Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur les festivités commémorant le passage à l'an 2000, la réouverture du Centre Pompidou, la politique de l'audiovisuel et les conséquences de la tempête sur le patrimoine culturel, Paris le 13 janvier 2000.

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Circonstance : Présentation des voeux à la presse à Paris le 13 janvier 2000

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Chers amis,
Je voudrais vous souhaiter, sans détour, une excellente année 2000.
Je vous épargnerai le débat qui a grossi vos courriers de lecteurs, d'auditeurs et de téléspectateurs. D'un côté, ceux qui saluent un nouveau siècle et un nouveau millénaire, et, de l'autre, ceux qui pointent scientifiquement qu'il nous faut encore parcourir un an avant de célébrer cet avènement.
Ce fut exactement la même chose en 1900. A cela près qu'à l'époque, le dernier mot revint aux scientifiques. Les cérémonies officielles se déroulèrent en effet en 1901 et non en 1900. Aujourd'hui, la force symbolique de l'an 2000 s'est imposée et nous fêtons à la fois cette date frontière et le changement de siècle.
La grande fête mondiale, faite de toutes les fêtes qui ont marqué le passage à l'an 2000, a connu un énorme succès. Celles qui ont eu lieu en France, notamment à Paris, ont été particulièrement remarquées et appréciées. Nous nous en réjouissons.
La grande fête mondiale, faite de toutes les fêtes qui ont marqué le passage à l'an 2000, a connu un énorme succès. Celles qui ont eu lieu en France, notamment à Paris, ont été particulièrement remarquées et appréciées. Nous nous en réjouissons. L'investissement consenti par l'Etat, par l'intermédiaire de la Mission " 2000 en France " et les efforts des collectivités locales qui se sont mobilisées à cette occasion, ont été couronnés de succès. Ce n'est assurément pas le fait du hasard.
Nous en avions confié la réalisation à des artistes de toutes les disciplines, sur les Champs-Elysées, mais aussi dans nombre de villes françaises. Nous avions voulu faire de ce passage un acte de confiance dans le pouvoir de la création, et je crois pouvoir dire que nous avons prouvé qu'ainsi, la fête était plus belle.
La qualité et l'impact des retransmissions télévisées n'en ont pas souffert, bien au contraire. Me permettez-vous d'y voir une confirmation ? Le monde de la télévision et celui de la création artistique ont tout intérêt à travailler ensemble.
Autre signe positif : le succès rencontré par l' " Université de tous les savoirs ", qui est l'une des initiatives emblématiques des célébrations de l'an 2000. Dès le premier soir, le 1er janvier, la salle du Conservatoire national des Arts et Métiers s'est révélée bien trop petite pour répondre à la demande du public.
Le programme des manifestations 2000 va donc se poursuivre, avec de grands rendez-vous festifs - en musique le 21 juin, ou le 14 juillet autour de la Méridienne verte - mais aussi avec des expositions qui laisseront le champ libre aux artistes qui ont marqué, et marqueront encore, notre temps.
C'est donc bien sous le signe de la culture que s'est ouverte l'année 2000. Passé le plaisir nécessairement éphémère de la fête, il y a le durable. A cet égard, j'ai voulu prendre date au travers de plusieurs événements culturels importants.
Au premier chef, il y a bien entendu la réouverture au public du Centre Pompidou après 27 mois de travaux. Lorsque nous avons procédé, avec Jean-Jacques Aillagon, à l'ouverture des portes au matin du 1er janvier, nous n'imaginions certes pas être seuls, mais nous ne pensions pas découvrir une aussi longue file d'attente.
80000 visiteurs sont ainsi, en deux jours, venus découvrir ce qui est devenu le plus grand et le plus riche musée d'art contemporain du monde. Ce succès est d'autant plus remarquable, que dès le 2 janvier, l'ensemble des musées et des monuments nationaux étaient ouverts gratuitement, comme ils le seront tous les premiers dimanches du mois.
