Texte intégral
Monsieur le Président, Mesdames et messieurs les députés,
C'est un plaisir, et un honneur, d'évoquer avec vous les questions relatives à la politique régionale et à l'aménagement du territoire en Europe, dans le contexte de la Présidence française de l'Union européenne.
Vous le savez peut-être, en tout cas certains d'entre vous, j'ai été moi-même, il y a quelques années de cela, parlementaire européenne. Je ne l'ai pas oublié. J'attache la plus grande importance au travail qui est fait au sein du Parlement européen, et ce d'autant plus que ses pouvoirs, depuis l'époque où j'y siégeait, ont été sensiblement renforcés, ce dont je me réjouis vivement. J'attache la même importance à la qualité du dialogue qui doit exister, d'une façon générale, entre le Conseil et le Parlement.
Cela fait maintenant plus de trois ans qu'en tant que ministre chargée de l'aménagement du territoire et de l'environnement au sein du Gouvernement français, je représente mon pays tout à la fois au Conseil Environnement - j'ai d'ailleurs également eu l'honneur de m'exprimer devant la Commission compétente de votre Parlement en cette matière en juillet - et dans différentes réunions, moins formelles, relatives aux politiques territoriales. J'ai pu mesurer, sous sept présidences successives, la lourdeur de la tâche, l'ampleur des responsabilités qui sont liées à l'exercice de cette Présidence.
J'ai conscience du double rôle, en apparence contradictoire, que l'on attend d'elle : d'un côté, assumer un rôle d'impulsion, d'orientation politique, notamment sur les grands sujets du moment ; de l'autre, rechercher les compromis pour faire avancer concrètement les dossiers, en étant capable si nécessaire d'accorder un peu moins d'importance à ses propres intérêts nationaux.
Mais, pourquoi ne pas le dire d'emblée, le champ de compétence qui est le mien au sein du Gouvernement français me permet aussi - comme d'ailleurs beaucoup de mes collègues souvent chargés tout à la fois de l'environnement et de l'aménagement du territoire - de mesurer l'écart entre, d'un côté, une politique communautaire, celle de l'environnement, que l'on pourrait qualifier d'achevée, dans sa structure, même si beaucoup reste à faire sur le fond, disposant au sein du Conseil d'une formation spécialisée, et, d'un autre côté, une politique territoriale, au sens large, qui reste plus floue, moins achevée, tant en termes de procédures qu'en termes de compétences communautaires.
J'ai conscience de ce qu'un tel propos peut avoir de paradoxal. Je n'ignore pas la très grande part qu'occupent les fonds structurels au sein du budget communautaire, tant en pourcentage - plus du tiers - qu'en valeur absolue. Je ne sous-estime pas non plus, bien au contraire, l'impact de ces fonds dans le développement de nos régions, leur importance pour favoriser le rattrapage de telle ou telle partie du territoire communautaire, et assurer la cohésion économique et sociale de celui-ci.
Pour autant, s'il y a une politique régionale communautaire, mise en uvre à travers ces différents fonds, celle-ci ne s'appuie pas, au sein du Conseil, sur l'existence d'une formation spécialisée. Cette dernière, à la suite de la récente réforme du Conseil, reste à créer. Cette situation n'est pas forcément gênante techniquement. Mais elle pourrait l'être un jour en termes plus politiques, en termes de réflexion et d'orientation sur ce que peut et doit être l'action communautaire en la matière. Peut être devrons nous y revenir un jour.
Force est de constater, surtout, que s'il y a une politique régionale communautaire, il n'y a pas, en tant que telle, de politique communautaire d'aménagement du territoire, et, moins encore dans ce cas, de formation correspondante du Conseil.
