Texte intégral
Vous êtes ici au coeur de ce qui fut, depuis la guerre, le plus grand désastre économique et social, et donc humain, il y a un peu plus de 15 ans. Hier en fait. Une crise qui n'en a pas fini, une crise qui a connu pendant une décennie son lent cortège de conséquences en chaîne et de drames : 40.000 licenciements, autant de départ des plus diplômés, un arrondissement vidé d'une grande partie de ses sources vives et connaissant un écart d'espérance de vie de la moyenne nationale de plus de 12 ans. Des villes ruinées financièrement et moralement.
Si aujourd'hui tout n'est pas réglé, on peut dire que l'avenir nous appartient. Si l'on voit qu'il y a moins de 10 ans, nous avions un chômage qui était trois fois supérieur à la moyenne nationale, et que dans 2 ans, 3 maximum, avec tous les projets en cours nous devrons croiser la moyenne nationale.
On peut dire que si tout n'est pas réglé, la République est maintenant chez elle. Ce fut d'abord une union sacrée de :
· tout fonctionnaire ; tous les fonctionnaires de tous les services publics,
· les élus ; tous les élus quelle que soit leur sensibilité
· la Chambre de commerce, la Chambre des métiers,
· l'hôpital, les médecins,
· les syndicats, les associations, les agriculteurs, l'Université
· nos partenaires : Conseil Général, Région et Europe,
Les objectifs que nous nous étions fixés :
1) Aimer et respecter les plus fragiles d'entre nous, entraînés dans cette bourrasque
- 770 lits d'urgence, de toute nature et de tous partenaires, abritent les plus fragiles d'entre nous et leur permettent de se consolider, de se réchauffer, de se reconstruire et de regarder à nouveau l'avenir.
- Des programmes d'insertion, d'une grande richesse tel le programme Jéricho, il y a déjà près de 8 ans,
- des systèmes d'accueil et d'urgence, notamment des résidences sociales en centres villes dans les plus beaux bâtiments des plus beaux quartiers de la ville
- un énorme travail sur le logement, les quartiers, l'insalubrité, faire du beau, du beau pas du luxe, pas du cher du beau partout et du résidentiel,
- et enfin sur ces fondements sociaux, bâtir un grand district industriel de compétence européenne.
2) La deuxième règle est en même temps aimer les créateurs, aimer les investisseurs, aimer les industriels les traiter en amis, les accueillir ; tout le monde s'y est mis.
3) Troisièmement, offrir à tous, en haut de gamme populaire tous les éléments d'un développement pour chacun : une bibliothèque de 500 000 entrées par an, un musée des beaux arts, un golf en centre ville, de la voile, une scène nationale, etc...
Rien n'est acquis, ni fini, les traces sont profondes. Il nous reste encore des poches de pauvreté qu'on ne peut plus appeler d'ailleurs des ghettos : à Beuvrages, à Condé, au faubourg de Cambrai, à Douchy les Mines, à Denain. Mais d'ici 3 ans tout sera résorbé. Nous y consacrerons, grâce à l'Agence de Rénovation Urbaine notamment, 50 millions d'euros ; 1.500 emplois dans la zone franche urbaine et, j'espère, 2.000 emplois industriels. A nous de faire le dernier effort sur le nouveau logement.
Tout n'est pas parfait, Valenciennes et le valenciennois, ne sont pas, et ne se prétendent pas un exemple. En revanche, malgré les erreurs, l'inexpérience, l'indigence des moyens, nous avons fait en sorte que les enfants du Valenciennois aient aujourd'hui un avenir, comme chacun a le droit d'en avoir un sur le territoire de la République.
Dès ma prise de fonctions, j'ai fait le tour de France des quartiers qui souffrent, je connaissais bien ceux du Nord-Pas-de-Calais, mais évidemment beaucoup moins les autres. Ma surprise a été grande, moi qui avais l'impression, marqué par les premières années, d'incroyable pauvreté, de tensions urbaines parfois, que c'était mieux ailleurs, en tous les cas, plus facile.
C'est vrai, ça l'est ; sur 90 % du territoire national, c'est beaucoup plus riche qu'ici. C'est vrai qu'il y a des bassins de développement économique extraordinaires. Mais en même temps, partout ou presque partout, des zones de relégation sociale, de relégation républicaine. Bref, la spirale infernale de la ghettoïsation s'est mise en route et a progressé follement pendant les années où nous nous redressions ici.
