Texte intégral
Mesdames,
Messieurs,
Le Botswana est malheureusement un des pays les plus durement touchés par la pandémie du sida. Je voudrais donc rappeler ici même, sur cette terre qui paye un si lourd tribut à ce fléau, l'engagement de la France en faveur du développement du continent africain et de la lutte contre cette terrible maladie.
Certes, nous savons que l'épidémie est mondiale, qu'elle se développe rapidement en Asie et en Europe de l'Est, que nous devons combattre partout ce qui est aujourd'hui devenu un "mal public mondial". Mais nulle part plus qu'ici se manifeste l'urgence à relever le défi. L'Afrique est, et doit rester, une priorité en matière d'aide au développement en général, et en particulier pour ce qui concerne le sida. Nous y veillerons.
Dès le milieu des années 80, La France s'est mobilisée dans la lutte contre le sida et en a fait la première priorité de sa coopération santé. Des 1997, alors que les trithérapies venaient à peine d'être mises à la disposition des malades français, le président de la République, M. Jacques Chirac, lançait à Abidjan un appel à la communauté internationale pour qu'elle facilite aux malades des pays du Sud l'accès aux anti-rétroviraux.
Pour la France, c'était d'abord une question de dignité et d'égalité devant la maladie. Mais c'était aussi une question d'efficacité, car nous savons bien que seule une approche globale, conjuguant prévention et accès aux soins peut permettre d'enrayer l'expansion de cette maladie. Sur ce point, nous ne pouvons que nous féliciter de l'initiative "3 par 5" lancée par l'OMS et l'ONUSIDA à l'automne dernier.
La France se félicite aussi que cette approche globale fasse aujourd'hui l'objet d'un consensus international, comme elle se félicite de la mobilisation politique croissante et de la progression sur les dernières années des ressources engagées pour combattre ce fléau. Seul un effort massif et un engagement collectif et déterminé de tous - organisations multilatérales, agences bilatérales, gouvernements du Nord et du Sud, entreprises privées, fondations, organisations confessionnelles et ONG - peut nous permettre d'être à la hauteur du défi qui nous est lancé. Mais cette mobilisation multiforme d'acteurs divers pose un autre défi, redoutable : celui de la coordination et de la gouvernance, au niveau global comme au niveau local.
En effet, la multiplication des sources de financement et des acteurs porte en soi le risque d'une dispersion de nos efforts et d'une perte d'efficacité.
C'est là une des raisons qui a conduit l'Assemblée générale des Nations unies en juin 2001 et le Sommet du G8 en juillet de la même année à lancer l'idée du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Pour changer d'échelle et éviter la dispersion traditionnelle des canaux d'acheminement de l'aide, il nous fallait un dispositif nouveau.
Il s'agit d'une réelle innovation, consistant à mettre en place un instrument de financement, gouverné par un conseil d'administration qui, non seulement associe dans une stricte parité gouvernements du Sud et du Nord, ce qui est une situation assez rare dans les organisations internationales, mais qui implique aussi des représentants de la société civile : entreprises, fondations, ONG du Nord et du Sud, et représentants des personnes affectées par les maladies. Là aussi, c'est un choix novateur comme est novateur le fait d'avoir élu à la vice-présidence du Conseil d'administration une représentante des ONG.
La France, cohérente dans son engagement sur la lutte contre le sida et dans sa volonté de s'inscrire dans une démarche multilatérale, a décidé d'allouer une contribution exceptionnelle au Fonds mondial, à savoir 450 millions d'euros sur les années 2004-2006, ce qui en fait le deuxième contributeur. D'autres ont fait des choix différents, en privilégiant d'autres organisations multilatérales ou la voie bilatérale.
En tout état de cause, il me semble indispensable d'assurer sur le terrain une forte coordination dans la gestion de l'aide. Là encore, le Fonds mondial a innové en créant les CCM, les mécanismes de coordination pays, qui associent l'ensemble des acteurs. Je veux aussi souligner notre plein soutien à l'initiative "trois principes" ou "Three one" en anglais, lancée par l'ONUSIDA. Il faut en effet s'attacher à mettre en place au niveau des pays un cadre unique d'intervention et de pilotage des programmes de lutte.
Ceci étant rappelé, il n'en reste pas moins que cinq grands défis nous attendent et je voudrais préciser la manière dont, à mon sens, nous devons y faire face.
- Tout d'abord, le défi de la mobilisation des ressources. Il nous faut, bien évidemment, rassembler de nouvelles ressources. C'est bien pourquoi le président Jacques Chirac, lors de la dernière réunion du G8, a lancé un appel à la mobilisation de 3 milliards de dollars de contributions annuelles en faveur du Fonds mondial : un milliard en provenance des Etats-Unis, un deuxième de l'Europe et un troisième des autres bailleurs de fonds, publics et privés. Cet appel a été relayé et soutenu par le président Romano Prodi. Mais nous sommes encore loin d'atteindre cet objectif et l'Europe, comme les Etats-Unis, ont des efforts à fournir pour y parvenir.