S'il nous arrive de nous rencontrer, informellement, entre ministres chargés de l'aménagement du territoire, nous ne pouvons qu'adopter des documents sans portée juridique, comme l'est le Schéma de développement de l'espace communautaire, le SDEC, que nous avons arrêté en 1999 à Postdam. Je ne vous cacherai pas d'ailleurs ce que cet exercice a pu avoir de frustrant, lorsque l'on songe d'un côté au temps qu'aura pris l'élaboration, la discussion, puis l'adoption de ce document, et de l'autre, la portée pratique, forcément limitée, qu'aura ce dernier, même si je me félicite que ses recommandations soient peu à peu prises en compte dans la mise en uvre des politiques structurelles.
Je voudrais, si vous me le permettez, tirer une conclusion personnelle de ce que je viens d'évoquer, et qui n'engage pas la Présidence. Mais je suis persuadée que nous devrons rapidement évoluer en ces domaines, pour mettre en place une véritable politique communautaire d'aménagement du territoire. La politique régionale et les fonds structurels en seront l'une des composantes, l'un des instruments, mais elle devra aussi être capable de porter des actions ambitieuses, en faveur d'un développement équilibré, réfléchi, intégré, de l'espace européen, dans ses diverses dimensions, y compris sa dimension urbaine.
Vous le savez comme moi, cette réforme ne se fera pas demain matin. Elle ne correspond pas au temps de la Présidence française, qui doit résoudre, en termes de révision des Traités et d'extension des compétences communautaires, d'autres types de questions, suffisamment lourdes pour ne pas charger la barque encore plus.
Mais je suis convaincue qu'une fois terminée la CIG en cours, et quand commencera le travail de concrétisation de la réflexion lancée par quelques-uns, en particulier J. Fischer, sur l'avenir et le contenu de la construction européenne, nous pourrons aussi avancer sur ces questions relatives à la politique territoriale de l'Europe.
Je tiens à vous dire, sans verser pour autant dans la démagogie, que je compte fortement sur le Parlement européen pour porter cette question, et plus particulièrement sur votre Commission pour l'éclairer. Le fait qu'elle soit, aussi, compétente en matière de transports, et à ce titre, en matière de réseaux transeuropéens, lui confère, me semble-t-il, une place privilégiée pour apprécier la nécessité d'une mise en cohérence globale des politiques territoriales de l'Union.
Je suis persuadée, aussi, que cette mise en cohérence reste indispensable pour favoriser une plus grande prise en compte dans les différents éléments de la politique territoriale, de l'impératif de développement durable et le respect de l'environnement. J'y attache, vous le savez, la plus grande importance. Beaucoup a été fait en ce sens dans le cadre des fonds structurels. Il faut continuer. Beaucoup reste à faire en matière de réseau de transport.
Je vais m'efforcer, pour ce qui me concerne, de faire fructifier cette réflexion sur l'avenir de la politique territoriale européenne au cours de la Présidence française. J'ai décidé pour cela, plutôt que d'organiser l'habituelle réunion informelle des ministres de l'aménagement du territoire, d'organiser, avec mon collègue Claude Bartolone, ministre de la Ville au sein du Gouvernement français, une grande Conférence, dénommée " Europe, villes et territoires ", qui se tiendra près d'ici, à Lille, dans le nord de la France, les 2 et 3 novembre prochains.
Elle sera l'occasion, pendant deux jours, en présence des ministres compétents de l'Union européenne, du Commissaire Barnier, et, je l'espère, de votre Président, M. Hatzidakis, mais aussi de très nombreux élus et responsables locaux, de débattre de façon très approfondie de l'ensemble des problématiques relevant des politiques territoriales européennes. Vous êtes bien évidemment tous conviés à cette Conférence, et je souhaite très sincèrement vous y voir nombreux, car, une fois encore, je compte sur votre réflexion, vos compétences, pour que nous avancions ensemble.
D'une façon plus générale, le travail ne manquera pas sur ces sujets au cours de ces prochains mois.
Si cette année est la première année de mise en uvre de l'Agenda 2000, nous commençons aussi la troisième période de programmation pluriannuelle de la politique régionale, la deuxième période de mise en uvre du Fonds de cohésion et la première période de réalisation de la pré-adhésion avec l'ISPA, l'instrument structurel de pré-adhésion.