De 300.000 logements indignes il y a 5 ans, nous sommes à 600.000 selon le rapport de la Fondation Abbé Pierre, pour l'essentiel dans ces quartiers.
Des environnements incertains, criminogènes, inacceptables ; le tout créant un système de relégation territoriale, qui n'a fait qu'entraîner l'incompréhension, le désespoir, le gâchis, la haine ; de sociale, cette fracture territoriale est devenue parfois ethnique voire religieuse.
Lorsque le chômage a baissé de 20 % en France, il a augmenté en même temps de 35 % dans ces quartiers. Ces quartiers, territoires tout petits, identifiés à la rue près, et qui ont tous les mêmes caractéristiques : 40 % de chômage, 40 nationalités, 4 fois plus de familles surendettées, 2 fois plus de déscolarisation et de signalements à la DDASS.
Monsieur le Président, lors de votre discours de Troyes, vous avez demandé que la politique de la ville soit une priorité.
"Chacun doit être conscient, on ne ramènera pas ces quartiers au coeur de la collectivité nationale sans une mobilisation et une volonté politique sans faille. L'habitat est bien sûr essentiel pour que chacun retrouve une meilleure qualité de vie, le respect de l'autre et le goût d'apprendre et d'agir. "
Du constat au diagnostic, comment en est-on arrivé là ?
· jamais la bonne taille : petits problèmes dans une grande ville, gros problèmes dans une petite ville. Mais aujourd'hui la prise de conscience est générale,
· Instabilité permanente des financements de l'Etat,
· dispersion de ces mêmes financements de l'Etat, sur 11 lignes de crédit différentes,
· une mécanique budgétaire aveugle et opaque, d'autorisation de programmes médiatiques en absence de crédits de paiements, tenus secrets. Une réalité implacable : sur 1.015 millions d'euros annoncés en 1998, seuls 68 millions sont arrivés dans les quartiers.
· le monde HLM qui confondait aides à la pierre et autorisations de faire, qui ne se posait pas la question de la solidarité entre les organismes riches et les pauvres et de la pertinence de ses territoires et de ses managements,
· les partenaires sociaux désabusés et en même temps pillés par le Budget général (700 millions d'euros certaines années),
· la Caisse des Dépôts et Consignation, acteur majeur, mais isolé dans ses propres stratégies,
· les HLM, fer de lance du logement social, passent en 10 ans de 80.000 constructions par an à 38.000 en 2000,
Et finalement dans tout cela, un gigantesque malentendu et un discret consensus.
Un gigantesque malentendu :
- Pour nos compatriotes qui n'habitent pas ces quartiers, convaincus par tant d'effets médiatiques, qu'on avait fait beaucoup pour ces quartiers en moyens financiers et humains ; l'idée que tout ceci ne sert à rien puisque la situation se dégrade, créant un sentiment d'inquiétude, d'impuissance et de fatalité,
- Pour nos compatriotes de ces quartiers, le constat que contrairement aux annonces, la République les a oublié et en tous les cas que les moyens promis n'ont pas été mis.
Ce malentendu est peut-être l'un des fondements de la crise républicaine actuelle.
Un discret consensus : il n'y a pas de solutions, le ministère de la ville ne sert à rien ; il s'agit tout au plus d'accompagner avec la plus grande habilité médiatique ce voile pudique qui cachait l'indifférence et l'impuissance.
Mais il y a eu le 21 avril et puis surtout votre feuille de route du discours de Troyes. Alors on a rêvé : les partenaires sociaux, les villes, leurs partenaires, le monde HLM, la Caisse des Dépôts et Consignations. Je leur ai demandé de rêver sans aucune contrainte administrative et financière, que faudrait-il faire, site par site, quartier par quartier, rue par rue, pour régler le problème.
La conclusion fut sans appel :
· 163 quartiers à refaire de fond en comble,
· 550 à soutenir brutalement et massivement.
_ Partout une envie folle de faire mais un découragement réel.
- Les moyens financiers :
· pour pouvoir réaliser ces programmes, il manque 1.200 vrais milliards d'euros par an qui déclencheront l'intervention des autres partenaires.
- Une méthode :
· un guichet unique, transparent, pour raccourcir les procédures, les accélérer, les simplifier,
· une convention directe entre ce Guichet Unique et les partenaires.
