Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur l'engagement de la France en matière de développement durable et sur le rôle des randonneurs pour la préservation du patrimoine rural et naturel, Paris le 25 novembre 2003.

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Circonstance : Colloque de la Fédération française de la randonnée pédestre "Le développement durable peut-il sauver le patrimoine des chemins de France ?", au Sénat le 25 novembre 2003

Texte intégral

Monsieur le Président de la Fédération française de la randonnée pédestre,
Mesdames et messieurs, chers amis, chers enfants,
D'abord, je vous remercie de m'avoir donné cette occasion vivifiante d'écouter les enfants impliqués dans l'opération " un chemin, une école " initiée par la Fédération française de randonnée pédestre.
Je suis heureuse de constater que ces " citoyens en herbe " ont déjà pleine conscience de la nécessité de respecter et de sauvegarder leur environnement, de protéger et de valoriser leur patrimoine naturel et culturel.
Je tiens à féliciter chaleureusement les enfants et à les encourager à poursuivre. Pour ma part, je retiens cette idée séduisante. Conquise par leur mobilisation et leur enthousiasme, j'offrirai volontiers mon parrainage à un projet pédagogique de cette nature, avec une prédilection pour mon département du Maine et Loire.
Monsieur le président, pour la randonneuse passionnée et pratiquante que je suis, c'est un réel plaisir que de clore ce colloque placé sous le signe du patrimoine des chemins de France.
En matière de chemins, la Fédération française de la randonnée pédestre sait de quoi elle parle, puisqu'elle compte, en plus de 55 ans d'existence, près de 180 000 km de balisage à son actif !
En tant que ministre de l'écologie et du développement durable, je me réjouis de constater que les réflexions et actions que vous portez se situent au cur de plusieurs chantiers que j'ai lancés ces derniers mois, et s'inscrivent entièrement dans l'esprit et le sens que j'ai voulu donner à mon action.
A. LES PRINCIPAUX CHANTIERS DU MINISTÈRE
Je souhaiterais, si vous me le permettez, m'attarder quelques instants sur trois d'entre eux qui, j'en suis convaincue, vont marquer profondément l'engagement de la France en matière d'écologie et de développement durable.
1. La charte de l'environnement
Tout d'abord, la Charte de l'environnement, qui a été adoptée en Conseil des ministres le 25 juin dernier, et qui sera prochainement débattue au Parlement.
Ce texte a vocation à être adossé à la Constitution, c'est-à-dire placé au plus haut niveau des textes fondateurs de notre République. Il contribuera ainsi à orienter l'ensemble de notre dispositif législatif et réglementaire.
Cette décision exceptionnelle, qui s'apparente à une consécration des efforts entrepris depuis plusieurs décennies par l'ensemble des protecteurs de l'environnement, marquera un vrai tournant et délimitera un " avant " et un " après ".
Parmi les dix articles de la charte, tous essentiels, je mentionnerai plus spécifiquement l'article 1 : " chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé ". Il s'agit là d'une véritable pierre angulaire de la charte, qui reconnaît pour la première fois à ce niveau, la relation globale qui lie l'homme à l'environnement.
Je citerai également l'article 2, qui, en écho à cette avancée, sollicite le citoyen en lui rappelant ses devoirs et en le plaçant face à ses responsabilités : " toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ".
Les autres articles, relatifs à la prévention, à la réparation, à la précaution, à l'information et à la participation, sont tout aussi fondamentaux.
Je vous invite à les relire, à vous les approprier, à les faire connaître autour de vous et, surtout, à faire vivre dans votre quotidien cet " esprit charte ". Merci d'avance pour votre contribution en la matière, que je sais acquise, monsieur le Président.
2. La stratégie nationale du développement durable
Deuxième chantier - deuxième révolution, si j'ose dire -, la stratégie nationale de développement durable. Pour peu qu'on les explicite, les objectifs du développement durable sont partagés et revendiqués par la plupart de nos concitoyens. Néanmoins, l'urgence à agir, à initier dès maintenant un changement progressif mais profond de nos comportements et de nos modes de gouvernance, est encore trop faiblement perçue.
Or, le développement durable ne peut pas se décréter : il doit résulter de la conviction individuelle qui engendre la mobilisation et l'action collective.
Il ne s'agit pas seulement de répondre à des engagements internationaux ou européens, ou de satisfaire à une " mode ", mais de définir une véritable politique et de mettre en uvre des orientations claires, résolument tournées vers l'action.
