Synthèse présentée par la présidence de l'UMP, MM. Alain Juppé (président), Jean-Claude Gaudin (vice-président), Philippe Douste-Blazy (secrétaire général), François Baroin (secrétaire général délégué), sur les propositions de l'UMP en vue des élections européennes, intitulée "La France en grand, l'Europe ensemble", au Conseil national de l'UMP, Aubervilliers le 9 mai 2004.

Prononcé le

Circonstance : Réunion du Conseil national de l'UMP à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) le 9 mai 2004

Texte intégral

Le 13 juin 2004, les citoyens des 25 pays membres sont appelés aux urnes pour élire leurs députés européens.
C'est un choix important à plusieurs titres : parce que l'Europe est l'horizon commun de nos peuples ; parce qu'elle est le cadre de décisions qui nous concernent directement et concrètement dans notre vie quotidienne ; parce qu'elle est, enfin, à un tournant de son histoire. L'élargissement, les incertitudes de la situation internationale, la sécurité, la préservation de " modèles " sociaux et environnementaux qui nous sont communs, sont autant d'urgences auxquelles il faut répondre.
Nous croyons, à l'UMP, que l'Europe peut et doit y répondre.
Ce sont nos familles politiques, aujourd'hui unies, qui ont fait l'Europe. Celles de Monet, Schuman et de Gaulle. Forts de cet héritage, nous disons aujourd'hui à nos concitoyens : "Voilà l'Europe que nous voulons". Et nous leur proposons de dire avec nous : "Oui à l'Europe".
1/ Oui à l'élargissement
L'Union européenne est le seul exemple au monde d'une union politique construite pacifiquement et volontairement dans le respect de sa diversité. Le rêve de l'après-guerre, d'un continent où la guerre entre les peuples européens deviendrait inimaginable, est réalisé et la famille européenne est aujourd'hui réunie, aboutissement d'un demi-siècle d'efforts de réconciliation à l'Ouest et de luttes démocratiques à l'Est.
La réintégration des pays européens de l'ancien bloc soviétique ne met pas seulement fin à une situation injuste et douloureusement ressentie. Elle constitue une victoire pour l'Union européenne et pour ses valeurs, elle est le signe que l'Union est un pôle d'attraction politique, économique et culturel sans équivalent.
Cet élargissement du 1er mai 2004 aux dix nouveaux pays membres a donc une vocation politique mais doit être également facteur de dynamisme et de croissance.
La constitution d'un marché unique de 450 millions de consommateurs permettra une forte augmentation des échanges favorables à l'emploi. La France dispose évidemment d'une grande marge de progression sur ces marchés. D'autre part, ce dynamisme économique sera renforcé non seulement par les taux de croissance élevés des nouveaux membres mais aussi par leur aspiration à rattraper notre niveau de vie.
Mais pour rendre cet élargissement totalement bénéfique, deux conditions doivent être réunies:
- La France doit accroître son attractivité économique:
Si l'Europe est devenue le cadre naturel de la vie économique de la France, celle-ci doit d'abord rechercher la performance et la compétitivité. Il faut donc poursuivre l'effort de réforme et de progrès engagé en ce sens par le Gouvernement. La France doit s'adapter aux évolutions liées à l'ouverture économique afin de renforcer son dynamisme économique et sa capacité d'entraînement au cur de l'Europe.
- L'Europe doit se fixer des frontières:
L'Union européenne n'est pas seulement une immense zone de libre échange. Elle constitue une véritable union politique fondée sur des intérêts et des valeurs identiques. Elle doit donc être sûre de ses frontières et les Européens doivent déterminer avec qui ils peuvent mener une politique commune dans des domaines aussi essentiels que la défense et la politique étrangère, la protection sociale, ou les libertés individuelles.
Le 1er mai 2004 l'Union comptera 25 membres, puis 27 en 2007 avec la Bulgarie et la Roumanie, en attendant le jour venu, l'entrée des Etats balkaniques. Au delà de ces frontières, l'Europe ne serait plus l'Europe mais une simple addition d'intérêts disparates, un ensemble déséquilibré sur le plan démographique, un espace économique sans volonté commune et réduit à l'impuissance sur la scène internationale. La Turquie, notamment, n'a donc pas vocation à entrer dans l'Union Européenne.