Chaque institution concernée, que ce soit au niveau local, national ou communautaire, travaille maintenant activement à la mise en uvre ou à la préparation de la mise en uvre opérationnelle de ces financements, qu'ils relèvent des objectifs 1 et 2 ou des programmes d'initiatives communautaires Interreg, Urban, Leader et Equal.
Je souhaite insister sur l'importance que j'accorde au programme Interreg, tant est majeur à mes yeux le fait que les frontières nationales ne soient pas, ne soient plus, un obstacle au développement équilibré et à l'intégration du territoire européen.
De ce point de vue, il me paraît essentiel que ce faisant, nous anticipions sur le futur élargissement de l'Union, et que nous coordonnions le mieux possible Interreg et les fonds destinés aux pays candidats à l'adhésion, pour que nous effacions aussi la frontière qui a existé entre deux parties de notre continent. Je sais l'importance qu'accorde le Parlement à cet aspect, qui s'est manifesté notamment dans la résolution adoptée sur la communication de la Commission relative à Interreg, et je m'en félicite.
Dans le même esprit, j'insisterai également sur Urban, tant il y a urgence, dans beaucoup de nos Etats, à régénérer économiquement et socialement les villes et les quartiers en crise dans les grandes agglomérations, et à échanger nos expériences en matière de développement urbain durable.
Mais, au-delà de ces exercices, plusieurs autres grands dossiers doivent nous mobiliser.
Je pense, bien entendu, en premier lieu aux conséquences prochaines de l'élargissement de l'Union europénne pour la politique régionale et pour l'aménagement et l'intégration de l'espace européen. Je me réjouis de la mise en uvre de l'Instrument structurel de pré-adhésion (ISPA), que j'ai déjà évoqué. Mais nous sommes, vous comme moi, conscient de l'impact qu'aura ce futur élargissement, à un ensemble de pays qui, au total, représenteront un accroissement tant du territoire que de la population de l'Union d'environ un tiers.
Les discussions du chapitre 21 des négociations d'élargissement, relatif à la politique régionale et à la coordination des instruments structurels, sont en cours avec les six candidats de Luxembourg (Pologne, Hongrie, République Tchèque, Estonie, Slovénie et Chypre). J'y accorderai tout au long de notre Présidence la plus grande importance.
Mais j'attends, surtout, avec beaucoup d'intérêt, à la fin de cette année, le résultat des réflexions de la Commission européenne, plus particulièrement du Commissaire Barnier et de la Direction Générale chargée de la politique régionale, quant aux conséquences de l'élargissement pour cette politique au delà de 2006. Celui-ci, de part son importance, sa masse, ne pourra qu'avoir de grandes répercussions. Chacun d'entre nous, dans chacune de nos régions, nous en verrons les conséquences. Etudions les le plus en amont possible, débattons-en, éclairons l'avenir. Je compte, là encore, sur le travail du Parlement.
Deuxième dossier sur lequel nous devons travailler : les régions ultrapériphériques de l'Union. Vous savez combien cette question est importante pour la Présidence française. Il est essentiel de permettre à ces régions de bénéficier elles aussi pleinement de la construction européenne et de s'intégrer dans l'espace européen, en mettant en uvre une stratégie de développement durable.
J'ai pris connaissance avec un grand intérêt du rapport, en mars dernier, puis du programme de travail, en juin, de la Commission en la matière. Ce programme doit maintenant se traduire par des propositions de règlements spécifiques par secteur. J'y accorderai, là aussi, la plus grande importance. Le Conseil européen de Nice fera un bilan des avancées en la matière. Je sais que votre Commission reviendra également sur ce dossier en octobre, en étudiant le rapport de Madame Sudre sur le travail de la Commission européenne. Je compte sur le Parlement pour nous aider à avancer.
