Texte intégral
Je voudrais à mon tour dire le plaisir que j'ai d'être parmi vous et, par l'intermédiaire de Jean-Jacques Queyranne, qui assume la lourde tâche d'un intérim que je souhaite le plus bref possible. Je remercie le ministre de l'Intérieur de son invitation. J'aurais, moi aussi, aimé que Jean-Pierre Chevènement puisse ouvrir lui-même ce colloque auquel il attache une grande importance. Je souhaite, parce que c'est un collègue avec qui j'ai plaisir à travailler, mais aussi à titre tout à fait personnel et amical, qu'il puisse se rétablir complètement et aussi vite que possible.
Comme l'a souligné Hubert Védrine, au sein de la coopération internationale, celle qu'a mise en place l'Union européenne occupe une place particulière. C'est sur ce sujet que je voudrais vous faire part de quelques réflexions en mettant l'accent sur trois points :
- la coopération dans le secteur des affaires intérieures dans le contexte général de la construction européenne ;
- les perspectives de cette coopération après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam ;
- enfin, le défi de l'élargissement.
1. On a coutume de souligner que la coopération dans le domaine des affaires intérieures et de la justice reste récente par rapport aux politiques communautaires et qu'elle y a un statut particulier. C'est vrai.
Le domaine JAI a été introduit dans les traités, en 1992, de manière tout à fait singulière puisqu'il constitue le troisième pilier de l'Union, à côté des questions communautaires et de la PESC. Depuis, des avancées concrètes ont pu être enregistrées. Je n'en ferai ni la liste ni l'analyse, ce n'est pas l'objet de mon propos. Je dirai simplement qu'au fil des années, la coopération en matière d'affaires intérieures et de justice a pris toute sa place au sein de l'Union. Il y a eu, en quelque sorte, une normalisation de cette coopération et l'on voit mal aujourd'hui comment on pourrait revenir sur ce qui est acquis, ni faire moins dans un domaine de toute première importance pour les Etats.
Pour autant, nous voyons bien que cette coopération conserve une certaine spécificité. En effet, c'est un domaine où s'exerce en premier lieu la souveraineté et où les traditions nationales sont fortes. C'est un domaine très sensible du point de vue des opinions publiques. Et une des difficultés vient du fait que les gouvernements doivent tenir compte, de la part des citoyens européens, d'aspirations en apparence contradictoires : nos concitoyens veulent plus de liberté de circuler au sein de l'espace européen, mais aussi plus de sécurité au sein de cet espace.
La création d'Europol, que Jean-Jacques Queyranne a cité tout à l'heure, est une des réponses communes à cette exigence. Il fonctionnera bientôt pleinement et constituera un formidable instrument de coopération policière dans lequel la France devra avoir toute sa place.
Mais prenons un exemple de coopération plus ancienne : je pense à la convention de Schengen. Ce n'est pas le troisième pilier, mais ce sont les mêmes sujets. Nous voyons bien qu'une coopération quotidienne au plus près des réalités du terrain permet seule de répondre au double défi d'une plus grande liberté et d'une plus grande sécurité.
Schengen a été beaucoup critiqué. Je crois au contraire que c'est un dispositif performant qui a bien rempli sa fonction de laboratoire et qui va pouvoir, dès l'année prochaine, être intégré dans l'Union et étendu à d'autres partenaires.
Au sein de Schengen, les services de police, de douanes, de gendarmerie, ainsi que les services judiciaires ont appris à travailler ensemble de plus en plus étroitement et la mise en place, depuis plus d'un an, de commissariats communs aux frontières avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne en sont la traduction la plus remarquable. Schengen constitue un acquis irremplaçable au sein duquel se conjuguent en permanence coopération bilatérale et coopération multilatérale.
C'est ce qu'il faudra poursuivre au sein de l'Union européenne. Les habitudes sont prises et je crois que même si le cadre juridique change, les services continueront de travailler ensemble de la même manière. Nous devrons veiller à préserver cet acquis tout en nous adaptant aux évolutions.
