Texte intégral
La célébration du cent cinquantième anniversaire de l'abolition définitive de l'esclavage revêt plusieurs significations.
Elle est d'abord l'occasion de rappeler à la nation tout entière son devoir de mémoire. La réalité de ce que fut, pendant trois siècles, l'esclavage des noirs dans ce que l'on appelait alors " le Nouveau Monde ", singulièrement dans les territoires sous domination française, constitue l'un des chapitres les plus sombres de notre histoire.
Bernardin de Saint-Pierre a décrit cette réalité dans son Voyage à l'Isle de France, en avril 1768, avec des mots terribles : " Je ne sais pas si le café et le sucre sont nécessaires au bonheur de l'Europe, mais je sais bien que ces deux végétaux ont fait le malheur de deux parties du monde. On a dépeuplé l'Amérique afin d'avoir une terre pour les plantes ; on dépeuple l'Afrique afin d'avoir une nation pour les cultiver. " Cette Afrique dont les hommes et les femmes furent traités " comme des bêtes, afin que les Blancs puissent vivre comme des hommes ", dit encore Bernardin de Saint-Pierre.
Rappeler ce devoir de mémoire, ce n'est pas se pencher de façon larmoyante sur un passé sinistre, avec la bonne conscience de celui qui s'imagine vacciné à jamais des
dangers d'un retour de la barbarie.
Le devoir de mémoire exige aussi l'attention vigilante contre toutes les formes d'esclavage contemporain, contre les dangers que font courir à l'humanité les idéologies négatrices des droits de l'homme.
C'est aussi que l'accession des esclaves à la citoyenneté, le fait donc que les anciens esclaves et les maîtres deviennent égaux en droits, ne signifie pas pour autant que cette égalité soit réalisée dans les faits.
Un siècle et demi après l'abolition, force est de reconnaître que se sont perpétuées certaines des formes anciennes de la domination. Aujourd'hui encore, la couleur de la peau reste, outre-mer comme ici, un indice, voire un facteur, de la position de l'individu dans l'échelle sociale.
Commémorer l'abolition de l'esclavage, c'est donc marquer la nécessité de continuer à transformer la société - l'outre-mer n'est pas seul à être concerné - vers plus d'égalité et de solidarité.
Rappeler à la nation son devoir de mémoire, c'est aussi se souvenir que l'abolition de l'esclavage est le résultat de la puissante résistance des esclaves à leur condition et du soutien que lui ont apporté les abolitionnistes, conduits par Victor Schoelcher. Il en est d'ailleurs ainsi de toutes les grandes conquêtes de l'humanité.
C'est grâce au soulèvement des esclaves et à l'action de la Révolution française que le 4 février 1794 fut décrétée pour la première fois en Europe, l'abolition de l'esclave au nom de l'universalité du principe de la liberté. Le rétablissement de l'esclavage par Napoléon a réintroduit dans les colonies une barbarie vaincu unique en Haïti par l'épopée victorieuse des esclaves révoltés conduits par Toussaint Louverture. Il faudra attendre la révolution de février 1848 pour que le combat des esclaves et des abolitionnistes aboutisse au décret du 27 avril 1848 abolissant définitivement l'esclavage
Episode exemplaire de la lutte pour les droits de l'homme, le combat pour l'abolition de l'esclavage s'identifie au combat pour la République.
Ce combat, cent cinquante ans après, mesdames, messieurs les sénateurs, a une dimension culturelle évidente.
Etre réduit en esclavage, au-delà de la contrainte brutale exercée par le maître, c'est se voir dépossédé de son identité, c'est perdre sa dignité d'être humain.
Le combat de l'esclave, privé du nom de ses ancêtres, exprime la volonté de reconstruire un moi personnel et collectif, mutilé, dispersé, coupé de ses origines.
L'émancipation a comme premier effet l'attribution d'un patronyme. Elle est la réappropriation d'une identité et l'affirmation du droit à l'expression ; d'où sa résonnance culturelle, qu'exprime notamment l'écrivain antillais Edouard Glissant : " Toute la souffrance de l'esclavage a enfanté, dans la Caraïbe, une nouvelle conception de l'homme. Ici, il ne peut plus y avoir ni génocide ni purification ethnique parce que notre enracinement ne repose pas sur une racine unique. La racine unique, cela produit l'exclusivisme. "
La célébration de l'abolition de l'esclavage doit être ainsi l'occasion de rappeler que l'accession des esclaves à la citoyenneté a créé les conditions de la créativité culturelle contemporaine des mondes de l'outre-mer, créativité qui, de la Caraïbe à la Réunion, s'est nourrie des apports, imposés ou choisis, venant de quatre continents.
Ces sociétés et ces cultures apportent un éclairage particulièrement riche sur des questions importantes pour la France et le monde d'aujourd'hui, comme celles de la citoyenneté et de l'identité culturelle.
L'identité de notre pays s'est construite, et se construit encore, dans le dialogue avec les cultures du monde, dans un processus dynamique de métissage aux formes multiples : ethnique, sociale, culturelle.
C'est pourquoi le secrétariat d'Etat à l'outre-mer en collaboration étroite avec le ministère de la culture et de la communication a décidé de soutenir la mise en uvre d'un programme de manifestations d'envergure afin d'encourager les initiatives d'artistes, d'associations, de collectivités locales, et de faire circuler les " paroles d'outre-mer " dans tous les domaines de la culture. Je veux saluer ici les initiatives prises dans les départements d'outre-mer comme en métropole pour donner à cette célébration l'éclat qu'elle mérite.
Je souhaite, enfin, vous faire part de la volonté du Gouvernement que cette célébration ne reste pas sans lendemain. Le 30 juin 1983, le Parlement avait adopté une loi instituant cette commémoration dans les quatre départements d'outre-mer, à Mayotte et en métropole. Il faut reconnaître que, depuis, les dispositions prévues par la loi n'ont été appliquées en métropole que très partiellement. Cette date anniversaire tranchera. Le Gouvernement en tirera tous les enseignements pour donner le relief indispensable à cet événement dans les prochaines années.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 15 novembre 2001)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs,
Le Gouvernement a décidé de donner un éclat particulier à la célébration du cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Je suis heureux de constater que cette volonté est partagée par la Haute Assemblée, et je veux vous remercier, monsieur le président, d'avoir pris l'initiative de nous inviter à consacrer quelques heures de réflexion à la signification de cet événement en rendant hommage à Victor Schoelcher.
La célébration de ce cent cinquantième anniversaire est d'abord l'occasion de rappeler à la nation tout entière son devoir de mémoire. La réalité de ce que fut, pendant trois siècles, l'esclavage des noirs dans ce que l'on appelait alors " le Nouveau Monde ", singulièrement dans les territoires sous domination française, constitue l'un des chapitres les plus sombres de notre histoire.
Bernardin de Saint-Pierre a décrit cette réalité dans son Voyage à l'Isle de France, en avril 1768, avec des mots terribles : " Je ne sais pas si le café et le sucre sont nécessaires au bonheur de l'Europe, mais je sais bien que ces deux végétaux ont fait le malheur de deux parties du monde. On a dépeuplé l'Amérique afin d'avoir une terre pour les plantes ; on dépeuple l'Afrique afin d'avoir une nation pour les cultiver. " Cette Afrique dont les hommes et les femmes furent traités " comme des bêtes, afin que les Blancs puissent vivre comme des hommes ", dit encore Bernardin de Saint-Pierre.
