Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, dans "Le Figaro" du 29 octobre 2003, sur l'enjeu des référendums portant sur l'avenir institutionnel des Antilles.

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LE FIGARO. - Le gouvernement va-t-il prendre position pour le oui, comme cela avait été le cas pour la Corse ?
Brigitte GIRARDIN. - Non. Le gouvernement est dans une logique différente de celle de la Corse. Outre-mer, notre projet, c'était de réviser la Constitution pour donner aux collectivités ultramarines plus de marges de manoeuvre dans la sécurité d'un ancrage renforcé à la République, ce qui a été fait en mars 2003. C'est ensuite dans ce cadre constitutionnel rénové qu'il appartient aux collectivités d'outre-mer et à elles seules de faire des propositions d'évolutions statutaires ou institutionnelles, si elles le souhaitent. A partir de là, on le voit bien, nous sommes dans un schéma différent de celui de la Corse où le gouvernement avait un projet pour lequel il avait fait campagne.
Est-ce à dire que cette évolution statutaire ne représente pas un enjeu majeur ?
Aux populations locales de le dire et de trancher elles-mêmes entre le statu quo et une évolution. Le rôle du gouvernement se limite à vérifier que les évolutions proposées par les élus sont conformes à la Constitution et ne comportent donc, par nature, aucun risque d'aventure institutionnelle ou de sortie de la République.
Donc, quel est l'enjeu ?
Aux élus locaux de l'expliquer. Je le répète : ce n'est pas à Paris de décider. A problème local, réponse locale ! Mais attention, il ne faut pas non plus se tromper de débat. Il ne s'agit en aucun cas de décider d'un premier pas vers l'indépendance ou d'un largage de la République. Nous veillerons à ce que cette campagne se déroule dans la sérénité. Ma seule consigne sera : "Allez voter, car on vous donne la parole pour la première fois sur la manière d'administrer vos territoires !"
Maintenant, au regard du calendrier politique des prochains mois, l'enjeu de ces référendums ne risque-t-il pas d'être parasité par les élections régionales ?
C'est justement la raison pour laquelle j'ai toujours indiqué que ces consultations doivent se dérouler avant la fin de l'année. Si les électeurs disent non, le débat sera définitivement tranché. Et il ne se passera donc plus rien puisque la population aura mis son veto comme la Constitution le permet. Mais si le oui l'emporte, aucune contrainte juridique n'oblige le gouvernement à suivre l'avis de la population. Il est clair cependant qu'il aura, dans cette hypothèse, une obligation morale et politique de préparer un projet de loi statutaire pour réaliser cette réforme. Cela nous prendra plusieurs mois et nous amènera alors à ne pas organiser les élections régionales et cantonales comme prévu.
C'est-à-dire que les mandats des conseillers régionaux actuels pourraient être prolongés...
C'est une éventualité. L'adoption d'une loi en ce sens pourrait s'avérer nécessaire car il nous faudra du temps pour élaborer un projet de loi statutaire et le faire approuver par le Parlement avant le printemps, d'autant plus que ce texte doit être finalisé après une concertation suffisante.
Saint-Barthélemy et Saint-Martin, actuellement deux îles rattachées administrativement à la Guadeloupe, ont des velléités d'émancipation. Est-ce envisageable ?
Les élus de ces deux îles ont déjà engagé depuis longtemps un débat sur l'évolution institutionnelle. Ils veulent changer de régime législatif pour régler un certain nombre de difficultés concrètes, notamment dans le domaine fiscal. La Constitution révisée permet une telle évolution. Les électeurs se prononceront.
Faudra-t-il convoquer le Parlement ?
Oui, conformément à la Constitution, un débat sera organisé au parlement les 6 et 7 novembre prochains sur ces consultations.
(source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 1 décembre 2003)