Premier bilan : une affluence de 53 % supérieure à celle mesurée le premier dimanche de janvier 1999.
Nous pouvons ainsi vérifier que le désir de découverte - ou de redécouverte - culturelle anime un très large public. Encore convient-il de savoir réduire les obstacles qui entravent le développement des pratiques culturelles, et qui sont, on le sait bien, d'ordre géographique, économique mais aussi social.
La politique que je conduis vise à les prendre en compte simultanément.
La politique que je conduis vise à les prendre en compte simultanément.
Si vous vous êtes principalement intéressés aux mesures d'ordre économique, ce que je comprends et ce dont je vous remercie, il me semble essentiel de ne pas délaisser celles, moins spectaculaires mais essentielles, qui concernent l'éducation artistique ou le soutien aux pratiques en amateur.
Oui, je fais de la démocratisation culturelle l'axe porteur de ma politique, parce que je crois que l'une des réponses aux mutations de notre monde passe par l'accès à la culture, faite de mémoire et d'innovation, de confrontation avec les oeuvres.
Le tarif unique, fixé à 50F le jeudi, que je viens de mettre en place, dans les cinq théâtres nationaux qui relèvent directement de ma responsabilité, est un signe clair et lisible.
Nous avons jusqu'ici essentiellement travaillé à construire un public fidèle autour de chaque théâtre. Je souhaite que l'on s'attache désormais à construire également un public pour l'ensemble du théâtre, un public plus représentatif de la population dans sa diversité.
A l'instar des dimanches gratuits dans les musées, ces mesures tarifaires sont ainsi destinées à relancer une réflexion sur nos façons de nous porter à la rencontre de nos publics.
La loi sur l'audiovisuel, dont la discussion se poursuivra pour s'achever au cours de ce premier semestre, fait partie intégrante de cette politique. En renforçant le service public de la télévision, cette réforme vise à améliorer la qualité des programmes. C'est pour le gouvernement une exigence, s'agissant de la première pratique culturelle des français.
Il n'y a pas de vie culturelle active sans médiation. La télévision a un rôle essentiel à jouer en la matière. Il n'y a pas de démocratie sans médias entreprenants et indépendants. Notre réforme contribue à les conforter.
En 2000 comme en 1999, les dossiers ne manqueront pas.
En premier lieu, celui de la distribution de la presse. Devant les turbulences que traverse ce secteur, j'ai confié une mission à Jean-Claude Hassan, afin de mettre en lumière les points de convergence, que je souhaite les plus nombreux possibles, pour que perdure, au travers des Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne, la culture de solidarité entre éditeurs et entre titres et l'accès le plus large aux lecteurs. Il y va du pluralisme de la presse.
Je me réjouis également que l'Agence France-Presse, cette grande agence mondiale, se soit engagée sur la voie du développement au travers d'une concertation interne et externe. Son président pourra compter sur l'Etat pour mener à bien cette mission.
Je vous informe par ailleurs que j'ai récemment saisi ma collègue Elisabeth Guigou, d'une proposition tendant à supprimer dans la loi de 1881, les peines d'emprisonnement pour diffamations et injures envers les particuliers. Leur suppression aurait vertu d'exemplarité pour de nombreux pays.
Enfin, deux incidents ont récemment mis en lumière la nécessité de demeurer vigilant pour préserver le droit à l'information à travers notamment la protection des sources. Les règles en matière de perquisition, fixées par le code de procédure pénale, n'ont, à l'évidence, pas été respectées. Cela m'a choqué. Vous me trouverez toujours à vos côtés pour faire respecter les droits des journalistes, c'est à dire le droit à une information libre.
La réunion, au sein d'un même ministère, des départements de la culture et des médias, dans leur diversité technologique, commence ainsi, me semble-t-il, à porter ses fruits.
La récente fusion entre AOL et Time Warner vient en tout cas confirmer l'analyse que nous faisons du rôle central et spécifique du média internet. Les activités de communication sont au cur de la nouvelle économie. Leur développement nécessite de disposer de contenus adaptés à ce nouveau média.