2. Ce point me conduit tout naturellement à évoquer les perspectives de la coopération après l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam.
Avec le traité d'Amsterdam, des changements importants interviendront dans le domaine JAI. Le plus important, outre l'intégration de Schengen que j'ai évoquée plus haut, c'est la communautarisation des questions relatives à l'asile, aux visas et à l'immigration. Concrètement, cela signifie que, dans ces matières, vont s'appliquer progressivement les méthodes de travail que nous connaissons dans le premier pilier. Le rôle de chaque institution sera différent, en particulier celui de la Commission.
Cette évolution aura des conséquences profondes que nous avons d'ailleurs, chaque département ministériel pour ce qui le concerne, bien identifiées. Elles inquiètent certains par les changements d'approche qu'elles amèneront dans des dossiers sensibles. Je crois qu'il serait vain de vouloir les empêcher. Nous devons, au contraire, en prendre acte, si possible les devancer et intervenir très en amont pour peser au mieux dans la négociation. C'est l'exercice le plus difficile, mais c'est aussi la seule méthode efficace. Nous avons, nous Français, tendance à accorder une importance trop grande à la finalisation des textes, alors que certains de nos partenaires sont déjà intervenus de manière décisive dans les coulisses, en amont, au moment où la Commission élaborait son projet de texte.
Nous devons apprendre à intervenir plus tôt dans le débat, car le système du veto comme seul outil de négociation a prouvé plus d'une fois son inefficacité dans la configuration actuelle de l'Union. Nous devons nous garder de nous placer dans un état d'esprit d'opposition à la Commission en espérant brider ses élans, - parfois intempestifs, j'en suis d'accord -, par l'ajout d'un amendement dans un mandat de négociation. Il faut traiter avec elle en amont, pratiquer un lobbying constant et constructif.
Parallèlement, il faudra tenir compte aussi du Parlement européen dont le rôle sera également plus important à l'avenir dans les matières du troisième pilier. Pour avoir siégé moi-même au sein de cette assemblée, je puis vous dire qu'elle assumera pleinement les nouveaux pouvoirs qui seront les siens et que, là aussi, nous devrons en tenir compte et être présents pour faire passer des messages.
Que l'on me comprenne bien : je ne veux pas donner de leçon. Ces réflexions sur l'amélioration de nos méthodes de travail et d'intervention dans le dispositif communautaire valent aussi pour nous-mêmes, au ministère des Affaires étrangères, où nous avons, certes, une expérience plus grande de la conduite des négociations, mais où nous devons aussi adapter nos stratégies de négociation à la nouvelle donne européenne. L'Union à quinze et, demain, à vingt ou à vingt-cinq, ne fonctionne plus comme elle fonctionnait à six et la France n'y pèse plus le même poids.
Hubert Védrine nous a d'ailleurs donné l'occasion de travailler utilement sur ces questions lors de la conférence des ambassadeurs.
3. J'en viendrai enfin à l'élargissement, le grand défi des années à venir. Là encore, je dirai qu'il faut bien mesurer qu'il s'agit d'une évolution dont le principe est acquis depuis longtemps. C'est un impératif historique que nous acceptons pleinement. En même temps, nous mesurons bien qu'il s'agit d'un élargissement d'une ampleur sans précédent qui ne pourra bien se réaliser que si nous en gardons la maîtrise.
Le principe de la reprise de l'acquis communautaire prend ici tout son sens, car la situation des pays candidats n'est pas comparable à celle des pays entrés en 1995. A cette différence s'ajoute un autre fait nouveau : c'est la première fois que le troisième pilier et Schengen font partie intégrante de l'acquis qui s'impose aux pays candidats. Grâce à l'initiative de Jean-Pierre Chevènement, au début de l'année, l'importance du troisième pilier dans le processus de préparation à l'adhésion a été reconnue et mieux prise en compte. J'ai moi-même eu l'occasion, lors de chacun de mes déplacements dans les PECOS, de dire à mes interlocuteurs le poids décisif qu'aurait la reprise de l'acquis dans les domaines des affaires intérieures et de la justice au moment de la décision finale d'adhésion.