Cette page de notre histoire, la République l'a définitivement tournée en adhérant, un siècle plus tard, à la Déclaration universelle des droits de l'homme,
Cette Déclaration dont nous célébrons le cinquantenaire et qui stigmatise expressément, dans son article IV, toutes les formes d'esclavage : " Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. "
Hier comme aujourd'hui, l'esclavage constitue une atteinte intolérable à la dignité de la personne humaine.
Au-delà de l'hommage rendu aux victimes de l'esclavage, il est nécessaire aujourd'hui de rappeler le traumatisme qu'a constitué l'esclavage pour les sociétés d'outre-mer. Ce traumatisme continue a marquer ces sociétés de façon plus ou moins inconsciente, notamment dans leurs rapports de dépendance vis-à-vis de la métropole.
On cite souvent, en cette année de commémoration, la phrase célèbre de Frantz Fanon : " Je ne suis pas esclave de l'esclavage qui déshumanisa nos pères. " Est esclave de l'esclavage celui qui vit dans le refoulement du traumatisme qu'ont vécu ses ancêtres. Le devoir de mémoire est le passage obligé pour exorciser définitivement les effets du traumatisme passé. Etre citoyen, ce n'est pas seulement attester de sa nationalité, c'est prendre en main ses propres affaires et participer à l'élaboration du projet collectif pour l'outre-mer et pour le pays tout entier. Le devoir de mémoire peut, en ce sens, contribuer à la construction dynamique d'une citoyenneté pleinement assumée.
Le devoir de mémoire exige aussi l'attention vigilante contre toutes les formes d'esclavage contemporain, contre les dangers que font courir à l'humanité les idéologies négatrices des droits de l'homme, contre les dangers d'un retour de la barbarie.
Rappelons-nous aussi que l'accession des esclaves à la citoyenneté, le fait donc que les anciens esclaves et les maîtres deviennent égaux en droits, ne signifie pas pour autant que cette égalité soit réalisée dans les faits. Dans les départements d'outre-mer, l'esclavage fut un temps remplacé par le travail obligatoire, l'instauration d'une police de vagabondage chargée d'arrêter ceux qui ne pouvaient présenter le livret de travail certifiant leur embauche. L'abolition de l'esclavage eut aussi pour conséquence le recours à une nouvelle immigration de travailleurs venant d'Afrique, de Madagascar, puis de l'Inde.
Un siècle et demi après l'abolition, force est de reconnaître que se sont perpétuées certaines des formes anciennes de la domination. Aujourd'hui encore, la couleur de la peau reste, outre-mer comme ici, un indice, voire un facteur, de la position de l'individu dans l'échelle sociale.
Commémorer l'abolition de l'esclavage, c'est donc marquer la nécessité de continuer à transformer la société - l'outre-mer n'est pas seul à être concerné - vers plus d'égalité et de solidarité.
Rappeler à la nation son devoir de mémoire, c'est aussi se souvenir que l'abolition de l'esclavage est le résultat de la puissante résistance des esclaves à leur condition et du soutien que lui ont apporté les abolitionnistes, conduits par Victor Schoelcher.
Le Parlement français, peut s'honorer à juste titre d'avoir compté parmi ses membres Victor Schoelcher à qui la République par la volonté du président Monnerville, alors président du conseil, a rendu hommage en accueillant ses cendres au Panthéon le
20 mai 1949, aux côtés de l'abbé Grégoire, figure emblématique de la première abolition.
Victor Schoelcher a commencé à prendre conscience de la réalité de l'esclavage en voyageant dans les années 1830 dans les Antilles françaises et britanniques, enHaîti et à Puerto Rico.
De ces différents séjours, Schoelcher tira un ouvrage paru en 1842 " Des colonies françaises, abolition immédiate de l'esclavage ", véritable plaidoyer pour une émancipation générale et immédiate.
Celle-ci fera l'objet de l'une des premières décisions de la Seconde République issue de la Révolution de février 1848.
Dans l'exercice de son mandat de parlementaire, député de la Guadeloupe et de la Martinique, puis à la fin de sa vie dans l'exercice de son mandat de sénateur et jusqu'à son décès le 25 décembre 1893, Victor Schoelcher continuera, comme le rappelait Gérard Larcher, à placer son action sous le signe de la libération de l'homme.
Le combat pour l'abolition n'était pas gagné d'avance. Nombreux, y compris chez les républicains, étaient ceux qui mettaient en avant le réalisme économique pour retarder l'abolition ou défendre le projet d'une disparition progressive de l'esclavage. Au réalisme d'alors, Victor Schoelcher, opposait cet maxime : " Il faut espérer jusque dans la désespérance ". A cette maxime, fait écho ce jugement d'Aimé Césaire il y a, un demi siècle lors du centième anniversaire de l'abolition : " Victor Schoecher, un génie ? Peut-être. A coup sûr, un caractère. Mieux encore, une conscience. "
Dès l'installation du Gouvernement provisoire, Victor Schoelcher obtient d'Arago, au départ hésitant, la création, par un décret du 4 mars, d'une commission d'abolition, qu'il préside avec le titre de sous-secrétaire d'Etat de la marine et des colonies. Elle siégera sans interruption jusqu'à la mi-avril et préparera le projet de décret adopté par le Gouvernement provisoire le 27 avril 1848.
Le premier de ces décrets prévoyait que " l'esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d'elles ".
En réalité, comme vous le savez aussi, l'information concernant ces événements survenus en métrople parvient aux Antilles et en Guyane à la fin du mois de mars, incitant les esclaves à se mobiliser pour obtenir sans attendre leur libération.
Le 22 mai, en Martinique, à Saint-Pierre, l'arrestation d'un esclave débouche sur une émeute. Sous la pression populaire, le général Rostoland, gouverneur de la Martinique, décide d'anticiper sur les instructions du Gouvernement et de proclamer, dès le 23 mai, l'abolition de l'esclavage. Le 27 mai, les autorités de la Guadeloupe, craignant la réédition des émeutes de la Martinique, proclament à leur tour l'émancipation des esclaves.
Ce rôle des peuples dans leur libération, je veux ici le souligner, car l'exercice de la citoyenneté se nourrit de la conscience de chaque femme et de chaque homme de leur capacité à être les acteurs de leur histoire. Le Premier ministre le soulignait dimanche, à Champagney, en rappelant qu'" aujourd'hui encore, aucune loi, aucune décision en faveur des droits de l'homme ne peut avoir de réalité si elle n'enracine sa légitimité dans la volonté du peuple ".
Episode exemplaire de la lutte pour les droits de l'homme, le combat pour l'abolition de l'esclavage s'identifie donc pendant la première moitié du XIXème siècle au combat pour la République.
Ce combat et sa célébration 150 ans plus tard a une dimension culturelle évidente.
Etre réduit en esclavage, au-delà de la contrainte brutale exercée par le maître, c'est se voir dépossédé de son identité, c'est perdre sa dignité d'être humain.