· des conventions déclenchant des vrais virements et du véritable argent.
· une intervention massive et rapide : tout en même temps.
Monsieur le Président, après constat et diagnostic, tout le monde a accepté de créer cette Agence, véritable Guichet unique de l'urgence, caisse de garantie des financements, en versant son véritable argent : les partenaires sociaux avec 650 millions d'euros par an, mais aussi les HLM et les autres... Tout le monde a accepté de co-piloter ce programme, y compris l'Etat.
Depuis plus d'un an, nous avons fait fonctionner l'Agence en préfiguration, par le biais du Comité National d'Engagement de tous les partenaires.
Depuis un an, les travaux ont commencé dans de nombreux sites et la concertation est pratiquement partout. Quel bonheur de voir déjà Croix Chevalier à Blois évoluer, Félix Piat à Marseille, le Mirail à Toulouse, le quartier Wilson à Reims, le Chemin Vert à Boulogne sur mer, le quartier Wilworde à Maubeuge, les Tarterets à Corbeil.
A cette heure-ci, Monsieur le Président,
· 5 conventions globales définitives ont été signées pour 542 millions d'euros, dont 222 pour la partie Agence,
· 4.093 démolitions,
· 3.896 reconstructions,
· 6.551 résidentialisations avec refonte complète du quartier, · 12 sont en cours de rédaction et de validation pour 1.744 milliards d'euros, 30.000 résidentialisations, 10.595 démolitions,
· 70 conventions seront signées et opérationnelles au 1er trimestre 2004, et 94 conventions au 2ème trimestre de la même année.
L'Agence, en tant que telle, sera installée physiquement le 17 novembre 2003 par le Premier Ministre, l'équipe est recrutée, elle est en place.
Les garanties de fonctionnement de cette Agence :
· Il s'agit d'un EPIC, un Etablissement Public Industriel et Commercial autonome protégé des aléas budgétaires par une Loi de Programme et un minimum annuel. C'est un mélange de la forme la plus aboutie de la décentralisation, puisqu'elle garantit en réalité l'action des partenaires locaux et en même temps une mobilisation massive, autour de l'Etat, de tous les partenaires.
· Tout est filmé, avec un point annuel ; mémoire des quartiers et compte rendu de l'avancement des travaux,
· Comité indépendant de suivi, véritable vigie républicaine.
L'avenir de ce programme :
· Les quartiers difficiles accrochés à des réalités urbaines : nous réussirons à 100 %
· Les sites orphelins : plus difficiles, mais nous réussirons également,
· Reste un dossier dans le dossier, un cas particulier : la Seine Saint Denis et une Partie du Val d'Oise qui nécessite pour nous des moyens encore plus exorbitants sur lesquels nous serons au clair avant Noël, sachant qu'en tout état de cause, les projets ont déjà démarré et fonctionnent.
Mais il faudra faire plus.
La machine est en route, Monsieur le Président, elle ne s'arrêtera pas. Car elle ne repose plus aujourd'hui sur un homme mais sur une méthode et un partenariat.
Plus personne, à compter d'aujourd'hui, pas une ville, pas un organisme HLM ne pourra dire devant un ghetto je ne savais pas ou je ne pouvais pas.
Casser la spirale infernale était, est, la priorité.
Ramener de la fluidité et de l'envie de vivre partout ; c'est la vraie mixité. C'est ce programme qui est en route.
Bien entendu, il doit être accompagné :
- par l'emploi dans ces quartiers, et
- c'est la réouverture de 44 Zones Franches Urbaines, présentées en son temps par Jean-Claude Gaudin et Alain Juppé, et
- la création de 41 nouvelles ZFU votées et pour lesquelles nous avons malgré tous les a priori obtenu l'accord de Bruxelles.
Avec la mobilisation de tous, ce seront 100.000 emplois qui seront créés dans ces quartiers. Enfin, tout ceci nécessite un accompagnement humain très important qui est partie prenante du programme.