C'est ainsi que notre stratégie nationale de développement durable, bâtie grâce à la mobilisation de tous les partenaires, a été adoptée le 3 juin 2003. Les programmes d'action qui l'accompagnent sont définis pour 5 ans et sont assortis d'indicateurs adaptés.
D'ailleurs, le 15 décembre prochain, un comité interministériel du développement durable, consacré à l'adoption du plan climat 2003, fera le point sur l'application des mesures adoptées dans la stratégie. La mobilisation interministérielle que le président Bruzeck appelle de ces voeux, la voici donc bel et bien à l'uvre !
3. La stratégie nationale de la biodiversité et la rénovation de la politique du patrimoine naturel
Troisième chantier : la biodiversité et le patrimoine naturel.
Vous le savez, la France possède, en métropole et outre-mer, un patrimoine naturel exceptionnel par sa diversité biologique et paysagère, reconnu dans le monde entier. Elle porte, de fait, une responsabilité de premier plan dans la mobilisation planétaire pour la préservation de la biodiversité.
Or l'appauvrissement de la biodiversité, c'est-à-dire la diversité des gènes, des espèces animales et végétales, et des milieux qui les abritent, s'accélère au point d'être considéré aujourd'hui comme une menace globale d'égale importance à celle des changements climatiques.
Lors d'une communication en conseil des ministres le 10 septembre dernier, j'ai proposé d'élaborer en 2004 une stratégie nationale pour la biodiversité, stratégie qui fera vivre les principes énoncés dans la charte de l'environnement et qui concrétisera les engagements de la stratégie nationale du développement durable.
L'objectif de cette stratégie est de contribuer à stopper la perte de biodiversité d'ici 2010. Une vaste concertation a été lancée par mes services, à laquelle vous contribuez, M. le Président Bruzeck, puisque vous avez été récemment convié par la présidente de la commission nationale de développement durable à un groupe de travail sur le sujet.
Comme vous le voyez, répondant à la question que vous posiez tout à l'heure, le CNDD ne vous oublie pas !
Le second objectif du travail de fond qui est engagé est de valoriser les territoires par une gestion durable du patrimoine naturel. Mon souhait est en effet de rénover et de moderniser la politique de protection, de gestion et de valorisation du patrimoine naturel de notre pays, en prenant soin d'en préserver les incontestables acquis.
Il s'agit notamment de l'élargir à l'ensemble du territoire - à la " nature ordinaire, banale ", terme que je n'aime guère -, de limiter les conflits d'usage et de tenir compte des évolutions récentes de la demande sociale : je pense, comme vous, aux sports de nature, devenus un véritable phénomène de société.
Plusieurs principes guideront le travail :
- L'Etat garant plutôt que gérant
- Des territoires labellisés
- Une gestion concertée et contractualisée
- La rémunération des services rendus par la nature.
Ce dernier point, qui concerne clairement le financement de la politique du patrimoine naturel, rejoint vos préoccupations. J'attends de ces travaux des propositions concrètes, incitant et valorisant les comportements vertueux.
Voilà ! Le panorama est dressé !
Mais, dans tout cela, comment se situe l'action de la Fédération française de la randonnée pédestre, la FFRP ?
B. LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DE RANDONNÉE PÉDESTRE
Il faut d'emblée souligner que FFPR n'a pas attendu pour uvrer dans le sens de la préservation de l'environnement, pour en porter et promouvoir les valeurs et pour sensibiliser un large public à ces questions.
Encore moins son président, qui est depuis longtemps membre du Conseil national des sports de nature du Comité Olympique.
1. Préserver le patrimoine des chemins
Chacun connaît le rôle essentiel joué par la Fédération, ses 2750 associations de terrain et ses milliers de bénévoles, dans la préservation des chemins de France.
Ces chemins de randonnée, qui constituent une véritable ossature de nos paysages ruraux et naturels, sont les vecteurs de la découverte de nos belles régions.
S'ils sont le support d'activités touristiques ou de loisirs, y compris la découverte de la nature, ils sont aussi un outil de travail pour les exploitants agricole ou forestiers et contribuent à l'aménagement du territoire.
Patrimoine à la fois historique, social, économique, naturel et culturel, les quelques 800 000 km de chemins que compte notre pays sont importants tant pour les jeunes que les moins jeunes, pour les ruraux que les citadins en quête d'évasion et de détente.