Le combat de l'esclave, privé du nom de ses ancêtres, exprime la volonté de reconstruire un moi personnel et collectif, mutilé, dispersé, coupé de ses origines. L'émancipation a comme premier effet l'attribution d'un patronyme. Elle est la réappropriation d'une identité et l'affirmation du droit à l'expression ; d'où sa résonnance culturelle, qu'exprime notamment Edouard Glissant : " Toute la souffrance de l'esclavage a enfanté, dans la Caraïbe, une nouvelle conception de l'homme. Ici, il ne peut plus y avoir ni génocide ni purification ethnique parce que notre enracinement ne repose pas sur une racine unique. La racine unique, cela produit l'exclusivisme. "
La célébration de l'abolition de l'esclavage doit être ainsi l'occasion de rappeler que l'accession des esclaves à la citoyenneté a créé les conditions de la créativité culturelle contemporaine des mondes de l'outre-mer, créativité qui, de la Caraïbe à la Réunion, s'est nourrie des apports, imposés ou choisis, venant de quatre continents.
Ces sociétés et ces cultures apportent un éclairage particulièrement riche sur des questions importantes pour la France et le monde d'aujourd'hui, comme celles de la citoyenneté et de l'identité culturelle.
L'identité de notre pays s'est construite, et se construit encore, dans le dialogue avec les cultures du monde, dans un processus dynamique de métissage aux formes multiples : ethnique, sociale, culturelle. L'identité de notre pays s'enracine dans la reconnaissance que le pluralisme culturel né du brassage de populations d'origines multiples est inséparable d'une aspiration à l'égalité.
Je veux ici saluer les initiatives prises dans les départements d'outre-mer comme en métropole pour donner à cette célébration l'éclat qu'elle mérite. Je veux saluer en particulier l'action engagée par les comités d'organisation mis en place à l'initiative des collectivités territoriale et auxquels nombre d'entre vous êtes associés. Le Gouvernement a pour sa part décidé de marquer cet anniversaire, dimanche dernier, à Champagney, en présence du Premier ministre et en s'associant à l'hommage rendu à Toussaint Louverture et à Louis Delgrès hier au Panthéon.
Le Gouvernement sera également présent aux manifestations organisées dans les départements d'outre-mer à chacune des dates d'entrée en vigueur du décret d'abolition : le 23 mai en Martinique, le 27 mai en Guadeloupe, le 10 juin en Guyane et le 20 décembre à la Réunion.
Je souhaite, enfin, vous faire part de la volonté du Gouvernement que cette célébration ne reste pas sans lendemain. Le 30 juin 1983, le Parlement avait adopté une loi instituant cette commémoration dans les quatre départements d'outre-mer, à Mayotte et en métropole. Il faut reconnaître que, depuis, les dispositions prévues par la loi n'ont été appliquées en métropole que très partiellement. Cette date anniversaire tranchera. Le Gouvernement en tirera tous les enseignements pour donner le relief indispensable à cet événement dans les prochaines années.
(Source http://www.senat.fr, le 12 novembre 2001)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs,
Le Gouvernement a décidé de donner un éclat particulier à la célébration du cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Je suis heureux de constater que cette volonté est partagée par la Haute Assemblée, et je veux vous remercier, monsieur le président, d'avoir pris l'initiative de nous inviter à consacrer quelques heures de réflexion à la signification de cet événement en rendant hommage à Victor Schoelcher.
La célébration de ce cent cinquantième anniversaire est d'abord l'occasion de rappeler à la nation tout entière son devoir de mémoire. La réalité de ce que fut, pendant trois siècles, l'esclavage des noirs dans ce que l'on appelait alors " le Nouveau Monde ", singulièrement dans les territoires sous domination française, constitue l'un des chapitres les plus sombres de notre histoire.
Bernardin de Saint-Pierre a décrit cette réalité dans son Voyage à l'Isle de France, en avril 1768, avec des mots terribles : " Je ne sais pas si le café et le sucre sont nécessaires au bonheur de l'Europe, mais je sais bien que ces deux végétaux ont fait le malheur de deux parties du monde. On a dépeuplé l'Amérique afin d'avoir une terre pour les plantes ; on dépeuple l'Afrique afin d'avoir une nation pour les cultiver. " Cette Afrique dont les hommes et les femmes furent traités " comme des bêtes, afin que les Blancs puissent vivre comme des hommes ", dit encore Bernardin de Saint-Pierre.
Cette page de notre histoire, la République l'a définitivement tournée en adhérant, un siècle plus tard, à la Déclaration universelle des droits de l'homme,
Cette Déclaration dont nous célébrons le cinquantenaire et qui stigmatise expressément, dans son article IV, toutes les formes d'esclavage : " Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. "
Hier comme aujourd'hui, l'esclavage constitue une atteinte intolérable à la dignité de la personne humaine.
Au-delà de l'hommage rendu aux victimes de l'esclavage, il est nécessaire aujourd'hui de rappeler le traumatisme qu'a constitué l'esclavage pour les sociétés d'outre-mer. Ce traumatisme continue a marquer ces sociétés de façon plus ou moins inconsciente, notamment dans leurs rapports de dépendance vis-à-vis de la métropole.
On cite souvent, en cette année de commémoration, la phrase célèbre de Frantz Fanon : " Je ne suis pas esclave de l'esclavage qui déshumanisa nos pères. " Est esclave de l'esclavage celui qui vit dans le refoulement du traumatisme qu'ont vécu ses ancêtres. Le devoir de mémoire est le passage obligé pour exorciser définitivement les effets du traumatisme passé. Etre citoyen, ce n'est pas seulement attester de sa nationalité, c'est prendre en main ses propres affaires et participer à l'élaboration du projet collectif pour l'outre-mer et pour le pays tout entier. Le devoir de mémoire peut, en ce sens, contribuer à la construction dynamique d'une citoyenneté pleinement assumée.
Le devoir de mémoire exige aussi l'attention vigilante contre toutes les formes d'esclavage contemporain, contre les dangers que font courir à l'humanité les idéologies négatrices des droits de l'homme, contre les dangers d'un retour de la barbarie.
Rappelons-nous aussi que l'accession des esclaves à la citoyenneté, le fait donc que les anciens esclaves et les maîtres deviennent égaux en droits, ne signifie pas pour autant que cette égalité soit réalisée dans les faits. Dans les départements d'outre-mer, l'esclavage fut un temps remplacé par le travail obligatoire, l'instauration d'une police de vagabondage chargée d'arrêter ceux qui ne pouvaient présenter le livret de travail certifiant leur embauche. L'abolition de l'esclavage eut aussi pour conséquence le recours à une nouvelle immigration de travailleurs venant d'Afrique, de Madagascar, puis de l'Inde.
Un siècle et demi après l'abolition, force est de reconnaître que se sont perpétuées certaines des formes anciennes de la domination. Aujourd'hui encore, la couleur de la peau reste, outre-mer comme ici, un indice, voire un facteur, de la position de l'individu dans l'échelle sociale.
Commémorer l'abolition de l'esclavage, c'est donc marquer la nécessité de continuer à transformer la société - l'outre-mer n'est pas seul à être concerné - vers plus d'égalité et de solidarité.
