Déclaration de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de budget 2004 du ministère de la culture et de la communication, à l'Assemblée nationale à Paris le 24 octobre 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation du projet de budget 2004 à l'Assemblée nationale à Paris le 24 octobre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur spécial,
Madame la Rapporteur pour avis,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Le projet de Budget 2004 que j'ai l'honneur de vous présenter, marque, comme vous le savez, la priorité que le Gouvernement accorde à la Culture. Il permet de respecter les engagements pris par le ministère de la Culture, et de mettre en oeuvre les priorités que je lui ai désignées pour 2004. Ce projet de budget s'accompagne par ailleurs d'un effort de réforme du ministère dans son ensemble, une réforme de ses structures comme de ses pratiques en matière de gestion de crédits, et cela dans le sens d'une plus grande responsabilité et d'une plus grande efficacité.
C'est par cet effort de réforme que je souhaite aujourd'hui commencer mon propos. J'ai l'ambition de moderniser mon ministère et d'en faire un outil plus efficace au service de l'action de l'Etat.
Il est, en effet, de notre responsabilité, compte tenu plus particulièrement des contraintes budgétaires qui pèsent actuellement sur notre pays, d'éliminer les dépenses inutiles et redondantes. C'est, pour le Ministre de la Culture et de la Communication, comme pour l'ensemble des membres du Gouvernement, un devoir à l'égard de la confiance que la Nation nous a marquée.
Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a entrepris, à cet, égard un vaste exercice de réforme de la structure et de la gestion de l'Etat. C'est une réforme à laquelle j'attache une grande importance. C'est la raison pour laquelle le ministère de la Culture s'y est engagé de façon délibérée. Vous avez pu mesurer l'ampleur de cet exercice à la lecture de la note de stratégie ministérielle, qui vous a été transmise par le Premier Ministre.
C'est à ce titre que le ministère de la Culture prend part à l'effort général de maîtrise de l'emploi public. Le ministère de la Culture propose, dans le cadre du budget 2004, le non remplacement de 100 départs à la retraite, soit un départ à la retraite sur deux, ce qui représente, je le signale, 2% de l'effort global du gouvernement, alors que l'effectif du Ministère de la Culture ne pèse qu'environ 0,8% dans l'effectif de la fonction publique (ministères civils et établissements publics). J'ai cependant veillé, cela va de soi, à ce que les emplois postés des établissements recevant du public ne soient pas concernés mécaniquement, de façon à ce que rien ne vienne troubler le bon fonctionnement de ces établissements. Il faut, en effet, savoir concilier la fermeté des objectifs avec l'intelligence de leur mise en oeuvre.
Je me suis également engagé, j'insiste sur ce point, à promouvoir la meilleure gestion de nos établissements publics.
L'année 2004 marquera ainsi la mise en oeuvre effective de la réforme des musées nationaux. La situation financière de la Réunion des musées nationaux aurait dû, je tiens à le dire, alerter mes prédécesseurs depuis longtemps. C'est désormais chose faite. 2004 marquera bien la conclusion de la réforme de cet établissement public. Le décroisement des financements entre la Réunion des Musées Nationaux et les musées nationaux sera effectif dès le 1er janvier 2004, soutenu par la création d'établissements publics pour Orsay et pour Guimet. Ainsi chacun sera en position d'assumer de façon adulte et moderne ses responsabilités.
Je poursuivrai, en outre, la politique de contractualisation avec nos établissements, engagée en 2003 avec la signature du contrat d'objectifs et de moyens du Louvre. En 2004, un contrat du même type sera signé avec la BNF, sur la base de l'audit conduit par un cabinet indépendant.
Nous devons, par ailleurs, nous attacher à réformer le ministère lui-même afin de lui permettre de retrouver ses marges de manoeuvre et une réelle capacité dynamique d'initiative.
C'est un ministère un peu fatigué que j'ai trouvé à mon arrivée en 2002. Un ministère qui depuis quelques années empilait les actions, les initiatives, les engagements sans évaluer, sans remettre en cause, sans se donner les moyens de renouveler son action. Le résultat de cette forme de consentement à l'égard de la sclérose a été le risque incontestable d'une certaine faillite des missions essentielles de l'Etat.
C'est la raison pour laquelle j'ai engagé, dès 2003, un exercice de redéploiement des crédits, les directions étant toutes invitées à vérifier de façon scrupuleuse l'opportunité de chacune des dépenses qu'elles gèrent. J'en renouvelle l'engagement devant vous, d'ici 2006, 10% des crédits du ministère de la culture, c'est-à-dire de son administration centrale, de son action territoriale, de ses établissements publics, auront été réorientés vers des actions nouvelles et prioritaires.
