Déclaration de M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État, sur les grandes orientations pour la réforme de la fonction publique et des services publics, Paris le 11 mai 2004.

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Circonstance : Rencontre avec les syndicats de la fonction publique le 11 mai 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de vous recevoir aujourd'hui ; j'ai souhaité le faire sans plus attendre, car nous avons ensemble de grandes choses à réussir.
Les chantiers sont nombreux, les attentes sont fortes, l'enjeu est capital : il s'agit tout simplement - si je puis dire - de permettre à la fonction publique de gagner tous les jours en équité, en dynamisme et de mieux répondre aux attentes de nos concitoyens.
Les Français, vous le savez, aiment leur fonction publique ; ils en connaissent les mérites ; ils connaissent le sens du service des agents et font l'expérience très concrète du caractère vital de leurs missions ; mais nous devons, ensemble, leur donner des raisons de l'aimer plus encore.
Or, laissez-moi vous dire ma conviction : il n'y a pas d'amélioration possible du service sans réflexion sur les ressources humaines. Les agents sont en effet le cur battant du service public. Réfléchir à leurs carrières et à leurs conditions d'emploi et de travail, au sens large, est donc le préalable indispensable, le socle, le fondement de toute mon action.
C'est pourquoi je conçois le dialogue social avec les syndicats comme ma priorité. La situation des agents, dans toute leur diversité, les conditions d'exercice de leurs différents métiers, le déroulement de leur carrière, leur formation, leur évolution, leur épanouissement - eh oui, leur épanouissement ! - toutes ces questions sont au fond l'essentiel.
Pour progresser sur tous ces points, je crois que le dialogue est absolument nécessaire ; mais un dialogue constructif, qui soit capable d'aboutir à la négociation et rapidement, au résultat.
Ce dialogue, nous le devons aux agents de la fonction publique -qui font tourner la maison et qui attendent beaucoup de nous ; nous le devons aussi aux usagers, qui sont notre raison d'être ; nous le devons enfin aux contribuables - que nous ne devons jamais oublier. D'ailleurs, chacun peut ici faire parler en soi-même les trois protagonistes, qui en France, il faut bien le dire, sont assez souvent la même personne !
Comprenez-moi bien : vous êtes mes interlocuteurs privilégiés, et rien ne se fera sans concertation avec vous. J'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, je souhaite des syndicats forts, car ils sont l'appui indispensable d'un dialogue social efficace, responsable, fécond en avancées.
Mais je n'oublie pas non plus qu'un ministre doit rester en contact, en prise directe avec ses administrés : une attention très soutenue pour tout ce qui se passe, tout ce qui se dit au sein de la fonction publique, pour les préoccupations, les idées, les difficultés, directement ou indirectement exprimées, - une telle attention, je le répète, est nécessaire. Je n'hésiterai pas à m'adresser directement aux fonctionnaires pour connaître leurs attentes.
C'est à ce prix que nous pourrons formuler un véritable projet collectif, qui résonne dans le cur et l'esprit de tous les agents publics.
Pour l'heure, je voudrais vous faire part de l'esprit qui guidera ma démarche (1), de la méthode que je souhaite appliquer (2), enfin des grands sujets que je vous propose (3).
I. L'ESPRIT : TROIS CONSTATS, TROIS IMPERATIFS
L'esprit de ma démarche est simple. Il s'enracine dans quelques constats qui ont forgé en moi une conviction : notre système manifeste aujourd'hui clairement ses insuffisances ! Nous devons le remettre en route, par un retour aux fondamentaux de la fonction publique, par un retour aux sources de nos valeurs républicaines. Le fatalisme n'est donc pas de mise, et ce d'autant moins que, pour redonner du souffle à notre fonction publique, nous disposons d'atouts essentiels : l'attachement des Français, la passion des agents, la conscience de plus en plus claire, et de plus en plus partagée, de ce qu'il faut faire.