Je dois vous dire aussi que je suis avec la plus grande attention la façon dont ce dossier est traité, en terme de structure administrative, au sein de la Commission européenne, et que je serai très vigilante sur ce point. Je sais que c'est une question que beaucoup d'entre vous regardent de très près, et je les en remercie.
Troisième dossier, enfin, qui recoupe en partie le précédent, celui des régions insulaires de l'Union, dans le nouveau contexte du Traité d'Amsterdam et de la déclaration n° 30 annexée au Traité. Nous devons apporter des réponses aux problèmes spécifiques de nos îles, qu'elles soient méditerranéennes, nordiques ou plus lointaines, et pousser la réflexion sur la façon de traduire en actes, comme elles le demandent, les principes énoncés dans cette déclaration.
Je consacrerai, soyez-en persuadés, le temps et l'énergie nécessaires à chacun de ces dossiers. Je sais, comme vous, que l'Europe est le meilleur vecteur pour faire avancer, dans chacun de nos pays, des politiques territoriales ambitieuses. Je suis aussi consciente, en tant qu'européenne convaincue et militante, que c'est aussi par les solidarités de fait que nous créons chaque jour entre nos pays dans les différents domaines de compétence communautaire que nous bâtissons, l'Europe à laquelle j'aspire, et à laquelle, je le sais, beaucoup d'entre vous travaillent.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, je compte sur vous, pour que nous fassions, ensemble, vous et nous, Parlement et Conseil, avancer les politiques communautaires dont les citoyens européens ont besoin. Si nous y parvenons, alors nous aurons contribué à rendre l'Europe plus concrète, plus directement utile pour ses habitants, bref, nous aurons fait avancer l'Europe citoyenne, objectif dont la Présidence française a fait l'une de ses grandes priorités.
Je vous remercie de votre attention, et je suis prête, maintenant, à répondre à vos questions, en attendant de vous voir nombreux, je l'espère, à Lille, les 2 et 3 novembre prochain, pour poursuivre et approfondir le débat.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 25 septembre 2000)
C'est un plaisir, et un honneur, d'évoquer avec vous les questions relatives à la politique régionale et à l'aménagement du territoire en Europe, dans le contexte de la Présidence française de l'Union européenne.
Vous le savez peut-être, en tout cas certains d'entre vous, j'ai été moi-même, il y a quelques années de cela, parlementaire européenne. Je ne l'ai pas oublié. J'attache la plus grande importance au travail qui est fait au sein du Parlement européen, et ce d'autant plus que ses pouvoirs, depuis l'époque où j'y siégeait, ont été sensiblement renforcés, ce dont je me réjouis vivement. J'attache la même importance à la qualité du dialogue qui doit exister, d'une façon générale, entre le Conseil et le Parlement.
Cela fait maintenant plus de trois ans qu'en tant que ministre chargée de l'aménagement du territoire et de l'environnement au sein du Gouvernement français, je représente mon pays tout à la fois au Conseil Environnement - j'ai d'ailleurs également eu l'honneur de m'exprimer devant la Commission compétente de votre Parlement en cette matière en juillet - et dans différentes réunions, moins formelles, relatives aux politiques territoriales. J'ai pu mesurer, sous sept présidences successives, la lourdeur de la tâche, l'ampleur des responsabilités qui sont liées à l'exercice de cette Présidence.
J'ai conscience du double rôle, en apparence contradictoire, que l'on attend d'elle : d'un côté, assumer un rôle d'impulsion, d'orientation politique, notamment sur les grands sujets du moment ; de l'autre, rechercher les compromis pour faire avancer concrètement les dossiers, en étant capable si nécessaire d'accorder un peu moins d'importance à ses propres intérêts nationaux.