- En second lieu, le défi de la coordination et de l'harmonisation des procédures de lutte pour un maximum d'efficacité et d'impact. La question, en effet, n'est pas uniquement de mobiliser toujours plus de ressources. Notre responsabilité est aussi de nous assurer que l'argent dépensé est utilisé avec le maximum d'efficacité pour diminuer l'impact de la maladie et soulager les malades.
- Le troisième défi concerne la recherche scientifique. Sur ce point, il nous paraît essentiel de renforcer les efforts de recherche sur un vaccin et de mieux coordonner celle-ci. Dans ce domaine, nous devons également faire preuve de capacité d'innovation et mieux organiser nos efforts communs en vue d'un maximum d'efficacité.
- Le quatrième défi est celui de l'accès aux médicaments et particulièrement aux trithérapies. Sur ce point, des progrès considérables ont été accomplis ces dernières années, qu'il s'agisse de la baisse sans précédent des prix des médicaments, de l'arrivée des génériques et de la mise sur le marché de traitements simplifiés facilitant leur administration ou encore des dérogations introduites dans les accords sur la propriété intellectuelle. Ce sont là des étapes majeures qu'il convient de matérialiser dans les faits. Il appartient notamment aux pays africains d'adapter leurs législations nationales et leurs accords régionaux pour les mettre en possibilité d'utiliser les flexibilités offertes.
- le dernier défi et non le moindre est de mobiliser toutes les énergies autour d'un but commun : vaincre la pandémie. Sur ce point, le développement des partenariats publics-privés est un enjeu fondamental. Il nous faut innover aussi dans la recherche d'une meilleure articulation de nos actions avec la société civile, les ONG et notamment les associations de personnes infectées dont on sait le rôle irremplaçable qu'elles jouent dans la mobilisation des consciences, la prévention, la lutte contre la stigmatisation, enfin l'accompagnement psychosocial des malades.
Prenant la parole pour la première fois sur ce sujet depuis ma prise de fonction, ici en Afrique, je tenais particulièrement à saluer leur engagement et leur témoigner mon plein soutien.
Je vous remercie.
(Sour http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 mai 2004)
Messieurs,
Le Botswana est malheureusement un des pays les plus durement touchés par la pandémie du sida. Je voudrais donc rappeler ici même, sur cette terre qui paye un si lourd tribut à ce fléau, l'engagement de la France en faveur du développement du continent africain et de la lutte contre cette terrible maladie.
Certes, nous savons que l'épidémie est mondiale, qu'elle se développe rapidement en Asie et en Europe de l'Est, que nous devons combattre partout ce qui est aujourd'hui devenu un "mal public mondial". Mais nulle part plus qu'ici se manifeste l'urgence à relever le défi. L'Afrique est, et doit rester, une priorité en matière d'aide au développement en général, et en particulier pour ce qui concerne le sida. Nous y veillerons.
Dès le milieu des années 80, La France s'est mobilisée dans la lutte contre le sida et en a fait la première priorité de sa coopération santé. Des 1997, alors que les trithérapies venaient à peine d'être mises à la disposition des malades français, le président de la République, M. Jacques Chirac, lançait à Abidjan un appel à la communauté internationale pour qu'elle facilite aux malades des pays du Sud l'accès aux anti-rétroviraux.
Pour la France, c'était d'abord une question de dignité et d'égalité devant la maladie. Mais c'était aussi une question d'efficacité, car nous savons bien que seule une approche globale, conjuguant prévention et accès aux soins peut permettre d'enrayer l'expansion de cette maladie. Sur ce point, nous ne pouvons que nous féliciter de l'initiative "3 par 5" lancée par l'OMS et l'ONUSIDA à l'automne dernier.
La France se félicite aussi que cette approche globale fasse aujourd'hui l'objet d'un consensus international, comme elle se félicite de la mobilisation politique croissante et de la progression sur les dernières années des ressources engagées pour combattre ce fléau. Seul un effort massif et un engagement collectif et déterminé de tous - organisations multilatérales, agences bilatérales, gouvernements du Nord et du Sud, entreprises privées, fondations, organisations confessionnelles et ONG - peut nous permettre d'être à la hauteur du défi qui nous est lancé. Mais cette mobilisation multiforme d'acteurs divers pose un autre défi, redoutable : celui de la coordination et de la gouvernance, au niveau global comme au niveau local.
En effet, la multiplication des sources de financement et des acteurs porte en soi le risque d'une dispersion de nos efforts et d'une perte d'efficacité.
