprises, au sens fort de ce terme. La puissance publique se veut un actionnaire dynamique et conscient de ses devoirs, comme l'illustrera le budget 1983. Mais elle respecte l'autonomie de gestion des entreprises, et les relations entre Etat et entreprises publiques doivent être soumises au principe du contrat et non de la directive.
Par cette série de contrats déjà signés ou en cours de signature, le Groupe THOMSON-BRANDT montre comment la politique sociale d'un Groupe peut évoluer en harmonie avec sa politique globale de développement, comment également les relations entre l'Etat et l'entreprise publique peuvent être fixées dans un document élaboré en commun, déterminant les droits et les obligations de chaque partie en présence.
De surcroît, la formule du contrat de solidarité se prête bien aux particularités de l'entreprise publique. Gérer une entreprise publique, c'est avoir sans cesse le souci du moyen terme. Par le biais des contrats de solidarité-préretraite, l'entreprise publique peut prévoir à temps le renouvellement et le rajeunissement de son personnel. Elle se donne, par-là même, les moyens d'aborder ses perspectives de développement avec le maximum d'efficacité.
D'une façon générale, il est temps d'établir un premier bilan d'une année de contrats de solidarité. On peut dire d'ores et déjà que l'objectif de 100 000 emplois sera atteint.
Je me souviens encore du fort scepticisme qui a entouré le lancement de ce programme de contrats de solidarité à la fin de l'année 1981.
La réalisation d'un tel programme n'allait pas de soi pour beaucoup de commentateurs.
Je considère que les mêmes commentateurs émettent un jugement un peu rapide en minimisant le fait que l'objectif, en cours d'année, soit dès à présent atteint.
Ces contrats de solidarité ont été une réussite - je tenais à le souligner - et représentent un effort considérable pour le budget de l'Etat comme pour les entreprises.
Pour beaucoup d'entreprises, la signature d'un contrat de solidarité a inauguré une nouvelle politique sociale. Les contrats de solidarité ont eu un effet positif pour les relations sociales dans l'entreprise. Une concertation, parfois approfondie, a eu lieu entre les directions et les représentants du personnel. Ces échanges ont souvent permis de débattre, davantage que par le passé, des perspectives économiques des entreprises. Cela va dans le sens du rétablissement d'un dialogue social vivant que le Gouvernement souhaite favoriser. De façon, plus immédiate et plus concrète, les contrats de solidarité présentent des avantages certains.
Tout d'abord, dans le cas de la pré-retraite démission ou de la réduction du temps de travail, il en découle une libération des postes de travail et un remplacement obligatoire des postes vacants qui ont un effet positif pour l'emploi.
Ensuite, ces mouvements de personnel présentent des avantages importants du point de vue de la politique du personnel dans l'entreprise : la promotion interne et le rajustement de la structure des âges et des qualifications peuvent s'en trouver facilités.
Enfin, puisqu'ils sont confrontés à des mouvements d'entrée et départ, les chefs d'entreprise ressentent le besoin de réfléchir sur l'organisation du travail dans l'entreprise. L'efficacité accrue, due à cette réorganisation, et la meilleure compétitivité qui en résulte, peuvent à terme avoir un effet secondaire non négligeable sur le chômage.
Le bilan d'ensemble, pour l'année en cours, est donc nettement positif. Les contraintes d'une actualité trop riche ont fait passer au second plan cette mesure sociale importante pour de nombreux salariés. Je suis certain, quant à moi, que les contrats de solidarité sont trop mal connus des Français.
Et pourtant, ceux-ci souhaitent - toutes les enquêtes d'opinion le montrent - que des mesures rapides et positives soient prises qui commencent, dans un premier temps, par endiguer le chômage, à défaut de la faire reculer.
Assurément, les contrats de solidarité répondent à cette volonté nationale de lutter pied à pied pour l'emploi. Un nouveau programme sera établi en 1983, avec une orientation sensiblement différente.
Jusque là, en effet, pour près de 95 % les contrats ont porté sur la pré-retraite démission et, pour 5 % environ, sur la réduction de la durée du travail.
Il faut développer l'utilisation de ces contrats de solidarité - réduction de la durée du travail, au besoin en rendant le mécanisme plus incitatif et plus avantageux pour les entreprises. Ils comportent un effet créateur d'emplois plus fort et sont moins coûteux pour la collectivité nationale.