Rappeler à la nation son devoir de mémoire, c'est aussi se souvenir que l'abolition de l'esclavage est le résultat de la puissante résistance des esclaves à leur condition et du soutien que lui ont apporté les abolitionnistes, conduits par Victor Schoelcher.
Le Parlement français, peut s'honorer à juste titre d'avoir compté parmi ses membres Victor Schoelcher à qui la République par la volonté du président Monnerville, alors président du conseil, a rendu hommage en accueillant ses cendres au Panthéon le
20 mai 1949, aux côtés de l'abbé Grégoire, figure emblématique de la première abolition.
Victor Schoelcher a commencé à prendre conscience de la réalité de l'esclavage en voyageant dans les années 1830 dans les Antilles françaises et britanniques, enHaîti et à Puerto Rico.
De ces différents séjours, Schoelcher tira un ouvrage paru en 1842 " Des colonies françaises, abolition immédiate de l'esclavage ", véritable plaidoyer pour une émancipation générale et immédiate.
Celle-ci fera l'objet de l'une des premières décisions de la Seconde République issue de la Révolution de février 1848.
Dans l'exercice de son mandat de parlementaire, député de la Guadeloupe et de la Martinique, puis à la fin de sa vie dans l'exercice de son mandat de sénateur et jusqu'à son décès le 25 décembre 1893, Victor Schoelcher continuera, comme le rappelait Gérard Larcher, à placer son action sous le signe de la libération de l'homme.
Le combat pour l'abolition n'était pas gagné d'avance. Nombreux, y compris chez les républicains, étaient ceux qui mettaient en avant le réalisme économique pour retarder l'abolition ou défendre le projet d'une disparition progressive de l'esclavage. Au réalisme d'alors, Victor Schoelcher, opposait cet maxime : " Il faut espérer jusque dans la désespérance ". A cette maxime, fait écho ce jugement d'Aimé Césaire il y a, un demi siècle lors du centième anniversaire de l'abolition : " Victor Schoecher, un génie ? Peut-être. A coup sûr, un caractère. Mieux encore, une conscience. "
Dès l'installation du Gouvernement provisoire, Victor Schoelcher obtient d'Arago, au départ hésitant, la création, par un décret du 4 mars, d'une commission d'abolition, qu'il préside avec le titre de sous-secrétaire d'Etat de la marine et des colonies. Elle siégera sans interruption jusqu'à la mi-avril et préparera le projet de décret adopté par le Gouvernement provisoire le 27 avril 1848.
Le premier de ces décrets prévoyait que " l'esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d'elles ".
En réalité, comme vous le savez aussi, l'information concernant ces événements survenus en métrople parvient aux Antilles et en Guyane à la fin du mois de mars, incitant les esclaves à se mobiliser pour obtenir sans attendre leur libération.
Le 22 mai, en Martinique, à Saint-Pierre, l'arrestation d'un esclave débouche sur une émeute. Sous la pression populaire, le général Rostoland, gouverneur de la Martinique, décide d'anticiper sur les instructions du Gouvernement et de proclamer, dès le 23 mai, l'abolition de l'esclavage. Le 27 mai, les autorités de la Guadeloupe, craignant la réédition des émeutes de la Martinique, proclament à leur tour l'émancipation des esclaves.
Ce rôle des peuples dans leur libération, je veux ici le souligner, car l'exercice de la citoyenneté se nourrit de la conscience de chaque femme et de chaque homme de leur capacité à être les acteurs de leur histoire. Le Premier ministre le soulignait dimanche, à Champagney, en rappelant qu'" aujourd'hui encore, aucune loi, aucune décision en faveur des droits de l'homme ne peut avoir de réalité si elle n'enracine sa légitimité dans la volonté du peuple ".
Episode exemplaire de la lutte pour les droits de l'homme, le combat pour l'abolition de l'esclavage s'identifie donc pendant la première moitié du XIXème siècle au combat pour la République.
Ce combat et sa célébration 150 ans plus tard a une dimension culturelle évidente.
Etre réduit en esclavage, au-delà de la contrainte brutale exercée par le maître, c'est se voir dépossédé de son identité, c'est perdre sa dignité d'être humain.
Le combat de l'esclave, privé du nom de ses ancêtres, exprime la volonté de reconstruire un moi personnel et collectif, mutilé, dispersé, coupé de ses origines. L'émancipation a comme premier effet l'attribution d'un patronyme. Elle est la réappropriation d'une identité et l'affirmation du droit à l'expression ; d'où sa résonnance culturelle, qu'exprime notamment Edouard Glissant : " Toute la souffrance de l'esclavage a enfanté, dans la Caraïbe, une nouvelle conception de l'homme. Ici, il ne peut plus y avoir ni génocide ni purification ethnique parce que notre enracinement ne repose pas sur une racine unique. La racine unique, cela produit l'exclusivisme. "
La célébration de l'abolition de l'esclavage doit être ainsi l'occasion de rappeler que l'accession des esclaves à la citoyenneté a créé les conditions de la créativité culturelle contemporaine des mondes de l'outre-mer, créativité qui, de la Caraïbe à la Réunion, s'est nourrie des apports, imposés ou choisis, venant de quatre continents.
Ces sociétés et ces cultures apportent un éclairage particulièrement riche sur des questions importantes pour la France et le monde d'aujourd'hui, comme celles de la citoyenneté et de l'identité culturelle.
L'identité de notre pays s'est construite, et se construit encore, dans le dialogue avec les cultures du monde, dans un processus dynamique de métissage aux formes multiples : ethnique, sociale, culturelle. L'identité de notre pays s'enracine dans la reconnaissance que le pluralisme culturel né du brassage de populations d'origines multiples est inséparable d'une aspiration à l'égalité.
Je veux ici saluer les initiatives prises dans les départements d'outre-mer comme en métropole pour donner à cette célébration l'éclat qu'elle mérite. Je veux saluer en particulier l'action engagée par les comités d'organisation mis en place à l'initiative des collectivités territoriale et auxquels nombre d'entre vous êtes associés. Le Gouvernement a pour sa part décidé de marquer cet anniversaire, dimanche dernier, à Champagney, en présence du Premier ministre et en s'associant à l'hommage rendu à Toussaint Louverture et à Louis Delgrès hier au Panthéon.
Le Gouvernement sera également présent aux manifestations organisées dans les départements d'outre-mer à chacune des dates d'entrée en vigueur du décret d'abolition : le 23 mai en Martinique, le 27 mai en Guadeloupe, le 10 juin en Guyane et le 20 décembre à la Réunion.
Je souhaite, enfin, vous faire part de la volonté du Gouvernement que cette célébration ne reste pas sans lendemain. Le 30 juin 1983, le Parlement avait adopté une loi instituant cette commémoration dans les quatre départements d'outre-mer, à Mayotte et en métropole. Il faut reconnaître que, depuis, les dispositions prévues par la loi n'ont été appliquées en métropole que très partiellement. Cette date anniversaire tranchera. Le Gouvernement en tirera tous les enseignements pour donner le relief indispensable à cet événement dans les prochaines années.