C'est là une des raisons qui a conduit l'Assemblée générale des Nations unies en juin 2001 et le Sommet du G8 en juillet de la même année à lancer l'idée du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Pour changer d'échelle et éviter la dispersion traditionnelle des canaux d'acheminement de l'aide, il nous fallait un dispositif nouveau.
Il s'agit d'une réelle innovation, consistant à mettre en place un instrument de financement, gouverné par un conseil d'administration qui, non seulement associe dans une stricte parité gouvernements du Sud et du Nord, ce qui est une situation assez rare dans les organisations internationales, mais qui implique aussi des représentants de la société civile : entreprises, fondations, ONG du Nord et du Sud, et représentants des personnes affectées par les maladies. Là aussi, c'est un choix novateur comme est novateur le fait d'avoir élu à la vice-présidence du Conseil d'administration une représentante des ONG.
La France, cohérente dans son engagement sur la lutte contre le sida et dans sa volonté de s'inscrire dans une démarche multilatérale, a décidé d'allouer une contribution exceptionnelle au Fonds mondial, à savoir 450 millions d'euros sur les années 2004-2006, ce qui en fait le deuxième contributeur. D'autres ont fait des choix différents, en privilégiant d'autres organisations multilatérales ou la voie bilatérale.
En tout état de cause, il me semble indispensable d'assurer sur le terrain une forte coordination dans la gestion de l'aide. Là encore, le Fonds mondial a innové en créant les CCM, les mécanismes de coordination pays, qui associent l'ensemble des acteurs. Je veux aussi souligner notre plein soutien à l'initiative "trois principes" ou "Three one" en anglais, lancée par l'ONUSIDA. Il faut en effet s'attacher à mettre en place au niveau des pays un cadre unique d'intervention et de pilotage des programmes de lutte.
Ceci étant rappelé, il n'en reste pas moins que cinq grands défis nous attendent et je voudrais préciser la manière dont, à mon sens, nous devons y faire face.
- Tout d'abord, le défi de la mobilisation des ressources. Il nous faut, bien évidemment, rassembler de nouvelles ressources. C'est bien pourquoi le président Jacques Chirac, lors de la dernière réunion du G8, a lancé un appel à la mobilisation de 3 milliards de dollars de contributions annuelles en faveur du Fonds mondial : un milliard en provenance des Etats-Unis, un deuxième de l'Europe et un troisième des autres bailleurs de fonds, publics et privés. Cet appel a été relayé et soutenu par le président Romano Prodi. Mais nous sommes encore loin d'atteindre cet objectif et l'Europe, comme les Etats-Unis, ont des efforts à fournir pour y parvenir.
- En second lieu, le défi de la coordination et de l'harmonisation des procédures de lutte pour un maximum d'efficacité et d'impact. La question, en effet, n'est pas uniquement de mobiliser toujours plus de ressources. Notre responsabilité est aussi de nous assurer que l'argent dépensé est utilisé avec le maximum d'efficacité pour diminuer l'impact de la maladie et soulager les malades.
- Le troisième défi concerne la recherche scientifique. Sur ce point, il nous paraît essentiel de renforcer les efforts de recherche sur un vaccin et de mieux coordonner celle-ci. Dans ce domaine, nous devons également faire preuve de capacité d'innovation et mieux organiser nos efforts communs en vue d'un maximum d'efficacité.
- Le quatrième défi est celui de l'accès aux médicaments et particulièrement aux trithérapies. Sur ce point, des progrès considérables ont été accomplis ces dernières années, qu'il s'agisse de la baisse sans précédent des prix des médicaments, de l'arrivée des génériques et de la mise sur le marché de traitements simplifiés facilitant leur administration ou encore des dérogations introduites dans les accords sur la propriété intellectuelle. Ce sont là des étapes majeures qu'il convient de matérialiser dans les faits. Il appartient notamment aux pays africains d'adapter leurs législations nationales et leurs accords régionaux pour les mettre en possibilité d'utiliser les flexibilités offertes.
- le dernier défi et non le moindre est de mobiliser toutes les énergies autour d'un but commun : vaincre la pandémie. Sur ce point, le développement des partenariats publics-privés est un enjeu fondamental. Il nous faut innover aussi dans la recherche d'une meilleure articulation de nos actions avec la société civile, les ONG et notamment les associations de personnes infectées dont on sait le rôle irremplaçable qu'elles jouent dans la mobilisation des consciences, la prévention, la lutte contre la stigmatisation, enfin l'accompagnement psychosocial des malades.
Prenant la parole pour la première fois sur ce sujet depuis ma prise de fonction, ici en Afrique, je tenais particulièrement à saluer leur engagement et leur témoigner mon plein soutien.
Je vous remercie.
(Sour http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 mai 2004)