Je sais combien les négociations sur le temps de travail posent, aux entreprises, des difficultés concrètes d'application, surtout lorsque, comme c'est le cas dans certaines sociétés du Groupe THOMSON-CSF, - et il n'y a pas lieu de s'en plaindre - on se trouve avec des carnets de commandes surchargés.
Vous savez, à ce propos, que le Gouvernement entend que soient privilégiées, pour la réduction du temps de travail, deux formes de négociation : la négociation par branches et la négociation par entreprises.
Les contrats de solidarité, dans la mesure même où ils intègrent une aide de l'Etat, peuvent être l'instrument privilégié pour une réduction du temps de travail négociée entreprise par entreprise.
Mais, je tiens à le souligner, dans l'entreprise française telle qu'elle est aujourd'hui, la négociation sur le temps de travail, pour réussir, doit intégrer une réflexion sur l'évolution de la masse salariale. C'est à cette condition que la réduction de la durée du travail peut être efficacement créatrice d'emplois.
Pour ce qui concerne le Groupe THOMSON-C.S.F., deux types de contrats ont été signés : des contrats par société, pour THOMSON-BRANDT, un contrat de solidarité original, pour l'ensemble du Groupe C.S.F.
En tout, pour l'ensemble du Groupe, 6 000 personnes seront recrutées dès lors qu'un nombre équivalent de salariés aura choisi de quitter les postes de travail qu'ils occupaient pour bénéficier des mesures de pré-retraite. L'opération est donc d'une ampleur considérable. Elle illustre les avancées considérables, en matière d'emploi, que peut accomplir un groupe nationalisé en se tenant au plus près des réalités du terrain.
Pour l'ensemble des sociétés du Groupe THOMSON-CSF, j'ai été amené à faire un certain nombre d'observations sur le contenu du contrat de groupe et je remercie Monsieur le Président Alain GOMEZ de les avoir accueillis favorablement. Les améliorations apportées, aussi bien d'ailleurs, que l'existence même du contrat, sont rendues possibles grâce au fait que THOMSON-CSF est une unité économique homogène dans laquelle se nouent en caractère d'emploi, de réelles solidarités.
D'une part, concernant la méthode pour procéder aux remplacements des départs en pré-retraite, le principe est établi selon lequel les embauches consécutives aux départs doivent être opérées par chaque société.
Toutefois, lorsque l'équilibre ne peut être établi société par société (CGR, CGP industries, CITEL, LCC-CICE, LTI, SICCE, et THOMSON-CSF téléphone), le groupe s'engage à l'assurer au niveau d'un bassin d'emploi, ou dans la limite de deux cas par péréquation entre deux bassins d'emploi.
D'autre part une commission paritaire suivra l'application du contrat de solidarité jusqu'à son terme. Au niveau local, les comités d'établissement seront informés et consultés sur le planning des départs. Ils recevront, mois par mois des informations sur les départs effectifs et les embauches prévues.
Enfin, le souhait du gouvernement est que les entreprises examinent avec un soin particulier le problème des contrats de solidarité - réduction du temps de travail. Les plans de charge de certaines sociétés de votre groupe n'ont pas permis jusqu'à là de recourir à cette méthode. Par ailleurs toute réduction du temps de travail implique des changements toujours délicats dans la réorganisation des processus de production.
Je vous remercie, en tout cas, d'accepter, à ma demande, de réfléchir à ce problème pour l'avenir.
Et puisque le Groupe THOMSON présente aujourd'hui un ensemble de contrats de solidarité qui vont donner lieu à des recrutements de personnel, je ne pouvais achever cette intervention sans évoquer un mal chronique en France à savoir l'inadéquation de l'offre et de la demande d'emplois et bien entendu la faiblesse de nos moyens de formation.
Je connais vos difficultés pour recruter en électronique des ingénieurs, et des agents de maîtrise de bon niveau. Considérez, en tout cas, que le Gouvernement entend mettre l'appareil de formation en correspondance avec les besoins des entreprises.
Et je compte, dès à présent, regarder, pour les prochains mois, avec le Ministre de la formation professionnelle, ce peut être fait rapidement dans ce domaine.
Le plan avenir-Jeunes, le lancement pour 1983 de 100 000 contrats emplois-formation entrent d'ores et déjà dans cette perspective. La formation, la qualification des salariés, ce sont nos atouts et il convient de les utiliser pleinement.