Il va de soi, en revanche, qu'un partenariat privilégié s'impose avec ce grand pays dont le poids et le rôle sont essentiels au Proche-Orient et en Asie centrale. L'article 56 du projet de Constitution européenne prévoit l'établissement de telles relations privilégiées Il peut également fournir le cadre d'une coopération renouvelée, dans un espace économique européen, par exemple avec les pays du Maghreb auxquels nous lient des liens historiques et humains forts, afin de créer une véritable communauté euro méditerranéenne.
2/ Oui à la Constitution européenne
Une Europe élargie a besoin de règles nouvelles : on ne peut travailler à 25 avec les règles de l'Europe des 6 membres fondateurs. Le projet de Constitution: doit permettre de répondre à trois questions simples Quelles sont les valeurs qui nous rassemblent ? Que voulons-nous faire ensemble ? Qui fait quoi dans l'Union ? Il doit ainsi donner à l'Union européenne l'efficacité et le caractère démocratique qui lui font aujourd'hui défaut. Il donnera aussi corps à l'Europe politique.
Ce projet, dont l'UMP souhaite l'adoption rapide, est largement inspiré par les propositions françaises.
Il apportera plusieurs avancées fondamentales:
- la proclamation de valeurs communes:
L'Europe est attachée à la préservation et à la défense des valeurs communes de l'Union qui reposent sur deux piliers: l'Etat de droit et la démocratie. Il s'agit des valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d'égalité de solidarité et de droits de l'homme De plus, pour la première fois, le plein emploi et le progrès social sont affirmés comme objectifs communs.
Ce que nous voulons, c'est une Europe qui mette sa puissance au service de ces valeurs, pour construire son propre modèle d'humanisme européen et de liberté.
- l'affichage d'un projet politique
La volonté de l'UMP est de construire une Europe puissance, au service de la paix dans le cadre d'un partenariat équilibré avec les Etats-Unis. Nous refusons que l'Europe se limite à un simple espace économique qui aurait vocation à s'étendre indéfiniment, diluant ainsi le cur de notre projet politique. Il s'agit de bâtir une "Europe européenne" capable d'agir en toute indépendance lorsqu'elle le souhaite, d'agir efficacement sur les grands problèmes du monde et de faire entendre sa voix dans le monde.
- l'affirmation de la démocratie sur la technocratie
L'Union doit réformer son mode fonctionnement car on ne gouverne pas à quinze de la même façon qu'à vingt-cinq. Le projet de Constitution permet d'accomplir des progrès substantiels sur le plan de la lisibilité et de la démocratie. Le Président du Conseil Européen sera élu par celui-ci pour une durée stable. Le Président de la Commission proposé par le Conseil européen devra faire l'objet d'un vote de confiance du Parlement européen. Un droit de pétition permettra aux citoyens d'intervenir directement auprès des institutions européennes.
L'UMP propose par ailleurs qu'un Congrès annuel réunissant des représentants des parlements nationaux et du Parlement européen débatte des grandes orientations de la politique européenne.
- un partage clair entre les compétences de l'Union et celles des Etats
La Constitution précise les compétences respectives de l'Europe et des Etats. Dès lors, "Bruxelles" ne pourra en aucune façon empiéter sur le droit des Etats. Les Parlements nationaux auront la responsabilité du contrôle du principe de subsidiarité.
3) Oui à une Europe concrète et proche des citoyens
Pour que les citoyens européens se sentent pleinement concernés par les élections du 13 juin prochain, il faut rendre l'Europe plus concrète à leurs yeux, en soulignant ses apports et ses objectifs pour leur vie quotidienne.
a) Plus de sécurité
L'attentat de Madrid du 11 mars dernier a brutalement montré à l'opinion la nécessité impérieuse d'une sécurité à l'échelle européenne. Eurojust et Europol, systèmes d'harmonisation de nos services de police et de justice, doivent nous permettre de lutter plus efficacement contre les réseaux terroristes et les mafias. La désignation d'un "Monsieur terrorisme" à l'échelle européenne est une avancée notable. Le mandat d'arrêt européen simplifiera l'extradition des personnes en Europe. L'UMP souhaite également la mise en place rapide d'un parquet européen pour rechercher, poursuivre et faire juger les auteurs de crimes graves relevant de plusieurs Etats membres.