A. Réformer les services publics, c'est défendre notre modèle républicain
Premier constat : je l'ai dit, les Français aiment leurs services publics ; il est même naturel que leur attachement augmente, car dans un monde de plus en plus ouvert, où les progrès de la liberté individuelle semblent faire trembler les repères et les protections traditionnels, l'Etat et ses services apparaissent finalement comme le plus sûr lieu d'expression de la fraternité nationale.
En ce sens, l'Etat est garant de notre modèle de société, et les fonctionnaires les promoteurs de la cohésion sociale et de l'idéal républicain.
Ce modèle, nous devons le défendre.
Mais toute bonne " défense " doit s'appuyer, pour être crédible, sur une " illustration " convaincante. C'est pourquoi nous avons à cur de montrer que notre modèle, qui a fait ses preuves dans le passé, est capable de se renouveler, de renforcer son efficacité, de poursuivre toujours le même objectif en modifiant ses modes de fonctionnement.
A cette fin, nous devons continuer de faire vivre les principes de la fonction publique : qualité, continuité, égalité, neutralité, en les rendant véritablement effectifs.
Car ne rien faire, c'est donner des arguments à ceux qui, pointant les difficultés -qui sont réelles- rêvent d'en finir avec notre Idéal républicain. L'heure est donc à l'action.
B. Rendre la gestion des ressources humaines moins rigide
Deuxième constat : Les fonctionnaires souhaitent pouvoir s'épanouir dans leur métier. Or, très souvent, trop souvent, ce n'est pas le cas. Bloqués, freinés, peu récompensés, cloisonnés, enfermés, - de très nombreux fonctionnaires font l'expérience d'une vérité difficile, mais indéniable : notre système de gestion des hommes et des carrières est à bout de souffle !
D'abord, vous savez comme moi que les agents publics se plaignent de la trop grande rigidité du cadre de gestion de leurs carrières; nombre d'entre eux voudraient pouvoir exercer un métier public différent de celui dans lequel ils se sont engagés; d'autres aspirent à une seconde vie professionnelle ; d'autres encore souffrent d'un réel manque de dynamisme dans la gestion des carrières. Bref, cette structure verticale et cloisonnée -" en tuyaux d'orgue "- doit pouvoir être assouplie, pour permettre une circulation horizontale plus facile. Sans compter que le nombre excessif des corps -plus de 900 ! - alourdit et éparpille considérablement la gestion des agents, et rend très difficile l'évaluation prospective et globale des besoins des services publics en emplois et en compétences. Songez que la protection judiciaire de la jeunesse, qui compte 7000 agents, comprend pas moins de 23 corps !
De manière générale, c'est donc tout le thème de la mobilité qui doit être au centre de nos réflexions, - mobilité volontaire, sur la base du libre choix. Il conviendrait pour cela de décloisonner les corps et, finalement, de revenir aux fondamentaux du statut de la fonction publique, qui sépare le grade de l'emploi.
Ensuite, je crois que l'épanouissement professionnel, qui est la clé de la motivation des agents et donc de la qualité du service, mérite que nous développions une approche personnalisée des agents publics. On ne peut plus se contenter d'une gestion purement administrative ; un fonctionnaire, ce n'est pas d'abord un corps et un indice dans une grille ; c'est une personne, un métier, un professionnalisme, une mission et souvent une passion. Ce sont ces réalités-là qui, de plus en plus, devront servir de base aux relations entre l'Etat employeur et les agents publics. Je suis bien décidé à tout faire pour développer cette nouvelle approche : elle suppose aussi que nous abordions les agents publics dans toute la diversité de leurs situations. Car, on ne le dit pas assez, les inégalités au sein de la fonction publique, voire les injustices, sont nombreuses. Nous en connaissons tous. Je veux y mettre un terme très rapidement, non seulement parce qu'elles sont des injustices, mais aussi parce que l'Etat a un devoir d'excellence et d'exemplarité au sein de la Nation.
C. Ouvrir la fonction publique à la diversité sociale
Voilà qui m'amène au troisième constat : la fonction publique ne ressemble pas encore suffisamment à la France et aux Français. Je crois que la fonction publique ne joue plus suffisamment son rôle d'intégrateur social, de promoteur du mérite et des compétences au sein de la Nation.