Cet exercice est en parfaite cohérence avec l'esprit de la loi organique sur les lois de finances, la " LOLF ". Le ministère de la Culture, je le souligne, s'attèle avec un zèle tout particulier à sa mise en oeuvre. Un grand quotidien du soir signalait d'ailleurs récemment que ce ministère était l'un des rares à avoir saisi cette occasion pour mener une réflexion approfondie sur ses missions et sur son organisation.
L'Etat doit cependant, philosophiquement et politiquement, se départir de cette sensation qu'il a parfois eu d'être dans notre pays l'alpha et l'oméga de toute initiative culturelle. Il doit apprendre à mieux mesurer sa responsabilité à l'égard de la dynamisation et de la coordination de l'ensemble des actions qui s'engagent dans ce domaine à l'initiative tant des collectivités locales que du corps social lui-même.
Le ministère de la Culture doit, pour cette raison, s'attacher à mieux développer la rigueur de l'articulation cohérente entre les missions de l'Etat et celles des collectivités locales. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai le rôle essentiel que jouent ces collectivités dans la vie culturelle de notre pays. Je vous l'ai dit, je vous le rappelle, et vous le savez, cette préoccupation, et notamment celle de la décentralisation, ne signifient pas pour autant le parti pris d'un désengagement de l'Etat, mais bien au contraire le souci de promouvoir globalement une meilleure coordination de l'initiative publique.
C'est la même préoccupation qui anime les choix que le gouvernement a fait et que le Parlement a consacré par la loi du 1er août sur le mécénat. Ce qui a été fait pour les trésors nationaux est, vous le savez, remarquable. Les acquisitions qui ont déjà été faites, en application de l'extension de la loi Musée du 4 janvier 2002, ont permis un formidable enrichissement des collections publiques, qui, je l'observe, marque un accroissement spectaculaire de la capacité d'acquisition réelle de nos musées, bien au-delà de leur capacité budgétaire.
C'est dans ce cadre de réforme que s'inscrit le projet de Budget pour 2004. Il permet, je vous l'ai dit, au Gouvernement de tenir ses engagements.
La baisse optique du budget 2003 marquait, vous vous en souvenez, le choix du ministère de la Culture d'être transparent sur la réalité de ses besoins. Je tenais, en effet, à rompre avec la pratique de " bourrage " de crédits non consommés, pratique qui a pendant longtemps fait croire à une hausse des ressources, alors même que les marges de manoeuvre culturelles se tassaient. C'est la raison pour laquelle j'avais proposé l'abattement, en 2003, de 200M d'euros de crédits de paiement.
Certains esprits pessimistes n'avaient alors pas voulu entendre mes arguments. Ils nous avaient également annoncé une impasse pour le budget 2004. La qualité de l'exécution du budget 2003, comme le projet de budget 2004, leur donnent très heureusement tort.
En 2003, le ministère de la Culture aura consommé au moins 160 M d'euros de plus qu'en 2002, et 240 M d'euros de plus qu'en 2001. Il n'a, par ailleurs, subi aucune annulation budgétaire, alors que, je vous le rappelle, 173 M d'euros de crédits avaient été annulés entre 1997 et 2001.
Le Projet de budget pour 2004 prévoit, en outre, de reconstituer, comme je m'y étais engagé, les crédits de paiement, qui croissent, vous le noterez, de plus de 100M. Le ministère de la Culture dispose ainsi des moyens nécessaires pour poursuivre toutes les actions qu'il a mises en oeuvre. A ces crédits de loi de finances s'ajouteront, en effet, 100M d'euros de reports, dernier héritage de la gestion peu rigoureuse que j'évoquais en commençant mon propos.
Le projet de budget 2004, au delà de ces engagements, permettra de répondre aux priorités que j'ai fixées.
A tous ceux qui, au cours de ces derniers mois, ont accusé le gouvernement de procéder à un désengagement de l'Etat, je réponds aujourd'hui que ce projet de budget est bien une preuve supplémentaire de la volonté du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin de réaffirmer les missions de l'Etat dans le domaine culturel. Pour marquer son engagement envers la culture, le Gouvernement ne se contente pas de mots, il engage aussi les moyens nécessaires pour répondre à de vraies priorités.
Permettez-moi d'évoquer ici quelques unes de ces priorités. Elles s'articulent autour de trois grandes perspectives : le soutien à la création, la démocratisation de l'accès à la culture et la protection du patrimoine.