Le réseau des réseaux est une formidable opportunité pour la diffusion des oeuvres culturelles, donc pour la démocratisation de l'accès à la culture.
Je souhaite que la présidence française de l'Union soit mise à profit pour permettre une mobilisation européenne sur cette question du média internet et du développement de ses contenus.
Je me réjouis également de la concrétisation de l'alliance entre le groupe Lagardère et le groupe Canal +. Elle contribuera au renforcement de ses opérateurs au moment où nous avons besoin de groupes de communication puissants, français et européens, dès lors que les règles de la concurrence sont respectées et le pluralisme préservé.
Au cours de cette année 2000, les enjeux européens et mondiaux resteront au premier plan. Et, au coeur de ces enjeux, les problèmes culturels.
Le déroulement de la Conférence de Seattle l'a parfaitement illustré. Les manifestants de Seattle ne se sont pas dressés contre l'ouverture des frontières ou l'établissement des règles du jeu à l'échelle mondiale. Mais ils veulent, à juste titre, que cette ouverture ne se fasse pas au détriment de leur qualité de vie, de leur identité et de leur culture. Ce qu'ils rejettent, c'est l'imposition de règles conduisant inéluctablement à l'uniformité. Ce qu'ils défendent, c'est le maintien de la diversité culturelle.
Le débat sur l'avenir reprend donc, aujourd'hui, une force particulière. Au centre de ce débat une question centrale, une question éminemment culturelle : comment évoluer tout en restant soi-même ? Comment s'ouvrir aux autres sans se renier ?
Cette préoccupation sera au coeur de la présidence française de l'Union européenne.
Le monde dans lequel nous vivons reste un monde dangereux. Il serait fou de croire que le processus de paix engagé en Europe au lendemain de la seconde guerre mondiale est irréversible. La paix chez nous n'est pas définitivement acquise et la guerre continue de faire rage à nos portes.
Nombreux sont vos confrères qui en rendent compte chaque jour dans des conditions périlleuses. Ce ministère est aussi le leur. J'adresse à tous ceux qui risquent leur vie pour nous permettre d'être le mieux informés possible l'expression de notre reconnaissance collective et l'assurance de notre soutien dans les épreuves qui peuvent les atteindre.
Je pense plus spécialement aux 36 journalistes qui ont payé de leur vie, en 1999, l'exercice de leur métier.
Nous avons placé les célébrations de l'An 2000 sous le signe d'un rapport nouveau de l'homme avec la nature. Nous ne pouvions pas deviner à quel point celle-ci viendrait nous rappeler sa force, et la violence de ses lois.
Le patrimoine historique dont nous avons la charge a particulièrement souffert. Le Premier ministre a annoncé hier que 600 millions de francs de mesures nouvelles seraient consacrés à la réparation des dommages causés au patrimoine culturel appartenant à l'Etat. En outre, le ministère de la culture contribuera à hauteur de 200 millions de francs à la réparation des dommages causés au patrimoine culturel des collectivités locales et des propriétaires privés.
Je ferai, lors d'une conférence de presse, le 1er février prochain, le bilan complet de ces dommages et je présenterai le détail des mesures destinées à les réparer.
Cette tempête, ainsi que cela a été à juste titre souligné, a révélé un profond mouvement de solidarité dans l'ensemble de notre pays. J'inscris le travail d'information réalisé au cours de ces dernières semaines dans ce mouvement. Je tiens également à dire combien les personnels de mon ministère se sont mobilisés face à ce désastre.
Nous savons désormais nous ne reverrons plus certains paysages familiers, aimés. C'est peut-être pour ces raisons aussi que le passage à l'an 2000 s'est effectué dans un désir paisible de fête, de répit et de retrouvailles.
Je vous adresse, à toutes et à tous, mes meilleurs voeux d'épanouissement personnel et professionnel.
Merci de votre attention.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 14 janvier 2000)