L'Europe doit aussi permettre une meilleure coordination de la lutte contre l'immigration clandestine et assurer une gestion humaine et cohérente de l'immigration régulière afin de ne pas déstabiliser les grands équilibres sociologiques. Cette politique devra s'accompagner d'une harmonisation du droit d'asile.
Enfin, le contrôle des frontières extérieures de l'Union doit être renforcé par la création d'un corps de gardes frontières européen pour lutter contre tous les trafics.
Plus de sécurité, c'est aussi la mise en place d'une défense commune. Il ne peut pas y avoir d'Europe politique sans bras armé, sans défense européenne. L'UMP soutient la mise en place de l'Agence Européenne de l'Armement, la constitution d'une capacité militaire européenne, la clause de défense mutuelle et la clause de solidarité.
Tirant les leçons de la réussite des opérations militaires en Macédoine ou au Congo, nous approuvons la création d'un centre européen de planification et de commandement autonome, en cohérence avec le dispositif de l'OTAN. L'impulsion donnée en matière de défense commune par l'Allemagne, la France et Royaume-Uni doit être poursuivie.
L'UMP est en effet favorable à la notion de " groupe pionnier " proposée par Jacques Chirac afin d'aller plus vite, plus loin, avec " ceux qui le peuvent et ceux qui le veulent ". Ces groupes pionniers ont vocation à montrer la voie et à accueillir ultérieurement tous ceux qui voudront les rejoindre.
Enfin, l'Europe sera d'autant plus forte que sa crédibilité sur la scène internationale sera assurée. Elle le sera par la voix du Président du Conseil, élu pour 2 ans et demi, et par la création d'un véritable ministre européen des affaires étrangères. Ces propositions contenues dans le projet de Constitution permettront enfin à l'Europe de s'exprimer d'une seule voix.
b) Plus de croissance et d'emploi
La suppression des barrières douanières a multiplié les échanges et donc développé l'emploi. Depuis 1992, ce marché commun a entraîné la création de 2.5 millions d'emplois et de 900 milliards d'euros de richesse nette, soit en moyenne 5700 euros par ménage. Ces gains considérables reposent sur l'intégration et la simplification : la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux, l'harmonisation et la reconnaissance mutuelle des normes techniques, autant de progrès permis par la construction européenne.
En ce sens, l'élargissement du 1er mai 2004 ouvre de nouveaux horizons.
Réussir le pari d'une Europe de la croissance, c'est permettre au moins 1 % de PNB de croissance additionnelle et 3 millions d'emplois. Pour relever ce défi, plusieurs objectifs doivent être réalisés:
- Le succès de l'euro devrait s'accompagner d'une meilleure coordination des politiques économiques et sociales sous l'impulsion d'un Ministre européen de l'économie, chargé de veiller à la concurrence mais en intégrant la préoccupation de la croissance et de l'emploi. Dans le même esprit, nous proposons de renforcer la coordination et le dialogue entre la Banque Centrale Européenne et le gouvernement économiques de la zone euro, en instaurant une relation de confiance et en faisant prévaloir l'objectif de croissance et d'emploi autant que celui de la stabilité monétaire et de la lutte contre l'inflation
- Pour accompagner l'initiative de croissance, nous proposons un nouvel élan fondé sur une véritable politique industrielle et des projets technologiques d'avenir. Les programmes de recherche et de grands travaux (tels que les liaisons TGV, Ariane, Galileo, ITER) doivent être multipliés. Ils pourraient être financés par des emprunts de l'Union.
