Déclarations de M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, sur les actions de la France et de l'Union européenne en matière de lutte contre l'antisémitisme et le racisme, Berlin le 28 avril 2004.

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Circonstance : Participation de Renaud Muselier à la conférence de l'OSCE sur l'antisémitisme, à Berlin le 28 avril 2004

Texte intégral

(Déclaration de Renaud Muselier lors de la 1ère session - mécanismes législatifs et institutionnels - de la Conférence de l'OSCE sur l'antisémitisme, à Berlin le 28 avril 2004) :
Mesdames, Messieurs,
"Mal nommer les choses, écrivait Albert Camus, c'est ajouter au malheur du monde". L'antisémitisme, tant en France que dans le reste de l'Europe et du Monde, doit être nommé et désigné pour ce qu'il est : une injure à l'humanité tout entière.
La France, comme d'autres pays, s'est trouvée, ces dernières années, confrontée à l'émergence d'un nouvel antisémitisme bien différent de celui du passé.
Nous avons assisté à des brimades, des violences, des agressions, parfois violentes et toujours traumatisantes, à l'encontre des institutions et des personnes juives. Leurs auteurs ont souvent tenté de justifier leurs actes en faisant allusion aux conflits qui sévissent au Proche et Moyen-Orient.
Ces agressions ont provoqué l'émotion et la colère dans notre pays qui n'a rien oublié des leçons de l'Histoire.
Face à l'inquiétude suscitée par ces violences, la réaction des autorités françaises a été énergique et déterminée. Comme l'a dit le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, "il est intolérable qu'en France un citoyen puisse être agressé parce qu'il est juif". La société doit garantir aux institutions et aux personnes juives la sécurité à laquelle a droit tout citoyen. Des instructions fermes ont été données aux forces de police et aux institutions judiciaires. Elles ont inquiété, poursuivi et réprimé ces actes. Leurs auteurs ont été sanctionnés.
Et ils continueront de l'être, de manière juste, impartiale et déterminée.
Mais nous ne pouvions en rester là. Au plus haut niveau de l'Etat français, la décision a été prise de se donner un instrument d'action spécifique. C'est pourquoi le président de la République a décidé de créer un Comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, qui se réunit tous les mois au plus haut niveau politique et décisionnel, c'est-à-dire au niveau des ministres. Il doit coordonner et renforcer les moyens de lutte existants. La création de ce Comité traduit la volonté politique et la détermination de la France de traiter ce problème au plus haut niveau de l'Etat.
Nous sommes pragmatiques et efficaces. 15 millions d'euros sont consacrés à la sécurité des installations et bâtiments susceptibles d'être la cible de violence, qu'il s'agisse de synagogues, d'écoles juives, d'associations juives. Des procureurs spécialement chargés de traiter les affaires racistes et antisémites ont été désignés. Notre ministre de la Justice a veillé à ce que les prisons ne se transforment pas en base arrière du prosélytisme religieux. D'autres initiatives ont également été prises, chacune dans des secteurs distincts afin qu'aucun acte répréhensible ne puisse bénéficier d'une quelconque impunité, notamment par une loi votée au Parlement. Au total, ce qui est visé c'est la sanction maximale et la tolérance zéro pour tout acte raciste ou antisémite.
Je vous rappelle la détermination du gouvernement français à lutter contre l'antisémitisme et la nécessité d'une réponse coordonnée de l'ensemble des acteurs politiques, sociaux et religieux pour y faire face.
Je suis convaincu de la nécessité d'une action concertée des Etats pour combattre ce mal et éviter sa propagation.
Le racisme et l'antisémitisme ne connaissent pas les frontières. Face à l'internationale du racisme et de la xénophobie, seule une réponse forte et commune est de mise. En Europe évidemment, mais aussi au-delà.
Oeuvrons sans attendre dans les structures qui existent déjà. Je pense notamment à l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, situé à Vienne, et qui a déjà fait un travail utile.
L'Europe a là, en quelque sorte, son "agence des Droits de l'Homme". Donnons-lui les moyens et l'impulsion nécessaires pour remplir cette mission.