Monsieur le Président, nos institutions, si souvent décriées, fonctionnent bien :
Cette Loi a fait l'objet d'une saisine du Conseil Economique et Social le 7 mai 2003, est passée au Conseil d'Etat le 12 juin, a fait l'objet d'une présentation en Conseil des ministres le 18 juin ; vous avez bien voulu déclarer la procédure d'urgence devant le Parlement pour cette loi, votée par l'Assemblée Nationale le 12 juillet à 6h45 du matin par 56 députés de la majorité, puis par le Sénat le 23 juillet et enfin définitivement par les deux assemblées le 25 juillet à une heure du matin ; les décrets sont à la parution.
Enfin, Monsieur le Président vous prônez le dialogue social, sachez que ce plan a été non seulement élaboré avec les partenaires sociaux mais co-piloté avec eux ; je ne remercierai jamais assez la CFDT, la CFTC, la CGT, Force Ouvrière, le MEDEF. C'est plus que du dialogue social, Monsieur le Président, c'est de la co-production.
Quand l'essentiel est en jeu, la République réunit.
Monsieur le Président, permettez-moi de remercier le Premier Ministre qui, avec discrétion sur ce sujet mais avec la plus implacable opiniâtreté, a soutenu le programme face à tous ceux qui ont si souvent considéré, depuis des années, que le financement de la rénovation urbaine, du logement social et de ses équipement publics, était une variable d'ajustement budgétaire.
Monsieur le Président, le sujet n'est plus l'intégration mais c'est l'égalité des chances, quelle que soit l'origine de nos compatriotes et leur lieu de vie. Il n'y a plus d'immigrés ; il y a des français dans un pays multiconfessionnel mais dans une République laïque et sociale.
Ces quartiers, qui sont riches de 33 % de moins de 20 ans, soit un tiers de plus que la moyenne nationale, ont, en leur coeur, l'essentiel de l'énergie de notre République, l'essentiel de son avenir ; ce programme n'est pas une dépense, c'est un investissement.
Monsieur le Président vous avez fixé le cap. Si la voix de la France porte sur la scène internationale, la voix de la France porte aussi en France. Elle a été entendue par tous ; sans cette voix de la France comment aurions-nous pu bâtir un tel plan.
Monsieur le Président cette voix de la France, si forte, si juste, sur la scène internationale nous aide dans ce combat.
Vous savez mieux que quiconque que ces ghettos sont à la fois fermés sur eux-mêmes et ouverts sur le monde, à l'écoute des révoltes, des incompréhensions. Le ton juste, juste de la Justice, de cette voix de la France nous est précieux. Et tous ceux qui pensent que politique internationale et politique nationale sont deux sujets distincts se trompent ; la voix de la France est une.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 22 octobre 2003)
Si aujourd'hui tout n'est pas réglé, on peut dire que l'avenir nous appartient. Si l'on voit qu'il y a moins de 10 ans, nous avions un chômage qui était trois fois supérieur à la moyenne nationale, et que dans 2 ans, 3 maximum, avec tous les projets en cours nous devrons croiser la moyenne nationale.
On peut dire que si tout n'est pas réglé, la République est maintenant chez elle. Ce fut d'abord une union sacrée de :
· tout fonctionnaire ; tous les fonctionnaires de tous les services publics,
· les élus ; tous les élus quelle que soit leur sensibilité
· la Chambre de commerce, la Chambre des métiers,
· l'hôpital, les médecins,
· les syndicats, les associations, les agriculteurs, l'Université
· nos partenaires : Conseil Général, Région et Europe,
Les objectifs que nous nous étions fixés :
1) Aimer et respecter les plus fragiles d'entre nous, entraînés dans cette bourrasque
- 770 lits d'urgence, de toute nature et de tous partenaires, abritent les plus fragiles d'entre nous et leur permettent de se consolider, de se réchauffer, de se reconstruire et de regarder à nouveau l'avenir.
- Des programmes d'insertion, d'une grande richesse tel le programme Jéricho, il y a déjà près de 8 ans,
- des systèmes d'accueil et d'urgence, notamment des résidences sociales en centres villes dans les plus beaux bâtiments des plus beaux quartiers de la ville
- un énorme travail sur le logement, les quartiers, l'insalubrité, faire du beau, du beau pas du luxe, pas du cher du beau partout et du résidentiel,
- et enfin sur ces fondements sociaux, bâtir un grand district industriel de compétence européenne.
2) La deuxième règle est en même temps aimer les créateurs, aimer les investisseurs, aimer les industriels les traiter en amis, les accueillir ; tout le monde s'y est mis.