- En matière de recherche, nous voulons respecter la stratégie de Lisbonne et inciter chaque Etat-membre à consacrer au moins 3% de son PIB à sa recherche. La création de pôles d'excellence régionaux reliant les entreprises et la recherche, associant le public et le privé, doit être privilégiée.
C) Plus d'humanisme
Le modèle européen que nous voulons construire repose sur des valeurs d'humanisme, de liberté et de solidarité. Il faut que ces valeurs communes se traduisent concrètement dans quatre domaines :
- Le progrès social
L'Europe que nous voulons ne doit pas être guidée uniquement par des intérêts économiques, mais tout autant par des valeurs de progrès social et de plein emploi.
Pour réhabiliter l'Europe aux yeux des citoyens, il faut lui donner une dimension plus solidaire à travers une Europe sociale. Il y a des critères de convergence en matière budgétaire, il faut aussi les mettre en uvre dans le domaine social, en matière de niveau des retraites, de protection de l'enfance, de promotion de la famille ou de droits du travailleur.
- L'expression des diversités
L'Europe ne peut se concevoir sans le respect des identités, des langues, des cultures et des traditions propres à nos nations. S'il y a bien une culture européenne, elle se caractérise par sa diversité et sa richesse. Il nous faut promouvoir cette diversité qui n'est pas réductible à des considérations économiques et marchandes. Le principe de diversité culturelle, auquel la France est particulièrement attachée et qui figure dans le projet constitutionnel, est un élément essentiel du respect de nos identités.
Face à la mondialisation, l'Union européenne est un atout pour promouvoir la création et diffuser la production culturelle européenne face, notamment, à celle qui nous vient d'outre-Atlantique.
- L'exigence environnementale
L'environnement est devenue l'une des préoccupations majeures des citoyens européens. Le changement climatique, la perte de biodiversité, la pollution et la surexploitation des ressources naturelles sont autant de problèmes qui inquiètent de plus en plus les Européens. Aujourd'hui, 80% de notre législation environnementale étant d'origine européenne, nous devons encourager les avancées concrètes européennes telles que l'obligation d'utilisation des pots catalytiques limitant la pollution atmosphérique, le renforcement de la qualité des eaux, le recyclage des déchets ménagers
Protéger l'environnement est un devoir moral vis-à-vis des générations à venir, car " nous n'héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants " (Saint-Exupéry).
- Le rêve européen pour la jeunesse d'Europe
L'Europe est une magnifique idée. Elle est synonyme de paix, de démocratie et de prospérité. Le 1er mai, elle aura réussi à accomplir ce rêve dans ses propres frontières. Cependant, elle doit aussi faire rayonner ce rêve dans le monde. Elle doit porter haut ses valeurs représentées par son attachement au protocole de Kyoto, à la Cour Pénale Internationale, à la réduction de la fracture Nord-Sud, à l'action humanitaire, au respect du rôle de l'ONU.
Le citoyen européen, notamment le jeune citoyen, se sentira plus concerné s'il voit concrètement la manifestation de la solidarité européenne. Nous proposons donc de créer un corps européen de sécurité civile pour uvrer ensemble contre les incendies de forêts et un service renforcé de jeunes coopérants européens. Nous proposons de développer les coopérations transfrontalières nettement insuffisantes aujourd'hui. Nous proposons enfin de donner une impulsion plus grande au programme Erasmus, de créer des lycées européens et des universités et d'offrir une carte jeune ( 12-25 ) permettant des transports à prix très réduits dans toute l'Europe pendant un an.
L'UMP est résolument favorable à la Fédération d'Etats-Nations définie par Jacques Chirac, Valéry Giscard d'Estaing, Helmut Kohl ou Jacques Delors.
Selon le Préambule de la Constitution, l'Europe représente une construction originale, unique dans le monde, " respectant l'identité des Nations ", mais résolue "à forger son destin commun".
Comme le disait le poète portugais Fernando Pessoa " notre langue est notre première maison. Nous devons d'abord l'affirmer chez nous au sein de l'EuropeNous voulons une Europe qui parle d'une seule et même voix, mais dans toutes ses langues, de toutes ses âmes ".

(source http://www.u-m-p.org, le 10 mai 2004)