Parallèlement - et je sais que le ministère de l'Intérieur grâce à l'outil remarquable que constitue le SCTIP s'y emploie activement -, nous devons évidemment aider ces pays à se doter des moyens d'une politique de sécurité intérieure qui soit à la hauteur des standards européens.
Que fait le ministère des Affaires étrangères pour y contribuer et faciliter le travail des ministères techniques ?
Vous connaissez bien le COCOP (le Comité d'orientation, de coordination et de projets) dont le SCTIP est un des acteurs. Le ministère de l'Intérieur était présent à la réunion que j'ai présidée, au début de cette année, pour définir les priorités et examiner les moyens de saisir pleinement l'opportunité qui nous est donnée par l'affectation d'une partie du programme PHARE aux jumelages institutionnels, pour être présents dans les pays candidats.
A la suite de cette réunion, nous nous sommes efforcés de définir, à Paris, un dispositif qui s'articule autour des éléments suivants :
- le COCOP, définit les grandes orientations et veille à l'articulation entre notre coopération bilatérale et les actions financées sur crédits communautaires. Une somme de 2 MF avait été immédiatement affectée au financement des missions d'identification des projets de jumelages, tous secteurs confondus.
- le SGCI, dans le cadre de son travail habituel de coordination interministérielle, définit les priorités géographiques et sectorielles,
- la DGRCST, qui deviendra bientôt la DGCID, contribue au montage opérationnel des projets, dans le cadre du "Club des jumelages". La réforme en cours préservera un outil spécifique à cet effet. J'y ai veillé personnellement.
Il a été décidé, par le Premier ministre, que tous les experts français affectés aux jumelages seraient détachés au ministère des Affaires étrangères sur crédits du titre IV, grâce à la création d'un fonds de concours alimenté directement par les remboursements de l'Union européenne.
Parallèlement, nous gardons évidement à l'esprit le projet que j'avais évoqué lors du COCOP de mars, de créer une structure légère qui pourrait, sans les concurrencer, ni se substituer à eux, assister les opérateurs ministériels, en leur apportant un appui logistique et en facilitant leur réponse aux appels d'offres dans le cadre des programmes PHARE et TACIS. Cette structure répond à une vraie nécessité. Les résultats quelque peu décevants, -notamment au regard du travail fourni par les administrations - que nous enregistrons dans la première phase de mise en place des jumelages sont en partie dus à l'absence d'un tel outil qui aurait permis une mise en cohérence de nos projets et leur adaptation plus rapide aux demandes de la Commission. Nos amis allemands, qui disposent depuis longtemps d'un outil performant (la GTZ), ont obtenu de bien meilleurs résultats.
Loin de moi l'idée de faire ici et de façon prématurée le bilan des jumelages, et encore moins la critique de telle ou telle opération. Mon souci est que le ministère des Affaires étrangères, en étroite concertation avec vous, puisse vous aider à monter les projets bilatéraux et multilatéraux afin que la présence française soit assurée dans les PECOS. C'est une garantie pour l'avenir, en termes de sécurité et, à plus long terme, pour sensibiliser nos futurs partenaires à nos thèses.
La concurrence est forte, nous le savons. Le meilleur moyen de l'affronter est de maintenir une étroite coordination entre les acteurs, ici et dans les postes. J'ai présidé, lors de la Conférence des ambassadeurs, une table-ronde sur le thème de la coopération à laquelle participait la Commission. Nous avons eu un débat très franc, sur la base d'une analyse sans complaisance de la première phase de préparation des jumelages. Les ambassadeurs des pays concernés étaient présents et en tireront, avec vous, toutes les leçons pour la suite des opérations. Nous le ferons aussi de notre côté.