3) Troisièmement, offrir à tous, en haut de gamme populaire tous les éléments d'un développement pour chacun : une bibliothèque de 500 000 entrées par an, un musée des beaux arts, un golf en centre ville, de la voile, une scène nationale, etc...
Rien n'est acquis, ni fini, les traces sont profondes. Il nous reste encore des poches de pauvreté qu'on ne peut plus appeler d'ailleurs des ghettos : à Beuvrages, à Condé, au faubourg de Cambrai, à Douchy les Mines, à Denain. Mais d'ici 3 ans tout sera résorbé. Nous y consacrerons, grâce à l'Agence de Rénovation Urbaine notamment, 50 millions d'euros ; 1.500 emplois dans la zone franche urbaine et, j'espère, 2.000 emplois industriels. A nous de faire le dernier effort sur le nouveau logement.
Tout n'est pas parfait, Valenciennes et le valenciennois, ne sont pas, et ne se prétendent pas un exemple. En revanche, malgré les erreurs, l'inexpérience, l'indigence des moyens, nous avons fait en sorte que les enfants du Valenciennois aient aujourd'hui un avenir, comme chacun a le droit d'en avoir un sur le territoire de la République.
Dès ma prise de fonctions, j'ai fait le tour de France des quartiers qui souffrent, je connaissais bien ceux du Nord-Pas-de-Calais, mais évidemment beaucoup moins les autres. Ma surprise a été grande, moi qui avais l'impression, marqué par les premières années, d'incroyable pauvreté, de tensions urbaines parfois, que c'était mieux ailleurs, en tous les cas, plus facile.
C'est vrai, ça l'est ; sur 90 % du territoire national, c'est beaucoup plus riche qu'ici. C'est vrai qu'il y a des bassins de développement économique extraordinaires. Mais en même temps, partout ou presque partout, des zones de relégation sociale, de relégation républicaine. Bref, la spirale infernale de la ghettoïsation s'est mise en route et a progressé follement pendant les années où nous nous redressions ici.
De 300.000 logements indignes il y a 5 ans, nous sommes à 600.000 selon le rapport de la Fondation Abbé Pierre, pour l'essentiel dans ces quartiers.
Des environnements incertains, criminogènes, inacceptables ; le tout créant un système de relégation territoriale, qui n'a fait qu'entraîner l'incompréhension, le désespoir, le gâchis, la haine ; de sociale, cette fracture territoriale est devenue parfois ethnique voire religieuse.
Lorsque le chômage a baissé de 20 % en France, il a augmenté en même temps de 35 % dans ces quartiers. Ces quartiers, territoires tout petits, identifiés à la rue près, et qui ont tous les mêmes caractéristiques : 40 % de chômage, 40 nationalités, 4 fois plus de familles surendettées, 2 fois plus de déscolarisation et de signalements à la DDASS.
Monsieur le Président, lors de votre discours de Troyes, vous avez demandé que la politique de la ville soit une priorité.
"Chacun doit être conscient, on ne ramènera pas ces quartiers au coeur de la collectivité nationale sans une mobilisation et une volonté politique sans faille. L'habitat est bien sûr essentiel pour que chacun retrouve une meilleure qualité de vie, le respect de l'autre et le goût d'apprendre et d'agir. "
Du constat au diagnostic, comment en est-on arrivé là ?
· jamais la bonne taille : petits problèmes dans une grande ville, gros problèmes dans une petite ville. Mais aujourd'hui la prise de conscience est générale,
· Instabilité permanente des financements de l'Etat,
· dispersion de ces mêmes financements de l'Etat, sur 11 lignes de crédit différentes,
· une mécanique budgétaire aveugle et opaque, d'autorisation de programmes médiatiques en absence de crédits de paiements, tenus secrets. Une réalité implacable : sur 1.015 millions d'euros annoncés en 1998, seuls 68 millions sont arrivés dans les quartiers.
· le monde HLM qui confondait aides à la pierre et autorisations de faire, qui ne se posait pas la question de la solidarité entre les organismes riches et les pauvres et de la pertinence de ses territoires et de ses managements,
· les partenaires sociaux désabusés et en même temps pillés par le Budget général (700 millions d'euros certaines années),
· la Caisse des Dépôts et Consignation, acteur majeur, mais isolé dans ses propres stratégies,
· les HLM, fer de lance du logement social, passent en 10 ans de 80.000 constructions par an à 38.000 en 2000,
Et finalement dans tout cela, un gigantesque malentendu et un discret consensus.