Il faut plus que jamais nous mobiliser, échanger nos expériences, coordonner nos actions. C'est pourquoi la France a résolument soutenu, dès le début, la proposition d'organiser cette Conférence de Berlin sur l'antisémitisme.
L'OSCE, qui s'étend de l'Europe à l'Asie tout en y associant des pays partenaires, a un rôle majeur à jouer. L'OSCE n'est pas novice dans ce domaine des Droits de l'Homme. Elle s'est résolument engagée dans la lutte contre le racisme, la xénophobie, pour l'égalité des droits. Cette nouvelle étape, marquée par la conférence qui nous réunit aujourd'hui, est aussi un défi.
Familière des terrains difficiles, l'OSCE va devoir oeuvrer ici dans l'urgence.
Ce sont les fondements même de la démocratie et des valeurs qui nous sont communes qui sont menacés. C'est pourquoi cette Conférence ne devra pas rester sans suites - il doit y avoir un avant et un après - et c'est pourquoi la France soutient l'instauration d'une veille des actes et comportements antisémites au sein des Etats membres de l'OSCE.
C'est aussi pourquoi la France a pris l'initiative d'organiser les 16 et 17 juin une Conférence de l'OSCE à Paris, relative aux manifestations de racisme, d'antisémitisme et de xénophobie sur Internet.
Le mal évolue et renaît sans cesse. A nous de nous y adapter, d'unir nos compétences et de faire évoluer nos moyens d'actions afin de contrer les formes les plus novatrices et insidieuses de l'antisémitisme. C'est le sens de l'engagement de la France en matière de lutte contre la propagation des idées racistes, xénophobes et antisémites via Internet ou le satellite. Loin de vouloir brider ou limiter les libertés individuelles du citoyen, nos efforts tendent à garantir le respect des Droits de l'Homme et l'harmonie de la vie en commun. Du discours de haine diffusé par Internet à l'agression, il n'y a qu'un pas. Celui qui propage un discours haineux ou antisémite agresse délibérément son prochain. Unissons nos forces et notre détermination au sein de l'OSCE pour combattre ce fléau et garantir à nos concitoyens la sécurité et le respect. C'est précisément en raison de la dimension internationale de l'OSCE qu'il peut être traité avec efficacité.
L'Europe s'agrandit, c'est l'occasion ou jamais de réduire les populismes et leurs discours suintant la xénophobie, le racisme et l'antisémitisme.
Aujourd'hui, parce que nous savons, une volonté de fer doit guider notre action
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mai 2004)
(Déclaration de Renaud Muselier lors de la 2ème session - rôle des gouvernements et des sociétés civiles pour promouvoir la tolérance - de la Conférence sur l'OSCE sur l'antisémitisme, à Berlin le 28 avril 2004) :
Mesdames, Messieurs,
La France compte une des plus importantes communautés juives hors d'Israël.
La France est le premier pays à avoir accordé l'égalité des droits aux juifs. La France est le pays où le plus de "Justes" auraient sauvé des juifs durant la Deuxième Guerre mondiale.
Cette énumération serait sans fin.
La relation de la France avec la communauté juive et avec le peuple juif est étroite et indissociable.
Notre République est fière de sa communauté juive.
C'est pourquoi notre République n'accepte pas l'antisémitisme, "ancien" ou "nouveau", sur son sol, pas plus qu'elle ne l'a accepté dans le passé. Là aussi, la France saura se montrer efficace !
Le principe de la République étant rappelé - liberté, égalité, fraternité -, la force de la loi sévèrement appliquée, nous nous sommes interrogés sur les causes de cette situation. Il nous fallait mieux comprendre pour mieux combattre. Chaque expert a fait valoir son explication du phénomène : immigration non maîtrisée pour les uns, carence de l'intégration pour les autres, délitement du lien social et perte des valeurs pour d'autres. Force est de constater, réflexion faite, qu'aucune de ces causes ne peut, à elle seule, expliquer la résurgence du mal mais que toutes y participent et y concourent. Il n'y a pas d'explication unique au nouvel antisémitisme. Il y a en revanche des symptômes qu'il faut traiter en même temps.
Je suis conscient que nous devons également combattre le racisme dont sont victimes certains de nos concitoyens issus de l'immigration du Maghreb ou d'Afrique, laissés pour compte de l'intégration, que la société française a encore imparfaitement menée à bien. Un racisme n'excuse pas l'autre.