Cette fonction historique, qui fait la noblesse de notre Etat, doit être puissamment revitalisée.
Oh, l'Etat est prompt à donner des leçons, mais il n'applique pas toujours lui-même ses bons préceptes : diversité sociale et culturelle, meilleure place des femmes dans les postes de direction, accès à l'emploi des seniors et des personnes handicapées, - sur ces quatre thèmes, la Fonction publique se montre souvent plus discriminatoire que la société civile.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes :
- Alors qu'un fonctionnaire sur deux est une femme, seule 1 poste de direction sur dix est occupée par une femme.
- Les personnes handicapées représentent 4,33% des fonctionnaires, hors éducation nationale. La situation est donc vraisemblablement moins bonne, au total, que dans le secteur privé.
- Enfin, alors que près de 40% des jeunes gens sortent du système scolaire sans le BAC, ils ne sont que 10% au sein de la fonction publique. Et 35% des lauréats de concours de Catégorie C sont titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur.
Nous ne devons pas rester les bras croisés devant cette situation : contre l'injustice, le volontarisme n'est pas une posture, mais une véritable solution! Aussi je suis décidé à vous proposer des mesures audacieuses qui nous permettrons de rendre l'Etat à sa vocation de laboratoire de l'égalité républicaine.
J'ai des propositions à faire, relatives à l'emploi des jeunes et des seniors. Mais j'y reviendrai.
Mesdames et Messieurs, vous le voyez, nos impératifs sont simples :
Action au service du public, mobilité volontaire des agents, équité au sein de l'Etat, - telles sont les trois grandes exigences qui devront, j'en ai la conviction, nous guider dans les mois à venir.
Tel est l'esprit de mon action.
Laissez-moi maintenant vous dire quelques mots de la méthode.
II. LA METHODE : DIALOGUER, NEGOCIER, AVANCER
Elle tient en trois mots : dialoguer, négocier, avancer.
Je crois en effet que nous avons l'obligation de renouer le dialogue, et pour cela d'abandonner la logique des chiens de faïence, figés dans leur splendide immobilisme.
A. L'enjeu : des relations constructives entre les partenaires sociaux
L'enjeu de ce grand défi, c'est la construction d'une relation stable, constructive, responsable entre les partenaires sociaux ; une relation qui établisse chacun dans une position de reconnaissance réciproque et de sérénité, une relation où la politique, les prises de position tribuniciennes, l'autoritarisme aussi, reculent au profit de la véritable négociation.
Je souhaite donc que nous réfléchissions en profondeur aux conditions, au fonctionnement, aux cadres de notre dialogue -avec un seul objectif : construire dans la durée un partenariat apaisé et efficace.
Pour cela, nous devrons nous interroger sur le caractère de la négociation : doit-elle ou non être obligatoire ? Et si oui, quel champ fixer à cette négociation ? Ensuite, quel type d'accord devons-nous privilégier ? Un accord majoritaire est-il exigible ?
Quelle valeur donner aux accords?
Bref, quelles sont les relations les plus fertiles pour le dialogue social ? Ces questions, je veux que nous ayons le courage de les soulever, car nul ici ne peut considérer la situation présente comme idéale. L'immobilisme n'est pas mon credo.
L'Etat pour sa part, ne renoncera pas à ses responsabilités d'employeur ; comme patron, l'Etat a, lui aussi, le devoir de ne pas bloquer tout progrès par des dispositifs trop contraignants. Mais il faut que tout le monde avance !
B. Comment retrouver le chemin du dialogue
Pour l'heure, nous devons reprendre le chemin de la négociation.
Je vois deux conditions à cela :
Il convient premièrement d'aborder un nombre très resserré de sujets, sur lesquels nous sommes susceptibles d'aboutir rapidement.
Nous ferons ainsi, d'emblée, d'une pierre deux coups : non seulement nous avancerons sur deux ou trois questions, mais encore nous nous prouverons à nous-mêmes que des accords négociés sont possibles.