Mais, pourquoi ne pas le dire d'emblée, le champ de compétence qui est le mien au sein du Gouvernement français me permet aussi - comme d'ailleurs beaucoup de mes collègues souvent chargés tout à la fois de l'environnement et de l'aménagement du territoire - de mesurer l'écart entre, d'un côté, une politique communautaire, celle de l'environnement, que l'on pourrait qualifier d'achevée, dans sa structure, même si beaucoup reste à faire sur le fond, disposant au sein du Conseil d'une formation spécialisée, et, d'un autre côté, une politique territoriale, au sens large, qui reste plus floue, moins achevée, tant en termes de procédures qu'en termes de compétences communautaires.
J'ai conscience de ce qu'un tel propos peut avoir de paradoxal. Je n'ignore pas la très grande part qu'occupent les fonds structurels au sein du budget communautaire, tant en pourcentage - plus du tiers - qu'en valeur absolue. Je ne sous-estime pas non plus, bien au contraire, l'impact de ces fonds dans le développement de nos régions, leur importance pour favoriser le rattrapage de telle ou telle partie du territoire communautaire, et assurer la cohésion économique et sociale de celui-ci.
Pour autant, s'il y a une politique régionale communautaire, mise en uvre à travers ces différents fonds, celle-ci ne s'appuie pas, au sein du Conseil, sur l'existence d'une formation spécialisée. Cette dernière, à la suite de la récente réforme du Conseil, reste à créer. Cette situation n'est pas forcément gênante techniquement. Mais elle pourrait l'être un jour en termes plus politiques, en termes de réflexion et d'orientation sur ce que peut et doit être l'action communautaire en la matière. Peut être devrons nous y revenir un jour.
Force est de constater, surtout, que s'il y a une politique régionale communautaire, il n'y a pas, en tant que telle, de politique communautaire d'aménagement du territoire, et, moins encore dans ce cas, de formation correspondante du Conseil.
S'il nous arrive de nous rencontrer, informellement, entre ministres chargés de l'aménagement du territoire, nous ne pouvons qu'adopter des documents sans portée juridique, comme l'est le Schéma de développement de l'espace communautaire, le SDEC, que nous avons arrêté en 1999 à Postdam. Je ne vous cacherai pas d'ailleurs ce que cet exercice a pu avoir de frustrant, lorsque l'on songe d'un côté au temps qu'aura pris l'élaboration, la discussion, puis l'adoption de ce document, et de l'autre, la portée pratique, forcément limitée, qu'aura ce dernier, même si je me félicite que ses recommandations soient peu à peu prises en compte dans la mise en uvre des politiques structurelles.
Je voudrais, si vous me le permettez, tirer une conclusion personnelle de ce que je viens d'évoquer, et qui n'engage pas la Présidence. Mais je suis persuadée que nous devrons rapidement évoluer en ces domaines, pour mettre en place une véritable politique communautaire d'aménagement du territoire. La politique régionale et les fonds structurels en seront l'une des composantes, l'un des instruments, mais elle devra aussi être capable de porter des actions ambitieuses, en faveur d'un développement équilibré, réfléchi, intégré, de l'espace européen, dans ses diverses dimensions, y compris sa dimension urbaine.
Vous le savez comme moi, cette réforme ne se fera pas demain matin. Elle ne correspond pas au temps de la Présidence française, qui doit résoudre, en termes de révision des Traités et d'extension des compétences communautaires, d'autres types de questions, suffisamment lourdes pour ne pas charger la barque encore plus.
Mais je suis convaincue qu'une fois terminée la CIG en cours, et quand commencera le travail de concrétisation de la réflexion lancée par quelques-uns, en particulier J. Fischer, sur l'avenir et le contenu de la construction européenne, nous pourrons aussi avancer sur ces questions relatives à la politique territoriale de l'Europe.
Je tiens à vous dire, sans verser pour autant dans la démagogie, que je compte fortement sur le Parlement européen pour porter cette question, et plus particulièrement sur votre Commission pour l'éclairer. Le fait qu'elle soit, aussi, compétente en matière de transports, et à ce titre, en matière de réseaux transeuropéens, lui confère, me semble-t-il, une place privilégiée pour apprécier la nécessité d'une mise en cohérence globale des politiques territoriales de l'Union.