(Source http://www.senat.fr, le 12 novembre 2001)
Elle est d'abord l'occasion de rappeler à la nation tout entière son devoir de mémoire. La réalité de ce que fut, pendant trois siècles, l'esclavage des noirs dans ce que l'on appelait alors " le Nouveau Monde ", singulièrement dans les territoires sous domination française, constitue l'un des chapitres les plus sombres de notre histoire.
Bernardin de Saint-Pierre a décrit cette réalité dans son Voyage à l'Isle de France, en avril 1768, avec des mots terribles : " Je ne sais pas si le café et le sucre sont nécessaires au bonheur de l'Europe, mais je sais bien que ces deux végétaux ont fait le malheur de deux parties du monde. On a dépeuplé l'Amérique afin d'avoir une terre pour les plantes ; on dépeuple l'Afrique afin d'avoir une nation pour les cultiver. " Cette Afrique dont les hommes et les femmes furent traités " comme des bêtes, afin que les Blancs puissent vivre comme des hommes ", dit encore Bernardin de Saint-Pierre.
Rappeler ce devoir de mémoire, ce n'est pas se pencher de façon larmoyante sur un passé sinistre, avec la bonne conscience de celui qui s'imagine vacciné à jamais des
dangers d'un retour de la barbarie.
Le devoir de mémoire exige aussi l'attention vigilante contre toutes les formes d'esclavage contemporain, contre les dangers que font courir à l'humanité les idéologies négatrices des droits de l'homme.
C'est aussi que l'accession des esclaves à la citoyenneté, le fait donc que les anciens esclaves et les maîtres deviennent égaux en droits, ne signifie pas pour autant que cette égalité soit réalisée dans les faits.
Un siècle et demi après l'abolition, force est de reconnaître que se sont perpétuées certaines des formes anciennes de la domination. Aujourd'hui encore, la couleur de la peau reste, outre-mer comme ici, un indice, voire un facteur, de la position de l'individu dans l'échelle sociale.
Commémorer l'abolition de l'esclavage, c'est donc marquer la nécessité de continuer à transformer la société - l'outre-mer n'est pas seul à être concerné - vers plus d'égalité et de solidarité.
Rappeler à la nation son devoir de mémoire, c'est aussi se souvenir que l'abolition de l'esclavage est le résultat de la puissante résistance des esclaves à leur condition et du soutien que lui ont apporté les abolitionnistes, conduits par Victor Schoelcher. Il en est d'ailleurs ainsi de toutes les grandes conquêtes de l'humanité.
C'est grâce au soulèvement des esclaves et à l'action de la Révolution française que le 4 février 1794 fut décrétée pour la première fois en Europe, l'abolition de l'esclave au nom de l'universalité du principe de la liberté. Le rétablissement de l'esclavage par Napoléon a réintroduit dans les colonies une barbarie vaincu unique en Haïti par l'épopée victorieuse des esclaves révoltés conduits par Toussaint Louverture. Il faudra attendre la révolution de février 1848 pour que le combat des esclaves et des abolitionnistes aboutisse au décret du 27 avril 1848 abolissant définitivement l'esclavage
Episode exemplaire de la lutte pour les droits de l'homme, le combat pour l'abolition de l'esclavage s'identifie au combat pour la République.
Ce combat, cent cinquante ans après, mesdames, messieurs les sénateurs, a une dimension culturelle évidente.
Etre réduit en esclavage, au-delà de la contrainte brutale exercée par le maître, c'est se voir dépossédé de son identité, c'est perdre sa dignité d'être humain.
Le combat de l'esclave, privé du nom de ses ancêtres, exprime la volonté de reconstruire un moi personnel et collectif, mutilé, dispersé, coupé de ses origines.
L'émancipation a comme premier effet l'attribution d'un patronyme. Elle est la réappropriation d'une identité et l'affirmation du droit à l'expression ; d'où sa résonnance culturelle, qu'exprime notamment l'écrivain antillais Edouard Glissant : " Toute la souffrance de l'esclavage a enfanté, dans la Caraïbe, une nouvelle conception de l'homme. Ici, il ne peut plus y avoir ni génocide ni purification ethnique parce que notre enracinement ne repose pas sur une racine unique. La racine unique, cela produit l'exclusivisme. "
La célébration de l'abolition de l'esclavage doit être ainsi l'occasion de rappeler que l'accession des esclaves à la citoyenneté a créé les conditions de la créativité culturelle contemporaine des mondes de l'outre-mer, créativité qui, de la Caraïbe à la Réunion, s'est nourrie des apports, imposés ou choisis, venant de quatre continents.
Ces sociétés et ces cultures apportent un éclairage particulièrement riche sur des questions importantes pour la France et le monde d'aujourd'hui, comme celles de la citoyenneté et de l'identité culturelle.
L'identité de notre pays s'est construite, et se construit encore, dans le dialogue avec les cultures du monde, dans un processus dynamique de métissage aux formes multiples : ethnique, sociale, culturelle.
C'est pourquoi le secrétariat d'Etat à l'outre-mer en collaboration étroite avec le ministère de la culture et de la communication a décidé de soutenir la mise en uvre d'un programme de manifestations d'envergure afin d'encourager les initiatives d'artistes, d'associations, de collectivités locales, et de faire circuler les " paroles d'outre-mer " dans tous les domaines de la culture. Je veux saluer ici les initiatives prises dans les départements d'outre-mer comme en métropole pour donner à cette célébration l'éclat qu'elle mérite.
Je souhaite, enfin, vous faire part de la volonté du Gouvernement que cette célébration ne reste pas sans lendemain. Le 30 juin 1983, le Parlement avait adopté une loi instituant cette commémoration dans les quatre départements d'outre-mer, à Mayotte et en métropole. Il faut reconnaître que, depuis, les dispositions prévues par la loi n'ont été appliquées en métropole que très partiellement. Cette date anniversaire tranchera. Le Gouvernement en tirera tous les enseignements pour donner le relief indispensable à cet événement dans les prochaines années.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 15 novembre 2001)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs,
Le Gouvernement a décidé de donner un éclat particulier à la célébration du cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Je suis heureux de constater que cette volonté est partagée par la Haute Assemblée, et je veux vous remercier, monsieur le président, d'avoir pris l'initiative de nous inviter à consacrer quelques heures de réflexion à la signification de cet événement en rendant hommage à Victor Schoelcher.
La célébration de ce cent cinquantième anniversaire est d'abord l'occasion de rappeler à la nation tout entière son devoir de mémoire. La réalité de ce que fut, pendant trois siècles, l'esclavage des noirs dans ce que l'on appelait alors " le Nouveau Monde ", singulièrement dans les territoires sous domination française, constitue l'un des chapitres les plus sombres de notre histoire.
Bernardin de Saint-Pierre a décrit cette réalité dans son Voyage à l'Isle de France, en avril 1768, avec des mots terribles : " Je ne sais pas si le café et le sucre sont nécessaires au bonheur de l'Europe, mais je sais bien que ces deux végétaux ont fait le malheur de deux parties du monde. On a dépeuplé l'Amérique afin d'avoir une terre pour les plantes ; on dépeuple l'Afrique afin d'avoir une nation pour les cultiver. " Cette Afrique dont les hommes et les femmes furent traités " comme des bêtes, afin que les Blancs puissent vivre comme des hommes ", dit encore Bernardin de Saint-Pierre.