Je propose donc que nous travaillions de manière séquentielle, sans lancer trop de sujets à la fois.
Forts de ces premiers pas, et le succès appelant le succès, nous pourrons reprendre la route d'une négociation régulière et féconde.
La deuxième condition, c'est d'admettre, d'un côté comme de l'autre, la règle du " donnant-donnant ". Négocier, ce n'est pas vouloir imposer sa décision, mais préparer un terrain d'entente.
Aucun effort ne saurait donc être demandé sans une certaine contrepartie. Cette règle est valable des deux côtés de la table de négociation.
A mon sens, l'Etat-employeur ne doit jamais oublier qu'il est le " DRH " de la fonction publique, et que les agents sont des professionnels comme les autres, qui réclament légitimement un certain intéressement aux efforts consentis ; symétriquement, les syndicats ne doivent pas oublier que l'Etat est garant de l'intérêt général et des deniers publics. S'adresser à l'Etat, c'est aussi s'adresser à tous les Français, c'est-à-dire -pourquoi ne pas le dire ? - aux contribuables et à leurs intérêt, également légitimes.
C.et établir une négociation durable
Une fois le dialogue repris, je crois qu'il nous faudra pérenniser l'usage de la négociation. Rien de mieux pour cela, à mon sens, que d'en faire un rendez-vous régulier, institutionnel, dépassionné.
A cette fin, il conviendrait d'instituer une négociation périodique, dont l'Etat n'aurait pas à prendre l'initiative; le dialogue deviendrait ainsi naturel, et toutes les parties prenantes seraient tenues de se préparer constamment, - sans dramatisation.
Je veux vous dire aussi tout le prix que j'attache, dans cette négociation républicaine, à la force des syndicats. Le vrai dialogue social, comme le prouvent tous les pays les plus avancés dans ce domaine, s'appuie toujours sur des syndicats puissants. A ce titre, je suis très attaché à ce que l'on ne favorise pas d'éparpillement syndical, et que les règles actuelles de la représentativité continuent de prévaloir.
Enfin, je tiens à dire que je suis particulièrement attaché à l'existence du statut de la fonction publique. Autant je pense qu'il doit pouvoir être amélioré, dans l'intérêt même des agents et du service, autant je crois qu'il constitue le fondement même de la conception française du service public.
Reprise du dialogue, culture de la négociation, avancées rapides. Tels sont les points essentiels de la méthode.
J'en viens donc maintenant, pour finir, aux points précis, et au calendrier.
III . LES GRANDS SUJETS
A. trois sujets prioritaires : le dialogue social, les carrières longues et les agents non titulaires
J'évoquerai d'abord trois grands sujets prioritaires, dont je souhaite qu'ils donnent lieu à des négociations ou concertations immédiates : le dialogue social, les carrières longues et la gestion des agents non titulaires.
1. Un dialogue social plus efficace
Sur le premier sujet, trois points essentiels qu'il nous faut regarder : la mise en place d'une négociation sociale régulière entre tous les partenaires sociaux, son champ, ses modalités et ses effets ; le fonctionnement des Comités techniques paritaires, qu'il nous faut améliorer, pour les rendre à la fois plus constructifs et moins dévoreurs de temps ; enfin, l'amélioration du dialogue social local en lien avec les pôles de compétence et la LOLF.
Sur ces trois sujets, des réunions de travail seront organisées dès la semaine prochaine ; la négociation s'ouvrira le 21 juin, avec l'objectif d'aboutir avant la mi-juillet. Encore une fois, nous devons avoir la volonté ferme d'avancer sur quelques points, même si, au terme de la négociation, tous les aspects ne sont pas réglés. La perfection n'est pas de ce monde et il me semble valoir mieux faire une avancée qui améliore les choses, quitte à se donner un nouveau rendez-vous pour aller plus loin.