Un gigantesque malentendu :
- Pour nos compatriotes qui n'habitent pas ces quartiers, convaincus par tant d'effets médiatiques, qu'on avait fait beaucoup pour ces quartiers en moyens financiers et humains ; l'idée que tout ceci ne sert à rien puisque la situation se dégrade, créant un sentiment d'inquiétude, d'impuissance et de fatalité,
- Pour nos compatriotes de ces quartiers, le constat que contrairement aux annonces, la République les a oublié et en tous les cas que les moyens promis n'ont pas été mis.
Ce malentendu est peut-être l'un des fondements de la crise républicaine actuelle.
Un discret consensus : il n'y a pas de solutions, le ministère de la ville ne sert à rien ; il s'agit tout au plus d'accompagner avec la plus grande habilité médiatique ce voile pudique qui cachait l'indifférence et l'impuissance.
Mais il y a eu le 21 avril et puis surtout votre feuille de route du discours de Troyes. Alors on a rêvé : les partenaires sociaux, les villes, leurs partenaires, le monde HLM, la Caisse des Dépôts et Consignations. Je leur ai demandé de rêver sans aucune contrainte administrative et financière, que faudrait-il faire, site par site, quartier par quartier, rue par rue, pour régler le problème.
La conclusion fut sans appel :
· 163 quartiers à refaire de fond en comble,
· 550 à soutenir brutalement et massivement.
_ Partout une envie folle de faire mais un découragement réel.
- Les moyens financiers :
· pour pouvoir réaliser ces programmes, il manque 1.200 vrais milliards d'euros par an qui déclencheront l'intervention des autres partenaires.
- Une méthode :
· un guichet unique, transparent, pour raccourcir les procédures, les accélérer, les simplifier,
· une convention directe entre ce Guichet Unique et les partenaires.
· des conventions déclenchant des vrais virements et du véritable argent.
· une intervention massive et rapide : tout en même temps.
Monsieur le Président, après constat et diagnostic, tout le monde a accepté de créer cette Agence, véritable Guichet unique de l'urgence, caisse de garantie des financements, en versant son véritable argent : les partenaires sociaux avec 650 millions d'euros par an, mais aussi les HLM et les autres... Tout le monde a accepté de co-piloter ce programme, y compris l'Etat.
Depuis plus d'un an, nous avons fait fonctionner l'Agence en préfiguration, par le biais du Comité National d'Engagement de tous les partenaires.
Depuis un an, les travaux ont commencé dans de nombreux sites et la concertation est pratiquement partout. Quel bonheur de voir déjà Croix Chevalier à Blois évoluer, Félix Piat à Marseille, le Mirail à Toulouse, le quartier Wilson à Reims, le Chemin Vert à Boulogne sur mer, le quartier Wilworde à Maubeuge, les Tarterets à Corbeil.
A cette heure-ci, Monsieur le Président,
· 5 conventions globales définitives ont été signées pour 542 millions d'euros, dont 222 pour la partie Agence,
· 4.093 démolitions,
· 3.896 reconstructions,
· 6.551 résidentialisations avec refonte complète du quartier, · 12 sont en cours de rédaction et de validation pour 1.744 milliards d'euros, 30.000 résidentialisations, 10.595 démolitions,
· 70 conventions seront signées et opérationnelles au 1er trimestre 2004, et 94 conventions au 2ème trimestre de la même année.
L'Agence, en tant que telle, sera installée physiquement le 17 novembre 2003 par le Premier Ministre, l'équipe est recrutée, elle est en place.
Les garanties de fonctionnement de cette Agence :
· Il s'agit d'un EPIC, un Etablissement Public Industriel et Commercial autonome protégé des aléas budgétaires par une Loi de Programme et un minimum annuel. C'est un mélange de la forme la plus aboutie de la décentralisation, puisqu'elle garantit en réalité l'action des partenaires locaux et en même temps une mobilisation massive, autour de l'Etat, de tous les partenaires.
· Tout est filmé, avec un point annuel ; mémoire des quartiers et compte rendu de l'avancement des travaux,
· Comité indépendant de suivi, véritable vigie républicaine.