Cette page de notre histoire, la République l'a définitivement tournée en adhérant, un siècle plus tard, à la Déclaration universelle des droits de l'homme,
Cette Déclaration dont nous célébrons le cinquantenaire et qui stigmatise expressément, dans son article IV, toutes les formes d'esclavage : " Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. "
Hier comme aujourd'hui, l'esclavage constitue une atteinte intolérable à la dignité de la personne humaine.
Au-delà de l'hommage rendu aux victimes de l'esclavage, il est nécessaire aujourd'hui de rappeler le traumatisme qu'a constitué l'esclavage pour les sociétés d'outre-mer. Ce traumatisme continue a marquer ces sociétés de façon plus ou moins inconsciente, notamment dans leurs rapports de dépendance vis-à-vis de la métropole.
On cite souvent, en cette année de commémoration, la phrase célèbre de Frantz Fanon : " Je ne suis pas esclave de l'esclavage qui déshumanisa nos pères. " Est esclave de l'esclavage celui qui vit dans le refoulement du traumatisme qu'ont vécu ses ancêtres. Le devoir de mémoire est le passage obligé pour exorciser définitivement les effets du traumatisme passé. Etre citoyen, ce n'est pas seulement attester de sa nationalité, c'est prendre en main ses propres affaires et participer à l'élaboration du projet collectif pour l'outre-mer et pour le pays tout entier. Le devoir de mémoire peut, en ce sens, contribuer à la construction dynamique d'une citoyenneté pleinement assumée.
Le devoir de mémoire exige aussi l'attention vigilante contre toutes les formes d'esclavage contemporain, contre les dangers que font courir à l'humanité les idéologies négatrices des droits de l'homme, contre les dangers d'un retour de la barbarie.
Rappelons-nous aussi que l'accession des esclaves à la citoyenneté, le fait donc que les anciens esclaves et les maîtres deviennent égaux en droits, ne signifie pas pour autant que cette égalité soit réalisée dans les faits. Dans les départements d'outre-mer, l'esclavage fut un temps remplacé par le travail obligatoire, l'instauration d'une police de vagabondage chargée d'arrêter ceux qui ne pouvaient présenter le livret de travail certifiant leur embauche. L'abolition de l'esclavage eut aussi pour conséquence le recours à une nouvelle immigration de travailleurs venant d'Afrique, de Madagascar, puis de l'Inde.
Un siècle et demi après l'abolition, force est de reconnaître que se sont perpétuées certaines des formes anciennes de la domination. Aujourd'hui encore, la couleur de la peau reste, outre-mer comme ici, un indice, voire un facteur, de la position de l'individu dans l'échelle sociale.
Commémorer l'abolition de l'esclavage, c'est donc marquer la nécessité de continuer à transformer la société - l'outre-mer n'est pas seul à être concerné - vers plus d'égalité et de solidarité.
Rappeler à la nation son devoir de mémoire, c'est aussi se souvenir que l'abolition de l'esclavage est le résultat de la puissante résistance des esclaves à leur condition et du soutien que lui ont apporté les abolitionnistes, conduits par Victor Schoelcher.
Le Parlement français, peut s'honorer à juste titre d'avoir compté parmi ses membres Victor Schoelcher à qui la République par la volonté du président Monnerville, alors président du conseil, a rendu hommage en accueillant ses cendres au Panthéon le
20 mai 1949, aux côtés de l'abbé Grégoire, figure emblématique de la première abolition.
Victor Schoelcher a commencé à prendre conscience de la réalité de l'esclavage en voyageant dans les années 1830 dans les Antilles françaises et britanniques, enHaîti et à Puerto Rico.
De ces différents séjours, Schoelcher tira un ouvrage paru en 1842 " Des colonies françaises, abolition immédiate de l'esclavage ", véritable plaidoyer pour une émancipation générale et immédiate.
Celle-ci fera l'objet de l'une des premières décisions de la Seconde République issue de la Révolution de février 1848.
Dans l'exercice de son mandat de parlementaire, député de la Guadeloupe et de la Martinique, puis à la fin de sa vie dans l'exercice de son mandat de sénateur et jusqu'à son décès le 25 décembre 1893, Victor Schoelcher continuera, comme le rappelait Gérard Larcher, à placer son action sous le signe de la libération de l'homme.
Le combat pour l'abolition n'était pas gagné d'avance. Nombreux, y compris chez les républicains, étaient ceux qui mettaient en avant le réalisme économique pour retarder l'abolition ou défendre le projet d'une disparition progressive de l'esclavage. Au réalisme d'alors, Victor Schoelcher, opposait cet maxime : " Il faut espérer jusque dans la désespérance ". A cette maxime, fait écho ce jugement d'Aimé Césaire il y a, un demi siècle lors du centième anniversaire de l'abolition : " Victor Schoecher, un génie ? Peut-être. A coup sûr, un caractère. Mieux encore, une conscience. "
Dès l'installation du Gouvernement provisoire, Victor Schoelcher obtient d'Arago, au départ hésitant, la création, par un décret du 4 mars, d'une commission d'abolition, qu'il préside avec le titre de sous-secrétaire d'Etat de la marine et des colonies. Elle siégera sans interruption jusqu'à la mi-avril et préparera le projet de décret adopté par le Gouvernement provisoire le 27 avril 1848.
Le premier de ces décrets prévoyait que " l'esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d'elles ".
En réalité, comme vous le savez aussi, l'information concernant ces événements survenus en métrople parvient aux Antilles et en Guyane à la fin du mois de mars, incitant les esclaves à se mobiliser pour obtenir sans attendre leur libération.
Le 22 mai, en Martinique, à Saint-Pierre, l'arrestation d'un esclave débouche sur une émeute. Sous la pression populaire, le général Rostoland, gouverneur de la Martinique, décide d'anticiper sur les instructions du Gouvernement et de proclamer, dès le 23 mai, l'abolition de l'esclavage. Le 27 mai, les autorités de la Guadeloupe, craignant la réédition des émeutes de la Martinique, proclament à leur tour l'émancipation des esclaves.
Ce rôle des peuples dans leur libération, je veux ici le souligner, car l'exercice de la citoyenneté se nourrit de la conscience de chaque femme et de chaque homme de leur capacité à être les acteurs de leur histoire. Le Premier ministre le soulignait dimanche, à Champagney, en rappelant qu'" aujourd'hui encore, aucune loi, aucune décision en faveur des droits de l'homme ne peut avoir de réalité si elle n'enracine sa légitimité dans la volonté du peuple ".
Episode exemplaire de la lutte pour les droits de l'homme, le combat pour l'abolition de l'esclavage s'identifie donc pendant la première moitié du XIXème siècle au combat pour la République.
Ce combat et sa célébration 150 ans plus tard a une dimension culturelle évidente.
Etre réduit en esclavage, au-delà de la contrainte brutale exercée par le maître, c'est se voir dépossédé de son identité, c'est perdre sa dignité d'être humain.