Je vous encourage pour ma part à poursuivre le travail très utile que vous faites sur le terrain, non seulement pour le montage d'opérations de coopération, mais aussi pour le recueil d'informations et l'analyse des risques non militaires pour laquelle votre expertise nous est précieuse.
Merci de votre de votre coopération, et bon courage pour la suite de votre mission !.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 octobre 2001)
Comme l'a souligné Hubert Védrine, au sein de la coopération internationale, celle qu'a mise en place l'Union européenne occupe une place particulière. C'est sur ce sujet que je voudrais vous faire part de quelques réflexions en mettant l'accent sur trois points :
- la coopération dans le secteur des affaires intérieures dans le contexte général de la construction européenne ;
- les perspectives de cette coopération après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam ;
- enfin, le défi de l'élargissement.
1. On a coutume de souligner que la coopération dans le domaine des affaires intérieures et de la justice reste récente par rapport aux politiques communautaires et qu'elle y a un statut particulier. C'est vrai.
Le domaine JAI a été introduit dans les traités, en 1992, de manière tout à fait singulière puisqu'il constitue le troisième pilier de l'Union, à côté des questions communautaires et de la PESC. Depuis, des avancées concrètes ont pu être enregistrées. Je n'en ferai ni la liste ni l'analyse, ce n'est pas l'objet de mon propos. Je dirai simplement qu'au fil des années, la coopération en matière d'affaires intérieures et de justice a pris toute sa place au sein de l'Union. Il y a eu, en quelque sorte, une normalisation de cette coopération et l'on voit mal aujourd'hui comment on pourrait revenir sur ce qui est acquis, ni faire moins dans un domaine de toute première importance pour les Etats.
Pour autant, nous voyons bien que cette coopération conserve une certaine spécificité. En effet, c'est un domaine où s'exerce en premier lieu la souveraineté et où les traditions nationales sont fortes. C'est un domaine très sensible du point de vue des opinions publiques. Et une des difficultés vient du fait que les gouvernements doivent tenir compte, de la part des citoyens européens, d'aspirations en apparence contradictoires : nos concitoyens veulent plus de liberté de circuler au sein de l'espace européen, mais aussi plus de sécurité au sein de cet espace.
La création d'Europol, que Jean-Jacques Queyranne a cité tout à l'heure, est une des réponses communes à cette exigence. Il fonctionnera bientôt pleinement et constituera un formidable instrument de coopération policière dans lequel la France devra avoir toute sa place.
Mais prenons un exemple de coopération plus ancienne : je pense à la convention de Schengen. Ce n'est pas le troisième pilier, mais ce sont les mêmes sujets. Nous voyons bien qu'une coopération quotidienne au plus près des réalités du terrain permet seule de répondre au double défi d'une plus grande liberté et d'une plus grande sécurité.
Schengen a été beaucoup critiqué. Je crois au contraire que c'est un dispositif performant qui a bien rempli sa fonction de laboratoire et qui va pouvoir, dès l'année prochaine, être intégré dans l'Union et étendu à d'autres partenaires.
Au sein de Schengen, les services de police, de douanes, de gendarmerie, ainsi que les services judiciaires ont appris à travailler ensemble de plus en plus étroitement et la mise en place, depuis plus d'un an, de commissariats communs aux frontières avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne en sont la traduction la plus remarquable. Schengen constitue un acquis irremplaçable au sein duquel se conjuguent en permanence coopération bilatérale et coopération multilatérale.
C'est ce qu'il faudra poursuivre au sein de l'Union européenne. Les habitudes sont prises et je crois que même si le cadre juridique change, les services continueront de travailler ensemble de la même manière. Nous devrons veiller à préserver cet acquis tout en nous adaptant aux évolutions.
2. Ce point me conduit tout naturellement à évoquer les perspectives de la coopération après l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam.