2. Les carrières longues : une question d'équité
Le deuxième sujet prioritaire, ce sont les carrières longues au sein de la fonction publique. Nous abordons là une question d'équité élémentaire ; en effet, vous le savez, depuis la réforme des retraites au 1er janvier dernier, les salariés du secteur privé ayant commencé à travailler très jeunes (14,15 ou 16 ans) peuvent partir à la retraite plus tôt. Ce n'est pas le cas dans la fonction publique. Nous devons donc rétablir l'équilibre. Mais équité ne signifie pas égalité mécanique : la solution que nous construirons ensemble devra tenir compte de la situation des fonctionnaires vis-à-vis de leur retraite, qui demeure spécifique. Il m'importe de mettre en place une solution le plus rapidement possible, c'est-à-dire dans un délai qui n'exclue aucune classe d'âge du bénéfice d'un départ anticipé. C'est pourquoi je propose que nous rentrions en négociation dès le 4 juin sur cette question, sur la base d'une proposition que je vous ferai au nom du Gouvernement.
3. Les agents non titulaires
Enfin, j'en viens au troisième sujet : la situation des agents non titulaires de la Fonction publique qui en compte actuellement 600 000.
Deux raisons nous font un devoir d'y réfléchir activement et rapidement.
D'abord, la transposition d'une directive de 1999, qui encadre le recours aux contrats à durée déterminée, et nous enjoint de limiter la durée de leur reconduction avant l'obligation d'instaurer une relation de travail à durée indéterminée. Nous sommes dans l'obligation de faire à la Commission Européenne la preuve de notre bonne volonté avant l'été, en proposant une solution.
Ensuite, et pour aller sur le fond, nous ne pouvons nous satisfaire du développement de la précarité au sein de la fonction publique. Je suis donc déterminé à réfléchir avec vous, dans un second temps, aux conditions du recours aux contractuels - recours qui est souvent la rustine d'une gestion des ressources humaines trop peu imaginative.
Pour la première étape du traitement de la question des non-titulaires, c'est-à-dire la transposition de la directive européenne, je vous proposerai une concertation sur la base d'un projet de texte que je vous soumettrai prochainement.
Avant d'engager la deuxième j'ai besoin d'encore un peu de temps. Mais d'ici là, j'ai demandé au Directeur de l'Administration et de la Fonction Publique de réaliser, avec vous un bilan intermédiaire de la mise en uvre du dernier accord sur la résorption de la précarité en 2000. Je crois qu'une réunion est déjà prévue sur ce sujet d'ici quelques semaines.
Je vous l'ai dit, j'ai bon espoir que nous parvenions rapidement à des accords sur ces trois sujets par la voie de la concertation ou de la négociation.
Forts de cette première expérience, je propose que nous ouvrions, dès l'automne, une négociation salariale.
D'ici là, nous aurons pu acquérir une meilleure vision des perspectives de croissance et des marges de manuvre de l'Etat en matière budgétaire.
B. La négociation salariale : une approche différenciée
Mesdames et Messieurs,
Je vous annonce donc l'ouverture d'une négociation salariale à l'automne.
Je ne veux pas à ce stade m'avancer car l'été nous permettra de définir nos marges de manuvre, notamment pour les mesures générales. Mais sachez que je suis particulièrement attaché à deux sujets d'importance:
1. Le SMIC
-d'abord la comparaison de la rémunération minimale dans la fonction publique et du SMIC ; les hausses successives prévues dans le cadre de la convergence des SMIC conduiront en effet le SMIC à dépasser le minimum fonction publique au 1er juillet 2005. Ce dépassement sera inédit par son ampleur et appellera une solution à la hauteur du problème : c'est une question de justice sociale d'une part et d'attractivité de la fonction publique d'autre part. Mon analyse est que le problème ne se posera pas au 1er juillet 2004, le SMIC restant inférieur au minimum fonction publique : toutefois, si cela ne devait pas être le cas, je m'engage à prendre dès 2004 les mesures immédiates qui s'imposeront.