Le combat de l'esclave, privé du nom de ses ancêtres, exprime la volonté de reconstruire un moi personnel et collectif, mutilé, dispersé, coupé de ses origines. L'émancipation a comme premier effet l'attribution d'un patronyme. Elle est la réappropriation d'une identité et l'affirmation du droit à l'expression ; d'où sa résonnance culturelle, qu'exprime notamment Edouard Glissant : " Toute la souffrance de l'esclavage a enfanté, dans la Caraïbe, une nouvelle conception de l'homme. Ici, il ne peut plus y avoir ni génocide ni purification ethnique parce que notre enracinement ne repose pas sur une racine unique. La racine unique, cela produit l'exclusivisme. "
La célébration de l'abolition de l'esclavage doit être ainsi l'occasion de rappeler que l'accession des esclaves à la citoyenneté a créé les conditions de la créativité culturelle contemporaine des mondes de l'outre-mer, créativité qui, de la Caraïbe à la Réunion, s'est nourrie des apports, imposés ou choisis, venant de quatre continents.
Ces sociétés et ces cultures apportent un éclairage particulièrement riche sur des questions importantes pour la France et le monde d'aujourd'hui, comme celles de la citoyenneté et de l'identité culturelle.
L'identité de notre pays s'est construite, et se construit encore, dans le dialogue avec les cultures du monde, dans un processus dynamique de métissage aux formes multiples : ethnique, sociale, culturelle. L'identité de notre pays s'enracine dans la reconnaissance que le pluralisme culturel né du brassage de populations d'origines multiples est inséparable d'une aspiration à l'égalité.
Je veux ici saluer les initiatives prises dans les départements d'outre-mer comme en métropole pour donner à cette célébration l'éclat qu'elle mérite. Je veux saluer en particulier l'action engagée par les comités d'organisation mis en place à l'initiative des collectivités territoriale et auxquels nombre d'entre vous êtes associés. Le Gouvernement a pour sa part décidé de marquer cet anniversaire, dimanche dernier, à Champagney, en présence du Premier ministre et en s'associant à l'hommage rendu à Toussaint Louverture et à Louis Delgrès hier au Panthéon.
Le Gouvernement sera également présent aux manifestations organisées dans les départements d'outre-mer à chacune des dates d'entrée en vigueur du décret d'abolition : le 23 mai en Martinique, le 27 mai en Guadeloupe, le 10 juin en Guyane et le 20 décembre à la Réunion.
Je souhaite, enfin, vous faire part de la volonté du Gouvernement que cette célébration ne reste pas sans lendemain. Le 30 juin 1983, le Parlement avait adopté une loi instituant cette commémoration dans les quatre départements d'outre-mer, à Mayotte et en métropole. Il faut reconnaître que, depuis, les dispositions prévues par la loi n'ont été appliquées en métropole que très partiellement. Cette date anniversaire tranchera. Le Gouvernement en tirera tous les enseignements pour donner le relief indispensable à cet événement dans les prochaines années.
(Source http://www.senat.fr, le 12 novembre 2001)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs,
Le Gouvernement a décidé de donner un éclat particulier à la célébration du cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Je suis heureux de constater que cette volonté est partagée par la Haute Assemblée, et je veux vous remercier, monsieur le président, d'avoir pris l'initiative de nous inviter à consacrer quelques heures de réflexion à la signification de cet événement en rendant hommage à Victor Schoelcher.
La célébration de ce cent cinquantième anniversaire est d'abord l'occasion de rappeler à la nation tout entière son devoir de mémoire. La réalité de ce que fut, pendant trois siècles, l'esclavage des noirs dans ce que l'on appelait alors " le Nouveau Monde ", singulièrement dans les territoires sous domination française, constitue l'un des chapitres les plus sombres de notre histoire.
Bernardin de Saint-Pierre a décrit cette réalité dans son Voyage à l'Isle de France, en avril 1768, avec des mots terribles : " Je ne sais pas si le café et le sucre sont nécessaires au bonheur de l'Europe, mais je sais bien que ces deux végétaux ont fait le malheur de deux parties du monde. On a dépeuplé l'Amérique afin d'avoir une terre pour les plantes ; on dépeuple l'Afrique afin d'avoir une nation pour les cultiver. " Cette Afrique dont les hommes et les femmes furent traités " comme des bêtes, afin que les Blancs puissent vivre comme des hommes ", dit encore Bernardin de Saint-Pierre.
Cette page de notre histoire, la République l'a définitivement tournée en adhérant, un siècle plus tard, à la Déclaration universelle des droits de l'homme,
Cette Déclaration dont nous célébrons le cinquantenaire et qui stigmatise expressément, dans son article IV, toutes les formes d'esclavage : " Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. "
Hier comme aujourd'hui, l'esclavage constitue une atteinte intolérable à la dignité de la personne humaine.
Au-delà de l'hommage rendu aux victimes de l'esclavage, il est nécessaire aujourd'hui de rappeler le traumatisme qu'a constitué l'esclavage pour les sociétés d'outre-mer. Ce traumatisme continue a marquer ces sociétés de façon plus ou moins inconsciente, notamment dans leurs rapports de dépendance vis-à-vis de la métropole.
On cite souvent, en cette année de commémoration, la phrase célèbre de Frantz Fanon : " Je ne suis pas esclave de l'esclavage qui déshumanisa nos pères. " Est esclave de l'esclavage celui qui vit dans le refoulement du traumatisme qu'ont vécu ses ancêtres. Le devoir de mémoire est le passage obligé pour exorciser définitivement les effets du traumatisme passé. Etre citoyen, ce n'est pas seulement attester de sa nationalité, c'est prendre en main ses propres affaires et participer à l'élaboration du projet collectif pour l'outre-mer et pour le pays tout entier. Le devoir de mémoire peut, en ce sens, contribuer à la construction dynamique d'une citoyenneté pleinement assumée.
Le devoir de mémoire exige aussi l'attention vigilante contre toutes les formes d'esclavage contemporain, contre les dangers que font courir à l'humanité les idéologies négatrices des droits de l'homme, contre les dangers d'un retour de la barbarie.
Rappelons-nous aussi que l'accession des esclaves à la citoyenneté, le fait donc que les anciens esclaves et les maîtres deviennent égaux en droits, ne signifie pas pour autant que cette égalité soit réalisée dans les faits. Dans les départements d'outre-mer, l'esclavage fut un temps remplacé par le travail obligatoire, l'instauration d'une police de vagabondage chargée d'arrêter ceux qui ne pouvaient présenter le livret de travail certifiant leur embauche. L'abolition de l'esclavage eut aussi pour conséquence le recours à une nouvelle immigration de travailleurs venant d'Afrique, de Madagascar, puis de l'Inde.
Un siècle et demi après l'abolition, force est de reconnaître que se sont perpétuées certaines des formes anciennes de la domination. Aujourd'hui encore, la couleur de la peau reste, outre-mer comme ici, un indice, voire un facteur, de la position de l'individu dans l'échelle sociale.
Commémorer l'abolition de l'esclavage, c'est donc marquer la nécessité de continuer à transformer la société - l'outre-mer n'est pas seul à être concerné - vers plus d'égalité et de solidarité.