L'avenir de ce programme :
· Les quartiers difficiles accrochés à des réalités urbaines : nous réussirons à 100 %
· Les sites orphelins : plus difficiles, mais nous réussirons également,
· Reste un dossier dans le dossier, un cas particulier : la Seine Saint Denis et une Partie du Val d'Oise qui nécessite pour nous des moyens encore plus exorbitants sur lesquels nous serons au clair avant Noël, sachant qu'en tout état de cause, les projets ont déjà démarré et fonctionnent.
Mais il faudra faire plus.
La machine est en route, Monsieur le Président, elle ne s'arrêtera pas. Car elle ne repose plus aujourd'hui sur un homme mais sur une méthode et un partenariat.
Plus personne, à compter d'aujourd'hui, pas une ville, pas un organisme HLM ne pourra dire devant un ghetto je ne savais pas ou je ne pouvais pas.
Casser la spirale infernale était, est, la priorité.
Ramener de la fluidité et de l'envie de vivre partout ; c'est la vraie mixité. C'est ce programme qui est en route.
Bien entendu, il doit être accompagné :
- par l'emploi dans ces quartiers, et
- c'est la réouverture de 44 Zones Franches Urbaines, présentées en son temps par Jean-Claude Gaudin et Alain Juppé, et
- la création de 41 nouvelles ZFU votées et pour lesquelles nous avons malgré tous les a priori obtenu l'accord de Bruxelles.
Avec la mobilisation de tous, ce seront 100.000 emplois qui seront créés dans ces quartiers. Enfin, tout ceci nécessite un accompagnement humain très important qui est partie prenante du programme.
Monsieur le Président, nos institutions, si souvent décriées, fonctionnent bien :
Cette Loi a fait l'objet d'une saisine du Conseil Economique et Social le 7 mai 2003, est passée au Conseil d'Etat le 12 juin, a fait l'objet d'une présentation en Conseil des ministres le 18 juin ; vous avez bien voulu déclarer la procédure d'urgence devant le Parlement pour cette loi, votée par l'Assemblée Nationale le 12 juillet à 6h45 du matin par 56 députés de la majorité, puis par le Sénat le 23 juillet et enfin définitivement par les deux assemblées le 25 juillet à une heure du matin ; les décrets sont à la parution.
Enfin, Monsieur le Président vous prônez le dialogue social, sachez que ce plan a été non seulement élaboré avec les partenaires sociaux mais co-piloté avec eux ; je ne remercierai jamais assez la CFDT, la CFTC, la CGT, Force Ouvrière, le MEDEF. C'est plus que du dialogue social, Monsieur le Président, c'est de la co-production.
Quand l'essentiel est en jeu, la République réunit.
Monsieur le Président, permettez-moi de remercier le Premier Ministre qui, avec discrétion sur ce sujet mais avec la plus implacable opiniâtreté, a soutenu le programme face à tous ceux qui ont si souvent considéré, depuis des années, que le financement de la rénovation urbaine, du logement social et de ses équipement publics, était une variable d'ajustement budgétaire.
Monsieur le Président, le sujet n'est plus l'intégration mais c'est l'égalité des chances, quelle que soit l'origine de nos compatriotes et leur lieu de vie. Il n'y a plus d'immigrés ; il y a des français dans un pays multiconfessionnel mais dans une République laïque et sociale.
Ces quartiers, qui sont riches de 33 % de moins de 20 ans, soit un tiers de plus que la moyenne nationale, ont, en leur coeur, l'essentiel de l'énergie de notre République, l'essentiel de son avenir ; ce programme n'est pas une dépense, c'est un investissement.
Monsieur le Président vous avez fixé le cap. Si la voix de la France porte sur la scène internationale, la voix de la France porte aussi en France. Elle a été entendue par tous ; sans cette voix de la France comment aurions-nous pu bâtir un tel plan.
Monsieur le Président cette voix de la France, si forte, si juste, sur la scène internationale nous aide dans ce combat.
Vous savez mieux que quiconque que ces ghettos sont à la fois fermés sur eux-mêmes et ouverts sur le monde, à l'écoute des révoltes, des incompréhensions. Le ton juste, juste de la Justice, de cette voix de la France nous est précieux. Et tous ceux qui pensent que politique internationale et politique nationale sont deux sujets distincts se trompent ; la voix de la France est une.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 22 octobre 2003)