2. La grille de la catégorie C
-ensuite, et plus généralement, nous devrons aborder de manière responsable la question des bas salaires au sein de la catégorie C. C'est là un problème essentiel : car une grille trop écrasée présentant des espaces indiciaires trop resserrés, des carrières trop courtes qui plafonnent rapidement sans perspectives de promotion composent un paysage peu motivant, peu favorable à l'épanouissement des agents et peu attrayant pour les candidats aux emplois de catégorie C. Nous devons leur redonner de l'air et dégager leur horizon de carrière. La problématique des carrières en catégorie C renvoie plus largement à celle de la mobilité verticale qui reste à mon sens très insuffisante et offre à trop d'agents la perspective d'une fin de carrière en " cul-de-sac ", sans perspective d'évolution fonctionnelle et salariale.
C. Les cadres et l'encadrement intermédiaires
Enfin, je tiens à vous dire l'attention que je compte apporter à la situation des cadres ; nous devons en particulier repenser deux points : les progressions de carrière des cadres intermédiaires, qui constituent l'ossature de la Fonction Publique ; et leur accès aux responsabilités.
Trop souvent, en effet, les cadres plafonnent avant d'atteindre le sommet de leur carrière, en restant de nombreuses années sans aucune progression d'échelon. Nous devrons donc trouver les moyens d'améliorer les corps de catégorie A " type ", telle ceux des attachés d'administration centrale.
Par ailleurs, nous devrons ouvrir aux cadres un plus large accès aux fonctions de niveau supérieures.
D. Le Projet de Loi : Retrouver nos valeurs fondatrices
Parallèlement à cette négociation salariale, je souhaite présenter, en octobre, mon Projet de Loi sur la Fonction publique. Nous ne partons pas de rien, loin de là. Mais je veux aller plus loin, et faire de cette future loi une véritable loi d'orientation pour la fonction publique, dans ses trois composantes.
Je pense en effet que la fonction publique, qui est le cur du modèle français, mérite qu'on fasse pour elle ce qui a été accompli, de manière consensuelle (avec la LOLF), pour les finances publiques : une grande rénovation qui redonne une intelligibilité, un dynamisme, une souplesse au système tout entier.
Je prévois donc deux grands volets, organisés autour des deux valeurs fondatrices de la République : l'égalité et la liberté.
Outre la question du dialogue social et des non titulaires que j'évoquais tout à l'heure, et qui devront figurer dans cette loi, je crois en effet que nous devons aborder, avec audace, un certain nombre de grandes questions, restées sans réponse jusqu'ici. Des questions qui hantent l'esprit de chacun, qui sont souvent l'objet de conversation privées, et trop rarement celui des décisions publiquesJ'ai donc décidé de les mettre au centre de nos réflexions.
1. Promouvoir l'Egalité
Des questions d'égalité :
a). L'égalité d'accès pour les jeunes : le " contrat de métier "
-l'égalité d'accès à la fonction publique, d'abord. Nous ne pouvons en effet nous contenter d'observer passivement l'évolution d'une fonction publique qui reproduit de plus en plus les inégalités socio-culturelles, au lieu de jouer son rôle de moteur de la promotion sociale. Ce renoncement serait grave de la part de l'Etat.
Nous devons donc inventer de nouvelles formes d'accès à la fonction publique et valoriser les expériences acquises.
Je crois en particulier que la situation des jeunes de 16 à 25 ans, ayant peu de qualifications, doit retenir notre attention. Vous le savez, ces jeunes se trouvent pratiquement hors course a priori, du fait des conditions de diplôme très restrictives et surtout du phénomène galopant de surqualification des agents publics. Face à une telle situation, je souhaite proposer une mesure audacieuse : le " contrat de métier ". De quoi s'agit-il ?
Eh bien, d'une nouvelle forme de contrat en alternance, qui offrirait aux jeunes gens, sélectionnés sur entretien, une formation diplômante et leur ouvrirait à terme la porte de la fonction publique.