Je suis persuadée, aussi, que cette mise en cohérence reste indispensable pour favoriser une plus grande prise en compte dans les différents éléments de la politique territoriale, de l'impératif de développement durable et le respect de l'environnement. J'y attache, vous le savez, la plus grande importance. Beaucoup a été fait en ce sens dans le cadre des fonds structurels. Il faut continuer. Beaucoup reste à faire en matière de réseau de transport.
Je vais m'efforcer, pour ce qui me concerne, de faire fructifier cette réflexion sur l'avenir de la politique territoriale européenne au cours de la Présidence française. J'ai décidé pour cela, plutôt que d'organiser l'habituelle réunion informelle des ministres de l'aménagement du territoire, d'organiser, avec mon collègue Claude Bartolone, ministre de la Ville au sein du Gouvernement français, une grande Conférence, dénommée " Europe, villes et territoires ", qui se tiendra près d'ici, à Lille, dans le nord de la France, les 2 et 3 novembre prochains.
Elle sera l'occasion, pendant deux jours, en présence des ministres compétents de l'Union européenne, du Commissaire Barnier, et, je l'espère, de votre Président, M. Hatzidakis, mais aussi de très nombreux élus et responsables locaux, de débattre de façon très approfondie de l'ensemble des problématiques relevant des politiques territoriales européennes. Vous êtes bien évidemment tous conviés à cette Conférence, et je souhaite très sincèrement vous y voir nombreux, car, une fois encore, je compte sur votre réflexion, vos compétences, pour que nous avancions ensemble.
D'une façon plus générale, le travail ne manquera pas sur ces sujets au cours de ces prochains mois.
Si cette année est la première année de mise en uvre de l'Agenda 2000, nous commençons aussi la troisième période de programmation pluriannuelle de la politique régionale, la deuxième période de mise en uvre du Fonds de cohésion et la première période de réalisation de la pré-adhésion avec l'ISPA, l'instrument structurel de pré-adhésion.
Chaque institution concernée, que ce soit au niveau local, national ou communautaire, travaille maintenant activement à la mise en uvre ou à la préparation de la mise en uvre opérationnelle de ces financements, qu'ils relèvent des objectifs 1 et 2 ou des programmes d'initiatives communautaires Interreg, Urban, Leader et Equal.
Je souhaite insister sur l'importance que j'accorde au programme Interreg, tant est majeur à mes yeux le fait que les frontières nationales ne soient pas, ne soient plus, un obstacle au développement équilibré et à l'intégration du territoire européen.
De ce point de vue, il me paraît essentiel que ce faisant, nous anticipions sur le futur élargissement de l'Union, et que nous coordonnions le mieux possible Interreg et les fonds destinés aux pays candidats à l'adhésion, pour que nous effacions aussi la frontière qui a existé entre deux parties de notre continent. Je sais l'importance qu'accorde le Parlement à cet aspect, qui s'est manifesté notamment dans la résolution adoptée sur la communication de la Commission relative à Interreg, et je m'en félicite.
Dans le même esprit, j'insisterai également sur Urban, tant il y a urgence, dans beaucoup de nos Etats, à régénérer économiquement et socialement les villes et les quartiers en crise dans les grandes agglomérations, et à échanger nos expériences en matière de développement urbain durable.
Mais, au-delà de ces exercices, plusieurs autres grands dossiers doivent nous mobiliser.
Je pense, bien entendu, en premier lieu aux conséquences prochaines de l'élargissement de l'Union europénne pour la politique régionale et pour l'aménagement et l'intégration de l'espace européen. Je me réjouis de la mise en uvre de l'Instrument structurel de pré-adhésion (ISPA), que j'ai déjà évoqué. Mais nous sommes, vous comme moi, conscient de l'impact qu'aura ce futur élargissement, à un ensemble de pays qui, au total, représenteront un accroissement tant du territoire que de la population de l'Union d'environ un tiers.