Rappeler à la nation son devoir de mémoire, c'est aussi se souvenir que l'abolition de l'esclavage est le résultat de la puissante résistance des esclaves à leur condition et du soutien que lui ont apporté les abolitionnistes, conduits par Victor Schoelcher.
Le Parlement français, peut s'honorer à juste titre d'avoir compté parmi ses membres Victor Schoelcher à qui la République par la volonté du président Monnerville, alors président du conseil, a rendu hommage en accueillant ses cendres au Panthéon le
20 mai 1949, aux côtés de l'abbé Grégoire, figure emblématique de la première abolition.
Victor Schoelcher a commencé à prendre conscience de la réalité de l'esclavage en voyageant dans les années 1830 dans les Antilles françaises et britanniques, enHaîti et à Puerto Rico.
De ces différents séjours, Schoelcher tira un ouvrage paru en 1842 " Des colonies françaises, abolition immédiate de l'esclavage ", véritable plaidoyer pour une émancipation générale et immédiate.
Celle-ci fera l'objet de l'une des premières décisions de la Seconde République issue de la Révolution de février 1848.
Dans l'exercice de son mandat de parlementaire, député de la Guadeloupe et de la Martinique, puis à la fin de sa vie dans l'exercice de son mandat de sénateur et jusqu'à son décès le 25 décembre 1893, Victor Schoelcher continuera, comme le rappelait Gérard Larcher, à placer son action sous le signe de la libération de l'homme.
Le combat pour l'abolition n'était pas gagné d'avance. Nombreux, y compris chez les républicains, étaient ceux qui mettaient en avant le réalisme économique pour retarder l'abolition ou défendre le projet d'une disparition progressive de l'esclavage. Au réalisme d'alors, Victor Schoelcher, opposait cet maxime : " Il faut espérer jusque dans la désespérance ". A cette maxime, fait écho ce jugement d'Aimé Césaire il y a, un demi siècle lors du centième anniversaire de l'abolition : " Victor Schoecher, un génie ? Peut-être. A coup sûr, un caractère. Mieux encore, une conscience. "
Dès l'installation du Gouvernement provisoire, Victor Schoelcher obtient d'Arago, au départ hésitant, la création, par un décret du 4 mars, d'une commission d'abolition, qu'il préside avec le titre de sous-secrétaire d'Etat de la marine et des colonies. Elle siégera sans interruption jusqu'à la mi-avril et préparera le projet de décret adopté par le Gouvernement provisoire le 27 avril 1848.
Le premier de ces décrets prévoyait que " l'esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d'elles ".
En réalité, comme vous le savez aussi, l'information concernant ces événements survenus en métrople parvient aux Antilles et en Guyane à la fin du mois de mars, incitant les esclaves à se mobiliser pour obtenir sans attendre leur libération.
Le 22 mai, en Martinique, à Saint-Pierre, l'arrestation d'un esclave débouche sur une émeute. Sous la pression populaire, le général Rostoland, gouverneur de la Martinique, décide d'anticiper sur les instructions du Gouvernement et de proclamer, dès le 23 mai, l'abolition de l'esclavage. Le 27 mai, les autorités de la Guadeloupe, craignant la réédition des émeutes de la Martinique, proclament à leur tour l'émancipation des esclaves.
Ce rôle des peuples dans leur libération, je veux ici le souligner, car l'exercice de la citoyenneté se nourrit de la conscience de chaque femme et de chaque homme de leur capacité à être les acteurs de leur histoire. Le Premier ministre le soulignait dimanche, à Champagney, en rappelant qu'" aujourd'hui encore, aucune loi, aucune décision en faveur des droits de l'homme ne peut avoir de réalité si elle n'enracine sa légitimité dans la volonté du peuple ".
Episode exemplaire de la lutte pour les droits de l'homme, le combat pour l'abolition de l'esclavage s'identifie donc pendant la première moitié du XIXème siècle au combat pour la République.
Ce combat et sa célébration 150 ans plus tard a une dimension culturelle évidente.
Etre réduit en esclavage, au-delà de la contrainte brutale exercée par le maître, c'est se voir dépossédé de son identité, c'est perdre sa dignité d'être humain.
Le combat de l'esclave, privé du nom de ses ancêtres, exprime la volonté de reconstruire un moi personnel et collectif, mutilé, dispersé, coupé de ses origines. L'émancipation a comme premier effet l'attribution d'un patronyme. Elle est la réappropriation d'une identité et l'affirmation du droit à l'expression ; d'où sa résonnance culturelle, qu'exprime notamment Edouard Glissant : " Toute la souffrance de l'esclavage a enfanté, dans la Caraïbe, une nouvelle conception de l'homme. Ici, il ne peut plus y avoir ni génocide ni purification ethnique parce que notre enracinement ne repose pas sur une racine unique. La racine unique, cela produit l'exclusivisme. "
La célébration de l'abolition de l'esclavage doit être ainsi l'occasion de rappeler que l'accession des esclaves à la citoyenneté a créé les conditions de la créativité culturelle contemporaine des mondes de l'outre-mer, créativité qui, de la Caraïbe à la Réunion, s'est nourrie des apports, imposés ou choisis, venant de quatre continents.
Ces sociétés et ces cultures apportent un éclairage particulièrement riche sur des questions importantes pour la France et le monde d'aujourd'hui, comme celles de la citoyenneté et de l'identité culturelle.
L'identité de notre pays s'est construite, et se construit encore, dans le dialogue avec les cultures du monde, dans un processus dynamique de métissage aux formes multiples : ethnique, sociale, culturelle. L'identité de notre pays s'enracine dans la reconnaissance que le pluralisme culturel né du brassage de populations d'origines multiples est inséparable d'une aspiration à l'égalité.
Je veux ici saluer les initiatives prises dans les départements d'outre-mer comme en métropole pour donner à cette célébration l'éclat qu'elle mérite. Je veux saluer en particulier l'action engagée par les comités d'organisation mis en place à l'initiative des collectivités territoriale et auxquels nombre d'entre vous êtes associés. Le Gouvernement a pour sa part décidé de marquer cet anniversaire, dimanche dernier, à Champagney, en présence du Premier ministre et en s'associant à l'hommage rendu à Toussaint Louverture et à Louis Delgrès hier au Panthéon.
Le Gouvernement sera également présent aux manifestations organisées dans les départements d'outre-mer à chacune des dates d'entrée en vigueur du décret d'abolition : le 23 mai en Martinique, le 27 mai en Guadeloupe, le 10 juin en Guyane et le 20 décembre à la Réunion.
Je souhaite, enfin, vous faire part de la volonté du Gouvernement que cette célébration ne reste pas sans lendemain. Le 30 juin 1983, le Parlement avait adopté une loi instituant cette commémoration dans les quatre départements d'outre-mer, à Mayotte et en métropole. Il faut reconnaître que, depuis, les dispositions prévues par la loi n'ont été appliquées en métropole que très partiellement. Cette date anniversaire tranchera. Le Gouvernement en tirera tous les enseignements pour donner le relief indispensable à cet événement dans les prochaines années.
(Source http://www.senat.fr, le 12 novembre 2001)