Il s'agirait ainsi de rendre à la Fonction publique une de ses fonctions historiques, qui est d'aller chercher là où ils sont les jeunes français qui souffrent d'une exclusion sociale persistante, pour les former à un métier au sein du service public. Je vous ferai très prochainement des propositions sur ce projet.
b). Pour les seniors
Par ailleurs, nous devons imaginer des solutions pour faciliter l'emploi des seniors au sein de la Fonction Publique, car les demandeurs d'emplois de plus de cinquante ans souffrent dans notre pays d'une exclusion tenace. Pour que la Fonction Publique montre l'exemple aussi dans ce domaine, je veux ouvrir avec vous une discussion sur la suppression des limites d'âges à l'entrée dans la fonction publique ; je prendrai comme support la proposition de loi de M. Serge Poignant qui a été adoptée en première lecture à l'Assemblée Nationale, et sur laquelle je souhaite recueillir votre avis avant que le Parlement ne poursuive son examen.
Le " contrat de métier " dont je vous parlais tout à l'heure pourrait aussi trouver une déclinaison pour permettre à des seniors à la recherche d'un emploi de réussir une reconversion dans un des nombreux métiers publics.
c). Lutter contre les discriminations
Mesdames et Messieurs,
Dans la fonction publique aussi, dans la fonction publique d'abord, nous avons le devoir de mettre l'imagination au service de la cohésion sociale !
Sans qu'il soit question d'établir des quotas, qui sont contraire à la règle d'égalité républicaine, je veux établir un suivi très précis de la lutte contre la discrimination au sein de la fonction publique : autrement dit, je veillerai personnellement à ce qu'aucune discrimination ne s'exerce, et à ce que la fonction publique ressemble de plus en plus à la France et aux Français. L'observatoire de l'emploi public m'aidera dans cette mission, et croyez-moi, les choses vont changer !
2. Liberté : Favoriser la mobilité volontaire
Mais la cohésion sociale ne va pas sans liberté :
C'est pourquoi je souhaite favoriser la mobilité volontaire des agents et le dynamisme dans le déroulement des carrières.
Plusieurs rapports sont parus, vous les connaissez. Je crois que les diagnostics sont convergents : les agents souffrent du cloisonnement excessif, des rigidités, du manque de perspective. Qu'il s'agisse d'exercer son métier dans une administration voisine, d'entamer une seconde carrière, d'obtenir un détachement, - les procédures sont un vrai parcours du combattant, propre à décourager les plus tenaces !
Un décloisonnement de grande ampleur est donc nécessaire. La fusion ponctuelle de deux corps, ici et là, ne saurait suffire ; il nous faut envisager les choses de plus haut
Dans cette réflexion, qui doit être ambitieuse et sans précipitation, il existe un exemple, celui de la Fonction Publique Territoriale : la gestion des corps et des carrières qui y prévaut sait faire preuve d'une souplesse et d'une efficacité qui pourraient inspirer le fonctionnement de toutes les Fonction Publiques.
Mais il existe en réalité plusieurs solutions : revoir profondément les règles de détachement en ouvrant beaucoup plus le droit à celui-ci, en tenant compte des problèmes indemnitaires et des question d'avancement dans les corps d'accueil. Provoquer je l'ai dit des fusions de corps beaucoup plus amples. Enfin entrer dans une logique très ambitieuse de cadres de fonctions. Je souhaite que nous puissions regarder sans préalable l'ensemble des solutions car il faut donner de nouvelles libertés aux fonctionnaires.
Vous l'aurez compris, l'idée centrale de cette grande loi, l'esprit qui, selon moi, doit présider à son architecture, c'est l'exemplarité et l'attractivité de la fonction publique, en particulier envers les jeunes générations qui n'envisagent guère de suivre des carrières linéaires et envers tous ceux qui veulent diversifier leurs carrières.
La fonction publique doit offrir l'exemple d'un dialogue social constructif, l'exemple d'une politique d'embauche équitable, d'une gestion des ressources humaines à la fois juste et efficace, d'un souci permanent de la cohésion sociale et de l'épanouissement professionnel.
A la réalisation de ce modèle républicain, nous travaillerons ensemble dans les semaines et les mois qui viennent ; sur ce chemin, un puissant motif nous guidera, une permanente préoccupation nous animera : le souci d'améliorer le service du public, -qui est la raison d'être de l'Etat et l'honneur de tous les agents publics de France.
Je vous remercie.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 12 mai 2004)