C'est pourquoi, le gouvernement français n'a lésiné ni sur les moyens, ni sur sa détermination pour combattre cette résurgence du racisme et de l'antisémitisme. Nous nous sommes impliqués aussi bien dans une juste sanction de ces actes que dans la prévention de leur réitération: des fonds ont été affectés à la sécurité des installations de la communauté juive, un procureur spécialisé a été désigné, des sanctions sévères mais justes ont été appliquées. Exemplarité des peines, mobilisation des forces de police et de la justice. La République doit savoir se montrer ferme et déterminée lorsqu'il y a atteinte délibérée à l'ordre social qui fonde notre société. Cela a été fait et a porté ses fruits.
Mais la répression a ses limites, et la banalisation de la sanction risque de succéder à la banalisation de la violence. Et la répression n'est pas gage d'harmonie sociale et d'entente harmonieuse entre les citoyens. Si la société doit savoir réprimer de façon juste et équitable, elle doit aussi, pour prévenir ces actes, savoir diffuser ses valeurs et convaincre de leur bien fondé. C'est tout le sens des mesures que la France a prises dans les secteurs de l'éducation et de l'information.
Nos efforts doivent d'abord porter sur l'école et l'enseignement. L'école de la tolérance doit être le lieu qui instruit tout en enseignant les leçons du passé.
Une école qui inculque aux jeunes générations le respect des valeurs. Des valeurs de liberté et de tolérance. Ce sont les idéaux pour lesquels se sont battus ceux qui nous ont précédés !
Nous ne tolèrerons pas qu'à l'école, on ne puisse pas enseigner les pages de notre histoire qui ont meurtri la communauté juive.
Le gouvernement a donc pris des mesures:
- distribution du "livret républicain", code des valeurs que l'école doit transmettre ;
- organisation d'une journée dédiée à l'enseignement de la Shoah, le 29 janvier, date de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz ;
- formation des maîtres au devoir de mémoire ;
- vérification du contenu des livres scolaires ;
- prévention des comportements susceptibles de dérives racistes et antisémites.
Promouvoir la tolérance, c'est aussi veiller au contenu des médias et d'Internet. La diffusion au grand public d'émissions télévisées ou de radio antisémites ou racistes est aussi une agression, une insulte, une violence. Mettons en place en Europe un système de veille qui repère les discours antisémites et racistes dans les médias ! Pour ce qui concerne la France, nous l'avons fait, et nous avons obtenu l'arrêt de la diffusion de séries télévisées violemment antisémites.
En ce qui concerne Internet, nous soutenons résolument la conférence qui se tiendra à Paris, les 16 et 17 juin. Elle examinera comment lutter contre la propagande antisémite et raciste sur Internet. Nous voulons tous qu'Internet reste un instrument de liberté. Eh bien, veillons tous ensemble à ce qu'Internet soit aussi un instrument de promotion de la tolérance ! Au sein de notre société, le respect est dû à chacun d'entre nous. Les médias et Internet doivent, eux aussi, respecter cette règle.
Toutes ces mesures prises par le gouvernement ont donné lieu à concertation. Les ministres de l'Intérieur, de la Justice et le CRIF ont travaillé ensemble. La communauté juive a été associée et son avis entendu. Nous avons donné la priorité à la concertation, au consensus. Car la mobilisation de tous est indispensable. Il faut aller encore plus loin, tous ensemble.
Cette lutte pour les valeurs de la démocratie ne peut pas être le combat d'un seul pays isolé. La société de respect et de tolérance que nous voulons dépasse les limites de nos frontières. Donnons-nous les moyens d'une véritable "Internationale de la tolérance et de la citoyenneté" ! Harmonisons nos pratiques et nos guides de conduite ! Nous serons plus forts face à ce mal commun.
Des conférences comme celle qui se tient aujourd'hui doivent permettre de décupler l'impact de nos actions. Echangeons nos expériences, coordonnons nos actions, favorisons une prise de conscience collective qui fera barrage au mal !
Il faut que cette conférence débouche sur des mesures concrètes et qu'elle fasse échec au racisme et à l'antisémitisme !
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mai 2004)