Avec le traité d'Amsterdam, des changements importants interviendront dans le domaine JAI. Le plus important, outre l'intégration de Schengen que j'ai évoquée plus haut, c'est la communautarisation des questions relatives à l'asile, aux visas et à l'immigration. Concrètement, cela signifie que, dans ces matières, vont s'appliquer progressivement les méthodes de travail que nous connaissons dans le premier pilier. Le rôle de chaque institution sera différent, en particulier celui de la Commission.
Cette évolution aura des conséquences profondes que nous avons d'ailleurs, chaque département ministériel pour ce qui le concerne, bien identifiées. Elles inquiètent certains par les changements d'approche qu'elles amèneront dans des dossiers sensibles. Je crois qu'il serait vain de vouloir les empêcher. Nous devons, au contraire, en prendre acte, si possible les devancer et intervenir très en amont pour peser au mieux dans la négociation. C'est l'exercice le plus difficile, mais c'est aussi la seule méthode efficace. Nous avons, nous Français, tendance à accorder une importance trop grande à la finalisation des textes, alors que certains de nos partenaires sont déjà intervenus de manière décisive dans les coulisses, en amont, au moment où la Commission élaborait son projet de texte.
Nous devons apprendre à intervenir plus tôt dans le débat, car le système du veto comme seul outil de négociation a prouvé plus d'une fois son inefficacité dans la configuration actuelle de l'Union. Nous devons nous garder de nous placer dans un état d'esprit d'opposition à la Commission en espérant brider ses élans, - parfois intempestifs, j'en suis d'accord -, par l'ajout d'un amendement dans un mandat de négociation. Il faut traiter avec elle en amont, pratiquer un lobbying constant et constructif.
Parallèlement, il faudra tenir compte aussi du Parlement européen dont le rôle sera également plus important à l'avenir dans les matières du troisième pilier. Pour avoir siégé moi-même au sein de cette assemblée, je puis vous dire qu'elle assumera pleinement les nouveaux pouvoirs qui seront les siens et que, là aussi, nous devrons en tenir compte et être présents pour faire passer des messages.
Que l'on me comprenne bien : je ne veux pas donner de leçon. Ces réflexions sur l'amélioration de nos méthodes de travail et d'intervention dans le dispositif communautaire valent aussi pour nous-mêmes, au ministère des Affaires étrangères, où nous avons, certes, une expérience plus grande de la conduite des négociations, mais où nous devons aussi adapter nos stratégies de négociation à la nouvelle donne européenne. L'Union à quinze et, demain, à vingt ou à vingt-cinq, ne fonctionne plus comme elle fonctionnait à six et la France n'y pèse plus le même poids.
Hubert Védrine nous a d'ailleurs donné l'occasion de travailler utilement sur ces questions lors de la conférence des ambassadeurs.
3. J'en viendrai enfin à l'élargissement, le grand défi des années à venir. Là encore, je dirai qu'il faut bien mesurer qu'il s'agit d'une évolution dont le principe est acquis depuis longtemps. C'est un impératif historique que nous acceptons pleinement. En même temps, nous mesurons bien qu'il s'agit d'un élargissement d'une ampleur sans précédent qui ne pourra bien se réaliser que si nous en gardons la maîtrise.
Le principe de la reprise de l'acquis communautaire prend ici tout son sens, car la situation des pays candidats n'est pas comparable à celle des pays entrés en 1995. A cette différence s'ajoute un autre fait nouveau : c'est la première fois que le troisième pilier et Schengen font partie intégrante de l'acquis qui s'impose aux pays candidats. Grâce à l'initiative de Jean-Pierre Chevènement, au début de l'année, l'importance du troisième pilier dans le processus de préparation à l'adhésion a été reconnue et mieux prise en compte. J'ai moi-même eu l'occasion, lors de chacun de mes déplacements dans les PECOS, de dire à mes interlocuteurs le poids décisif qu'aurait la reprise de l'acquis dans les domaines des affaires intérieures et de la justice au moment de la décision finale d'adhésion.