Depuis les lois de décentralisation de 1983, les chemins ont leur outil de sauvegarde : les plans départementaux des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR). Ces plans préservent les chemins et établissent des itinéraires accessibles à tous, promeneurs du dimanche et sportifs, touristes français et étrangers. Le niveau territorial retenu pour l'exercice de cette responsabilité - à savoir le département - a permis une bonne appropriation du dispositif.
Aujourd'hui âgés de 20 ans, ces plans témoignent d'une réussite éclatante. En effet, bien plus des des départements ont approuvé, modifié ou mis à l'étude des PDIPR. Le réseau français est ainsi le plus dense d'Europe et le mieux balisé.
Et les nouvelles perspectives en matière de décentralisation renforceront encore le rôle des élus en matière de gestion du territoire et de pilotage de ce type d'action.
L'action de la Fédération française de la randonnée pédestre a une valeur exemplaire par la prise de conscience qu'elle entraîne. Si le ministère de l'écologie travaille avec elle depuis plus de 15 ans, c'est bien parce que nous partageons un projet commun : mener une politique cohérente de protection des chemins et sensibiliser les randonneurs à la beauté et à la fragilité des paysages traversés.
Dans ce contexte, je comprends, Monsieur le président, que vous teniez tant à l'idée de mettre en place une sorte d'inventaire et d'observatoire de ce patrimoine.
2. Informer, sensibiliser, éduquer, participer
Je le disais précédemment à propos de la charte de l'environnement, si la société revendique légitimement le droit de vivre dans un environnement préservé, elle ne doit pas pour autant méconnaître ses devoirs. Rappelez-vous l'article 2 de la charte !
Elle a besoin d'être guidée pour modifier ses comportements dans la vie de tous les jours. Le projet pédagogique " un chemin, une école " que la FFRP porte, dans un partenariat exemplaire avec Gaz naturel de France, démontre toute l'utilité et la pertinence de cet accompagnement.
Vous êtes de ceux qui savent convaincre : continuez à utiliser ce savoir sans modération !
3. Développer un tourisme de découverte, respectueux de la nature
Un mot, pour finir, sur le tourisme de nature et de découverte.
Nous savons qu'un environnement préservé est un atout essentiel pour le tourisme.
Or, les pratiques sportives et de loisirs qui se développent aujourd'hui inventent régulièrement de nouveaux modes de fréquentation des sites naturels, ruraux ou forestiers, protégés ou non, montagnards ou littoraux.
Leurs formes sont multiples, parfois contradictoires, alliant la recherche farouche d'autonomie et le besoin de sécurité, l'exigence de la qualité des milieux naturels et l'intensité de la fréquentation, l'exercice de la liberté de chacun et les respect de la propriété d'autrui.
Soumis à ces demandes, le patrimoine naturel et rural en est parfois fragilisé. La pratique des activités physiques et sportives peut se retrouver au cur de conflits d'intérêt. Leur maîtrise passe par un projet territorial cohérent de développement durable, associant conservation du patrimoine, bénéfice économique et concertation avec les usagers et les acteurs locaux.
Le ministère de l'écologie et du développement durable mène depuis de nombreuses années une politique de soutien à un tourisme de nature dans les espaces protégés. En partenariat avec les autres ministères concernés, il encourage aussi, auprès des collectivités locales responsables de développement touristique, la promotion d'un tourisme durable de qualité.
Le ministre des sports y contribue, à travers le comité national des espaces sites et itinéraires des sports de nature et à titre expérimental, au niveau de chaque département, grâce aux commissions départementales des espaces sites et itinéraires des sports de nature (CDESI), dont le cadre juridique pourrait être adapté. Mes services suivent ce dossier avec intérêt.
Monsieur le Président, chers amis, chers enfants,
En France, nous sommes collectivement dépositaires d'un magnifique héritage naturel.
A l'issue de ce colloque, je suis frappée par la convergence de nos approches respectives, qu'elles émanent du MEDD ou de la FFRP, en matière de responsabilisation à l'égard de la nature, comme de protection et de valorisation d'un bien commun.
Je vous remercie de votre engagement total en la matière et suis convaincue que nous cheminerons encore longtemps, côte à côte, sur ce beau et prometteur chemin de randonnée que nous avons entamé ensemble.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 26 novembre 2003)