Les discussions du chapitre 21 des négociations d'élargissement, relatif à la politique régionale et à la coordination des instruments structurels, sont en cours avec les six candidats de Luxembourg (Pologne, Hongrie, République Tchèque, Estonie, Slovénie et Chypre). J'y accorderai tout au long de notre Présidence la plus grande importance.
Mais j'attends, surtout, avec beaucoup d'intérêt, à la fin de cette année, le résultat des réflexions de la Commission européenne, plus particulièrement du Commissaire Barnier et de la Direction Générale chargée de la politique régionale, quant aux conséquences de l'élargissement pour cette politique au delà de 2006. Celui-ci, de part son importance, sa masse, ne pourra qu'avoir de grandes répercussions. Chacun d'entre nous, dans chacune de nos régions, nous en verrons les conséquences. Etudions les le plus en amont possible, débattons-en, éclairons l'avenir. Je compte, là encore, sur le travail du Parlement.
Deuxième dossier sur lequel nous devons travailler : les régions ultrapériphériques de l'Union. Vous savez combien cette question est importante pour la Présidence française. Il est essentiel de permettre à ces régions de bénéficier elles aussi pleinement de la construction européenne et de s'intégrer dans l'espace européen, en mettant en uvre une stratégie de développement durable.
J'ai pris connaissance avec un grand intérêt du rapport, en mars dernier, puis du programme de travail, en juin, de la Commission en la matière. Ce programme doit maintenant se traduire par des propositions de règlements spécifiques par secteur. J'y accorderai, là aussi, la plus grande importance. Le Conseil européen de Nice fera un bilan des avancées en la matière. Je sais que votre Commission reviendra également sur ce dossier en octobre, en étudiant le rapport de Madame Sudre sur le travail de la Commission européenne. Je compte sur le Parlement pour nous aider à avancer.
Je dois vous dire aussi que je suis avec la plus grande attention la façon dont ce dossier est traité, en terme de structure administrative, au sein de la Commission européenne, et que je serai très vigilante sur ce point. Je sais que c'est une question que beaucoup d'entre vous regardent de très près, et je les en remercie.
Troisième dossier, enfin, qui recoupe en partie le précédent, celui des régions insulaires de l'Union, dans le nouveau contexte du Traité d'Amsterdam et de la déclaration n° 30 annexée au Traité. Nous devons apporter des réponses aux problèmes spécifiques de nos îles, qu'elles soient méditerranéennes, nordiques ou plus lointaines, et pousser la réflexion sur la façon de traduire en actes, comme elles le demandent, les principes énoncés dans cette déclaration.
Je consacrerai, soyez-en persuadés, le temps et l'énergie nécessaires à chacun de ces dossiers. Je sais, comme vous, que l'Europe est le meilleur vecteur pour faire avancer, dans chacun de nos pays, des politiques territoriales ambitieuses. Je suis aussi consciente, en tant qu'européenne convaincue et militante, que c'est aussi par les solidarités de fait que nous créons chaque jour entre nos pays dans les différents domaines de compétence communautaire que nous bâtissons, l'Europe à laquelle j'aspire, et à laquelle, je le sais, beaucoup d'entre vous travaillent.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, je compte sur vous, pour que nous fassions, ensemble, vous et nous, Parlement et Conseil, avancer les politiques communautaires dont les citoyens européens ont besoin. Si nous y parvenons, alors nous aurons contribué à rendre l'Europe plus concrète, plus directement utile pour ses habitants, bref, nous aurons fait avancer l'Europe citoyenne, objectif dont la Présidence française a fait l'une de ses grandes priorités.
Je vous remercie de votre attention, et je suis prête, maintenant, à répondre à vos questions, en attendant de vous voir nombreux, je l'espère, à Lille, les 2 et 3 novembre prochain, pour poursuivre et approfondir le débat.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 25 septembre 2000)