Parallèlement - et je sais que le ministère de l'Intérieur grâce à l'outil remarquable que constitue le SCTIP s'y emploie activement -, nous devons évidemment aider ces pays à se doter des moyens d'une politique de sécurité intérieure qui soit à la hauteur des standards européens.
Que fait le ministère des Affaires étrangères pour y contribuer et faciliter le travail des ministères techniques ?
Vous connaissez bien le COCOP (le Comité d'orientation, de coordination et de projets) dont le SCTIP est un des acteurs. Le ministère de l'Intérieur était présent à la réunion que j'ai présidée, au début de cette année, pour définir les priorités et examiner les moyens de saisir pleinement l'opportunité qui nous est donnée par l'affectation d'une partie du programme PHARE aux jumelages institutionnels, pour être présents dans les pays candidats.
A la suite de cette réunion, nous nous sommes efforcés de définir, à Paris, un dispositif qui s'articule autour des éléments suivants :
- le COCOP, définit les grandes orientations et veille à l'articulation entre notre coopération bilatérale et les actions financées sur crédits communautaires. Une somme de 2 MF avait été immédiatement affectée au financement des missions d'identification des projets de jumelages, tous secteurs confondus.
- le SGCI, dans le cadre de son travail habituel de coordination interministérielle, définit les priorités géographiques et sectorielles,
- la DGRCST, qui deviendra bientôt la DGCID, contribue au montage opérationnel des projets, dans le cadre du "Club des jumelages". La réforme en cours préservera un outil spécifique à cet effet. J'y ai veillé personnellement.
Il a été décidé, par le Premier ministre, que tous les experts français affectés aux jumelages seraient détachés au ministère des Affaires étrangères sur crédits du titre IV, grâce à la création d'un fonds de concours alimenté directement par les remboursements de l'Union européenne.
Parallèlement, nous gardons évidement à l'esprit le projet que j'avais évoqué lors du COCOP de mars, de créer une structure légère qui pourrait, sans les concurrencer, ni se substituer à eux, assister les opérateurs ministériels, en leur apportant un appui logistique et en facilitant leur réponse aux appels d'offres dans le cadre des programmes PHARE et TACIS. Cette structure répond à une vraie nécessité. Les résultats quelque peu décevants, -notamment au regard du travail fourni par les administrations - que nous enregistrons dans la première phase de mise en place des jumelages sont en partie dus à l'absence d'un tel outil qui aurait permis une mise en cohérence de nos projets et leur adaptation plus rapide aux demandes de la Commission. Nos amis allemands, qui disposent depuis longtemps d'un outil performant (la GTZ), ont obtenu de bien meilleurs résultats.
Loin de moi l'idée de faire ici et de façon prématurée le bilan des jumelages, et encore moins la critique de telle ou telle opération. Mon souci est que le ministère des Affaires étrangères, en étroite concertation avec vous, puisse vous aider à monter les projets bilatéraux et multilatéraux afin que la présence française soit assurée dans les PECOS. C'est une garantie pour l'avenir, en termes de sécurité et, à plus long terme, pour sensibiliser nos futurs partenaires à nos thèses.
La concurrence est forte, nous le savons. Le meilleur moyen de l'affronter est de maintenir une étroite coordination entre les acteurs, ici et dans les postes. J'ai présidé, lors de la Conférence des ambassadeurs, une table-ronde sur le thème de la coopération à laquelle participait la Commission. Nous avons eu un débat très franc, sur la base d'une analyse sans complaisance de la première phase de préparation des jumelages. Les ambassadeurs des pays concernés étaient présents et en tireront, avec vous, toutes les leçons pour la suite des opérations. Nous le ferons aussi de notre côté.
Je vous encourage pour ma part à poursuivre le travail très utile que vous faites sur le terrain, non seulement pour le montage d'opérations de coopération, mais aussi pour le recueil d'informations et l'analyse des risques non militaires pour laquelle votre expertise nous est précieuse.
Merci de votre de votre coopération, et bon courage pour la suite de votre mission !.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 octobre 2001)