Tout d'abord, le soutien à la création.
Ce soutien s'exprime d'abord par la confirmation de l'aide au développement du spectacle vivant. Avec un budget, en 2004, de 741 M d'euros (hors dépenses de personnel), le spectacle vivant est bien le secteur le plus soutenu du ministère de la Culture. Il connaîtra une nouvelle hausse de 4,4% en 2004, hausse, elle aussi, la plus importante du budget du ministère. Cette hausse permettra notamment de respecter les engagements pris à l'égard de la création, conformément au souhait du Président de la République, le 14 juillet dernier.
Ce soutien à la création doit aussi se traduire par une attention plus forte à l'égard de l'art contemporain, secteur trop souvent négligé. Les investissements, en particulier, augmenteront de près de 30% par rapport à 2003. Ils se porteront très largement sur la rénovation des installations des écoles régionales et municipales d'arts plastiques, et sur l'affermissement du réseau de diffusion des arts plastiques, et cela sur l'ensemble du territoire. C'est la raison pour laquelle je suis très attaché à ce que les FRAC, dont nous avons célébré le vingtième anniversaire, jouent un rôle essentiel dans cette politique de diffusion. Ils bénéficieront de cet effort.
Evoquons maintenant le deuxième grand objectif dont je vous parlais, la démocratisation de l'accès à la culture et à la création.
J'ai, vous le savez, déjà engagé plusieurs projets spécifiques. Dans le domaine du livre et de la lecture, en particulier, j'ai annoncé la création d'une nouvelle génération de médiathèques de proximité, les " Ruches ", destinées aux zones rurales et aux banlieues. Ce programme, qui rencontre d'ores et déjà un vif succès, avec près de 60 projets déposés en 2003, bénéficiera en 2004 d'une dotation de 10,5M d'euros qui viendront compléter les moyens mobilisés par les collectivités locales partenaires. C'est ainsi que seront ouvertes, dès 2004, les premières ruches, notamment celle de Saint-Seurin-sur-L'Isle, en Gironde, et celle de Merdrignac, dans les Côtes d'Armor. Dans le domaine du spectacle vivant, 2004 verra le financement, aux côtés des collectivités territoriales concernées, de deux zéniths nouveaux, l'un à Saint Etienne, l'autre à Amiens.
Au-delà de ces exemples, je vous signale que le projet de budget 2004 exprime bien l'ambition que j'ai désignée à l'amélioration de l'aménagement culturel du territoire. En 1998, 75% de l'investissement dans des équipements culturels profitaient aux grands projets nationaux à Paris. En 2004, près de 60% de ces mêmes financements iront à des projets menés en région aux côtés des collectivités locales.
S'agissant du troisième grand objectif, la protection du Patrimoine, et dans ce même souci de rééquilibrage, j'ai souhaité renforcer les investissements en direction des monuments historiques en région. Le précédent gouvernement n'avait pas pris la mesure de l'état sanitaire très préoccupant de nombre de monuments dont la dégradation s'est développée de façon inquiétante. J'ai présenté, vous le savez, au conseil des ministres le 17 septembre dernier un plan national pour le patrimoine qui propose de consacrer d'avantage de crédits à la restauration des monuments en région, avec une augmentation de 10% en 2004 de l'effort de l'Etat, étant entendu que cet effort se poursuivra au cours des prochaines années. Il permettra de sauver les monuments en péril, qu'ils soient la propriété de l'Etat, d'autres collectivités publiques ou privées. C'est ainsi que les Cathédrales de Chartres, Reims, Strasbourg et Bourges, le Château des ducs de Bretagne, à Nantes, le Château de Saumur, le Château de Lunéville ou encore celui de Dampierre-sur-Boutonne, bénéficieront de ces nouveaux crédits. La protection et la mise en valeur de notre patrimoine, voilà bien un enjeu fondamental pour notre mémoire, mais aussi pour l'attractivité de notre pays. Je profite de notre débat, M le Rapporteur spécial, pour saluer le rapport que vous avez présenté sur ce thème au Premier Ministre.
***
C'est donc, Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur spécial, Madame la Rapporteur pour avis, Mesdames et Messieurs les Députés, un Ministre reconnaissant des arbitrages rendus par le Premier Ministre en sa faveur, confiant dans le soutien du Parlement, et conscient de la responsabilité qui est attendue de lui qui se présente aujourd'hui devant vous.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 27 octobre 2003)